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06/06/2024 | FRANCE | N°20/10983

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juin 2024, 20/10983


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT MIXTE

(Expertise)

DU 06 JUIN 2024

mm

N° 2024/ 204









Rôle N° RG 20/10983 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQDZ







[V] [S]

[F] [C]





C/



[Y] [K]

[D] [G]

[P] [GC] épouse [G]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON



SCP

MAGNAN - ANTIQ





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 21 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00163.





APPELANTS



Monsieur [V] [S]

demeurant [Adresse 29]



représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELAR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT MIXTE

(Expertise)

DU 06 JUIN 2024

mm

N° 2024/ 204

Rôle N° RG 20/10983 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQDZ

[V] [S]

[F] [C]

C/

[Y] [K]

[D] [G]

[P] [GC] épouse [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON

SCP MAGNAN - ANTIQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS en date du 21 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00163.

APPELANTS

Monsieur [V] [S]

demeurant [Adresse 29]

représenté par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [F] [C]

demeurant [Adresse 29]

représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Raphaël GOMES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

INTIMES

Madame [Y] [K]

demeurant [Adresse 24]

représentée par Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Monsieur [D] [G]

demeurant [Adresse 27]

représenté par Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Madame [P] [GC] épouse [G]

demeurant [Adresse 27]

représentée par Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Marc MAGNON, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS :

Par acte signé le 29 août 2007 en l'étude de Maître [E] [YV], Notaire à [Localité 26], les époux [G] ont acquis de Madame [BI] une maison

à usage d'habitation et le terrain sur lequel elle est édifiée ainsi qu'un terrain non attenant situés sur la Commune de [Localité 32], cadastrés Section A N° [Cadastre 12], [Cadastre 13] Lieudit "[Localité 30]" et N° [Cadastre 4] Lieudit « [Localité 28]", pour une surface totale de 00ha 16a 96ca.

Par acte signé le 12 décembre 2012 en l'étude de Maître [A] [R], Notaire à [Localité 31], les consorts [S]-[C] ont acquis de Monsieur [W] une maison à usage d'habitation avec terrain attenant situés sur la Commune de [Localité 32], cadastrés Section A N° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 17], 822 Lieudit "[Localité 33]", pour une surface totale de 00ha 07a 01ca.

Par acte signé le 5 janvier 2015 en l'étude de Maître [E] [YV], Notaire à [Localité 26], Madame [Y] [K] a acquis de Madame [J] une maison à usage d'habitation avec jardinet attenant situés sur la Commune de [Localité 32], cadastrés Section A N° [Cadastre 16] Lieudit "[Localité 30]", pour une surface de 00ha 01a 23ca.

Les consorts [S]-[C] ont revendiqué un droit de passage sur les parcelles A [Cadastre 12] et [Cadastre 16], propriété des époux [G] et de Madame [K].

Dans le cadre de correspondances échangées avec le conseil des requérants, les époux [G] et Madame [K] ont fait connaître leur refus de voir reconnaître aux consorts [S]-[C] un quelconque droit de passage à l'aide d'un véhicule sur les parcelles A [Cadastre 12] et A [Cadastre 16], reconnaissant avoir accepté un accès pédestre par la parcelle A [Cadastre 12] à titre purement amiable.

Par acte du 12 février 2019 enregistré le 18 février 2019, [V] [S] et [F] [C] ont assigné [Y] [K], [D] [G] et [P] [GC] épouse [G] devant le Tribunal de grande instance de Digne les Bains devenu tribunal judiciaire aux 'ns de voir.

'Dire que les consorts [S] sont propriétaires indivis du [Localité 25] dont l'usage serait commun offrant un libre accès à leur parcelle qui doit être rétabli.

A titre subsidiaire.

' Constater l'état d'enclave et dire que les demandeurs bénéficieront d'une servitude de passage sur le chemin situé sur les parcelles cadastrées A [Cadastre 12] et [Cadastre 16].

' Dire qu'il n'y a pas lieu à indemnité, l'assiette du passage bénéficiant de la prescription depuis 1963.

' Dire que les défendeurs devront laisser passer les requérants par le passage situé sur ces parcelles A [Cadastre 12] et [Cadastre 16] sous astreinte de 150 € par infraction constatée.

