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06/06/2024 | FRANCE | N°20/11569

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juin 2024, 20/11569


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

PH

N°2024/ 210













Rôle N° RG 20/11569 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGR2Q







[X] [M]

[O] [F] épouse [M]





C/



[V] [J] épouse [A]

[I] [J]





































Copie exécutoire délivrée le :

à :



SEL

AS CABINET DREVET



SELARL ITEM AVOCATS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 13 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01111.





APPELANTS



Monsieur [X] [M]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUIN 2024

PH

N°2024/ 210

Rôle N° RG 20/11569 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGR2Q

[X] [M]

[O] [F] épouse [M]

C/

[V] [J] épouse [A]

[I] [J]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SELAS CABINET DREVET

SELARL ITEM AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 13 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01111.

APPELANTS

Monsieur [X] [M]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [O] [F] épouse [M]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Madame [V] [J] épouse [A]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Ségolène TULOUP de la SELARL ITEM AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [I] [J]

demeurant [Adresse 1]

assignation portant signification de la déclaration d'appel le 18/01/2021 au domicile

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Véronique MÖLLER, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié des 16 et 17 août 2010, M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] ont fait l'acquisition, à [Adresse 10], d'une villa composée de : entrée, séjour, cuisine équipée, trois chambres, salle de bains, WC, salle d'eau avec WC, deuxième cuisine, cellier et garage, abri de jardin et terrain autour avec piscine, figurant au cadastre sous la section [Cadastre 5] (aujourd'hui [Cadastre 4]), ce bien formant le lot n° 148 du lotissement dénommé « [Adresse 9] ».

M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] tiennent leurs droits des consorts [P], qui eux-mêmes les tenaient de M. et Mme [U] devenus propriétaires de la parcelle en 1988, sur laquelle ils ont édifié une maison et en 1990 une piscine, une annexe, un abri de jardin, pour lesquels le certificat de conformité a été refusé, ce qui est précisé dans le titre de propriété [M].

La parcelle contiguë cadastrée section [Cadastre 6] (lot n° 145 du lotissement) propriété de M. et Mme [C] [J] en vertu de l'acte notarié du 14 mai 1982, puis en indivision entre leurs héritiers Mme [V] [J] épouse [A] et M. [I] [J], a été attribuée à Mme [V] [J] épouse [A] aux termes d'un acte de partage du 19 juillet 2018.

Par ordonnance de référé du 28 septembre 2016 rendue à l'initiative de M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M], M. [W] [E] a été désigné en qualité d'expert judiciaire et a déposé son rapport le 13 mai 2017, mettant en évidence un empiétement réciproque :

- de la parcelle « [Cadastre 7] » par les époux [M], d'une superficie de 160 m², comportant plusieurs ouvrages maçonnés,

- de la parcelle « D » par Mme [A], d'une superficie de 92 m², se matérialisant par un terrain nu.

Selon exploit d'huissier du 13 février 2018, Mme [V] [J] épouse [A] et M. [I] [J] ont fait assigner M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M], devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'obtenir la démolition des ouvrages implantés chez eux (consistant en une partie de la plage dallée de la piscine, un mur délimitant le côté Ouest de cet ouvrage et une construction à usage de barbecue, un abri pour le bois et paillasse maçonnée, une installation d'irrigation et clôtures grillagées) et le rétablissement de la clôture sur la limite séparative des deux parcelles telle que définie par l'expert judiciaire [E], confirmant la limite établie en 2013 par le géomètre expert M. [K] à la demande des consorts [J].

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] à Mme [V] [J] épouse [A],

- dit que la limite de propriété des parcelles cadastrées [Cadastre 4] et [Cadastre 6] est celle déterminée par l'expertise judiciaire diligentée dans le cadre de la procédure enregistrée sous le numéro 16/5912, selon le rapport d'expertise déposé le 13 mai 2017, et ses annexes 2, 3a et 3b,

- condamné M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] :

- à démolir les ouvrages implantés sur la parcelle [Cadastre 6] par leurs auteurs M. [L] [U] et Mme [N] [U],

