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06/06/2024 | FRANCE | N°21/00321

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juin 2024, 21/00321


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

mm

N° 2024/ 206









Rôle N° RG 21/00321 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYCO







[P] [G]

[V] [R] épouse [G]

[W] [G]

[O] [G]





C/



[A] [K]

[B] [N] épouse [K]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON

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SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY







Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 18 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00088.





APPELANTS



Monsieur [P] [G]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Séverine...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

mm

N° 2024/ 206

Rôle N° RG 21/00321 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYCO

[P] [G]

[V] [R] épouse [G]

[W] [G]

[O] [G]

C/

[A] [K]

[B] [N] épouse [K]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON

SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS en date du 18 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00088.

APPELANTS

Monsieur [P] [G]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [V] [R] épouse [G]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Monsieur [W] [G]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [O] [G]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [A] [K]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Maxime PLANTARD de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [B] [N] épouse [K]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Marc MAGNON, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Mme Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE :

[P] [G], [V] [R] épouse [G], [W] et [O] [G], ci-après les consorts [G] et les époux [A] et [B] [K] sont propriétaires de fonds contigus sur la commune de [Localité 4]( 04). Se plaignant de l'aggravation de l'écoulement des eaux pluviales sur leur fonds, par insuffisance du drainage des eaux pluviales en provenance du fonds des époux [K], les consorts [G] ont fait réaliser une première expertise amiable, le 5 juin 2014 , puis une nouvelle expertise confiée à l'entreprise SARETEC CONSTRUCTION qui a remis un rapport le 19 avril 2016, concluant à un défaut de drainage des eaux provenant du fonds supérieur des époux [K].

Par ordonnance de référé du 17 novembre 2016, les consorts [G] ont obtenu la désignation de Monsieur [M] comme expert, lequel a déposé son rapport le 7 février 2018.

Par exploit introductif d'instance en date du 12 juin 2018, les consorts [G] ont fait délivrer assignation aux époux [K] afin de voir

' Dire que les époux [K] ont engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard des consorts [G] du chef des aménagements et raccordements insuffisants de leur fonds,

' Condamner les défendeurs à réaliser les travaux préconisés par l' expert et décrits dans les devis des entreprises PESCE et Atelier VERNUCCI(22219 euros HT) sous le contrôle d'un maître d''uvre et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois de la signification de la décision,

' Donner acte aux demandeurs qu'ils acceptent de laisser libre accès à leur propriété aux fins de réalisation des travaux,

' Condamner les défendeurs au paiement d'une somme de 3000 euros au titre des frais de justice .

A l'appui de leurs demandes , les consorts [G] ont fait valoir que les eaux provenant du fonds supérieur ne relevaient pas de l'écoulement naturel des eaux pluviales et de la servitude d'écoulement grevant les fonds inférieurs en application de l'article 640 du code civil; que l'écoulement des eaux provenant du fonds supérieur avait été aggravé par les aménagements réalisés par les époux [K] sur leur fonds, à savoir l'imperméabilisation importante du fonds supérieur, 925 m² de surface de ruissellement, et l'aménagement insuffisant ou inadapté de canalisations à la configuration du fonds.

Ils ont invoqué également la violation des dispositions réglementaires d'urbanisme applicables à la zone(PLU), qui prévoit que les eaux de ruissellement doivent être collectées et dirigées vers le réseau public ou vers un exutoire naturel mais pas sur les voies et emprises publiques et celles du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) de la commune, imposant l'obligation de mettre en place une récupération des eaux de ruissellement et leur évacuation des abords de la construction par un dispositif de type caniveau.

Ces manquements étaient selon eux à l'origine de désordres tels que des inondations de leurs fonds et des désordres supportés par les piliers de leur portail.

Les époux [K] ont conclu au débouté au motif que la faute et l'origine causale des désordres n' étaient pas démontrées en l' état de la configuration naturelle des lieux; à titre subsidiaire, ils ont demandé au tribunal de dire n'y avoir lieu à condamnation exclusive et de  limiter les travaux de reprise à ceux préconisés par les devis [Z] et [D], avec prise en charge par moitié par les parties ; outre 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Ils ont fait valoir que la présence d'eau de pluie sur le fonds des demandeurs avait plusieurs causes : l'eau de pluie de leur propre fonds qui n' était pas canalisée, l'écoulement naturel sur le chemin d'accès et le déversement des eaux de la voirie située en amont de leurs deux fonds.

