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30/05/2024 | FRANCE | N°23/12634

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 30 mai 2024, 23/12634


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

ac

N° 2024/ 197









Rôle N° RG 23/12634 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMAAB







SAS VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL





C/



[E] [L]

Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L IMMEUBLE [Adresse 40]

S.C.I. SCI ELIVAL

Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41])














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Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON,



SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS



SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN









Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal de GRASSE en date du 04 Septembre 2...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

ac

N° 2024/ 197

Rôle N° RG 23/12634 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BMAAB

SAS VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL

C/

[E] [L]

Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L IMMEUBLE [Adresse 40]

S.C.I. SCI ELIVAL

Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41])

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON,

SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS

SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal de GRASSE en date du 04 Septembre 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 21/04943.

APPELANTE ET INTIMÉE

SAS VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL dont le siège social est [Adresse 3], représentée en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité au siège social

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul SZEPETOWSKI de la SELARL S.Z., avocat au barreau de NICE

INTIMÉE ET APPELANTE

Etablissement Public ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41]) établissement public à caractère industriel et commercial, sis [Adresse 7], agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, dûment habilité et domicilié en cette qualité de droit audit siège.

représentéepar Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hélène LABORDE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Jordan SOCHAY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

Monsieur [E] [L]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocat au barreau de NICE, plaidant

Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] sis [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société dénommée GTS IMMOBILIER, S.A.S., dont le siège social est sis [Adresse 13], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocat au barreau de NICE, plaidant

S.C.I. SCI ELIVAL SCI ELIVAL, S.C.I , [Adresse 2], dont le siège social est [Adresse 2] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La Sas Vinci Immobilier Residentiel est bénéficiaire d'une promesse de vente qu'elle a régularisée avec l'EPF [Localité 41] portant sur les parcelles cadastrées [Cadastre 26] à [Cadastre 28] situées [Adresse 30] à [Localité 42], et sur lesquelles elle a obtenu un permis de construire le 6 juillet 2021 lui permettant de construire un immeuble collectif de plusieurs logements.

La société Elival est propriétaire d'une propriété située [Adresse 2] comprenant une maison à usage d'habitation avec terrain autour cadastré Section [Cadastre 25]. Elle est propriétaire indivise de la parcelle [Cadastre 20].

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 40] est propriétaire des parcelles cadastrées [Cadastre 18] et [Cadastre 19].

[E] [L] est propriétaire des parcelles cadastrées [Cadastre 21] et [Cadastre 23] ( anciennement [Cadastre 39]) dont une partie de l'assiette la parcelle [Cadastre 23] est ouverte à la circulation publique.

Aux termes d'un document d'arpentage dressé le 4 juillet 2017, la parcelle cadastrée section [Cadastre 23] a été divisée en trois nouvelles parcelles cadastrées [Cadastre 22], [Cadastre 17], [Cadastre 24].

Par acte du 2017 la Métropole a acquis de M.[L] la parcelle [Cadastre 17] afin de procéder à l'élargissement de la voie publique, celui-ci demeurant propriétaire des parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 24] et [Cadastre 21], et y fait réaliser un mur d'enceinte/de confortement qui clôture la parcelle [Cadastre 24].

Suivant acte du 5 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 40], la Sci Elival et M.[L] ont saisi le tribunal judiciaire de Grasse afin qu'il soit constaté l'absence de servitude de passage sur leurs fonds au profit du fonds AP87.

Par décision du 4 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Grasse a statué en ces termes :

-Dit qu'il n'est pas établi que la parcelle cadastrée section [Cadastre 28] bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle ou par destination du père de famille sur la parcelle section [Cadastre 24] (anciennement [Cadastre 23])

-Dit qu'il n'est pas établi que les parcelles section [Cadastre 26],[Cadastre 27],[Cadastre 14],[Cadastre 15] et [Cadastre 28] bénéficient d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle section [Cadastre 20]

-Fait interdiction sous astreinte de 1.000€ par infraction constatée au propriétaire des parcelles [Cadastre 26],[Cadastre 27],[Cadastre 14],[Cadastre 15] et [Cadastre 28] sises à [Localité 42] de passer sur la moitié indivise de la parcelle [Cadastre 20] appartenant à la Société ELIVAL et sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 24] appartenant à Monsieur [L] pour les besoins de la mise en 'uvre du permis de construire n°PC 006 123 20 C 0063 qui a été délivré tacitement par Monsieur le Préfet du département des [Localité 16] à la Société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, ou de toute autre autorisation d'urbanisme qui sera délivrée tacitement à qui que ce soit pour réaliser quelque projet que ce soit sur ces parcelles ou l'une d'entre elles seulement

-Débouté l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41]) et la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, SNC de leurs demandes tendant à voir Monsieur [E] [L] à démolir les ouvrages édifiés sur la parcelle cadastrale [Cadastre 24],

-Débouté l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41]) et la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, SNC de leurs toutes demandes de condamnations à des dommages et intérêts,

-Rejeté toute autre ou plus ample demande,

-Condamné in solidum l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41]) et la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, SNC à verser à Monsieur [L] [E], le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] sis [Adresse 6], la SCI ELIVAL, une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-Condamné in solidum l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] (EPF [Localité 41]) et la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, SNC aux entiers dépens de la présente instance.