- à rétablir la clôture sur la limite séparative des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6] telle que définie par l'expertise judiciaire,

dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,

- dit que passé ce délai et faute d'avoir procédé à la démolition et au retrait ordonné, M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] seront tenus au paiement d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamné M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] à payer à Mme [V] [J] épouse [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] aux entiers dépens de l'instance, incluant les frais de l'expertise judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le tribunal a considéré :

- que les époux [M] ne peuvent pas se prévaloir d'un juste titre leur permettant de prescrire la propriété de la parcelle « [Cadastre 7] » par dix ans et que l'arrangement amiable qui a permis aux époux [U] de ne pas avoir à démolir les constructions édifiées sur la parcelle [J], qui n'a jamais fait l'objet d'un échange de parcelles par acte notarié, s'analyse en une tolérance insusceptible de fonder la prescription,

- que la limite des propriétés respectives est celle consacrée par le rapport d'expertise judiciaire, ce qui justifie la démolition des ouvrages empiétant,

- que c'est avec l'accord amiable de leurs voisins, que les consorts [J] ont eu depuis 1990, la jouissance de la parcelle « D » sur la propriété [M] et ont procédé à des aménagements paysagers sans causer de préjudice aux époux [U], qu'il n'y a donc pas lieu de les condamner à les retirer.

Par déclaration du 25 novembre 2020, M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 15 mars 2024, M. et Mme [M] demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 122, 696 et 700 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 544, 646, 647, 712, 1383-2, 2261, 2265, 2268, 2269, 2272, 2274 et 2275 du code civil,

Vu le rapport d'expertise de M. [E] du 13 mai 2017,

Vu les pièces versées au débat,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan,

Statuant à nouveau,

- dire irrecevable l'action menée par Mme [A] à leur encontre,

- débouter Mme [A] de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- juger que M. et Mme [A], signataires de la lettre envoyée aux concluants le 3 octobre 2015 (pièce 4) ont reconnu avec une valeur d'aveu judiciaire la possession paisible, publique et continue des époux [P], leurs auteurs pendant plus de dix ans dans les deux paragraphes figurant à la page 2 de la lettre du 3 octobre 2015,

- condamner Mme [A] à libérer de toute occupation la parcelle de terrain identifiée comme la parcelle « [Cadastre 7] » figurant en bleu sur le plan « annexe 3a » joint au rapport d'expertise judiciaire de M. [E] du 13 mai 2017 depuis leur acquisition par acte notarié des 16 et 17 août 2010,

- condamner Mme [A] à rétablir la limite reconnue par les parties au droit de la parcelle « [Cadastre 8] » figurant en rose sur le plan « annexe 3b » joint au rapport d'expertise judiciaire de M. [E] du 13 mai 2017 et figurée par une ligne droite rouge sur ce dernier plan de la borne B jusqu'à l'intersection avec la clôture délimitant ensuite la parcelle [Cadastre 7] figurant en bleu sur l'« annexe 3a » et à libérer cette parcelle [Cadastre 8] de toute occupation de son chef,

- condamner Mme [A] à leur verser la somme de 8 606,20 euros TTC, en réparation de leur préjudice matériel lié aux aménagements et plantations implantés sur leur propriété par Mme [A] sans aucune autorisation de leur part et en parfaite violation de leur droit de propriété,

- condamner Mme [A] à remettre dans l'état où chaque parcelle se trouvait avant l'exécution forcée du jugement du 13 octobre 2020 d'une part la parcelle [Cadastre 7] figurée en bleu sur l'annexe 3a et d'autre part la parcelle [Cadastre 8] figurée en rose sur l'annexe 3b du rapport de M. [E] (pièce 5),

- condamner Mme [A] à leur verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [A] aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire tels qu'ils ont été taxés le 15 juin 2017 (pièce 6) à la somme de 5 434,34 euros, ainsi que le coût relatif au procès-verbal de constat dressé par Me Bourgeonnier le 20 mai 2016 (pièce 8) et à celui de Me Thomas le 30 mai 2018 (pièce 7).

