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30/05/2024 | FRANCE | N°20/04380

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 30 mai 2024, 20/04380


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N° 2024/

SM/FP-D











Rôle N° RG 20/04380 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZFX







[K] [J]





C/



S.A.S.U. CONSTELLATION HOTEL [M]





















Copie exécutoire délivrée

le :

30 MAI 2024

à :

Me Franck GINEZ, avocat au barreau de GRASSE



Me Agnès BAL

LEREAU, avocat au barreau de GRASSE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 20 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F/1900087.





APPELANT



Monsieur [K] [J], demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N° 2024/

SM/FP-D

Rôle N° RG 20/04380 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZFX

[K] [J]

C/

S.A.S.U. CONSTELLATION HOTEL [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

30 MAI 2024

à :

Me Franck GINEZ, avocat au barreau de GRASSE

Me Agnès BALLEREAU, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 20 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F/1900087.

APPELANT

Monsieur [K] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Franck GINEZ, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A.S.U. CONSTELLATION HOTEL [M] , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Agnès BALLEREAU, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat d'usage de type saisonnier du 14 mai 2007, la S.A.S. Hôtel [M] (l'employeur) a engagé M. [K] [J] (le salarié) en qualité de serveur, niveau II, échelon 2, la durée de travail hebdomadaire étant fixée à 35 heures et le salaire mensuel brut à la somme de 1 280,57 euros.

Par avenant signé le 12 décembre 2007, les parties ont convenu de l'embauche de M. [J] dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008, pour exercer les fonctions de serveur d'étages nuit, niveau II, échelon 2, statut employé, moyennant le versement d'un salaire mensuel brut de 1 280,57 euros, outre une indemnité nourriture et un treizième mois.

Les parties ont par ailleurs décidé du maintien des autres dispositions du contrat de travail.

Par avenant du 11 octobre 2011, les parties ont convenu que M. [J] occuperait désormais un poste de chef de rang B, niveau II, échelon 2, statut employé, moyennant le versement d'un salaire mensuel porté à 1 550 euros, les autres dispositions du contrat de travail demeurant en vigueur.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Suivant courrier daté du 13 avril 2015, M. [J] a interrogé l'employeur sur la possibilité d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail eu égard à son souhait de démarrer de nouveaux projets professionnels.

Par courrier en réponse remis en main propre le 23 avril 2015, l'employeur a indiqué au salarié qu'il ne pouvait donner une suite favorable à sa demande.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 11 mai 2015, M. [J] a demandé à son employeur de régulariser le paiement des heures supplémentaires accomplies au titre des visites médicales organisées en-dehors des heures de travail et des temps de pause travaillés.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 28 mai 2015, l'employeur a rejeté la demande en paiement adressée au titre des heures de pause et a consenti au paiement de 9 heures supplémentaires au titre des visites médicales organisées sur les trois dernières années.

Le 17 juin 2015, M. [J] a été placé en arrêt maladie jusqu'au 12 août 2015 à la suite d'un accident du travail survenu le 18 mai précédent.

Par courriers recommandés avec accusé de réception datés des 18 et 26 août 2015, l'employeur a demandé à M. [J] de justifier de l'absence à son poste de travail depuis le 13 août précédent.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 septembre 2015, la société a convoqué le salarié le 21 septembre 2015 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 octobre 2015, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

' Monsieur,

Nous faisons suite à notre convocation du 9 septembre 2015 et notre entretien du 21 septembre auquel vous vous êtes présenté seul.

Après réflexion, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour les raisons qui vous ont été exposées durant notre entretien et qui sont les suivantes :

Vous êtes en absence sans motif depuis le 13 août 2015.

Par courriers recommandés avec accusé de réception des 18 et 26 août 2015, nous vous avons demandé de justifier votre situation. Ces courriers vous ont bien été présentés les 20 et 27 août 2015 mais vous n'avez pas jugé utile d'y répondre.

Lors de notre entretien, vous n'avez fourni aucun élément permettant de justifier votre absence et avez déclaré ne pas savoir si vous alliez réintégrer vos fonctions prochainement. Vous avez enfin déclare ne rien avoir à ajouter.

Vous êtes donc en absence injustifiée depuis plus d'un mois, et ce, de façon totalement délibérée.

