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06/06/2024 | FRANCE | N°20/11702

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juin 2024, 20/11702


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 208









Rôle N° RG 20/11702 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGSKC







S.C.I. AVENTURINE





C/



S.A. SOGIMA





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL ABEILLE & ASSOCIES



l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON





Décisio

n déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de marseille en date du 10 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/13820.





APPELANTE



S.C.I. AVANTURINE, dont le siège social est [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

ph

N° 2024/ 208

Rôle N° RG 20/11702 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGSKC

S.C.I. AVENTURINE

C/

S.A. SOGIMA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL ABEILLE & ASSOCIES

l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de marseille en date du 10 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/13820.

APPELANTE

S.C.I. AVANTURINE, dont le siège social est [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

S.A. SOGIMA, dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Jean DE VALON de l'ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

La société Sogima est propriétaire d'un groupe d'immeubles situé à l'angle de la [Adresse 7] et de la [Adresse 6], à l'arrière duquel se trouve une cour, contenant à l'Est, un mur pour partie effondré, au-delà duquel se trouvent les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2], propriété de la SCI Jules Rabatu.

Par ordonnance du 1er septembre 2015, le juge des référés a désigné M. [W] [D] avec pour mission de se rendre sur les lieux litigieux et de rechercher les marques de mitoyenneté du mur litigieux ou les marques contraires, décrire les désordres affectant le mur litigieux, déterminer les causes de ces désordres, leur imputabilité, les moyens propres à y remédier.

Son rapport a été déposé le 16 mars 2017.

Par exploit d'huissier du 11 décembre 2017, la société Sogima a fait assigner la SCI Rabatu afin d'obtenir, au visa des articles 544, 1244 du code civil, l'exécution des travaux préconisés par l'expert et l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- reçu l'intervention volontaire de la SCI Aventurine,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à réaliser un mur de soutènement à semelle en Té, créant un empiétement sur le terrain de la Sogima, suivant la description qui en est faite dans le rapport de l'expert [W] [D] déposé le 16 mars 2017, en ce compris la reconnaissance des limites et la démolition de l'abri poubelle et sa reconstruction,

- assorti cette condamnation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent jugement et pour une période de douze mois,

- dit que 10 % de la somme qui sera nécessaire à l'ensemble de ces travaux tel que décrit ci-dessus sera supportée par la Sogima,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à payer à la Sogima la somme de 4 022,10 euros, TVA en sus, au titre de son préjudice matériel,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à payer à la Sogima la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice immatériel,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à payer à la Sogima la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ainsi que celles plus amples et contraires,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine aux dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré :

- que par exception, le mur de soutènement doit être présumé appartenir à celui dont il soutient les terres et qui en profite, ce qui est le cas du mur en cause, propriété exclusive de la SCI Rabatu dont il soutient les terres et dont il soutenait les constructions qui s'y trouvaient auparavant,

- que l'expertise retient au rang des causes de la dégradation du mur, son changement d'usage sans que soit créé le drainage nécessaire à sa nouvelle fonction,

- que si la société Sogima est pour une portion responsable de l'effondrement en cause, sa responsabilité ne saurait excéder 10 % au regard de l'état du mur, de son absence de fondation et de drainage, causes principales et déterminantes de sa fragilité et de son effondrement,

- qu'au regard des incertitudes quant à la dénomination de la SCI défenderesse, il est fait droit aux demandes de la société Sogima tendant à ce que les condamnations soient prononcées in solidum à l'encontre de la SCI Rabatu et de la SCI Aventurine, aux droits de laquelle celle-ci prétend venir.