Par jugement rendu le 18.11.2020, sur le fondement des articles 640 et 681 du code civil, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a débouté les consorts [G] de leurs demandes et donné acte à Monsieur [K] de sa proposition de travaux d'amélioration à partir des devis [Z] ou [D] avec prise en charge par moitié par les parties,

Condamné in solidum les consorts [G] à payer aux époux [K] la somme de 1000 € en application de l' article 700 du code de procédure civile,

Condamné in solidum les consorts [G] à supporter les entiers dépens de la procédure qui comprendront les frais d'expertise ,

Ordonné l' exécution provisoire de la décision.

Les consorts [G] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 8 janvier 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions notifiées le 6 décembre 2022 par les consorts [G] qui demandent, au visa des articles 640 et 1240 du Code Civil,

Vu le Plan Local d' Urbanisme et le Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles de la commune de [Localité 4],

Réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Digne-les-Bains le 18 novembre 2020 et, statuant à nouveau,

Débouter Monsieur et Madame [K] de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions;

Juger que les époux [K] ont, par les aménagements réalisés sur leur fonds, aggravé la servitude légale instituée à l'article 640 du code civil ;

Juger que les époux [K] ont engagé leur responsabilité civile délictuelle à l'égard des consorts [G] relativement aux aménagements et au raccordement insuffisant de leur fonds ;

En conséquence,

Condamner Monsieur et Madame [K] à réaliser les travaux tels que préconisés par l'Expert [M], et décrits dans le devis PESCE du 14 décembre 2017 et dans le devis ATELIER VERNUCCI du 29 janvier 2018;

Condamner Monsieur et Madame [K] à exécuter ces travaux sous le contrôle d'un maître d''uvre conformément aux préconisations de l'Expert ;

Assortir cette condamnation d'une astreinte de 500,00 € par jour de retard, commençant à courir passé un délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir ;

Donner acte aux consorts [G] de ce qu'ils acceptent dès à présent de laisser un libre accès à leur propriété aux entreprises venant réaliser les travaux ;

Condamner Monsieur et Madame [K] à verser aux consorts [G] la somme de 3.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux entiers dépens de l' instance, en ce compris les dépens afférents à la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire et les frais d'intervention de Monsieur [X] [U], expert.

Vu les conclusions notifiées le 15 avril 2021 par les époux [K] tendant à :

A titre principal,

Obtenir le débouté des consorts [G] de l'ensemble de leurs demandes au motif qu'ils ne démontrent pas la faute des époux [K] dans l'origine de leurs désordres qui est amplement partagée par la configuration naturelle des lieux de sorte que le juge de céans ne saurait les condamner exclusivement.

A titre subsidiaire,

Ils sollicitent, sur la base du rapport PROVENCE EXPERTISE BATIMENT, d' effectuer les travaux tels que préconisés par l'expert, selon le devis [Z] ou [D] et ce avec une prise en charge de moitié entre chacune des parties.

En toutes hypothèses, débouter les consorts [G] de leurs demandes fins et conclusions.

Confirmer la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1.000 euros en première instance,

Condamner solidairement les consorts [G] à payer à Monsieur [K] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.

Condamner solidairement les consorts [G] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

MOTIVATION :

Sur le fondement de l'action des consorts [G] :

L'action des appelants est fondée sur les dispositions des articles 640 et 1240 du code civil.

Aux termes du premier de ces textes : «  Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »

Selon l'article 1240 du code civil applicable à la date du 1er octobre 2016, anciennement 1382 du même code : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Les consorts [G] considèrent que les eaux provenant du fonds [K] ne résultent pas de l'écoulement naturel, dans la mesure où les aménagements réalisés sur le fonds supérieur, en l'occurrence la réalisation de 167 m² de dalles bétonnées, ont largement aggravé cet écoulement, en provoquant une imperméabilisation importante du sol.

Ils ajoutent que l'expert [M] a pu mettre en avant le caractère largement insuffisant des raccordements réalisés par M. et Mme [K] pour récolter leurs eaux. Ces deux facteurs combinés étant la cause des graves inondations que subit le fonds des concluants à l'occasion de chaque épisode pluvieux présentant une relative importance .

Ils font valoir que ces importantes arrivées d'eau dégradent fortement les piliers du portail de leur propriété.

Ils considèrent que les manquements des époux [K] à leurs obligations résultant de l'article 640 du code civil, s'analysent en une faute de nature à engager leur responsabilité délictuelle.