-Ordonné l'exécution provisoire

Pour statuer en ce sens le tribunal a considéré qu'il résulte de l'acte du 30 juin 1936 qu'aucune servitude de passage n'a été créée au profit du fonds AP [Cadastre 28] qui a été subdivisé en plusieurs parcelles dont la parcelle [Cadastre 24], puisque un simple droit de passage a été accordé à Madame [N] [C] qui s'est donc éteint à son décès.

Par acte des 9 et 12 octobre 2023 la Sas Vinci Immobilier Residentiel et l'Établissement Public Foncier [Localité 41] (ci après Epf [Localité 41]) ont interjeté appel de la décision.

Par conclusions notifiées le 12 janvier 2024 l'Établissement Public Foncier [Localité 41] ( EPF [Localité 41]) demande à la cour de :

INFIRMER le jugement en date du 4 septembre 2023

STATUANT à nouveau :

' ORDONNER la jonction de la présente instance avec l'instance enregistrée sous le numéro 23/12634 et distribuée devant la Chambre 1-5 de la Cour de céans ;

A titre principal :

' JUGER que les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 28] bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage grevant la parcelle cadastrale section [Cadastre 20] ;

' JUGER que la parcelle cadastrale section [Cadastre 28] bénéficie d'une servitude de passage par destination du père de famille grevant la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] ;

' CONDAMNER monsieur [E] [L] et ses ayants droit à supprimer le mur de clôture de la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] pour permettre l'exercice de la servitude de passage par destination du père de famille dont il est débiteur et ce, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir;

' DÉBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] situé [Adresse 6], monsieur [E] [L] et la société ELIVAL de leur demande visant à obtenir la désignation d'un expert judiciaire ;

' DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] situé [Adresse 6], [E] [L] et la société ELIVAL de leurs demandes de provision ad litem ;

A titre subsidiaire :

- JUGER que les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 28] sont enclavées ;

- JUGER que les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 15] ont acquis, sur le fondement de l'article 685 du Code civil, l'assiette et les modalités d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrale section [Cadastre 20] ;

- JUGER que la parcelle section [Cadastre 28] a acquis, sur le fondement de l'article 685 du Code civil, l'assiette et les modalités d'une servitude de passage sur la parcelle section [Cadastre 23], propriété de monsieur [L] devenue aujourd'hui la parcelle section [Cadastre 24] ;

- CONDAMNER monsieur [E] [L] et ses ayants droit à supprimer le mur de clôture de la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] pour permettre l'exercice de la servitude de passage dont il est débiteur et ce, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

A titre infiniment subsidiaire :

' JUGER que la parcelle cadastrale section [Cadastre 28] est enclavée ;

' JUGER que la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] est grevée d'une servitude légale de passage au profit de la parcelle cadastrale section [Cadastre 28] ;

En conséquence :

' A titre principal, CONDAMNER monsieur [E] [L] et ses ayants droit à supprimer les parties du mur de clôture de la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] mesurant 0,757, 4,104, 5403 et 6,362 mètres de long afin de dégager un espace suffisant pour permettre l'exercice de la servitude de passage dont il est débiteur et ce, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

' Subsidiairement, AUTORISER L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] à faire tous les travaux nécessaires pour rétablir l'assiette de la servitude légale de passage grevant la parcelle cadastrale section [Cadastre 24], y compris de procéder à la démolition des parties du mur de clôture de la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] mesurant 0,757, 4,104, 5403 et 6,362 mètres de long afin de dégager un espace suffisant pour permettre l'exercice de la servitude de passage et à compléter le mur de clôture de la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] afin qu'il rejoigne de chaque côté la parcelle cadastrale section [Cadastre 23].

A titre également infiniment subsidiaire, désigner tel expert qui lui plaira ayant pour mission de:

' Se rendre sur place ;

' Visiter les lieux ;

' Dire que les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 28] sont enclavées ;

' Déterminer et matérialiser sur un plan l'assiette de la servitude légale de passage grevant la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] au profit de la parcelle cadastrale section [Cadastre 28] ;

' Déterminer, sur la base de devis présentés par les parties, les travaux nécessaires pour rejoindre la voie publique par la parcelle cadastrale [Cadastre 24] à partir de la parcelle cadastrale section [Cadastre 28] et chiffrer les travaux déterminés.