Par déclaration du 27 novembre 2020, la SCI Aventurine a interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 18 juillet 2022, la SCI Aventurine demande à la cour de :

Vu les titres anciens et la configuration des lieux,

Vu la nouvelle dénomination de la SCI concluante,

Vu le plan de bornage et les découvertes faites en cours de travaux,

- réformer la décision querellée en ce qu'elle a :

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à réaliser un mur de soutènement à semelle en Té, créant un empiétement sur le terrain de la Sogima, suivant la description qui en est faite dans le rapport de l'expert [W] [D] déposé le 16 mars 2017, en ce compris la reconnaissance des limites et la démolition de l'abri poubelle et sa reconstruction,

- assorti cette condamnation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et pour une période de douze mois,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à payer à la Sogima la somme de 4 022,10 euros, TVA en sus, au titre de son préjudice matériel,

- condamné in solidum la SCI Rabatu et la SCI Aventurine à payer à la Sogima la somme de 4 000 euros au titre de son préjudice immatériel,

- condamné la SCI Aventurine à lui payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

- juger que le mur effondré était situé sur la propriété de la Sogima et qu'il était tout au plus mitoyen aux deux parties,

- juger que la Sogima a en tout état de cause une part de responsabilité importante dans l'effondrement de ce mur pour l'avoir surmonté d'une poutrelle en béton et l'avoir étanché piégeant ainsi les eaux et créant les conditions d'une poussée hydrostatique qui explique l'effondrement,

- débouter en conséquence la Sogima de ses demandes et la condamner à lui rembourser les sommes qu'elle a exposées pour réaliser des travaux au bénéfice de l'exécution provisoire soit 109 661,50 euros TTC au total,

Subsidiairement,

- juger en tout état de cause que la Sogima devra participer à hauteur de 50 % des travaux, soit 55 000 euros,

- débouter la Sogima de toute ses demandes, et notamment celle au titre de son préjudice matériel, sa prétendue privation de jouissance ou d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile chiffrée à 8 000 euros en cause d'appel quand 3 000 euros ont été alloués en première instance et réglés au bénéfice de l'exécution provisoire,

- condamner la Sogima à lui régler une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la Sogima aux entiers dépens.

La SCI Aventurine soutient en substance :

Sur la propriété du mur,

- que l'expert a conclu péremptoirement que le mur litigieux séparant les fonds de la SCI Jules Rabatu aux droits de laquelle elle vient, et de la cour arrière du groupe immobilier, propriété de la société Sogima, était à l'origine le soubassement des constructions édifiées en limite de propriété, aujourd'hui démolies, et qui occupaient les parcelles n° [Cadastre 1] (partiellement) et n° [Cadastre 2] (en totalité),

- que le tribunal ne pouvait pas considérer comme il l'a pourtant fait que l'expert était parvenu à déterminer la propriété du mur, alors que la propriété se prouve par titre,

- autrefois, le bout de sa propriété était le rivage de la mer, et que la société Sogima, qui a construit sur les terrains gagnés sur la mer par la commune de [Localité 5], ne peut ignorer que le mur est mitoyen comme cela résulte également de la lecture des actes anciens,

- postérieurement au jugement, elle a eu recours à un géomètre et il résulte du plan de bornage préparé, que le mur litigieux n'est pas situé sur l'emprise de sa propriété mais bien sur celle de la société Sogima,

- lors des travaux réalisés au bénéfice de l'exécution provisoire attachée au jugement, et comme cela a été constaté par huissier, un ancien mur situé en retrait marquait la limite de sa propriété et il résulte des photos que les vestiges révèlent même la présence de barbacanes pour laisser évacuer l'eau,

- que le mur litigieux qui s'est en partie effondré, est en réalité par titre mitoyen,

Sur l'origine de l'effondrement,

- que l'expert n'a pas tenu compte des décaissements effectués par la société Sogima lors de la construction, ni même de la construction, sur le mur en place d'une surépaisseur surmontée d'un grillage, réalisée par la société Sogima pour éviter les intrusions sur sa propriété,

- que contrairement à ce qu'a retenu l'expert judiciaire et le tribunal, l'effondrement d'une partie du mur est due :

- aux écoulements des eaux d'infiltrations stoppés par un enduit très épais et donc imperméable appliqué sur la face extérieure du mur, c'est-à-dire à côté de la parcelle 19 de la société Sogima,