' Condamner les défendeurs à 3000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, outre 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A l'appui de leurs demandes, ils ont fait valoir qu'ils garent leur véhicule sur leur propriété en partie de parcelle A [Cadastre 17] ; qu'i1s empruntent un passage existant depuis plusieurs décennies partant de la voie publique qui passe sur la propriété [G] A [Cadastre 12], et sur la propriété [K] A [Cadastre 16] ; que le passage a toujours existé, a été emprunté sans difficulté et a été porté sur le plan établi le 15 décembre 2000 par le géomètre expert dans le cadre de la délimitation ; que lors de leur achat il était indiqué que les véhicules pouvaient stationner sur le terrain, comme l'indique l'annonce du vendeur : 'deux places de parking faisant partie de la vente" ; que leur vendeur, M [W], a attesté qu'il avait toujours utilisé ce chemin de 2000 à 2012 pour accéder à sa propriété ; que le passage dessert également une propriété [B] A [Cadastre 22] qui serait enclavée ; que leurs parcelles sont desservies par ce chemin, qui a toujours été utilisé depuis plusieurs décennies ; qu'à défaut ils se retrouvent enclavés; qu' il existe une indivision perpétuelle par l'usage de ce chemin commun à tous les habitants riverains du même hameau. Ils font valoir à cet effet un plan de géomètre expert de 1963 et un rapport d'expertise [Z] non contradictoire.

[Y] [K] et les époux [G] se sont opposés à ces demandes en soutenant que:

'Les requérants ne sont pas propriétaires du chemin litigieux et ne disposent d'aucun droit de passage.

' Ils ne sont pas enclavés et bénéficient d'un accès piétonnier à leur maison et d'un autre accès pour un véhicule.

' Il n'existe aucune servitude de passage sur le chemin litigieux en l'absence de titre.

' Le passage revendiqué est privé et n'a fait l'objet d'un accord verbal que pour un seul usage piéton ou, temporairement, pour un usage automobile personnalisé au seul bénéfice de M.[W].

' L'existence de ce chemin sur le plan de délimitation de 1963, dressé par M [I] ne suf't pas à démontrer un usage paisible, continu, non équivoque et à titre de propriétaire du chemin par les auteurs successifs des demandeurs.

' Les travaux du géomètre en 1963, ne sont pas créateurs de droit .

' L'acte de vente [X] [B] du 1er février 2011 mentionne le passage sur les parcelles A n°s [Cadastre 19],[Cadastre 16] et [Cadastre 12] en précisant qu'aucune servitude n'a été enregistrée.

Les défendeurs ont sollicité une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 21 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Digne les Bains a débouté les consorts [S] [C] de leurs demandes et condamné in solidum ces derniers à payer aux défendeurs la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens , aux motifs notamment que :

' Les demandeurs ne justifient d'aucun titre caractérisant une propriété indivise ou une servitude de passage sur le chemin revendiqué.

' la simple tolérance de passage qui a pu être concédée à des usagers antérieurs expressément dénommés, ne caractérise pas la création d'une véritable servitude de passage commune à tous, ni ne démontre 1'existence d'une propriété indivise de tous les riverains sur ce chemin.

' Leur fonds n'est pas enclavé et confronte directement la voie publique.

' Leur action s'analyse en une demande de commodité d'accès et d'usage d'un parking artificiel.

Par déclaration du 12 novembre 2020 [V] [S] et [F] [C] ont relevé appel de ce jugement.

L' ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions notifiées le 18 mars 2024 par les consorts [S] [C], tendant à :

Réformer et/ ou Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Digne-les-Bains le 21/10/2020 dans l'ensemble de ses dispositions.

Statuant à nouveau;

Juger que les consorts [S] [C] sont propriétaires indivis du chemin dit [Localité 25] dont l'usage leur est commun et qu' à ce titre le libre accès à leur parcelle doit être rétabli.

Subsidiairement, vu l' état d'enclave,

Vu les articles 682, 683, 685 du code civil,

Juger que les consorts [S] [C] bénéficieront d'une servitude de passage sur le chemin sis sur les parcelles cadastrées A [Cadastre 12] et [Cadastre 16].

Dire n'y avoir lieu à indemnité, l'assiette du passage bénéficiant de la prescription, le passage ayant été exercé depuis 1963.