M. et Mme [M] soutiennent en substance :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive de la parcelle « [Cadastre 7] »,

- que le tribunal a expressément reconnu leur bonne foi, laquelle est d'ailleurs présumée,

- l'implantation sinueuse de la clôture remarquée par l'expert judiciaire, ne saurait démontrer qu'ils auraient eu conscience que la parcelle ne leur appartenait pas,

- qu'il est inéquitable de considérer, comme le fait le tribunal, sans aucune preuve rapportée par les consorts [J], que « Contrairement aux époux [U] qui ont construit chez eux sans leur accord » et d'affirmer en même temps que : « les consorts [J] n'ont aménagé la parcelle "[Cadastre 8]" qu'après avoir convenu amiablement avec leurs voisins que l'occupation de cette petite parcelle compenserait la privation de jouissance de la parcelle "[Cadastre 7]" »,

- il y a des contradictions dans les affirmations de Mme [A],

- l'argument selon lequel les consorts [J] ont été mis devant le fait accompli par les constructions des époux [U] et tout ce qui en découle, n'apparaissent ni conformes à la réalité des faits, ni fondés juridiquement,

- cet accord informel, ni acté, ni publié, n'avait d'effet relatif qu'entre les parties et était donc inopposable aux acquéreurs successifs qui n'en avaient aucunement été informés,

- les consorts [J] ont joué un rôle actif dans ces constructions en participant aux frais de clôture et se sont accommodés de cette situation,

- que les consorts [J] n'ont jamais fait état ni prouvé le renouvellement de cet accord avec les époux [P], lesquels ignorant la situation, se sont comportés comme de véritables propriétaires de l'ensemble du bien, y compris la parcelle [Cadastre 7], tel qu'il leur avait été cédé par les époux [U] et qu'ils leur ont eux-mêmes vendu sans modification de son état,

- étant entrés légalement en possession de leur bien vendu par les détenteurs [U], ils (les époux [P]) étaient en droit de bénéficier de la prescription acquisitive au titre d'une interversion de titre, selon les termes des articles 2268 et 2269 du code civil,

- eux-mêmes n'ont reçu aucune information sur cet accord amiable,

- que le tribunal s'est trompé manifestement dans l'analyse de la chose acquise par eux, lorsqu'ils ont signé l'acte notarié des 16 et 17 août 2010 et que leur acte constitue un juste titre,

- la piscine est au premier plan sur l'annonce, correspondant à l'acte de vente,

- c'est cet immeuble avec toutes ses dépendances qui a été acquis « sans aucune exception ni réserve ' »,

- leur titre de propriété mentionne explicitement les ouvrages litigieux puisque qu'il précise que le certificat de non-conformité atteste de la présence de la piscine et de l'annexe et ne fait aucune mention des empiètements,

- aucune mention n'est faite dans le titre de propriété de ce que les éléments constituant la parcelle [Cadastre 7] sont exclus de la vente et qu'ils ne résultent que d'une tolérance,

- que dans son courrier du 3 octobre 2015, Mme [A] a reconnu formellement et aujourd'hui judiciairement que l'immeuble acquis par eux, a été acquis par les époux [P] alors qu'il comportait déjà la piscine et toutes les annexes qui empiétaient sur leur terrain et alors que ce dernier avait été clôturé en fixant la limite au-delà des empiétements pour les incorporer au terrain qui fut acquis par les époux [P] en janvier 1997,

- que les époux [P] ont régulièrement joui et entretenu la piscine et son annexe, réalisé diverses plantations sur la parcelle [Cadastre 7], par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, de janvier 1997 au 16 août 2010 soit pendant treize ans,

- que c'est en toute bonne foi qu'ils ont succédé aux époux [P] dont ils peuvent invoquer, au moment de leur acquisition, le bénéfice de la prescription acquisitive,

Sur la suppression de l'empiétement réalisé par Mme [A] sur leur propriété, parcelle « D »,

- que Mme [A] n'a jamais prétendu avoir acquis la propriété de cette parcelle par une prescription acquisitive puisqu'elle ne s'est jamais comportée comme le véritable propriétaire car elle savait, contrairement à eux, à propos de la parcelle « [Cadastre 7] » que cette parcelle « [Cadastre 8] » n'était pas sa propriété,

- que les aménagements de Mme [A] sont la cause de nombreux préjudices dûment constatés par l'expert M. [E], notamment ceux dus à une prolifération végétale dommageable,