Ils critiquent le jugement en ce que le tribunal a jugé que les eaux ruisselant sur le fonds [G] résulteraient de manière prépondérante des eaux pluviales de toiture relevant des articles 681 et 640 du code civil, que la quantité d'eau provenant de l'imperméabilisation artificielle du sol serait négligeable, au regard de l'écoulement naturel, et que dès lors, la preuve d'une faute résultant de l'aggravation de la servitude légale instituée à l'article 640 du code civil ne serait pas rapportée.

Ils soutiennent, au contraire, que s'il est possible d'admettre que par principe les eaux pluviales s'écoulant depuis les toitures entrent dans le cadre de la servitude de l'article 640 du code civil, il en va différemment lorsque ces eaux sont canalisées artificiellement pour être dirigées directement en direction du fonds contigu, ce qui est le cas en l'espèce . Ils exposent que les eaux recueillies par les toitures de « la zone 1 » se déversent sur les dalles nouvellement créées et sont dirigées par le caniveau grille en direction du regard situé à l'angle Sud Est de la propriété [K], avant de déborder sur la propriété [G]. Ils estiment que cette situation révèle en conséquence une aggravation de la servitude d'écoulement des eaux .

Ils font valoir également qu' outre l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux résultant de l'article 640 du code civil, les époux [K] peuvent voir leur responsabilité recherchée sur le fondement délictuel pour avoir contrevenu aux dispositions réglementaires urbanistiques applicables à la zone , à savoir :

' L'article UC 4 du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 4] annexé au rapport [M], qui stipule que : «  les eaux de ruissellement seront collectées et dirigées soit vers le réseau public d'eaux pluviales, s'il existe, soit vers un exutoire naturel, mais en aucun cas sur les voies ou emprises publiques ;

' Le plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de [Localité 4] qui prévoit  l'obligation de mettre en place «  la récupération des eaux de ruissellement et son évacuation des abords de la construction par un dispositif de type caniveau ».

A cet égard , ils expliquent avoir fait réaliser, depuis le jugement, une expertise hydraulique par M [U], expert judiciaire, lequel conclut, comme M [M], que les travaux réalisés sur le fonds [K] ont augmenté les volumes de ruissellement qui s'écoulent vers le fonds inférieur des consorts [G]. Et relevé également que la propriété [K], située en zone fortement exposée au risque de retrait-gonflement des argiles ne respecte pas le §4 du règlement du PPRNP prévoyant la « récupération des eaux de ruissellement et son évacuation des abords de la construction par un dispositif de type caniveau », alors que les propriétaires des constructions existantes avaient 5 ans pour se mettre en conformité avec cette disposition, à compter de l'approbation du plan de prévention en décembre 2012.

Les intimés répliquent en substance que :

' Les entrées d'eaux de pluies sur le terrain des demandeurs ne proviennent pas majoritairement du terrain appartenant aux concluants.

' Les traces d'humidité des piliers du portail [G] peuvent être attribuées au ruissellement passant au pied des piliers et ne peuvent être directement imputées aux arrivées d'eau en provenance de la propriété [K].

' La présence d'eau de pluie sur leur terrain provient de multiples causes.

' En premier lieu, de leur propre eau de pluie, qui tombe naturellement sur leur terrain et qui n'est pas canalisée.

' En second lieu, de l'écoulement naturel de leur chemin d'accès, qui n'appartient pas aux époux [K].

' En troisième lieu, du déversement de la voirie située en amont des fonds [K] / [G].

' Dès lors, solliciter la condamnation des époux [K] à exécuter à leurs seuls frais l'intégralité des travaux, reviendrait à leur faire prendre en charge l'intégralité des conséquences de l'écoulement naturel des eaux de pluie, dont ils ne sont responsables que très partiellement.

' A titre subsidiaire, et si le juge de céans devait faire reposer la charge des travaux même partiellement sur les concluants, les époux [K] ont sollicité l'avis d'un autre expert, la société PROVENCE EXPERTISE BATIMENT, laquelle a établi un rapport le 19 septembre 2018.

' Aux termes de ce rapport, il apparaît que la configuration des lieux présente trois zones distinctes :

- D'une part le terrain [K] qui se trouve en contrebas, à 1,5 mètre de la route,

- D'autre part, le chemin d'accès qui est latéral au terrain [K], et qui accuse une pente de 5 % avec un revêtement bitumé,

- Et enfin, le terrain [G] qui, à l'origine, avant décaissement par les auteurs des consorts [G], était au même niveau que celui des époux [K],

' Cet expert précise que les résurgences d'humidité constatées contre la maison [G] proviennent de différentes causes.