En conséquence et en tout état de cause,

Juger que les époux [G] et Madame [K] devront laisser les propriétaires des parcelles A [Cadastre 6], [Cadastre 17], [Cadastre 5] et [Cadastre 21] y accéder par le passage situé sur les parcelles A [Cadastre 12] et [Cadastre 16], et laisser le libre accès à ce chemin, et ce, sous astreinte de la somme de 150 € par infraction constatée.

Condamner les époux [G] et Madame [K] à payer à Madame [C] et Monsieur [S] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble et la privation de jouissance apportés.

Les Condamner aux entiers dépens, outre la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 14 mars 2024 par [Y] [K], [D] [G] et [P] [GC] épouse [G], tendant à :

Vu les articles 682 et suivants du Code civil,

Confirmer le jugement rendu le 21 octobre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Digne-Les-Bains en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Condamner solidairement les consorts [S]-[C] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIVATION :

Sur l'existence d'un chemin commun soumis au régime de l'indivision perpétuelle.

Les consorts [S] [C] concluent à l'infirmation du jugement au motif essentiel que le passage revendiqué a pour assiette une partie d'un chemin à l'usage commun des propriétaires riverains, soumis au régime de l'indivision perpétuelle, ou patecq. Ce chemin, appelé [Localité 25], figure sur un plan établi par le géomètre M [I] en 1963 et a été repris en 2000 sur un plan établi par M [O]. Il permettait de joindre la voie communale de [Localité 34] à l'impasse communale.

Ils ajoutent que le plan [I] de 1963 établit que ce chemin était commun aux propriétaires des parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9]( propriété [L])[Cadastre 7] et « [Cadastre 11] »( propriété [U]), [Cadastre 16]( propriété ALEXIS), [Cadastre 18] et [Cadastre 20] devenues [Cadastre 22] et 831( propriété GUILLERMIN, [Cadastre 17]( propriété [T]), et que la parcelle [Cadastre 16] est aujourd'hui la propriété de Mme [K].

Ils font valoir également que ce passage est clairement rappelé dans l'acte de vente du 1er février 2011 des parcelles A [Cadastre 18] et A [Cadastre 22] par M [X] à « M [M] »(SIC), en réalité à M [H] [B], acte qui contient la clause suivante :

«  le vendeur déclare que l'accès audit bien se fait au moyen du passage sur plusieurs parcelles cadastrées section A n°s [Cadastre 19],[Cadastre 16] et [Cadastre 12], pour lequel aucune servitude écrite n'a été enregistrée, bien que l'accès soit existant depuis plusieurs années et clairement marqué » .

Les intimés répliquent en substance qu'aucun des titres de propriété versés aux débats n'institue de servitude de passage ou droit de passage sur les parcelles A [Cadastre 12] et [Cadastre 16] ; qu'une servitude de passage est une servitude discontinue qui ne peut s'établir que par titre et ne peut faire l'objet d'une prescription acquisitive ; que les consorts [S] [C] ne justifient d'aucun accord valant titre commun pour le passage sur le chemin en faveur des propriétaires riverains.

Les époux [G] ajoutent que s'ils ont pu autoriser un passage sur leur parcelle ( [Cadastre 12]) au bénéfice des anciens propriétaires auteurs des appelants, les époux [W], cette autorisation a été accordée de manière occasionnelle à titre de simple tolérance dès lors qu'il n'y avait pas un usage abusif.

En droit, le patus aussi appelé « pate, patec, patecq ou encore régale ou relargue en Provence» est une ancienne notion de droit coutumier féodal désignant le plus souvent un terrain dépendant d'un bâtiment et destiné à ses commodités( passage, aire de battage, puits, four, forge etc.). Terrain à l'origine rattaché à une ferme, espace intermédiaire entre les bâtiments et les terres cultivées ou pâturées, le patecq a vocation, à l'occasion des successions et partages, à rester commun aux copartageants.

Selon la jurisprudence, un patecq est un espace généralement non bâti laissé autour d'un ou plusieurs bâtiments, à l'usage de ce ou ces bâtiments ( 3ème chambre civile 8 octobre 2015 pourvoi 14-16216). Il s'agit d' un bien immobilier affecté, à titre d'accessoire indispensable, à l'usage du ou des bâtiments dont il dépend.

