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30/05/2024 | FRANCE | N°21/04597

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 30 mai 2024, 21/04597


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

AC

N° 2024/ 190













N° RG 21/04597 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGBD







[D] [L]

[Z] [G] veuve [L]





C/



[M] [O]

[I] [O] épouse [O]



[H] [L]

[J] [L] épouse [F]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP CABINET BUVAT-TEBIEL



Me Charlotte BARRIOL





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 19 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19-001094.



APPELANTS



[D] [L] né le 20 Août 1934 à [Localité 9] (HONGRIE), décédé le 06 mai 2021 et demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

AC

N° 2024/ 190

N° RG 21/04597 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGBD

[D] [L]

[Z] [G] veuve [L]

C/

[M] [O]

[I] [O] épouse [O]

[H] [L]

[J] [L] épouse [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP CABINET BUVAT-TEBIEL

Me Charlotte BARRIOL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 19 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19-001094.

APPELANTS

[D] [L] né le 20 Août 1934 à [Localité 9] (HONGRIE), décédé le 06 mai 2021 et demeurant de son vivant au [Adresse 2]

Madame [Z] [G] veuve [L]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Martine GERING-JOYCE, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIMES

Monsieur [M] [O]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Charlotte BARRIOL, avocat au barreau de TOULON

Madame [I] [O] épouse [O]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Charlotte BARRIOL, avocat au barreau de TOULON

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [H] [L]

en sa qualité d'héritier de [D] [L] décédé le 06 mai 2021 et

intervenant volontairement par conclusions en date du 15/06/2021

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Martine GERING-JOYCE, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

Madame [J] [L] épouse [F]

en sa qualité d'héritier de [D] [L] décédé le 06 mai 2021 et

intervenant volontairement par conclusions en date du 15/06/2021

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Martine GERING-JOYCE, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Mme Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Les consorts [L] sont propriétaires d'une parcelle lieudit [Adresse 8], anciennement cadastrée G n°[Cadastre 6]. Les époux [O] sont quant à eux propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section G [Cadastre 1] située [Adresse 3].

Se plaignant de l'implantation de trois pins en limite séparative, [M] [O] et [I] [V] épouse [O] ont fait assigner les époux [L] devant le tribunal judiciaire de Toulon aux fins d'en obtenir l'abattage.

Par décision du 19 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Toulon a condamné Monsieur [D] [L] et Madame [Z] [L] à abattre les trois pins de plus de deux mètres de hauteur implantés à moins de deux mètres de la limite séparative ouest de la propriété appartenant à Monsieur [M] [O]-[E] et Madame [I] [O] née [V], et ce, dans le délai de 50 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros pas jour de retard passé ledit délai, condamné Monsieur [L] et Madame [L] née [G] à verser à Monsieur [O]-[E] et Madame [O] née [V] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par acte du 29 mars 2021 les époux [L] ont interjeté appel de la décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2024 [Z] [G] Veuve [L], [H] [L] et [J] [L] demandent à la cour de:

dire recevable et bien fondée l'intervention volontaire de Monsieur [L] [H] et de Madame [L] [J] épouse [F] en suite du décès de Monsieur [D] [L];

Dire l'appel recevable et bien fondé ;

Infirmer le jugement et statuant à nouveau :

Rejeter la demande de Monsieur [O] [E] et de Madame [O] née [V] [I] tendant à voir ordonner l'abattage des arbres litigieux ;

Dire que cette demande est non fondée en raison de la servitude du père de famille et comme contraire à l'article 672 du Code civil en présence d'un accord de voisinage et de la prescription trentenaire compte tenu de l'âge des arbres

Dire qu'il n'a pas été fait d'appel incident recevable par Monsieur [O] [E] et de Madame [O] ;

Dire qu'il n'y a donc pas lieu de débattre du trouble anormal de voisinage ;

A titre infiniment subsidiaire, dire qu'il n'existe aucun trouble anormal de voisinage ;

Les débouter de toutes demandes plus amples ou contraires ;

Condamner Monsieur [O] [E] et de Madame [O] née [V] [I] à verser à Madame [L] [Z] née [G], Monsieur [L] [H], Madame [L] [J] épouse [F] la somme de 7000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [O] [E] et de Madame [O] née [V] [I] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2024 les intimés demandent à la cour de :

CONFIRMER le jugement entrepris le 19 novembre 2020 ;

A TITRE PRINCIPAL :

DIRE ET JUGER que les trois pins litigieux situés sur la parcelle des consorts [L] présentent une hauteur de plus de deux mètres et sont implantés à moins de deux mètres de la limite séparative ouest de la parcelle appartenant aux époux [O] ;

DIRE ET JUGER que la servitude du père de famille n'est pas établie concernant les trois pins litigieux;

PRONONCER que la prescription trentenaire n'est pas acquise concernant les trois pins litigieux ;

PRONONCER que l'usage n'est pas établi ;

En conséquence :

CONFIRMER le jugement entrepris le 19 novembre 2020 en ce qu'il a condamné les Consorts [L] à abattre les trois pins de plus de deux mètres de hauteur implantés à moins de deux mètres de la limite séparative ouest de la propriété appartenant aux époux [O] et ce, dans le délai de 50 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard;

A TITRE SUBSIDIAIRE, ET STATUANT DE NOUVEAU :

DIRE ET JUGER que la présence des trois pins litigieux situés sur la parcelle des consorts [L] cause un trouble anormal de voisinage aux époux [O] au regard du risque d'incendie, du principe de précaution et de la proximité de leur habitation ;

DIRE ET JUGER que la présence des trois pins litigieux situés sur la parcelle des consorts [L] cause un trouble anormal de voisinage aux époux [O] au regard de la présence d'aiguilles en masse et de résine sur la toiture ;

En conséquence :

CONDAMNER les Consorts [L] à abattre les trois pins de plus de deux mètres de hauteur implantés à moins de deux mètres de la limite séparative ouest de la propriété appartenant aux époux [O] et ce, dans le délai de 50 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER les consorts [L] à payer aux époux [O] la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

sur l'intervention volontaire

L'article 328 et suivant du code de procédure civile énonce que l'intervention volontaire n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

En l'espèce par suite du décès de [D] [L] le 6 mai 2021 [H] [L] et [J] [L] épouse [F] sont intervenus volontairement à l'instance d'appel. Il conviendra de les déclarer recevables à intervenir en leurs qualités d'héritiers de leur père.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions de l'appelant comporte des demandes de « dire » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie. 

