COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUIN 2024
N° 2024/162
Rôle N° RG 20/03567 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFXDN
[O] [X]
C/
S.A.R.L. RD BAT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Gilles ALLIGIER
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 30 juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03006.
APPELANT
Monsieur [O] [X]
né le 26 Mars 1960 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Estelle CIUSSI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.A.R.L. RD BA,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assistée de Me Christian BENDO, avocat au barreau de CARPENTRAS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente,
Madame Béatrice MARS, conseillère rapporteure,
Madame Florence TANGUY, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juin 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 juin 2024,
Signé par Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SARL RD Bat expose avoir été chargée par M. [O] [X] de travaux de maçonnerie de
reprise de fissures sur le trottoir en périphérie des fondations à la suite de travaux de consolidation de sol.
Un procès-verbal de réception sans réserve a été signé le 26 novembre 2015.
Se plaignant de ne pas avoir été intégralement réglé de ses travaux, la SARL RD Bat a, par acte du 19 juin 2017, assigné M. [O] [X] aux fins d'être autorisée à exécuter les travaux de reprise extérieur ; de voir condamner M. [X] à faciliter la réalisation de ces travaux de reprise dans le mois suivant la signification du jugement à intervenir ; à défaut, le condamner à la somme de15 237,18 euros (9 374,96 euros (capital dû) + 5 862,22 euros pénalités de retard) à parfaire au jour du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ; 5 000 euros de dommages et intérêts ; 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 30 juillet 2019 le tribunal de grande instance de Grasse a :
-condamné M. [O] [X] à payer à la SARL RD Bat la somme de 9374,96 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2016, avec capitalisation à compter de cette même date, jusqu'à parfait paiement,
-rejeté la demande de fixation d'une astreinte,
-débouté la SARL RD Bat de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
-condamné M . [O] [X] à verser à la SARL RD Bat la somme de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [O] [X] aux entiers dépens,
-ordonné l'exécution provisoire.
M. [O] [X] a relevé appel de cette décision le 9 mars 2020.
Vu les dernières conclusions de M. [O] [X], notifiées par voie électronique le 26 décembre 2023, au terme desquelles il est demandé à la cour de :
Vu les anciens articles 1134 et 1135 du code civil (nouveaux articles 1103 et 1104) ;
Vu l'ancien article 1147 du code civil (nouvel article 1231-1 code civil) ;
Vu les articles 144, 232, 564 et suivants du CPC ;
Vu le jugement rendu par le TGI de Grasse du 30 juillet 2019 ;
Vu les pièces versées aux débats ;
-dire l'appel recevable et bien fondé,
-réformer parte in qua le jugement du TGI de Grasse du 30 juillet 2019 en ce qu'il a :
*condamné M. [O] [X] à payer la SARL RD Bat la somme de 9 374,96 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2019 et capitalisation à compter de cette même date jusqu'à parfait paiement,
*condamné M. [O] [X] à payer la SARL RD Bat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens,
-confirmer parte in qua le jugement du TGI de Grasse du 30 juillet 2019 en ce qu'il a rejeté les demandes de la SARL RD Bat tendant à la fixation d'une astreinte et à l'allocation de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Statuant à nouveau,
-déclarer inopposable à M. [O] [X] le procès-verbal de réception de travaux sans réserve du 25 novembre 2015 signé par Mme [D] [X],
-juger que les travaux n'ont pas été réalisés par la société RD Bat dans les règles de l'art et que les désordres subis par M. [X] résultent de malfaçons imputables à la société RD Bat,
-juger que les malfaçons sont apparues postérieurement à la réception des travaux et/ou l'achèvement des travaux auxquels la SARL RD Bat n'a pas remédié et que la SARL RD Bat a manqué à ses obligations contractuelles en n'achevant pas les travaux commandés et en ne reprenant pas les malfaçons comme elle s'y était pourtant engagée,
En conséquence,
-débouter la SARL RD Bat de sa demande de paiement au titre du solde de sa facture de travaux du 25 novembre 2016 en l'état des malfaçons et de la mauvaise exécution,
-rejeter en tout état de cause la demande de la SARL RD Bat au titre des intérêts au taux légal majoré de trois points à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2019 et capitalisation à compter de cette même date jusqu'à parfait paiement, les dispositions de l'article L411-6 du code commerce en vigueur en l'espèce (nouvel article L411-10 du même code) n'étant pas applicable en l'espèce s'agissant d'un paiement dû par un client particulier,
-rejeter en tout état de cause la demande de la SARL RD Bat au titre des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2019 et capitalisation à compter de cette même date jusqu'à parfait paiement,
Subsidiairement,
-ordonner la désignation d'un expert judiciaire tel qu'il plaira avec mission de :
-se rendre sur les lieux 1404 route départementale 2209 à [Localité 1] ([Localité 1]) en présente de toutes les parties et recueillir leurs prétentions,
-se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera à l'accomplissement de sa mission,
-vérifier la réalité des désordres dénoncés par M. [O] [X], si les travaux effectués par la
société RD Bat ont été réalisés dans les règles de l'art et conforme au devis initial, si les désordres résultent de malfaçons de manquements aux règles de l'art ou de toute autre cause,