A titre éminemment subsidiaire :

' CONDAMNER solidairement le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] situé [Adresse 6], monsieur [E] [L] et la société ELIVAL à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] la somme des intérêts au taux légal qu'il aurait pu percevoir sur le prix de vente depuis le 1 er août 2017, soit le lendemain de la date la plus tardive à laquelle la promesse synallagmatique de vente devait être réitérée ;

' CONDAMNER solidairement le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] situé [Adresse 6], monsieur [E] [L] et la société ELIVAL à verser à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41] la somme de 1.890.000,00 euros correspondant au prix indiqué dans la promesse synallagmatique de vente conclue entre ce dernier et la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL devenue caduque en raison du caractère enclavé des parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 28] interdisant la mise en 'uvre du permis de construire en date du 6 juillet 2021 obtenu par la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, purgé de tout recours, ou la mise en 'uvre de tout autre projet

similaire ;

En tout état de cause :

- CONDAMNER in solidum le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 40] situé [Adresse 6], monsieur [E] [L] et la société ELIVAL au paiement de la somme de 15.000 € à L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER [Localité 41],

au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient :

- que les parcelles section [Cadastre 26] à [Cadastre 15] bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage au Nord sur la moitié de la parcelle cadastrale section [Cadastre 20], propriété pour moitié de la société ELIVAL (C) ;

- que la parcelle cadastrée section [Cadastre 28] bénéficie d'une servitude de passage au Sud sur l'[Adresse 30] constituée par destination du père de famille sur la parcelle section [Cadastre 23], propriété de monsieur [L], devenue aujourd'hui la parcelle cadastrale section [Cadastre 24]

- que les deux parties publiques de l'avenue étaient réunies par une propriété privée ouverte à la circulation publique,

- que l'acte de vente des auteurs de la SCI ELIVAL en date du 17 mai 1954, reproduit au titre des servitudes, à l'acte de vente du 19 février 2014 portant sur les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 15], prévoit que madame [N] [C] a conservé la seconde moitié indivise de la parcelle cadastrale section [Cadastre 20] ;

- qu'il semble que la moitié de la parcelle cadastrale section [Cadastre 20] puisse  être qualifiée de bien sans maître ayant vocation à intégrer le patrimoine de la commune ;

- que le document, établi par les services des impôts fonciers afin de calculer la taxe foncière, ne vaut aucunement preuve de propriété d'autant que l'acte de vente de la société ELIVAL prévoit expressément que seule lui est cédée la moitié de la parcelle cadastrale section [Cadastre 20].

- que le notaire le 19 février 2014 indique que la propriété vendue à l'EPF [Localité 41] par madame [K], qui l'a elle-même reçue de madame [R] le 25 mars 2004 par dévolution successorale, bénéficie d'une servitude de passage grevant la parcelle cadastrée section [Cadastre 20].

- que s'il ne précise pas la référence cadastrale de la parcelle sur laquelle est situé le chemin constituant l'assiette de ladite servitude, l'analyse de l'acte de vente portant sur les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 15], situées au nord de la parcelle cadastrale section [Cadastre 28], permet d'en déduire que l'assiette de la servitude conventionnelle de passage susmentionnée n'est autre que la parcelle cadastrale section [Cadastre 20].

- que selon le constat d'huissier du 13 octobre 2023, la parcelle cadastrale section [Cadastre 20], d'une longueur de 30 mètres, est caractérisée par une largeur de moins de 4 mètres, qui se resserre à 2,71 m au niveau de son entrée, ne permet pas une issue suffisante au passage des engins de secours et a fortiori de la voie échelles nécessaire à la réalisation d'un projet immobilier ;

- que l'Epf est fondé à solliciter qu'une servitude légale de passage soit reconnue au profit de sa parcelle sur la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] (anciennement section [Cadastre 23]).

- que la division des parcelles [Cadastre 28] et 90 résulte de la donation partage du 30 juin 1936,

- qu'il existe un aménagement depuis la division des fonds par l'existence d'un portail sur la parcelle [Cadastre 28] donnant sur la parcelle [Cadastre 23]-[Cadastre 24],

- que la servitude mise en place par le donateur prévoyait que madame [N] [C] disposait d'un droit de passage le long des parcelles cadastrales section [Cadastre 35] et [Cadastre 10] (ces deux dernières parcelles étant devenues [Cadastre 28]) afin d'accéder à l'[Adresse 30] ;

- que les intimés admettent l'existence d'un passage entre les parcelles cadastrales section [Cadastre 28] et [Cadastre 23]  mais soutiennent sans le prouver que le passage a ensuite été supprimé ;

- que l'acte de donation-partage de 1936 prévoyait que « Monsieur [C], donateur, confère à Monsieur [C], attributaire du cinquième lot, le droit de passage sur le chemin de six mètres allant de la route Nationale Numéro 209, et longeant du côté Est, Madame [S] [C]. Le même droit de passage est accordé à Mademoiselle [N] [C], sur toute la longueur du lot qui lui a été attribué. Ce chemin étant la propriété personnelle de Monsieur [C], donateur »