Les droits au patecq ne peuvent de ce fait être cédés indépendamment des biens auxquels il est rattaché et inversement ( cassation 3ème chambre civile 3 avril 2012 pourvoi n° 11-16953).

Le patecq est soumis à un régime d'indivision forcée de nature perpétuelle , nul ne pouvant demander à sortir de l'indivision et provoquer le partage du patecq par décision de justice, par dérogation au régime de l'indivision classique. Les droits au patecq ne se perdent pas non plus par le non usage. Du fait de son régime d'indivision forcée, la partage d'un patecq, sa dissolution ou son appropriation ne sont possibles que de l'accord unanime de tous les propriétaires des fonds qui en bénéficient, encore appelés « communistes ».

Par ailleurs, la preuve de la propriété immobilière est libre. Le juge dispose d'un pouvoir souverain pour dégager les présomptions les meilleures et les plus caractérisées :

En présence de titres contradictoires ou insuffisants à rapporter la preuve de la propriété, les juges peuvent se fonder sur des présomptions.

Les documents cadastraux ne sont pas revêtus d'une force probante particulière et sont au nombre des éléments soumis à l'appréciation souveraine des juges du fond, et cela même s'ils sont en concordance avec les titres de propriété .

Enfin, c'est également souverainement que les juges apprécient la valeur des éléments de preuve versés aux débats à l'appui d'une demande tendant à faire reconnaître un droit de propriété.

Les appelants revendiquent la propriété indivisible et perpétuelle entre les propriétaires riverains d'un chemin commun dit [Localité 25] qui selon eux permettait de relier l'impasse aujourd'hui piétonne située entre les parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15], à la voie communale carrossable traversant le bourg, ancien chemin de [Localité 34], en passant par le Nord des actuelles parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 16], [Cadastre 19], [Cadastre 22], [Cadastre 7], 805 et [Cadastre 8].

En l'espèce aucun des titres versés aux débats ne mentionne l'existence d'un chemin commun affecté à titre d'accessoire indispensable, à l'usage desdites parcelles pour permettre leur desserte

Si, le plan de délimitation des propriétés [U] ( A [Cadastre 7] ' A[Cadastre 10]) et [L]( A [Cadastre 9] et [Cadastre 8]),établi le 28 juin 1963 par M [I], géomètre expert, fait figurer le tracé d' un chemin commun de 3 mètres de large dit « [Localité 25] » traversant lesdites parcelles et permettant un accès au chemin de [Localité 34], ce plan s'arrête toutefois à la parcelle A [Cadastre 20], devenue [Cadastre 22] et [Cadastre 23], et ne permet pas d'affirmer que son tracé se prolongeait au delà, sur les parcelles A [Cadastre 19] , [Cadastre 16] et [Cadastre 12].

De même , le plan établi le 15 décembre 2000 par M [O] pour délimiter la propriété [DL]( parcelle [Cadastre 19]), s'il mentionne la présence physique d'un passage séparant la parcelle [W]( [Cadastre 17]), au Nord, des parcelles [DL]([Cadastre 19]) et [J]( [Cadastre 16]), au Sud, ne permet pas de qualifier ce passage d'accessoire indispensable à l'usage desdites parcelles, ni d'inférer qu' il le serait également pour les parcelles A [Cadastre 12] des époux [G] et [Cadastre 6] des consorts [S] [C] situées plus à l'Est.

A cet égard, le seul acte vérifié par l'expert [Z] mandaté par les consorts [S] [C] porte sur la vente [X] [B] du 1er février 2011. S'il prévoit l'accès à la parcelle [Cadastre 22] par un passage sur les parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 16] et [Cadastre 19], ce que reconnaissent les intimés, cet acte précise en revanche qu' aucune servitude écrite n'a été enregistrée, bien que l'accès soit existant « depuis plusieurs années et clairement marqué ».

Cette mention ne saurait toutefois rendre compte d'une indivision forcée perpétuelle sur ledit passage et exclure l' existence d'une tolérance forgée au fil du temps, au bénéfice de tiers parmi lesquels les auteurs des consorts [S] [C], les époux [W].