- la création d'un couronnement en béton sans évacuation raisonnable des eaux retenues, hormis une chute sur la parcelle [Cadastre 1] et quelques éléments très mal disposés pour évacuer la poussée hydrostatique, et qui a provoqué l'effondrement,

- le tassement d'environ 0,40 mètre le long du couronnement dans la zone basse parcelle [Cadastre 1] entre les extrémités Nord et Sud qui est consécutif au tassement du remblai après foisonnement initial,

- la poussée du massif de sol sur le mur de soutènement avec K = 0,33 (sable '= 30 ° cas défavorable, et K = 0,22 (décombre par tassement naturel),

- la poussée de l'eau sur le mur de soutènement, amplifiée par l'écoulement le long de la face intérieure du soutènement (poussée de 3 à 4 fois supérieure à celle de l'effet du sol,

- l'altération des caractéristiques en pied par infiltration au niveau de la jardinière (côté Sogima), le tout par référence à l'avis de M. [H], expert inscrit, sollicité à titre amiable,

Sur les travaux à réaliser, subsidiairement,

- que la seule chose qui pouvait lui être imposée, en tant que propriétaire du fonds situé au-dessus de celui de la société Sogima, c'est d'assurer par tout dispositif une retenue de ses terres et éviter ainsi que ces dernières ne se déversent chez son voisin,

Sur les autres demandes,

- que la société Sogima ne subit aucune privation de jouissance de la cour arrière désormais fermée à laquelle elle continue d'accéder,

- que cette cour ne comporte aucun dispositif d'aménagement commun quelconque,

- qu'on voit mal comment une personne morale peut se plaindre d'un trouble de jouissance sauf à se retrouvée subrogée après avoir indemnisée des occupants.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 29 juillet 2022, la SA Sogima demande à la cour de :

Vu les articles 544, 1244 du code civil,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la SCI Aventurine était propriétaire du mur de soutènement objet du litige,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné ladite SCI Aventurine à réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification pour une période de douze mois,

- confirmer encore la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SCI Aventurine aux dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise,

Infirmant le jugement rendu le 10 novembre 2020 et statuant à nouveau :

- condamner la SCI Aventurine à garder à sa charge l'intégralité du coût des travaux sans partage aucun de responsabilité,

- à titre subsidiaire, condamner la SCI Aventurine à garder à sa charge 90 % du coût des travaux,

- condamner la SCI Aventurine à lui payer au titre du préjudice matériel la somme de 4 669 euros hors-taxes outre la TVA au taux de 10 %,

- condamner la SCI Aventurine à la somme de 98 000 euros au 4 mai 2021 au titre du préjudice immatériel représenté par la privation de jouissance de la cour arrière du bâtiment, sa propriété,

- condamner la SCI Aventurine au paiement de la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Aventurine aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise,

- débouter la SCI Aventurine de ses demandes formées au titre de l'article 700 et des dépens.

La SA Sogima fait essentiellement valoir :

Sur la propriété du mur,

- qu'un mur de soutènement n'est pas un mur mitoyen,

- que la Cour de cassation, quand bien même il n'existerait aucun titre dont il résulterait la qualification à donner à un mur séparant les fonds respectifs, estime que la transformation d'un mur de clôture en mur de soutènement induit que le responsable de cette transformation doit supporter le coût de l'ouvrage nouveau destiné à supporter la poussée de ses terres et qu'il serait propriétaire de l'ouvrage à édifier (Cass. Civ.3,15/09/2015, N° 12-25911),

- que les conclusions de M. [D] sont parfaitement claires,

- il rappelle que le mur actuel était initialement la paroi d'assise d'une construction en pierre édifiée au 19e début du 20e siècle, à l'identique des environnants et qu'il soutenait la construction d'une hauteur approximative de six mètres,