-indiquer s'ils compromettent la solidité des ouvrages ou les affectent dans leurs éléments constitutifs et les rendent impropre à leur destination,
-fournir tout élément technique de nature à permettre de déterminer les responsabilités encourues par les parties ainsi que par des tiers à l'instance qui seraient intervenus à quelque titre que ce soit sur les ouvrages, et répartir s'il y a lieu les responsabilités entre les intervenants,
-décrire les travaux de reprise à réaliser, en évaluer la durée et en chiffrer le coût,
-fournir tous les éléments de nature à permettre ultérieurement à la cour de statuer sur les responsabilités encourues et le cas échéant sur les préjudices directs et indirects,
-établir un compte entre les parties,
Reconventionnellement,
-juger que la SARL RD Bat a commis une faute engageant sa responsabilité à l'origine des
préjudices subis par M. [O] [X],
-ordonner la désignation d'un expert judiciaire tel qu'il plaira avec mission de :
-se rendre sur les lieux 1404 route départementale 2209 à [Localité 1] ([Localité 1]) en présente de toutes
les parties et recueillir leurs prétentions,
-se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera à l'accomplissement de sa mission,
-vérifier la réalité des désordres dénoncés par M. [O] [X], si les travaux effectués par la
société RD Bat ont été réalisés dans les règles de l'art et conforme au devis initial, si les désordres résultent de malfaçons de manquements aux règles de l'art ou de toute autre cause,
indiquer s'ils compromettent la solidité des ouvrages ou les affectent dans leurs éléments constitutifs et les rendent impropre à leur destination,
-fournir tout élément technique de nature à permettre de déterminer les responsabilités encourues par les parties ainsi que par des tiers à l'instance qui seraient intervenus à quelque titre que ce soit sur les ouvrages, et répartir s'il y a lieu les responsabilités entre les intervenants,
-décrire les travaux de reprise à réaliser, en évaluer la durée et en chiffrer le coût,
-fournir tous les éléments de nature à permettre ultérieurement à la cour de statuer sur les responsabilités encourues et le cas échéant sur les préjudices directs et indirects,
-établir un compte entre les parties,
-condamner la SARL RD Bat à supporter l'intégralité des préjudices subis par M. [O] [X] du fait des inexécutions et malfaçons qui seront chiffrés par l'expert judiciaire ou à défaut la condamner à payer à M. [O] [X] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance depuis décembre 2015,
-ordonner la compensation des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de M. [O] [X] avec le montant des préjudices subis par celui-ci du fait des inexécutions et malfaçons,
En tout état de cause,
-débouter la SARL RD Bat de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
-condamner la SARL RD Bat au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Gilles Alligier ;
Vu les dernières conclusions de la SARL RD Bat, notifiées par voie électronique le 26 août 2020, au terme desquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil en vigueur à l'époque des faits ;
Sous réserve de l'exécution de la décision par Monsieur [X] ;
-constater que la concluante n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission,
-constater que « la SARL [X] » avait proposé de réparer les désordres consécutifs aux orages,
-constater la mauvaise foi de M. [X] qui a refusé la réparation des désordres,
-dire et juger que M . [X] a fait preuve de résistance abusive,
Par conséquent,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
*condamné [O] [X] à payer à la SARL RD Bat la somme de 9 374,96 euros toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2016, avec capitalisation à compter de cette même date, jusqu'à parfait paiement,
*condamné [O] [X] à verser à la SARL RD Bat la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamné [O] [X] aux entiers dépens,
*ordonné l'exécution provisoire,
-reformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
*débouté le SARL RD Bat de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Statuant à nouveau :
-débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
-condamner Monsieur [X] à la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,
-condamner Monsieur [X] à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
-condamner le même aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix en Provence représentée par Maître Romain Cherfils, avocat aux offres de droit ;
L'ordonnance de clôture est en date du 22 mars 2024.
Vu les conclusions signifiées par M. [O] [X] le 3 avril 2024 au terme desquelles il est notamment demandé à la cour de :
-ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée initialement le 22 mars 2024 à la date de l'audience de plaidoiries le 5 avril 2024,
-déclarer recevables et admettre les présentes écritures et les nouvelles pièces n°11 et 12 ;
Vu les conclusions signifiées par la SARL RD Bat le 4 avril 2024 au terme desquelles il est notamment demandé à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 803 du CPC ;
Vu l'absence de cause grave ;
-débouter M. [X] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
-rejeter en conséquence ses dernières conclusions et ses deux nouvelles pièces signifiées le 3/04/24, post clôture ;
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur la procédure :
Aux termes des articles 802 et 803 du code de procédure civile, les conclusions déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture doivent être déclarées d'office irrecevables, l'ordonnance de clôture ne pouvant être révoquée que pour une cause grave s'étant révélée postérieurement à son prononcé.