- que l'extraction et la récupération de pierres opérées par M. [A] sur la parcelle D (pièce 10), après le passage de l'expert et avant le jugement de première instance, sans aucune information ni autorisation des concluants, constituent une atteinte grave à leur droit de propriété,

En réponse aux écritures adverses,

- qu'on ne peut leur reprocher d'avoir exécuté une décision revêtue de l'exécution provisoire alors que cette dernière a été prononcée par le jugement du 13 octobre 2020,

- que c'est Mme [V] [A] qui a demandé expressément au tribunal de prononcer l'exécution provisoire de son jugement alors qu'elle savait que dans cette hypothèse, le jugement serait effectivement exécuté car ils ne sont pas des voyous et sont respectueux de l'ordre républicain,

- que sans attendre la décision de la cour d'appel, Mme [A] s'est empressée de faire remanier profondément la parcelle [Cadastre 7], en modifiant les niveaux avec des engins de terrassement et en l'aménagement par divers travaux de maçonnerie et plantation d'arbres et végétaux.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 11 mars 2024, Mme [V] [J] épouse [A] demande à la cour de :

Vu l'article 545 du code civil,

Vu le rapport d'expertise judiciaire,

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté,

- débouter les époux [M] des fins de leur appel,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon (sic) du 13 octobre 2020 en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] à Mme [V] [J] épouse [A],

- dit que la limite de propriété des parcelles cadastrées [Cadastre 4] et [Cadastre 6] est celle déterminée par l'expertise judiciaire diligentée dans le cadre de la procédure enregistrée sous le numéro 16/5912, selon le rapport d'expertise déposé le 13 mai 2017, et ses annexes 2, 3a et 3b,

- condamné M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] :

- à démolir les ouvrages implantés sur la parcelle [Cadastre 6] par leurs auteurs M. [L] [U] et Mme [N] [U],

- à rétablir la clôture sur la limite séparative des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6] telle que définie par l'expertise judiciaire,

dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement,

- dit que passé ce délai et faute d'avoir procédé à la démolition et au retrait ordonné, M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] seront tenus au paiement d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamné M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] à payer à Mme [V] [J] épouse [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] aux entiers dépens de l'instance, incluant les frais de l'expertise judiciaire,

- condamner Mme et M. [M] à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure d'appel.

Mme [V] [J] épouse [A] fait essentiellement valoir :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive,

- que les époux [M] sont de mauvaise foi,

- si la limite de propriété était, de manière apparente, sinueuse et non rectiligne, les époux [M] ne pouvaient ignorer la difficulté,

- leur titre de propriété mentionne expressément la superficie de la parcelle acquise soit 24 ares et 10 centiares,

- les époux [M] ont été informés au jour de la vente de l'illégalité de la construction de la piscine, de l'annexe et de l'abri jardin, les ouvrages ayant été construits sans autorisation d'urbanisme,

- qu'ils ne peuvent pas opposer la prescription acquise de leur auteur, M. [U], alors que ce dernier connaissait parfaitement l'échange qui a eu lieu avec ses voisins, et n'était bénéficiaire que d'une simple tolérance,

- que le titre de propriété ne mentionne pas les ouvrages situés sur sa propriété puisqu'il ne fait état que de la piscine, alors que ce qui empiète, sont : une partie de la plage dallée entourant la piscine des époux [M], un mur délimitant le côté Ouest de cet ouvrage dallé, une petite construction à usage de barbecue, abri pour bois et paillasse maçonnée, une installation d'irrigation partielle enterrée dans le sol ainsi qu'une clôture grillagée,

- qu'une annonce immobilière n'est pas un juste titre et ne vaut pas acte de transfert de propriété,

Sur le fond,

- que la majorité des demandes du dispositif des conclusions [M] ne constituent pas des prétentions mais des moyens et que cela ne peut appeler aucune réponse de la cour, qui en conséquence ne peut être considérée comme en être saisie (Civ2 9 janvier 2020 n°18-18.778),

- que l'appel des époux [M] apparait d'autant moins fondé désormais, qu'en exécutant le jugement dont appel, ils ont modifié la situation des lieux, si bien que leurs demandes ne sont plus d'actualité,

- qu'il n'est pas apporté la preuve qu'elle soit effectivement à l'origine de l'implantation des végétaux sur cette partie de la propriété (parcelle D), outre qu'en tout état de cause ces aménagements ne causent aucun préjudice aux époux [M], sur le fondement de l'article 553 du code civil,

- qu'elle conteste l'évaluation retenue par l'expert judiciaire pour l'évaluation des travaux de remise en état de la parcelle D, les devis ayant été ajoutés alors qu'il s'agit des mêmes travaux.