- il rappelle que l'ouvrage a été arasé à la suite de la démolition des constructions sur les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] appartenant à la SCI Rabatu, ce qui en a modifié son usage, puisque de partie inférieure d'une construction en pierre, il est devenu mur de retenue de terre, sans qu'aucune précaution n'ait alors été prise concernant la réalisation du drainage indispensable des eaux d'infiltration (barbacane ou drain),

- que le bornage évoqué de 1879, qui ne correspond pas à la situation actuelle, le mur étant devenu de soutènement, ne peut être retenu,

Sur les travaux,

- que les travaux préconisés par l'expert consistent à réaliser un mur de soutènement neuf, haut de quatre mètres environ, en remplacement de l'ouvrage en moellons partiellement effondré,

- elle a accepté que la semelle de fondation de ce mur, soit en Té avec empiétement d'infrastructure sur sa propriété,

- ces travaux sont les seuls de nature à assurer la sécurité des lieux, et celle notamment de la cour arrière de sa propriété,

- c'est à bon droit que la juridiction de première instance a condamné la SCI Aventurine à réaliser les travaux préconisés par l'expert,

- les travaux exécutés sont d'une nature différente de celle préconisée par l'expert, mais qu'elle les accepte par souci de conciliation,

- que c'est à tort que le premier juge a laissé à sa charge 10 % du coût des travaux en incriminant une jardinière,

- cet ouvrage en contrebas n'est nullement incriminé par l'expert,

- le rapport GIA visé par le tribunal judiciaire ne l'incrimine pas,

- l'expert privé consulté par la SCI Aventurine, l'a été de manière non contradictoire et ne s'est pas rendu sur les lieux litigieux,

- qu'il en est de même, si le mur devait être qualifié de mitoyen puisqu'il est établi que la cause des désordres provient du fonds appartenant à l'appelante, qui en est donc responsable et doit, de ce fait, assumer l'intégralité du coût des travaux,

- qu'il n'y a pas lieu de mettre à sa charge des travaux effectués à l'initiative seule de l'appelante en violation des préconisations de l'expert judiciaire,

Sur les préjudices,

- qu'elle a réglé le coût de la mise en sécurité des lieux,

- que depuis 2014 date de la mise en demeure, soit pendant plus de sept ans, la situation a perduré, la cour arrière du bâtiment étant inaccessible désormais pour avoir été fermée, qu'il est donc interdit aux locataires de s'y rendre.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 mars 2024.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions de l'appelante comporte des demandes de « juger », qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Quant à la demande de la SCI Aventurine, tendant à la condamnation de l'intimée à lui rembourser les sommes exposées pour réaliser des travaux au bénéfice de l'exécution provisoire soit 109 661,50 euros TTC au total, ou subsidiairement à hauteur de 50 % des travaux, soit 55 000 euros, elle ne relève pas de l'appel mais des éventuelles restitutions dans le cadre de l'exécution de la décision.

Sur la propriété du mur

Les parties s'opposent sur la nature du mur, de clôture ou soutènement, en lien avec la détermination de la partie qui doit assumer la charge de l'entretien du mur.

L'article 653 du code civil énonce que dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire.

A l'appui de son affirmation selon laquelle le mur est mitoyen, la SCI Aventurine se réfère à :

- l'acte notarié de vente du 17 mai 1910, entre la commune de [Localité 5] et M. [C], d'une parcelle de terrain communal de 3,74 m² à titre gratuit, à la condition que M. [C] reconstruise à ses frais le vieux mur existant au droit de la cour de son immeuble sur le prolongement dudit immeuble et que le nouveau mur soit mitoyen entre M. [C] et la ville de [Localité 5],

- un procès-verbal de bornage du 5 mars 1879 entre la commune de [Localité 5] et M. [Z] [U] évoquant une limite reconnaissable par « un reste de vieux mur formant autrefois la limite du rivage de la mer, aujourd'hui devenue la limite de la propriété de la ville avec les propriétés limitrophes (') ».