Sur la demande au titre des arbres

L'article 671 du code civil énonce qu'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

L'article 672 du code civil précise que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.

L'article 693 du code civil dispose qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.

Les intimés produisent aux débats un constat d'huissier du 20 mars 2017 qui décrit la présence de trois pins plantés en limite de la propriété des appelants, à une distance respective de 1,68 mètres, 1,36 mètres et 0,86 mètres.

Le constat d'huissier réalisé le 1er mars 2019 mentionne que le pin à 1,68 mètres mesure plus de 2 mètres de hauteur, que ses branches dépassent sur le fonds des intimés et que la situation est identique s'agissant du pin à distance de 0,86 mètre et du 3ème . Il est donc établi que les trois arbres litigieux, d'une hauteur supérieure à 2 mètres ne se situent pas dans les limites séparatives prescrites par la loi et applicables au litige.

Les appelants soutiennent disposer d'une servitude du père de famille pour rejeter la demande d'arrachage des trois arbres litigieux. Il leur appartient de prouver en application de l'article 693 du code civil que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.

En l'espèce les appelants ne produisent pas leur titre de propriété. Bien que l'existence de cette qualité ne soit pas contestée, il n'est toutefois pas permis à la cour d'analyser les termes de l'acte authentique rédigé à l'occasion de l'acquisition par les époux [L] de la parcelle supportant les trois arbres litigieux et notamment de rechercher l'origine des propriétés.

Les intimés ne contestent pas que les fonds respectifs des parties au litige aient appartenu au même auteur. Il est produit à cet égard un plan de détachement d'une partie de la propriété Carrion au profit de M.[L] en date du 14 septembre 1992, qui matérialise les limites séparatives entre le lot 1 acquis par les appelants et le lot 2 dont la partie la plus au Nord sera ensuite acquise par les intimés. Ce plan ne fait pas état de la présence des arbres litigieux.

La demande d'autorisation de défrichement déposée par M.[L] le 3 juin 1992 révèle que la parcelle acquise est en nature de bois et qu'il sollicite à cet effet l'autorisation de défricher pour y construire une maison individuelle. Cette indication permet de retenir que la parcelle présentait une importante surface boisée et qu'il a été nécessaire d'enlever des arbres pour procéder à l'édification du bien à usage d'habitation.

Il n'est en revanche pas démontré que l'emplacement des arbres litigieux a déterminé la délimitation des parcelles lors de leurs divisions compte tenu de la nature spécifique en nature de bois de la parcelle, et donc que les aménagements prévus par l'article 693 du code civil aient justifié la création de la servitude alléguée lors de la division.

Les appelants soutiennent encore qu'un acte du 26 avril 1998 conclu sous seing privé entre eux et les auteurs des intimés a établi la limite mitoyenne des deux propriétés. Pour autant cette pièce n'est pas produite aux débats de sorte que ce moyen ne peut être débattu ni constitué un titre au sens de l'article 672 du code civil comme le soutiennent les appelants.

Enfin les appelants affirment que les arbres litigieux font partie de la régénération d'une pinède détruite en 1962 et reconstituée. Il est admis que le point de départ de la prescription trentenaire pour la réduction des arbres à la hauteur déterminée par l'article 671 du code civil n'est pas la date à laquelle l'arbre a été planté mais la date à laquelle il a dépassé la hauteur maximum permise.

Les appelants produisent notamment des photographies des lieux, qui ne permettent pas à la cour de considérer qu'il puisse s'agir des lieux et des arbres objets du litige, ainsi qu'une expertise amiable d'un expert en sylviculture qui conclut que la hauteur de 2 mètres des arbres est atteinte depuis 1986.

Cette expertise qui n'a pas été réalisée au contradictoire des parties doit être appréciée dans le contexte des autres pièces produites par les parties. Or à l'exception de photographies dont les dates ne sont pas certaines pour avoir été ajoutées à la main ou imprécises quant aux lieux, aucun élément objectif ne permet de retenir que les arbres litigieux aient atteints la hauteur de 2 mètres depuis plus de trente ans.

La présence des arbres en limite séparative et leur âge supposé comme ancien ne permettent pas davantage d'établir une hauteur supérieure à 2 mètres depuis plus de trente ans. Le moyen tiré de l'acquisition de la prescription trentenaire sera également rejeté.

Il conviendra en conséquence de confirmer le jugement entrepris.

sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

[Z] [G] Veuve [L], [H] [L] et [J] [L] épouse [F] qui succombent seront condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge de [M] [O] et [I] [V] épouse [O].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable l'intervention volontaire de [H] [L] et [J] [L] épouse [F] en leurs qualités d'héritiers de [D] [L],

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Condamne [Z] [G] Veuve [L], [H] [L] et [J] [L] épouse [F] aux entiers dépens ;

Condamne [Z] [G] Veuve [L], [H] [L] et [J] [L] épouse [F] à verser à [M] [O] et [I] [V] épouse [O] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/04597
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;21.04597 ?
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