La déclaration d'appel a été signifiée à M. [I] [J], par acte d'huissier du 18 janvier 2021, remis en l'étude de l'huissier.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 mars 2024.

L'arrêt non susceptible d'appel, sera rendu par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile, en l'état de l'absence de constitution d'avocat par M. [I] [J].

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions des appelants comporte une demande de « juger », qui ne constitue pas une prétention, mais un moyen, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Il est constaté que la demande de condamnation à remettre dans l'état où chaque parcelle se trouvait avant l'exécution forcée du jugement du 13 octobre 2020 d'une part la parcelle [Cadastre 7] figurée en bleu sur l'annexe 3a et d'autre part la parcelle [Cadastre 8] figurée en rose sur l'annexe 3b du rapport de M. [E] (pièce 5), ne relève pas de l'appel mais des éventuelles restitutions dans le cadre de l'exécution de la décision.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive

M. et Mme [M] opposent à la demande de démolition de Mme [A] portant sur une partie de la plage dallée de la piscine, un mur délimitant le côté Ouest de cet ouvrage et une construction à usage de barbecue, un abri pour le bois et paillasse maçonnée, une installation d'irrigation et clôtures grillagées, la prescription acquisitive de la propriété de la parcelle « [Cadastre 7] » telle que définie dans le rapport de l'expert judiciaire M. [E].

L'article 2258 du code civil énonce que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

L'article 2272 du code civil, aux termes duquel le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans, abrégé à dix ans pour celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble.

L'article 2261 du code civil prévoit pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

L'article 2265 du même code précise que pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

La bonne foi consiste en la croyance de l'acquéreur, au moment de l'acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. Elle est présumée et il suffit qu'elle existe au moment de l'acquisition.

Le juste titre est défini comme celui qui, considéré en soi, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription.

En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que depuis l'année 2013, les parties ont commencé à se reprocher des empiétements sur leur propriété respective. M. et Mme [M] ont assigné Mme [V] [J] épouse [A] et M. [I] [J] en référé expertise le 5 août 2016, tandis que Mme [V] [J] épouse [A] et M. [I] [J] ont assigné M. et Mme [M] au fond le 13 février 2018.

L'article 2269 du code civil énonce que sont applicables à la prescription acquisitive les articles 2221 et 2222, et les chapitres III et IV du titre XX du présent livre sous réserve des dispositions du chapitre concernant la prescription acquisitive.

Il en ressort que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.

Le titre de propriété de M. et Mme [M] des 16 et 17 août 2010, ne comporte aucune mention de l'existence d'un empiétement d'une partie des constructions érigées sur la parcelle acquise (en dernier lieu [Cadastre 4]), sur la parcelle voisine ([Cadastre 6]).

A cet égard, la seule mention de l'absence de certificat de conformité délivré pour « une piscine, une annexe, un abri de jardin », ne peut rapporter la preuve de la connaissance de l'empiétement, dès lors qu'il y est précisé que la raison en est l'absence de demande de permis de construire et pas l'empiétement sur la propriété voisine.

De même, la preuve de la connaissance de l'empiétement litigieux, ne peut pas être déduite de l'implantation sinueuse de la clôture, telle que remarquée par l'expert.

Dès lors, M. et Mme [M] dont la bonne foi est établie, ainsi que l'existence d'un juste titre, sont fondés à invoquer la prescription abrégée de dix ans depuis qu'ils sont devenus acquéreurs, soit depuis le 16 août 2010.