Au cours de ses opérations d'expertise débutées en octobre 2015, M. [D] a constaté que le mur litigieux constitue un mur de retenue de terres surmonté d'un grillage, que sur le plan cadastral figure un tiret parallèle au mur, légendé, mur non mitoyen, que les plans de bornage révèlent également une situation non mitoyenne, l'emprise du mur se situant sur la parcelle [Cadastre 2].

L'expert [D] précise encore que le mur litigieux séparatif était à l'origine, le soubassement des constructions édifiées en limite de propriété, aujourd'hui démolies, qui occupaient les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Sont jointes au rapport, des photographies sur le niveau des terres en amont du mur.

En considération de ces éléments, il y a lieu de conclure que même dans l'hypothèse où cet acte notarié du 17 mai 1910, qui ne précise pas la numérotation de la parcelle, va dans le sens de la mitoyenneté du mur, il est démontré que ledit mur a changé de destination et est en dernier lieu, mur de soutènement des terres du fonds supérieur.

Par suite, il doit être considéré comme appartenant au fonds supérieur dont il soutient les terres, soit à la SCI Aventurine.

Sur la nature et la cause des désordres

Aux termes du rapport d'expertise, la nature des désordres est un basculement vers l'aval et l'effondrement partiel d'environ trois mètres de large à l'angle de la limite des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] ayant créé un trou en pied de mur séparatif. A cet égard, un éventrement apparaît sur le procès-verbal de constat du 25 septembre 2008, tendant à démontrer, selon l'expert, que le basculement est plus ancien.

L'expert est d'avis que la cause de ce basculement et effondrement, est l'inadaptation de l'usage qui a été faite du mur, puisque de partie inférieure d'une construction en pierres, il est devenu mur de soutènement de terres sans qu'aucune précaution n'ait été prise.

L'expert précise que les parois du mur en moellons, hourdée au mortier de chaux, contenant de fortes proportions de sable, réutilisées à d'autres fins que celles de supporter le poids propre d'un mur extérieur d'une construction, ne pouvait assurer le maintien des terres des fonds situés au-dessus de manière pérenne.

Les eaux de surface ont pu ainsi s'infiltrer et mettre en pression un ouvrage constitué d'éléments hétérogènes en imbibant son assise, provoquant des poussées latérales. L'ajout d'un chaînage en béton armé en rehausse, non lié à l'ouvrage d'origine, n'a pas empêché son basculement et sa ruine.

L'expert note qu'aucune pièce n'a été produite sur l'auteur de la réalisation de la clôture, postérieurement aux démolitions en 1995/1996, après réalisation d'un ouvrage en béton armé qui couronne le mur d'origine, et qui n'a aucun rôle de consolidation.

La SCI Aventurine qui conteste les conclusions de l'expert judiciaire, verse aux débats un rapport privé établi par M. [H], lequel met en cause le fait que les écoulements des eaux d'infiltration ont été stoppées par un enduit très épais appliqué sur la surface extérieure du mur côté parcelle de la société Sogima, la création d'un couronnement en béton, l'altération des caractéristiques en pied par infiltrations au niveau de la jardinière côté parcelle de la société Sogima.

Cependant il est observé que M. [H] se contente de procéder par affirmations sans qu'aucunes des annexes sur lesquelles il est censé s'être prononcé, n'aient été produites.

De son côté, l'expert judiciaire a décrit le mur côté parcelle de la société Sogima, la jardinière et le couronnement en béton sur lequel la clôture a été posée, et s'est adjoint un sapiteur, la société GIA ingénierie, pour procéder à une étude géotechnique du mur litigieux. Cette société est d'avis que la ruine de l'ouvrage est à rechercher dans un dimensionnement non adapté au soutènement avec mise en charge des terrains côté amont (surcharge mécanique et/ou hydrostatique) et probablement des caractéristiques en pied par infiltration au niveau de la jardinière.