- que cette disposition n'est pas contraire à l'existence de la servitude puisqu'il n'existe aucune clause s'opposant à l'institution d'une servitude ;

- que la reconnaissance de la servitude de passage par destination du père de famille devrait, en principe, grever l'intégralité de l'assiette de l'ancienne parcelle cadastrale section [Cadastre 23] ;

- que dès lors les conditions légales d'établissement d'une servitude de passage par destination du père de famille sont réunies ;

- qu'il s'agit de l'endroit le moins dommageable puisque la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] ne supporte aucune construction et a même été laissée depuis l'édification du mur en 2018 en état de friche,

- que la démolition de ces parties du mur de clôture de la parcelle cadastrale section [Cadastre 24] est le strict nécessaire pour permettre le passage de piétons et de tous types de véhicules terrestres ;

- que cela ne crée aucun dommage à M.[L] car la parcelle concernée par le droit de passage est en état de friche depuis l'édification du mur par la METROPOLE en 2018,

- que la promesse synallagmatique conclue entre l'EPF [Localité 41] et la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL datée du 29 octobre 2015 prévoyait, au titre des conditions suspensives la purge de tout recours du permis de construire délivré par arrêté préfectoral du 21 janvier 2015 au plus tard le 31 janvier 2017 et une réitération en la forme authentique au plus tard le 31 juillet 2017,

- que ce délai a été prorogé à de multiples reprises compte tenu des man'uvres des intimés.

- que cela cause un préjudice à l'EPF [Localité 41] qui n'a pu réitérer la vente de son terrain par acte authentique et dont la réitération est fortement compromise à ce jour ;

- que le délai de péremption du permis est sur le point d'être acquis ;

- qu'elle subit donc une perte de chance certaine de réitérer la promesse de vente conclue avec la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL pour un prix de 1.890.000,00 € ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, la Sas Vinci Immobilier Residentiel demande à la cour au visa des articles 685-1, 1217, 1240 du code civil de:

Condamner M.[L] à démolir tous les ouvrages édifiés sur la parcelle [Cadastre 24] faisant obstacle à l'exercice de la servitude de passage sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ;

Condamner solidairement M.[L], le Sdc [Adresse 40], la Sci Elival au paiement d'une somme de 1.816.000 euros au titre du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,

A titre subsidiaire, condamner solidairement M.[L], le Sdc [Adresse 40], la Sci Elival au paiement d'une somme de 20.000 euros par mois à compter de la date de leur assignation jusqu'à la validation définitive de la servitude par la juridiction outre le paiement d'1.000.000 euros à parfaire au titre de l'érosion monétaire et de l'évolution du coût de la construction ;

Les condamner solidairement au paiement d'une somme de 50.000 euros pour procédure abusive,

Rejeter toutes les demandes de M.[L], le Sdc [Adresse 40], la Sci Elival

Les condamner solidairement au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait valoir :

-que le mur d'enceinte fait obstacle à l'exercice de la servitude de passage ;

- qu'il résulte des décisions du tribunal administratif que les fonds objets de la vente bénéficient de deux passages dont un grève le fonds de M.[L]

- que le droit qualifié de tolérance de passage a été consacré dans la partie servitudes aux termes de deux actes successifs de donation de partage de 1936 et 1933 ;

- que l'intention du donateur n'est pas contredite par l'existence du droit de passage,

- que cela renforce la démonstration de la servitude de passage par destination du père de famille ;

- que s'agissant de la parcelle [Cadastre 20], le tribunal judiciaire a constaté que le titre de propriété de l'EPF faisait mention de la servitude,

- que de nombreux recours contre les permis de construire ont été menés, qu'elle s'expose au risque de perdre son droit à construire et à une perte de marge importante ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2024, le syndicat des copropriétaires [Adresse 40], [E] [L], la Sci Elival demandent à la cour de :

' Sur la demande de jonction

JOINDRE les instances 23/12634 et 23/12755 et JUGER qu'elles seront suivies sous le seul numéro 23/12634

' Principalement

DEBOUTER l'EPF [Localité 41] de son appel incident

REFORMER le jugement dont appel en ce qu'il a limité à 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile les sommes dues in solidum par l'EPF [Localité 41] et par la société Vinci Immobilier Résidentiel à Monsieur [E] [L], la SCI Elival, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 40]

CONFIRMER pour le surplus le jugement dont appel

DÉBOUTER l'EPF [Localité 41] et la société Vinci Immobilier Résidentiel de toutes leurs demandes, fins et conclusions, notamment de leurs demandes indemnitaires reconventionnelles

CONDAMNER l'EPF [Localité 41] et la société Vinci Immobilier Résidentiel à payer chacune à Monsieur [E] [L], la SCI Elival, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 40], une somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance

' Subsidiairement, en cas d'infirmation :

' A titre principal,

JUGER au cas où le propriétaire des parcelles [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 28] sises à [Localité 42], nonobstant l'accès direct déjà existant à l'[Adresse 30], disposerait soit d'un droit de passage consenti à titre personnel, soit d'une servitude de passage conventionnelle ou par destination du père de famille :

- sur la parcelle cadastrée [Cadastre 24]

- ou sur la moitié indivise de la parcelle [Cadastre 20]

- ou sur les deux

Dès lors, au regard des articles 682 à 685-1 du Code civil,

JUGER que l'état d'enclave a cessé par suite de l'acquisition des parcelles [Cadastre 27], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 28] par l'EPF [Localité 41], de sorte qu'elles ne sont plus enclavées puisque l'unité foncière dont elle est devenue propriétaire disposerait de deux accès à l'[Adresse 30] (voire trois si l'on tient compte de celui déjà existant').

JUGER qu'il serait fait défense audit propriétaire ou à toute personne de son chef, à peine d'astreinte de 1000 € par infraction constatée d'utiliser l'un ou l'autre de ces accès dont la Cour aura jugé qu'il est dépourvu de tout droit pour y passer

JUGER qu'il sera fait interdiction sous astreinte de 1000 € par infraction constatée au propriétaire actuel ou futur des parcelles [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 28] sises à [Localité 42] d'utiliser celui des accès dont la Cour aura jugé qu'il est dépourvu de tout droit de passage pour les besoins de la mise en 'uvre du permis de construire n° PC 006 123 20 C 0063 qui a été délivré tacitement par Monsieur le préfet du département des [Localité 16] à la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, ou de toute autre autorisation d'urbanisme qui sera délivrée ultérieurement à qui que ce soit pour réaliser quelque projet que ce soit sur ces parcelles ou l'une d'entre elles seulement

CONDAMNER l'EPF [Localité 41] et la société Vinci Immobilier Résidentiel à payer chacune à Monsieur [E] [L], la SCI Elival, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 40], une somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance

DÉBOUTER l'EPF [Localité 41] et la société Vinci Immobilier Résidentiel de toutes leurs demandes, fins et conclusions, notamment de leurs demandes indemnitaires reconventionnelles

' A titre subsidiaire,

CONDAMNER solidairement la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL et l'EPF [Localité 41] à payer une provision ad litem aux demandeurs pris solidairement d'un montant de 6000 €

ORDONNER aux frais de la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL et de l'EPF [Localité 41] la désignation d'un expert judiciaire ayant une compétence de géomètre expert avec pour mission:

- d'analyser les titres des parties et de leurs auteurs

- de dire si les parties ou leurs auteurs respectifs bénéficient ou ont bénéficié de droits de passage consentis à titre personnel ou de servitude de passage conventionnelle ou par destination du père de famille sur les fonds actuellement identifiés comme étant les parcelles [Cadastre 20] et [Cadastre 24] à [Localité 42]

- en ce cas, identifier le titre constitutif et matérialiser sur un plan l'assiette du ou des passages actuels ou ayant autrefois existé

- donner toute information utile à la juridiction saisie pour que le litige soit utilement tranché

Dès lors, au regard des articles 682 et 685-1 du Code civil,

JUGER pendant le temps que durera l'expertise judiciaire qu'il serait fait défense audit propriétaire ou à toute personne de son chef, à peine d'astreinte de 1000 € par infraction constatée d'utiliser l'un ou l'autre de ces accès si la Cour estime qu'ils sont dépourvus de tout droit de passage

Sinon, vu l'article 544 du Code civil,

JUGER que pendant le temps que durera l'expertise judiciaire, il sera fait défense au propriétaire des parcelles [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 28] sises à [Localité 42], de passer sur la moitié indivise de la parcelle [Cadastre 20] appartenant à la société Elival et sur la parcelle cadastrée [Cadastre 24] appartenant à Monsieur [L]

En tout état de cause,

JUGER que la Cour sera en charge du suivi de l'expertise judiciaire

RÉSERVER toutes les autres demandes plus amples ou contraires de toutes les parties

RÉSERVER les dépens

Ils répliquent:

- qu'aucun acte ne fait état de la servitude,

- que le fait qu'un portail ait pu permettre jusqu'en septembre 2017 d'accéder à la parcelle [Cadastre 23] ne saurait valoir reconnaissance d'une servitude conventionnelle, une simple tolérance n'était pas constitutive d'une servitude.

- que dès lors que les parcelles [Cadastre 27], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et [Cadastre 28] ont vocation à être acquises par la société VINCI IMMOBILIER RESIDENTIEL, elles ne sauraient être considérées comme enclavées puisque l'unité foncière dont elle est devenue propriétaire disposerait de deux accès à l'[Adresse 30] (voire trois si l'on tient compte de celui déjà existant).