Les consorts [S] [C] seront en conséquence déboutés de leur demande principale tendant à voir reconnaître l 'existence d'une propriété indivise perpétuelle sur l'assiette du passage revendiqué sur les parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 16] des intimés.

Sur l'état d'enclave :

Les consorts [S] [C] soutiennent que leur fonds est enclavé, au sens des dispositions des articles 682 et suivants du code civil, au motif qu'ils ne bénéficient pas d'un accès suffisant en voiture, depuis la voie publique jusqu'à leur habitation. Ils font valoir notamment, au moyen des attestations et photographies qu'ils versent aux débats, que la parcelle [Cadastre 17], sur laquelle ils ont délimité un emplacement de stationnement pour leur véhicule, est enclavée et que son accès extérieur nécessite une circulation sur le passage rattaché aux propriétés [G] et [K]. Ainsi , il leur est impossible de se garer chez eux dans leur jardin près de la porte d'entrée de leur maison sans passer sur la propriété des intimés.

Ils ajoutent que la voie communale ne permet pas à un véhicule d'effectuer une quelconque man'uvre pour faire un demi-tour et repartir dans le bon sens, de telle sorte qu'il faudrait faire une marche arrière à l'aveugle sur plusieurs mètres( 30 m) pour déboucher sans visibilité sur la route communale ouverte à la circulation publique dans les deux sens .

Ils font valoir que sans droit de passage, ils ne peuvent même pas accéder au portillon desservant leur propriété et que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal la baie vitrée de la cuisine, qui ne s'ouvre que de l'intérieur, ne confronte la voie publique que sur la moitié de sa longueur, l'autre moitié, comme le portillon ancien qui permet l'accès à leur maison confrontant le passage situé sur la propriété [G].

Enfin, ils considèrent qu'ils doivent pouvoir accéder à leur jardin de 700 m²( parcelle [Cadastre 17]) pour l'entretenir, ce qu'ils ne peuvent faire sans passer par les parcelles de leurs voisins.

Ils contestent également l'existence d'un autre accès , carrossable, en indiquant que la ruelle récemment goudronnée photographiée par les intimés ne permet pas un accès en voiture à leur propriété.

Les intimés répliquent qu'un simple souci de commodité ou de convenance ne peut fonder un état d'enclave et qu'un propriétaire ne saurait se voir reconnaître une servitude de passage sur un chemin privé, pour sa commodité personnelle, alors qu'il dispose d'une issue suffisante sur la voie publique.

Ils considèrent que les demandeurs disposent de deux accès à pied et en voiture qu'ils utilisent quotidiennement :

' l'un par la voie communale en empruntant le passage situé entre les parcelles A[Cadastre 12]-[Cadastre 13] et A [Cadastre 14]-[Cadastre 15] ;

' l'autre par la parcelle communale A[Cadastre 3], notamment par le Nord-Ouest de cette parcelle ( place publique) ;

Il ressort en l 'espèce de l'attestation du maire de [Localité 32] ( pièce 6 des intimés ) et du plan d'avant projet des espaces de surface qui y est annexé que le premier passage est un passage piétonnier qui peut être emprunté occasionnellement par les véhicules en cas de nécessité( travaux , livraisons, déménagement). Ce passage donne à la fois sur la parcelle [Cadastre 6] des appelants et sur la parcelle [Cadastre 12] des époux [G]. Ce qui est également le cas de la ruelle goudronnée longeant la parcelle [Cadastre 3], dont il n'est pas permis d'affirmer qu'elle permette la circulation des véhicules automobiles sur toute sa longueur.

Dès lors, à supposer qu'un passage soit accordé aux consorts [S] [C] sur la parcelle [Cadastre 12], c'est par ces deux voies publiques d' accès limité, l'une en raison de sa réglementation, l'autre en raison de son étroitesse, que les demandeurs pourraient accéder à leur fonds en voiture.