Au soutien de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 22 mars 2024, M. [X] soutient que les désordres invoqués se sont aggravés à la suite des pluies de mars 2024, donnant lieu à l'établissement d'un procès-verbal de constat et d'un devis actualisé.
Ces éléments ne peuvent constituer la cause grave postérieure à la clôture, comme exigé par l'article 803 susvisé pour permettre la révocation demandée.
En conséquence, les conclusions signifiées par M. [O] [X] le 3 avril 2024 postérieurement à l'ordonnance de clôture du 22 mars 2024 seront déclarées irrecevables.
Les pièces n° 11 et 12 de M. [X] signifiées à l'occasion des conclusions du 3 avril 2024 par ce dernier, soit après l'ordonnance de clôture du 22 mars 2024 seront écartées.
La cour ne statuera donc que sur les seules conclusions au fond du 26 décembre 2023 de M. [X] et du 26 août 2020 de la SARL RD Bat.
- Sur le fond :
M. [X] s'oppose à la demande de paiement formée par la SARL RD Bat. Il fait valoir que le procès-verbal de réception sans réserve signé par son épouse lui est inopposable ; que les travaux réalisés par cette société sont affectés de désordres qui seraient apparus postérieurement à la réception.
Aux termes de l'article 1421 du code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre.
Le fait que M. [X] ait signé seul le devis émis par la SARL RD Bat est sans influence sur l'opposabilité du procès-verbal de réception sans réserve signé le 26 novembre 2015, alors qu'il n'est pas démontré que le bien objet des travaux n'est pas un bien commun et que M. [X] ne soutient pas l'existence d'une fraude à ses droits.
De plus, la jurisprudence invoquée par M. [X] concerne l'article 220 du code civil, qui prévoit que chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants et que toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement, est inopérante quant à l'opposabilité à l'un des époux d'un procès-verbal de réception signé par l'autre.
Ainsi, comme le retient à juste titre le premier juge, le procès-verbal de réception sans réserve signé le 26 novembre 2015 est opposable à M. [X].
La SARL RD Bat sollicite le paiement d'une somme de 9 374,96 euros au titre du solde de ses travaux.
M. [X] s'oppose au paiement du solde et fait valoir l'exception d'inexécution. Il soutient que les désordres affectant les travaux réalisés, qui se seraient manifestés dans leur ampleur et conséquence après la réception et dont la matérialité est établie par un courrier de l'expert de la SA Allianz et des mails de la SARL RD Bat, sont constitutifs de manquements suffisamment graves pour justifier le non-paiement du solde.
La SARL RD Bat prétend qu'elle a proposé à plusieurs reprises à M. [X] d'intervenir, ce qu'il n'a pas accepté.
La réception a pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre les parties, sauf pour les désordres qui ont fait l'objet de réserves lesquelles démontrent que l'entrepreneur n'a pas rempli l'obligation de résultat mise à sa charge par le contrat.
Il s'en déduit que le maître d'ouvrage ne peut opposer à l'entrepreneur l'exception d'inexécution pour les seuls désordres réservés, et non pour ceux qui seraient apparus postérieurement.
Dès lors, au vu du procès-verbal de réception sans réserve produit, M. [X] ne peut utilement invoquer l'exception d'inexécution afin de contester le paiement du solde des travaux.
Ainsi, la décision du premier juge sera confirmée.
M. [X] sollicite, devant la cour, le prononcé d'une expertise aux fins d'établir, contradictoirement, la matérialité des désordres dénoncés.
Toutefois, ce dernier n'a formé, dans la présente instance, aucune demande tendant à la réparation des désordres qu'il impute à la SARL RD Bat, mais a uniquement opposé une exception d'inexécution à sa demande de paiement du solde des travaux.
En conséquence, la demande de prononcé d'une mesure d'expertise sera rejetée comme non pertinente dans le cadre de la présente instance et non utile à la solution du litige.
Aucun abus du droit d'agir n'étant caractérisé, la SARL RD Bat sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
Aucune considération d'équité ne justifie en la cause de laisser à la charge de la SARL RD Bat les frais irrépétibles engagés dans la présente instance. M. [O] [X] sera condamné à lui payer, à ce titre, une somme de 800 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire ;
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 3 avril 2024 par M. [O] [X] ;
Écarte les pièces n° 11 et 12 de M. [O] [X] ;
Confirme dans son intégralité le jugement en date du 30 juillet 2019 ;
Condamne M. [O] [X] à payer à la SARL RD Bat une somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [O] [X] aux entiers dépens de la présente instance avec recouvrement au profit de la SELARL Lexavoue Aix en Provence représentée par Maître Romain Cherfils.
Le Greffier, La Présidente,