- qu'il est possible d'accéder à la parcelle [Cadastre 27] soit en utilisant cet accès direct, soit, si tant est qu'elle existe, en passant sur l'introuvable servitude grevant la parcelle [Cadastre 24],

A la parcelle [Cadastre 28] : Soit en utilisant cet accès direct, Soit, si tant est qu'elle existe, en passant sur la servitude grevant la moitié indivise de la parcelle [Cadastre 20].

- que l'acte de partage de 1936 n'est pas mentionné dans les actes de 1957 et donc ne sont pas opposables ;

- que l'acte de donation partage du 30 juin 1936 crée un droit de passage grevant la propriété conservée par le donateur (chemin de 6m partant de la route nationale 209 et longeant du côté Est Mme [S] [C])

- que les parcelles anciennement cadastrées [Cadastre 34], [Cadastre 4], [Cadastre 8] et [Cadastre 10] disposent d'un droit de passage sur le chemin de 6m, de la route nationale 209 jusqu'au bout de son lot,

- que l'application de l'emprise présumée de l'assiette du droit de passage accordé en 1936, sur le plan cadastral actuel, permet d'observer qu'elle correspond à l'[Adresse 30] ainsi qu'aux parcelles [Cadastre 29] et [Cadastre 17] ;

- que l'application de l'emprise présumée de l'assiette du droit de passage accordé en 1936, sur le plan annexé à l'acte de 1938 permet d'observer que le chemin de 6 m semble avoir été déplacé vers le Nord afin de permettre à M. [W] [C] de réunir les parcelles [Cadastre 32] et [Cadastre 11], dont il était propriétaire avant 1936, et les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] qui lui ont été attribuées lors de la donation-partage du 30/06/1936,

- que le droit de passage accordé en 1936, qui a comme assiette le « chemin de 6 m » n'est jamais passé par la parcelle actuellement cadastrée [Cadastre 24]

- que celui qui se prévaut d'une servitude de passage par destination du père de famille doit établir qu'à la date de la division, la servitude invoquée était apparente, Que l'acte par lequel s'est opéré la séparation des deux héritages ne contient aucune disposition contraire à l'existence de cette servitude

- que si un droit de passage personnel a été consenti à [N] [C] par son père, c'est que celui-ci n'a pas entendu constituer une servitude par destination du père de famille.

- qu'il ne peut pas y avoir de servitude par destination du père de famille, dès lors que des droits personnels de passage ont été consentis ;

- que le mur litigieux est un ouvrage public dont la demande de démolition relève de la compétence du juge administratif ;

- qu'on ne peut leur reprocher leurs droits à contester les permis de construire ;

- que la perte de marge n'est pas établie,

- que l'appelante dispose d'un permis de construire qu'elle ne met pas en 'uvre,

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 mars 2024 dans le dossier RG 23-12634 et le 12 mars 2024 pour le RG 23/12755.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions de l'appelant comporte des demandes de « juger » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie. 

Sur la demande de jonction

L'article 367 du Code de procédure civile prévoit que le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Les deux dossiers étant en l'état d'être jugés à la date fixée pour la première procédure, seule bénéficiant d'une autorisation d'assigner à jour fixe et ce en raison de l'identité de parties et d'objet du litige il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de faire droit à la demande de jonction des instances RG 23-12634 et RG 23-12755, l'instance se poursuivant sous le nmuéro RG 23-12634.

Sur l'existence de servitude de passage au profit du fonds AP [Cadastre 28]

La partie appelante soutient que les parcelles cadastrales section [Cadastre 26] à [Cadastre 28] bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage grevant la parcelle cadastrale section [Cadastre 20], et que la parcelle cadastrale section [Cadastre 28] bénéficie d'une servitude de passage par destination du père de famille grevant la parcelle cadastrale section [Cadastre 24].

L'article 686 du code civil énonce qu'il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après.

S'agissant des servitudes de passage l'article 691 du code civil précise que les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres. La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière.

Les articles 692 et 693 du code civil prévoient que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes. qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.

Les appelants soutiennent que la parcelle section [Cadastre 28] bénéficie d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée anciennement [Cadastre 23] et désormais [Cadastre 24], propriété de M.[L], permettant d'accéder par le Sud à l'[Adresse 30].

Il résulte de l'acte authentique du 30 juin 1936 contenant donation à titre de partage anticipé par Monsieur [D] [G] [C], au profit notamment de sa fille Madame [N] [C], ce qui suit « Monsieur [C], donateur, confère Monsieur [C], attributaire du cinquième lot, le droit de passage sur le chemin de six mètres allant de la route Nationale numéro 209, et longeant du côté Est, Madame [S] [C]. Le même droit de passage est accordé à Mademoiselle [N] [C], sur toute la longueur du lot qui lui a été attribué. Ce chemin étant la propriété personnelle de Monsieur [C], donateur ».