Il doit donc être conclu qu'il n'est pas établi de lien de causalité avec l'enduit, mais un lien de causalité non exclu avec la jardinière mise en place par la société Sogima, tandis qu'il n'a pas pu être déterminé laquelle des deux parties a réalisé le couronnement en béton dans l'ignorance des règles de construction de ce type d'ouvrage.

Quant au procès-verbal de constat d'huissier des 9 et 12 mai 2021, établi au stade préparatoire avant les travaux de reconstruction du mur dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, qui comporte des photographies des restes de l'ancien mur recouverts d'enduit, il n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions motivées de l'expert judiciaire.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de conclure que c'est par une juste appréciation des faits et du droit que le premier juge a retenu un partage de responsabilité à hauteur de 90 % pour la SCI Aventurine et 10 % pour la société Sogima, concernant le basculement et l'effondrement du mur, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes de la société Sogima

Elles portent sur les travaux de reconstruction du mur tels que préconisés par l'expert et l'indemnisation de ses préjudices matériel et immatériel.

L'expert judiciaire a préconisé la réalisation d'un mur de soutènement neuf, haut de quatre mètres, en soulignant qu'il est plus avisé et plus économique d'envisager la mise en 'uvre d'un mur à fondation en té à la condition que la Sogima accepte cet empiétement d'infrastructure sur son terrain, ce qui a été le cas.

Il convient donc de condamner la SCI Aventurine à réaliser ce mur suivant la description faite par l'expert judiciaire M. [D], le jugement étant confirmé sur ce point y compris quant au montant devant rester à la charge de la société Sogima, étant observé que la société Sogima a déclaré que les travaux exécutés sont d'une nature différente, mais qu'elle les acceptés.

S'agissant du préjudice matériel constitué par la dépense engagée pour sécuriser le mur, il a été retenu par l'expert à hauteur de la somme de de 4 669 euros hors taxe outre la TVA de 10 %.

Compte tenu du partage de responsabilité, il convient de condamner la SCI Aventurine à verser à la société Sogima, la somme de 4 202,10 euros hors taxe outre la TVA de [Cadastre 1] % en réparation du préjudice matériel, le jugement qui a statué à tort, sur la base d'un préjudice matériel total de 4 469 euros hors taxe, étant infirmé sur ce point.

Quant au préjudice immatériel constitué par la privation de la jouissance de la cour arrière du bâtiment, il est justifié que le 6 février 2014, la gérante de la SCI Rabattu a été mise en demeure de réaliser les travaux urgents de mise en sécurité, avant les travaux de reconstruction du mur, et informée que la société Sogima a déclaré avoir dû fermer l'accès à la cour. Les travaux de reconstruction du mur, ont finalement été exécutés, dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, selon procès-verbal de réception du 4 mai 2021.

La société Sogima qui sollicite l'infirmation du jugement sur ce point en arguant d'un préjudice de jouissance de 1 000 euros par mois pendant plus de sept ans, ne verse aux débats aucune pièce relative à ce préjudice.

En l'état de cette absence de pièce, c'est par une juste appréciation des faits et du droit que le premier juge a retenu le préjudice immatériel à la charge de la SCI Aventurine, à hauteur de la somme de 4 000 euros arrêtée à la date du jugement appelé. Y ajoutant, ce préjudice qui s'est poursuivi jusqu'à la réalisation des travaux du mur, sera complété d'une indemnisation de 700 euros en cause d'appel.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles.

La SCI Aventurine qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société Sogima.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf sur le préjudice matériel ;

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,

Condamne la SCI Aventurine à verser à la société Sogima, la somme de 4 202,10 euros (quatre mille deux cent deux euros et dix centimes) hors taxe outre la TVA de 10 %, en réparation du préjudice matériel ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Aventurine à verser à la société Sogima, la somme de 700 euros (sept cents euros) en réparation du préjudice immatériel ;

Condamne la SCI Aventurine aux dépens d'appel ;

Condamne la SCI Aventurine à payer à la société Sogima, la somme de 8 000 euros (huit mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/11702
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;20.11702 ?
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