' Il a tenté néanmoins de trouver des solutions et propose la pose d'un « Bidim » fixé sur le rebord du muret actuel, avec un drain agricole posé sur une tranchée sur toute la longueur du terrain, soit 37 mètres linéaires et raccordement au collecteur communal situé à proximité.

' Cet expert propose un partage équitable de responsabilité à 50/50 et il évalue les travaux à la somme de 7.334,25 euros selon le devis [Z] ou 7.860 euros selon le devis [D].

Sur le rapport d'expertise :

Il ressort du rapport d'expertise de M [M] les éléments d'analyse suivants :

' Les deux propriétés appartiennent à un versant de pente régulière vers le Sud Est. Le fonds des époux [G] se situe en position aval par rapport à celui des époux [K]. En partie Nord Est se situe le chemin d'accès commun , débouchant sur le portail d'entrée de la propriété [G] et longeant la propriété [K] sur son côté Nord Est. Les deux propriétés se touchent par un muret séparatif commun.

' Sur la propriété [K] se trouve un caniveau grille, profond de 15 cm, bordant la terrasse amont de la propriété . Ce caniveau débouche dans une canalisation PVC longeant la bordure de la propriété vers le Sud Est et débouchant à l'air libre sur une dalle béton située entre la maison et la clôture Nord Est. A l'extrémité Sud Est de cette dalle se situe un regard collecteur qui possède une légère bordure et un trop plein. A l'intérieur de ce regard il existe une sortie de diamètre 80/90 mm traversant la voie d'accès et rejoignant le fossé communal qui longe la propriété [G] sur son côté Nord Est.

' Le trop plein envoie les eaux vers l'angle Est de la propriété [K]. Dans cet angle, il existe une ouverture de quelques centimètres de diamètre permettant aux eaux de rejoindre un caniveau grille situé devant le portail d'entrée de la propriété des consorts [G]. Ce caniveau possède un exutoire dans le fossé communal comportant une demi-buse en fond, susceptible de permettre l'écoulement des eaux.

' L'expert note que selon une vidéo produite par M [G], datée du 5 février 2014, on peut observer des arrivées d'eau importantes depuis l'angle Est de la propriété [K]. L'expert relève également que l'insuffisance de raccordement des eaux pluviales sur le fonds [K] a pour effet des arrivées d'eau par débordement au dessus du muret de clôture mitoyen, surtout dans sa partie Sud Est, d'après les vidéos visualisées. L'expert a constaté à cet égard que le muret séparatif en limite Sud Est de la propriété [K] n'était pas suffisamment haut et que, dans l'angle Sud, son niveau était même plus bas que la dalle béton qu'il borde ce qui favorise les apports d'eau vers la propriété [G].

' S'agissant des désordres, l'expert a observé des fissures dans la rampe d'accès menant du garage de la propriété [G] au portail d'entrée. Toutefois, s'agissant d'une dalle non ferraillée , sans joints de fractionnement, et sur sol argileux, les arrivées d'eau de ruissellement sur la dalle ne peuvent être considérées comme la cause de ces désordres, mais simplement un facteur aggravant.

Les traces d'humidité à la base des piliers du portail peuvent être attribuées aux eaux de ruissellement passant au pied des piliers . En revanche les traces d'humidité visibles au bas des murs du garage des consorts [G] ne peuvent être imputées à des eaux de ruissellement s'infiltrant sous la surface du sol, depuis le fonds [K] en passant sous la fondation du muret de clôture.

' Afin de remédier aux apports d' eau en provenance du fonds [K], l'expert a préconisé le remplacement du muret séparatif des deux propriétés par un muret d'au moins 50 cm de hauteur, qui devra être construit en béton banché ferraillé, avec une fondation d'au moins 50 cm de haut et 40 cm de large. Il a également prévu, le remplacement du regard collecteur de la dalle sous dimensionné par un caniveau grille de 3,8 m de long, relié à un nouvel exutoire pouvant accueillir un débit de 21m3/heure. Afin de récolter les eaux de l'autre moitié de la propriété, compte tenu des pentes, l'expert a également prévu la mise en place d'un caniveau contre le nouveau muret Sud Est, avec exutoire dans l'angle Est de la propriété [K] se jetant dans un autre caniveau grille de même dimension devant l'entrée de la propriété [G].