La description des lots prévoit :

- que le lot 4, attribué à [N] [C], cadastré section [Cadastre 34], [Cadastre 4], [Cadastre 10] et [Cadastre 8] confronte au Sud la route nationale 309 à l'ouest partie un chemin de six mètres et partie Monsieur [C] donateur, à l'est [T], au Nord Monsieur [C] donateur ;

-que le lot 5 attribué à [W] [C] est cadastré [Cadastre 36] et [Cadastre 37] confronte au Sud un chemin de six mètres, à l'ouest un chemin de six mètres, à l'Est un passage, au Nord Monsieur [C] donateur.

Ainsi cet acte a organisé un droit de passage identique dans son emplacement et dans sa dimension au profit des attributaires des lots 4 et 5, sans pour autant que ce passage ait été créé spécifiquement lors du partage puisque la présence de chemin de six mètres préexiste à la composition des lots. Les conditions relatives à la démonstration d'une servitude par destination du père de famille ne sont donc pas réunies.

L'analyse des plans manuscrits accompagnant cet acte permet de constater que le seul espace correspondant à un chemin à usage identique pour les parcelles des lots 4 et 5 est représenté par un espace situé à l'est de la parcelle attribuée à [W] [C] et à l'ouest de celle attribuée à [N] [C], qui chemine vers le Nord le long des parcelles demeurant la propriété du donateur, et à l'opposé de la route nationale 309. Cet espace organisé comme un passage ne se situe pas à l'ouest de la parcelle [Cadastre 37] attribuée pour partie à [W] [C], ni au Sud de la parcelle [Cadastre 34] attribuée à [N] [C] et rejoignant la route nationale 309.

L'acte de vente du 19 février 2014 conclu entre Mme [K] et l'Epf [Localité 41] reprend ces dispositions et y ajoute ceci : «  A cet égard, les vendeurs déclarent que, personnellement, elle n'a créé ni laissé acquérir aucune servitude sur l'immeuble voisin et, qu'à leur connaissance il n'en existe pas d'autres, qu'un droit de passage au profit de l'immeuble vendu et de la parcelle de terre appartenant à M [R], sur le chemin conduisant de l'immeuble vendu au chemin privé de la propriété [C] ».

De même l'acte de vente du 6 mars 1957 entre Mme [C] et M.[X], celui du 21 avril 1988 entre M.[X] et M.[L] ne mentionnent l'existence d'une servitude de passage conventionnelle ou aucune charge de cette nature. La partie appelante ne rapporte pas la preuve dès lors de l'existence d'une servitude conventionnelle ou de père de famille.

Enfin, la parcelle [Cadastre 28] n'est pas enclavée car elle dispose d'un accès à la voie dénommée [Adresse 30]. La considération que cet accès présente une dimension insuffisante au projet d'aménagement immobilier est inopérante à la considérer comme enclavée En effet si le constat d'huissier du 13 octobre 2023 produit par l'Epf [Localité 41] se limite à retenir la dimension d'un mètre entre la parcelle et l'accès à la voie publique, les appelantes ne produisent pas d'élément indiquant que cet accès ne soit pas objectivement aménageable compte tenu de la configuration des lieux. Au surplus l'Epf [Localité 41] a acquis la parcelle [Cadastre 28] sans que l'acte ne mentionne de servitude de passage et alors même que l'accès qu'il revendique sur la parcelle de M.[L] est fermé par un portail, ceci démontrant a minima qu'il n'a pas considéré au moment de l'acquisition que la parcelle présentait des signes d'enclave.

L'ensemble de ces éléments permet de conclure :

-que le droit de passage organisé par l'acte de 1936 ne se situe pas sur la parcelle désormais cadastrée [Cadastre 24] appartenant à M.[L],

-qu'il a été organisé sur une partie figurée par une ligne médiane entre les parcelles [Cadastre 37] et [Cadastre 35] en se dirigeant vers le Nord,

-qu'aucune disposition de cet acte n'a organisé un aménagement du donateur lors du partage de ses parcelles entre ses enfants, puisque la présence du chemin est mentionnée au moment de la description des lots et n'a pas été créée pour permettre d'accéder aux parcelles attribuées ;

- que ce droit de passage a disparu lors des ventes successives des parcelles appartenant aux attributaires ;

-que la présence d'un portail sur la parcelle [Cadastre 24] de M.[L] ne peut être considérée comme un aménagement permettant d'accéder à la parcelle [Cadastre 28] appartenant à l'Epf [Localité 41] puisque celle-ci échoue à démontrer que le chemin revendiqué se situe sur la parcelle de M.[L].