Vous contrevenez ainsi à une obligation essentielle de votre contrat de travail et cette situation inacceptable ne peut plus durer.

En conséquence, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de licenciement, cette situation rendant impossible le maintien de votre contrat de travail.

La mesure de licenciement prendra effet dès la première présentation de la présente par la Poste à votre domicile.

Nous vous informons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice du régime de prévoyance et de frais de santé (mutuelle) en vigueur au sein de notre établissement, aux conditions légales, rappelées en annexe de la présente.

Votre certificat de travail, votre attestation ASSEDIC et votre solde de tout compte seront tenus à votre disposition dès leur établissement par notre service paye de Paris.

Par ailleurs, vous voudrez bien nous restituer votre badge d'accès, badge nominatif ainsi que votre uniforme.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur, nos sincères salutations.'

Par requête enregistrée au greffe le 19 novembre 2015, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Cannes à l'encontre de la S.A.S. Constellation hôtel [M] pour voir requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Suivant jugement du 20 février 2020, le conseil des prud'hommes de Cannes a :

- dit régulier et légitime le licenciement de M. [J],

En conséquence,

- débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné M. [J] aux entiers dépens,

- débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle.

****

La cour est saisie de l'appel formé le 1er avril 2020 par le salarié.

Par ordonnance du 9 novembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :

- rejeté l'incident de péremption,

- condamné la société Constellation Hotel [M] à payer à M. [J] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'incident,

- rejeté les demandes au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamné la société Constellation Hotel [M] aux dépens de la procédure d'incident,

- rejeté la demande au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 26 juin 2020 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [K] [J] demande à la cour de :

INFIRMER le Jugement du Conseil des Prud'hommes de CANNES en date du 20 février 2020, en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [J] de ses moyens et prétentions tendant au paiement des heures supplémentaires, soit :

- 6 253,50 euros

- débouté Monsieur [J] de ses demandes tendant à la condamnation de la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] au paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé, soit :

- 12.000,00 euros

- débouté Monsieur [J] de ses demandes tendant à la condamnation de la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] au paiement de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales, soit:

- 3.000,00 euros

- débouté Monsieur [J] de ses demandes tendant à la condamnation de la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] au paiement des frais irrépétibles de première instance, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, soit :

- 3.000,00 euros

- Condamné Monsieur [J] aux entiers dépens de première instance

STATUANT A NOUVEAU :

JUGER que l'employeur n'a jamais réglé le temps de pause que Monsieur [J] ne pouvait prendre.

JUGER que le temps de pause doit être considéré comme du temps de travail effectif.

JUGER que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité-résultat.

JUGER que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé.

EN CONSEQUENCE :

CONDAMNER la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] au paiement :

- Des heures supplémentaires dues, à hauteur de 6 253,50 euros

- Une indemnité à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, à hauteur de 12 000 euros

- Une indemnité pour non-respect des visites médicales, à hauteur de 3 000 euros

- Une indemnité compensatrice de préavis, à hauteur de 4 000 euros

- Une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 3 000 euros

DEBOUTER la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] de ses demandes.

CONDAMNER la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 3 000 euros au profit de Monsieur [J] au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

CONDAMNER la SAS CONSTELLATION HOTEL [M] au paiement des entiers dépens de l'instance d'appel.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 11 janvier 2024 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la S.A.S.U. Constellation hôtel [M], représentée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu entre les parties le 20 février 2020 par le Conseil de prud'hommes de Cannes en toutes ses dispositions ;

En conséquence :

- constater l'absence de réalisation, par Monsieur [J], d'heures supplémentaires non rémunérées,

- constater l'absence de tout manquement de l'hôtel [M] à son obligation de sécurité,

- déclarer mal fondées dans leurs principes et injustifiées dans leurs montants les prétentions financières de Monsieur [J],

- débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses :

- condamner Monsieur [J] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 26 février 2024.

MOTIFS :

1. Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au mois deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L.1234-5 du même code dispose pour sa part que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L.1235-2.

En l'espèce, le salarié ne fait valoir aucun moyen à l'appui de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis dès lors que la demande est énoncée au dispositif de ses écritures et qu'aucun paragraphe n'est consacré à cette prétention dans la partie discussion.