Par ailleurs, il ressort de leur titre de propriété, que leurs auteurs sont M. et Mme [T] [P] propriétaires à hauteur de moitié en pleine propriété et moitié en usufruit de l'immeuble d'une part et Mme [Y] [P] épouse [G] propriétaire de moitié en nue-propriété d'autre part.

Il est établi aux termes de l'expertise judiciaire réalisée, que M. et Mme [T] [P] avaient fait l'acquisition du même bien, tel que décrit, le 19 décembre 1996, de M. et Mme [U], ceux-là mêmes, qui avaient construit la maison, la piscine, l'annexe et l'abri de jardin, en empiétant sur la propriété voisine.

Or, ce sont M. et Mme [U] qui ont proposé, en 1990, un échange de terrain informel matérialisé par la clôture, auquel ne se sont pas opposés les consorts [J], ainsi que reconnu dans un courrier du 3 octobre 2015, par Mme [V] [A] née [J].

Il n'est pas démontré, ni d'ailleurs soutenu que M. et Mme [T] [P], devenus propriétaires postérieurement le 19 décembre 1996, avaient connaissance de cet échange informel, assimilable à une tolérance entre M. et Mme [U] d'une part, les consorts [J] d'autre part, laquelle ne peut fonder ni possession, ni prescription selon l'article 2262 du code civil, entre eux.

M. et Mme [M] sont donc fondés à ajouter à leur possession, la possession de leurs auteurs, M. et Mme [P], qui ont possédé eux-mêmes de bonne foi en vertu d'un juste titre, depuis le 19 décembre 1996.

Il en ressort qu'à la date de l'assignation au fond par Mme [V] [J] épouse [A] et M. [I] [J], contestant la possession de M. et Mme [M], le 13 février 2018, la propriété de la parcelle « [Cadastre 7] » d'une superficie de 160 m² a été acquise pendant plus de dix ans, de manière continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Le jugement appelé sera donc infirmé sur ce point et Mme [V] [J] épouse [A] sera déclarée irrecevable en ses demandes de démolition des ouvrages implantés sur la parcelle [Cadastre 6] par leurs auteurs M. [L] [U] et Mme [N] [U], et de rétablissement de la clôture sur la limite séparative des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6] telle que définie par l'expertise judiciaire de M. [W] [E].

Sur les demandes de M. et Mme [M]

Elles tendent à la condamnation de Mme [A] à :

- libérer de toute occupation la parcelle de terrain identifiée comme la parcelle « [Cadastre 7] » figurant en bleu sur le plan « annexe 3a » joint au rapport d'expertise judiciaire de M. [E] du 13 mai 2017 depuis leur acquisition par acte notarié des 16 et 17 août 2010,

- rétablir la limite reconnue par les parties au droit de la parcelle « [Cadastre 8] » figurant en rose sur le plan « annexe 3b » joint au rapport d'expertise judiciaire de M. [E] du 13 mai 2017 et figurée par une ligne droite rouge sur ce dernier plan de la borne B jusqu'à l'intersection avec la clôture délimitant ensuite la parcelle [Cadastre 7] figurant en bleu sur l'« annexe 3a » et à libérer cette parcelle [Cadastre 8] de toute occupation de son chef,

- leur verser la somme de 8 606,20 euros TTC, en réparation de leur préjudice matériel lié aux aménagements et plantations implantés sur leur propriété par Mme [A] sans aucune autorisation de leur part et en parfaite violation de leur droit de propriété.

Aux termes de l'article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Mme [A] étant déclarée irrecevable en ses prétentions concernant la parcelle « [Cadastre 7] » d'une superficie de 160 m² telle que définie dans les annexes 2, 3a et 3b du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017, il convient de la condamner à libérer de toute occupation ladite parcelle de terrain « [Cadastre 7] ».

S'agissant de la parcelle « D » d'une superficie de 92 m² telle que définie dans les mêmes annexes 2, 3a et 3b du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017, il est établi que la propriété appartient à M. et Mme [M] et qu'elle a été occupée par les consorts [J], en vertu d'un accord d'échange consenti avec M. et Mme [U] en 1989 et par conséquent pas en tant que propriétaires.