En réalité, l'utilité du passage revendiqué se conçoit pour permettre aux consorts [S] [C] d'accéder à la parcelle [Cadastre 17], jardin attenant à leur habitation qu'ils doivent entretenir et sur lequel ils souhaitent stationner leur véhicule, de man'uvrer en voiture lorsqu'ils empruntent la voie piétonne et d'accéder également à leur habitation par la porte d'entrée et non par la baie vitrée de la cuisine.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal , l'accès au portillon d'entrée des appelants ne se fait pas directement depuis la voie publique puisqu'il suppose de passer sur la parcelle [Cadastre 12] des époux [G]. Il n'est pas non plus établi que ce que le tribunal qualifie de «  vaste porche » ou « d'ancienne ouverture de grande ampleur », en réalité la modeste baie vitrée de l'actuelle cuisine aurait permis une desserte suffisante depuis la voie publique, au regard de l'utilisation normale du fonds à usage d'habitation, alors au surplus que les demandeurs soutiennent que la baie vitrée de leur cuisine confronte la limite Est de la parcelle [Cadastre 12] sur une grande partie de son ouverture.

Les éléments soumis à l'appréciation de la cour étant insuffisants pour déterminer l'état d'enclave, il convient d'ordonner une expertise.aux frais avancés des consorts [S] [C], l'expert se voyant confier la mission habituelle en la matière.

La cour ordonne en conséquence le sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour , statuant par arrêt mixte, mis à disposition au greffe , contradictoirement et en dernier ressort,

Déboute les consorts [S] [C] de leur demande tendant à se voir reconnaître la propriété indivise du chemin dit [Localité 25] dont l'usage leur est commun et qu' à ce titre le libre accès à leur parcelle doit être rétabli.

Avant dire droit sur l'état d'enclave et le chemin de désenclavement éventuel,

Ordonne une expertise confiée à :

Monsieur [XM] [N]

Géomètre expert foncier DPLG

[Adresse 2]

[Localité 1],

Avec pour mission de :

Se rendre sur les lieux cadastrés section A numéros [Cadastre 6] [Cadastre 5] [Cadastre 17] et [Cadastre 21] propriété des consorts [S] [C], section A [Cadastre 12] et [Cadastre 13] propriété des époux [G], et A [Cadastre 16] propriété de Madame [K], à [Localité 32](04), en présence des parties,

Les décrire dans leur état actuel et en dresser un plan,

Entendre les parties et se faire remettre tous documents et procéder à toutes constatations,

Rechercher l'origine des parcelles concernées, à travers les actes,

Fournir les éléments d'appréciation permettant de procéder à la délimitation des propriétés des parties et plus précisément les limites suivantes :

' délimitation entre les parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 6] entre elles et par rapport à la voie publique située entre les parcelles [Cadastre 12]-[Cadastre 13] et [Cadastre 14]-[Cadastre 15],

Recueillir tous les éléments permettant de déterminer si le fonds des consorts [S] [C], cadastré A[Cadastre 6], [Cadastre 5], [Cadastre 17] et [Cadastre 21] est en état d'enclave, au regard de son utilisation normale,

Dans cette hypothèse, déterminer le passage de nature à assurer le désenclavement du fonds en faisant application des dispositions de l'article 683 du code civil et, éventuellement, de celles de l'article 684 en cas de division d'un même fonds d'origine,

Apporter tous les éléments essentiels à la résolution du litige,

Fixe à la somme de 3000 euros (trois mille euros) la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par les consorts [S] [C] , au greffe de la cour (régie) dans le délai de DEUX MOIS à compter de la présente décision, sans autre avis,

Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité. L'instance sera poursuivie sauf à ce qu'il soit tiré toute conséquence de l'abstention ou du refus de consigner,

Dit que lors de la première réunion, ou au plus tard de la seconde réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours,

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle, la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de Procédure Civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix, après y avoir été autorisé par le magistrat chargé du contrôle des expertises,

Dit qu'en cas de difficulté, l'expert saisira le magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour , désigné pour suivre la mesure d'instruction,

Dit qu'au terme de ses investigations, l' expert notifiera aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai pour faire valoir leurs observations sous forme de dires, auxquels il répondra avant de déposer son rapport définitif au greffe de la cour,

Dit que l'expert devra déposer au greffe de la cour le rapport définitif de ses opérations dans le délai de SIX MOIS à dater de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera copie à chacune des parties en cause,

Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport,

Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,

Désigne le magistrat de la mise en état de la chambre 1-5 pour contrôler les opérations d'expertise,

Sursoit à statuer sur le surplus des demandes des parties.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/10983
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;20.10983 ?
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