La cour observe par ailleurs que le salarié ne remet pas en cause le bien-fondé du licenciement pour faute grave dans le cadre de l'instance d'appel, alors qu'un tel licenciement est privatif de l'indemnité compensatrice de préavis.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de la demande présentée sur ce fondement.

2. Sur les heures supplémentaires :

Le salarié soutient que l'employeur a falsifié les plannings en apposant sa signature en lieu et place de la sienne.

Il rappelle qu'il travaillait de 23 heures à 7 heures du matin de manière continue et précise qu'il était seul la plupart du temps, de sorte qu'il lui était matériellement impossible de prendre sa pause et de laisser le room service sans surveillance.

Il remet en cause les attestations produites par l'employeur émanant de la direction et non de salariés travaillant de nuit, et conclut que l'heure de pause quotidienne doit être considérée comme du temps de travail effectif et payée comme tel.

En réponse, l'employeur entend souligner le caractère forfaitaire de la demande de M. [J], proscrit par la Cour de cassation et fait valoir que le mode de calcul retenu par le salarié est contestable.

Il estime que la demande du salarié est une mesure de représailles à son refus de rupture conventionnelle du contrat de travail et relève que le salarié se contente d'invoquer le principe de continuité du service sans démontrer qu'il a effectivement travaillé, jour après jour, pendant son heure de pause.

Il remet en cause les attestations de salariés versées au débat par M. [J] aux motifs que cinq d'entre eux ne faisaient que le croiser, que l'une d'elle a été licenciée pour faute grave, que l'un d'eux n'a travaillé que neuf mois courant 2014 et enfin que deux d'entre eux ne travaillaient pas du tout au même moment que l'appelant.

L'employeur souligne enfin que le salarié a signé régulièrement les plannings sans faire état d'autres heures supplémentaires que celles qui ont été rémunérées et s'offusque de l'accusation de falsification portée à son encontre.

Au regard des éléments du débat, il convient en premier lieu de se prononcer sur la nature des temps de pause de M. [J] et ensuite, le cas échéant, d'examiner le bien-fondé de sa demande au titre des heures supplémentaires.

2.1 - Sur les temps de pause de M. [J] :

Aux termes de l'article L.3121-1 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'article L.3121-2 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose en son premier alinéa que le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L.3121-1 sont réunis.

Il résulte de ces dispositions que, pour que des temps de pauses puissent être considérés comme du temps de travail effectif, il faut que le salarié soit à la disposition de l'employeur et qu'il doive se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Enfin, en application de l'article 1315 du code civil, devenu 1353, la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur.

En l'espèce, M. [J] verse au débat plusieurs attestations de salariés affirmant qu'il se trouvait dans l'impossibilité de prendre un temps de pause effectif lorsqu'il travaillait seul, soit durant les périodes au cours desquelles aucun congrès ni événement spécial n'était organisé.

Cette affirmation de principe, énoncée par l'ensemble des témoins, est précisée par Mme [T] qui indique que concrètement, M. [J] ne se séparait pas de son téléphone pendant son temps de pause pour répondre aux appels des clients.

La cour dit à ce propos que l'employeur ne démontre pas en quoi le fait que Mme [T] ait été licenciée le 4 décembre 2015 affecte la valeur probante de son attestation : elle sera donc retenue.

M. [Z] explique pour sa part que l'employé qui travaille seul de nuit ne peut se séparer du téléphone et n'a pas de pause attitrée.

Si l'employeur souligne le fait que M. [Z] n'a jamais travaillé avec M. [J] mais en remplacement de ce dernier, la cour observe que M. [Z] ne prétend pas le contraire aux termes de son attestation et qu'il fait part de son expérience personnelle. Ladite attestation sera donc retenue.

M. [J] établit donc la difficulté à prendre son temps de pause lorsqu'il assurait seul le service de nuit, hors période de congrès et autre événements spéciaux.

Pour démontrer l'effectivité des temps de pause du salarié, l'employeur produit pour sa part une attestation de M. [R], qui indique avoir travaillé en qualité de responsable hiérarchique de M. [J] pendant les six derniers mois de la relation contractuelle de ce dernier, et précise: '(...) Il m'indiquait personnellement quand il ne prenait pas de pause, chose très rare, quand cela arrivait je lui faisait récupérer dans les jours qui suivaient; il ne s'est jamais plaint de ce mode de fonctionnement.'