' L'expert a chiffré le coût des travaux à la somme de 19626 euros HT selon le devis de l'entreprise PESCE, augmenté du devis de l'entreprise Atelier VERNUCCI d'un montant de 1593 euros HT pour la modification de la palissade après construction du nouveau muret, au total un coût de 21219 euros HT auquel il conviendra d'ajouter 3000 euros HT d' honoraires de maîtrise d''uvre.

Sur l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux et la responsabilité des époux [K] :

Selon l'article 681 du code civil, tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique . Il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.

Cependant, une fois tombées sur son terrain, les eaux peuvent s'écouler sur le fonds voisin dans les conditions fixées par l' article 640 du code civil, sous réserve de ne pas aggraver la servitude d'écoulement pesant sur le fonds inférieur.

Pour débouter les consorts [G] de leurs prétentions , le tribunal a considéré que les eaux pluviales des toitures tombant sur le fonds [K] relevaient ensuite du régime d' écoulement des eaux pluviales de l'article 640 du code civil ; que les eaux pluviales des toitures de la maison [K] tombent de part et d'autre du faîtage et participent pour moitié des eaux drainées par la dalle coulée sur la propriété [K] visible sur les photographies ; qu'une partie des eaux pluviales ruissellent directement sur le sol artificiel constitué de la dalle ; qu'une partie des eaux de ruissellement passant sur la dalle peut basculer dans le chemin d'accès commun aux parties lors de certains épisodes pluvieux, sans qu'il soit établi par l'expertise une mesure des eaux de ruissellement propres de la dalle ; que l'expertise judiciaire n'a pas procédé à la distinction des eaux pluviales et ne permet pas de démontrer par un calcul hydraulique l'existence d'un lien de causalité entre un dommage du fonds inférieur et une partie des eaux de ruissellement résultant d'un écoulement aggravé depuis le fonds dominant.

Le premier juge ajoute que les travaux préconisés correspondent à la suppression pure et simple de la servitude d'écoulement des eaux de ruissellement et que l'appréciation technique, par l'expert, de l'insuffisance du système d'évacuation des eaux de ruissellement ne suffit pas à démontrer que la partie marginale des eaux de ruissellement, ne relevant ni de la servitude d'écoulement des eaux pluviales ni de l'égout de toiture des articles 640 et 681 du code civil, est la conséquence directe d'une aggravation fautive de la servitude d'écoulement.

Cependant, il ressort du rapport d'expertise de M [M] et du rapport d' étude Hydraulique de M [U] , versé aux débats , que la surface de ruissellement de la zone 1, comprenant la dalle devant le garage, a été augmentée depuis 2013 par la réalisation de cette dalle( 126 m²) et la création de la dalle Nord Est( 35 m²). Cette augmentation correspond selon le calcul de M [U], non démenti, à une augmentation de 39 % du volume d'eau de pluie recueilli en zone 1 lors des précipitations. Or , ce volume supplémentaire s'ajoutant aux eaux qui étaient jusque là reçues par les zones non bétonnées est dirigé en totalité vers le regard de la dalle Nord Est par le caniveau grille, profond de 15 cm, bordant la terrasse amont de la propriété. Ce regard étant insuffisamment dimensionné, l'eau déborde et se répand par une ouverture devant le portail d'entrée de la propriété [G], infiltrant au fil du temps le bas des piliers. Cette eau passe également par dessus le muret de clôture séparatif en se répandant sur le fonds des consorts [G] comme le montrent les photographies et vidéos versées aux débats qui permettent de visualiser l'accélération du flux des eaux de ruissellement, du fait des ouvrages bétonnés réalisés sur le fonds [K], et leur concentration à l'angle Est de la propriété des intimés.

Il est donc établi que la réalisation de 161 m² de dalles en béton sur la « zone 1 » a eu pour effet d'aggraver la servitude d'écoulement des eaux de ruissellement sur le fonds [G], faute d'avoir conçu un système de collecte de ces eaux adapté à l'imperméabilisation du sol résultant des dalles réalisées. Il convient d'ajouter que le flux observé, de par sa localisation, n'est pas affecté par le flux des eaux pluviales pouvant s'écouler sur le chemin d'accès commun, ni par les eaux ruisselant sur la route en surplomb de ce chemin.