- qu'en l'absence de démonstration de la présence d'un droit de passage sur la parcelle [Cadastre 24] au profit de la parcelle [Cadastre 28], les moyens soulevés par l'Epf [Localité 41] au titre de l'acquisition par l'effet de la prescription trentenaire seront écartés ;

Il conviendra en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la parcelle [Cadastre 28] ne bénéficie d'aucune servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 24].

S'agissant de la demande au titre de la servitude de passage grevant la parcelle indivise [Cadastre 20], anciennement [Cadastre 38] et provenant du même auteur, il sera relevé que par acte de vente du 17 mai 1954 [N] [C] a vendu aux époux [M] la parcelle cadastrale section [Cadastre 33] ainsi que la moitié de la parcelle cadastrale section [Cadastre 12] d'une contenance de 850 mètres carrés, et qu'il y est mentionné ces termes : Audit acte, il a été indiqué concernant les confrontations desdites parcelles, ci-après littéralement rapporté :Au Nord : Gay.

Au Sud : un chemin privé desservant diverses propriétés dont la moitié de l'assiette est comprise dans la présente vente, et qui est grevée d'une servitude de passage au profit de Madame [R], et Madame [Y], et le surplus dudit chemin appartenant à Madame [C].

A l'est : [R].

A l'ouest : un chemin. ».

Toutefois à la rubrique Charges et Conditions de l'acte il est indiqué que : les vendeurs déclarent que personnellement ils n'ont créé ni laissé acquérir aucune servitude sur l'immeuble vendu et qu'à leur connaissance il n'en existe pas d'autres que celles résultant du plan d'urbanisme et d'aménagement de la commune de [Localité 42]. Ceci est donc en contradiction avec le libellé relatif à la description de la parcelle [Cadastre 12].

L'examen de l'acte de vente du 30 novembre 1992 conclu entre Mme [V], M.[M] et la Sci Elival indique que celle-ci a acquis les parcelles [Cadastre 25]( anciennement [Cadastre 31]) et la moitié indivise de l'assiette du chemin privé cadastré section [Cadastre 20] ( anciennement [Cadastre 38]) pour une contenance 1are18centiares, sans qu'il ne soit mentionné de servitude de passage. Ainsi l'acte de vente ne fait plus état de la mention selon laquelle la parcelle [Cadastre 25] confronte au sud un chemin privé desservant diverses propriétés dont la moitié de l'assiette est comprise dans la présente vente, et qui est grevée d'une servitude de passage au profit de Madame [R], et Madame [Y], et le surplus dudit chemin appartenant à Madame [C].

En revanche l'acte de vente conclu entre Mme [K] et l'Epf [Localité 41] le 19 février 2014 reprend ladite mention et contient l'appréciation du notaire rédacteur sur l'existence d'une servitude de passage, cette mention n'ayant pas toutefois valeur de titre au sens de la loi.

Il devra ainsi être observé que l'intitulé de servitude présent dans l'acte de 1954 est dépourvu de force probante puisqu'il ne fait pas état de l'acte constitutif de la servitude mentionnée, que sa situation est équivoque compte tenu de l'absence de localisation précise des parcelles desservies, que la désignation nominative des propriétaires des parcelles conduit à retenir un aménagement à des fins personnelles et non perpétuel sur un fonds, ceci étant corroboré par l'absence de mention expresse d'une charge imposée au fonds AP 88 dès 1954, et qu'enfin la parcelle [Cadastre 20] appartient pour moitié seulement à la Sci Eleval sans que l'identité de l'autre propriétaire, dont le fonds serait également grevé d'une servitude de passage selon la partie appelante, n'ait été révélée par les débats.

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur les demandes subsidiaires formées par la partie appelante

S'agissant de la demande subsidiaire aux fins d'expertise, les éléments contradictoirement débattus et les photographies versées aux débats sont suffisamment étayés pour considérer que la parcelle [Cadastre 28] n'est pas enclavée, la demande sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

L'absence d'état d'enclave conduit à rejeter les demandes indemnitaires sollicitées par l'Epf [Localité 41] et fondées uniquement à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il n'est par ailleurs pas démontré par la Sas Vinci Immobilier l'existence d'un comportement fautif adopté par les intimés dans l'exercice de leurs droits de recours à l'encontre du projet de permis de construire sollicité. La demande indemnitaire sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

L'Epf [Localité 41] et la Sas Vinci Immobilier Residentiel qui succombent seront condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge des intimés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction des instances RG 23-12634 et RG23-12755 ;

Dit que l'instance se poursuivra sous la référénce RG 23-12634 ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour

Condamne l'Epf [Localité 41] et la Sas Vinci Immobilier Residentiel aux entiers dépens ;

Condamne l'Epf [Localité 41] et la Sas Vinci Immobilier Residentiel à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 40] pris en la personne de son syndic en exercice, la Sci Elival et [E] [L] chacun la somme de 2.000 euros soit 6.000 euros au total au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 23/12634
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.12634 ?
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