M. [R] n'écarte donc pas le fait que M. [J] n'ait pas pu profiter de son temps de pause, même si cela demeurait rare selon lui.

La cour relève à ce propos que le salarié a été licencié le 2 octobre 2015, de sorte que M. [R] évoque principalement une période de forte activité pour la société -soit du mois d'avril au mois d'octobre-, et non la période de basse activité visée par les témoins de M. [J].

L'employeur verse en outre au débat les attestations de M. [X] et M. [V], salariés, qui indiquent n'avoir jamais rencontré de difficultés pour prendre leur temps de pause d'une heure lors de leurs services de nuit, de 23 heures à 7 heures.

La cour observe toutefois que M. [X] indique avoir travaillé en qualité d'assistant maître d'hôtel pendant la saison et en extra, soit au cours de périodes de forte activité, tandis que M. [V] n'apporte aucune précision sur la fonction qu'il exerçait.

La cour dit en conséquence que ces attestations ne permettent pas d'établir que l'ensemble des salariés était en capacité de prendre un temps de pause effectif hors période de congrès ou autres événements spéciaux, alors qu'il n'est pas discuté qu'en sa qualité de chef de rang dans un palace, M. [J] devait répondre à toute nécessité d'intervention pendant l'intégralité de son service.

L'employeur produit également les plannings contresignés par les salariés sur la période allant de la semaine 40 de l'année 2012 à la semaine 41 de l'année 2015, mentionnant leurs heures d'arrivée et de départ ainsi que les heures de début et de fin de leurs pauses.

La cour relève à ce propos, à l'instar de l'employeur, qu'il résulte des pièces versées au débat, et notamment des différents contrats, avenants et des courriers du salarié, que la signature de M. [J] varie énormément, de sorte que ce dernier ne démontre pas que sa signature a été falsifiée.

En tout état de cause, le salarié ne conteste précisément qu'une seule signature, apposée sur le planning S207 qui concerne une journée non travaillée et non un temps de pause alors qu'il n'entend, dans le cadre de la présente instance, solliciter le paiement d'heures supplémentaires qu'au titre des temps de pause s'assimilant à du temps de travail effectif.

Il convient néanmoins d'observer qu'aucune correction n'a jamais été apportée sur les temps de pause par l'un quelconque des salariés, alors qu'il résulte de l'attestation de M. [R] produite par l'employeur lui-même qu'il arrivait exceptionnellement que M. [J] ne puisse prendre de pause.

La cour dit en conséquence que cet élément justificatif produit par l'employeur n'est pas probant dès lors qu'il est contredit par l'attestation de M. [R].

La cour relève enfin que l'employeur ne justifie aucunement des mesures concrètes mises en oeuvre pour permettre à M. [J], lorsqu'il travaillait seul, de prendre sa pause de manière effective et lui permettre de vaquer à ses occupations personnelles, alors qu'il n'est pas discuté qu'une personne devait être mobilisée 24 h/24 pour répondre aux sollicitations des clients.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour dit que l'employeur ne justifie pas du respect des temps de pause du salarié et que ces derniers doivent donc s'analyser en temps de travail effectif à hauteur d'une heure supplémentaire par jour travaillé hors périodes de congrès ou autres événements spéciaux.

2.2 - Sur le bien-fondé de la demande au titre des heures supplémentaires :

La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.

L'article L.3121-22 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, prévoit que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L.3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, il est établi que le salarié a été soumis à la durée légale du travail et que conformément à la convention collective applicable, la 1ère heure supplémentaire accomplie doit être majorée de 10 %.

Le salarié affirme qu'il a accompli 416 heures supplémentaires non réglées pour la somme totale de 6 253,50 euros au titre des heures quotidiennes identifiées comme du temps de pause sur le planning, déduction faite de 11 nuits en juin 2015 au titre de l'arrêt maladie et de 22 nuits en septembre 2015.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

A ces éléments, l'employeur oppose le salarié a pu régulièrement prendre son temps de pause.

Il relève également que M. [J] n'a pas déduit sa période d'absence injustifiée de sa demande, soit du 3 août 2015 à la date de rupture du contrat de travail.

Il remet enfin en cause le taux horaire appliqué.