Mme [A] est sans titre pour occuper ladite parcelle de terrain « [Cadastre 8] ». Il convient donc de la condamner à rétablir la limite au droit de ladite parcelle de terrain « [Cadastre 8] » et figurée par une ligne droite rouge sur le plan, de la borne B jusqu'à l'intersection avec la clôture délimitant ensuite la parcelle « [Cadastre 7] ».

Aux termes du rapport d'expertise, la partie Est de la parcelle « D » est couverte de bambous et on y observe plusieurs arbres de haute tige dont trois cyprès, deux arbousiers et un oranger, l'expert précisant que quatre de ces arbres sont implantés à moins de deux mètres de la limite A-B, l'un des cyprès atteignant une hauteur préjudiciable aux époux [M] dans la mesure où l'arbre restreint la vue mer dont on peut jouir de la terrasse de la villa [M]. Sur la parcelle est aménagé un petit chemin piétonnier délimité par des empierrements ou de petits soutènements. L'expert note que le chemin piétonnier ne présente pas d'intérêt pour les époux [M], mais que les murs ont pour mérite de limiter l'érosion.

Il est constaté que la demande de libération de toute occupation du chef de Mme [A], ne concerne finalement que des plantations, ainsi que des aménagements très limités essentiellement motivés par la configuration des lieux et pour retenir les terres, le tout réalisé avant que M. et Mme [M] ne deviennent propriétaires en août 2010 et dans le cadre de l'accord d'échange avec M. et Mme [U], non remis en cause par les auteurs de M. et Mme [M].

En considération de cet état de fait, M. et Mme [M] seront déboutés de leur demande de condamnation de Mme [A] à libérer cette parcelle, qui n'est pas occupée par elle.

Quant à la demande d'indemnisation, M. et Mme [M] échouent à rapporter la preuve du préjudice qu'ils allèguent, tiré de la prolifération végétale dommageable. De même, les photographies comparatives qu'ils proposent par rapport à celles prises par l'expert, sont insuffisantes pour démontrer l'extraction et la récupération fautive de pierres opérées sur la parcelle de terrain « D » après le passage de l'expert.

M. et Mme [M] seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles.

Pour la même raison, il sera fait masse des dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire et ils seront partagés par moitié entre M. et Mme [M] d'une part, Mme [A] d'autre part.

Les frais du procès-verbal de constat dressé par Me Bourgeonnier le 20 mai 2016 et par Me Thomas le 30 mai 2018, ne constituent pas des dépens tels qu'énumérés à l'article 695 du code de procédure civile. M. et Mme [M] seront donc déboutés de leur demande d'inclusion dans les dépens, de ces frais.

Les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Déclare Mme [V] [J] épouse [A] irrecevable en ses demandes de démolition des ouvrages implantés sur la parcelle [Cadastre 6] par M. [L] [U] et Mme [N] [U], et de rétablissement de la clôture sur la limite séparative des parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 6] telle que définie par l'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017 ;

Dit que M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] ont acquis par prescription, la propriété de la parcelle de terrain " C " d'une superficie de 160 m² telle que définie dans les annexes 2, 3a et 3b du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017;

Condamne Mme [V] [J] épouse [A] à libérer la parcelle de terrain « C » d'une superficie de 160 m² telle que définie dans les annexes 2, 3a et 3b du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017 ;

Condamne Mme [V] [J] épouse [A] à rétablir la limite au droit de la parcelle de terrain « [Cadastre 8] » d'une superficie de 92 m² telle que définie dans les mêmes annexes 2, 3a et 3b du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017 et figurée par une ligne droite rouge sur le plan, de la borne B jusqu'à l'intersection avec la clôture délimitant ensuite la parcelle « [Cadastre 7] » ;

Déboute M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] de leur demande de condamnation de Mme [V] [J] épouse [A], à libérer cette parcelle « D » d'une superficie de 92 m² telle que définie dans les annexes 2, 3a et 3b du rapport d'expertise judiciaire de M. [W] [E] du 13 mai 2017 ;

Déboute M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] de leur demande de dommages et intérêts ;

Fait masse des dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire et dit qu'ils seront partagés par moitié entre M. [X] [M] et Mme [O] [F] épouse [M] d'une part, Mme [V] [J] épouse [A] d'autre part ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/11569
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;20.11569 ?
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