S'agissant de la zone 2, si la réalisation d'une dalle de 6 m² en partie Sud a eu pour effet d'augmenter légèrement le volume des eaux de pluie recueillies , de l'ordre de 1 % selon M [U], ce qui peut paraître négligeable pour justifier à lui seul une aggravation de la servitude d'écoulement naturel des eaux de ruissellement depuis cette zone, en revanche, les époux [K] devaient se mettre en conformité avec le plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de [Localité 4] au plus tard en décembre 2017. Cette mise en conformité impliquait , « la récupération des eaux de ruissellement et son évacuation des abords de la construction par un dispositif de type caniveau ».

Il est manifeste que ce caniveau, s'il avait été réalisé, aurait permis de recueillir les eaux de ruissellement sur la périphérie de la maison des époux [K], notamment en limite séparative d'avec le fonds [G], diminuant ainsi le flux des eaux s'écoulant depuis le fonds des intimés vers le fonds des appelants, après avoir franchi le muret séparatif.

Ce manquement est donc lui aussi à l'origine d'un écoulement aggravé des eaux de ruissellement sur le fonds inférieur au regard de la réglementation applicable dans la zone considérée.

Ce manquement, comme celui résultant de la réalisation d'ouvrages d' artificialisation du sol, sans mesure compensatoire, constituent des fautes qui engagent la responsabilité des époux [K] et les obligent à réparer le préjudice qui en résulte. Ces manquements les obligent également à réaliser les travaux préconisés par l'expert, de nature à faire cesser l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux de ruissellement.

Les nouveaux devis produits par les époux [K] n'ayant pas été soumis à l'expert judiciaire seront écartés , la cour retenant le devis de l'entreprise PESCE du 14 décembre 2017 complété par le devis de l'entreprise Atelier VERNUCCI du 29 janvier 2018, joints au rapport d'expertise.

Les travaux devront être réalisés par les époux [K] conformément aux travaux décrits dans ces devis, tels que retenus par l'expert [M]. L' utilité d'avoir recours à un maître d' 'uvre est laissée à la libre appréciation des époux [K] qui seront tenus d'une obligation de résultat quant aux travaux à entreprendre.

Il convient de prévoir un délai utile de réalisation des travaux, un mois paraissant trop court compte tenu des plans de charge des entreprises de construction et de génie civil.

Les époux [K] seront tenus de réaliser les travaux ordonnés dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision . Passé ce délai , ils seront tenus au paiement d'une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 10 mois.

Sur le partage du coût des travaux :

Les époux [K] sollicitent à titre subsidiaire une prise en charge de la moitié du coût des travaux par les consorts [G], au motif qu'un partage de responsabilité serait équitable. Toutefois, il ne ressort nullement du rapport d'expertise [M] que les consorts [G] auraient contribué, eux-mêmes, par des travaux réalisés sur leur fonds, à l'aggravation de la servitude d' écoulement des eaux.

Le décaissement du fonds [G], évoqué par les intimés , n'est à cet égard pas établi et cet argument qui n'a pas été soumis à l'expert judiciaire n'a pas été évoqué par ce dernier.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner le partage du coût des travaux à réaliser.

Le jugement est en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes annexes :

Les époux [K] qui succombent en totalité sont condamnés aux dépens de l'entière procédure en ce compris les dépens de référé et le coût de l'expertise judiciaire de M [M]. Le coût de l'expertise amiable de M [U] ne peut être compris dans les dépens .

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des consorts [G].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur et Madame [K] de l'ensemble de leurs moyens, fins et conclusions;

Condamne Monsieur et Madame [K] à réaliser les travaux préconisés par l'Expert [M] et décrits dans le devis PESCE du 14 décembre 2017, et dans le devis de l'entreprise ATELIER VERNUCCI du 29 janvier 2018,

Assortit cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100,00 € par jour de retard, commençant à courir passé un délai de six mois suivant la signification de la présente décision, et ce pendant 10 mois,

Donne acte aux consorts [G] de ce qu'ils acceptent dès à présent de laisser un libre accès à leur propriété aux entreprises venant réaliser les travaux,

Condamne M et Mme [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel , en ce compris les dépens afférents à la procédure de référé et le coût de l'expertise judiciaire de M [M],

Rejette le surplus des demandes des consorts [G] concernant le coût de l'expertise [U] et le recours à un maître d' 'uvre.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur et Madame [K] à verser aux consorts [G] la somme de 3.000,00 € au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00321
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;21.00321 ?
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