La cour relève que l'employeur, qui ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail du salarié, ne justifie pas d'éléments contraires à ceux apportés par celui-ci, alors qu'il a été jugé ci-dessus que les temps de pause de M. [J] devaient s'analyser en des temps de travail effectif à hauteur d'une heure supplémentaire par jour travaillé hors périodes de congrès ou autres événements spéciaux.

En conséquence, en tenant compte des périodes d'absence de M. [J], des périodes de congrès et autres événements spéciaux, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer au salarié la somme de 2 150 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, aucune demande n'étant par ailleurs présentée au titre des congés payés afférents.

3. Sur le travail dissimulé :

Le salarié affirme que le fait, pour l'employeur, de ne pas régler ni déclarer les heures supplémentaires est constitutif du travail dissimulé.

Il déduit l'élément intentionnel du travail dissimulé des attestations qu'il produit au débat et qui établiraient que l'employeur ne pouvait sérieusement ignorer qu'il se dispensait du paiement de la moindre heure de pause. Il souligne à ce propos que l'employeur est dans l'incapacité de désigner le salarié qui l'aurait remplacé pendant son temps de pause.

En réponse, l'employeur relève que le salarié ne rapporte pas la preuve de sa connaissance des heures supplémentaires alléguées, alors qu'il n'a jamais reçu la moindre demande de paiement d'heures supplémentaires jusqu'au courrier du 11 mai 2015, et qu'il a toujours payé les heures supplémentaires régulièrement déclarées.

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

La dissimulation d'emploi prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail, à l'occasion de l'omission d'heures de travail sur le bulletin de salaire, n'est caractérisée que si l'employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, la cour dit que la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas rapportée au vu des éléments produits par le salarié.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée sur ce fondement.

4. Sur l'absence de visite médicale de reprise :

Le salarié reproche à l'employeur de ne pas avoir organisé de visite de reprise et d'avoir négligé l'organisation des visites périodiques prévues par la loi en matière de travail de nuit, soit tous les six mois.

Il affirme par ailleurs que son préjudice est caractérisé par la blessure occasionnée le 18 mai 2015 ayant donné lieu à une déclaration d'accident du travail.

Il soutient en effet que s'il avait bénéficié d'une visite médicale périodique, il aurait pu être reclassé à un autre poste et éviter de mettre en jeu son intégrité physique.

Il précise enfin avoir effectué treize nuits d'affilée sur la période du 12 au 23 mai 2015 et en déduit le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

En réponse, l'employeur rappelle en premier lieu que la visite de reprise peut être organisée dans les huit jours de la reprise effective du salarié et observe que celle-ci n'est jamais intervenue. Il ajoute que le salarié pouvait également prendre l'initiative d'une telle visite de reprise.

Il ajoute que les visites médicales périodiques ont été régulièrement organisées et qu'aucun élément ne permet de corréler l'accident du travail à l'organisation des visites médicales. Il relève par ailleurs que l'accident du travail n'a donné lieu à aucun jour d'arrêt de travail.

Il précise enfin que M. [J] a bénéficié de deux jours de congés sur la période allant du 12 au 23 mai 2015.

La cour observe en premier lieu que si le salarié fait état du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dans le corps de ses écritures, seule une demande de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales figure au dispositif.

La cour ne statuera donc ce que sur cette demande, conformément à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

L'article R.4624-22 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, prévoit que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

L'article R.4624-23 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose par ailleurs in fine que dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

L'article 6 de l'accord du 11 juillet 2013 annexé à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants dispose par ailleurs que le travailleur de nuit est soumis à une surveillance médicale particulière avant son affectation à un poste de nuit et, par la suite, au minimum tous les 6 mois.

En l'espèce, l'employeur verse au débat :

- la fiche de la visite médicale d'embauche, datée du 8 janvier 2008,

- la fiche de visite médicale du 28 juillet 2008,

- la fiche de visite médicale périodique du 22 janvier 2015 faisant état d'une précédente visite le 15 juillet 2014 et d'une prochaine visite à prévoir au 23 juillet 2015.

Aux termes de ses écritures, le salarié reconnaît avoir également rencontré la médecine du travail les 15 février 2010, 21 décembre 2011 et 22 novembre 2012.

Il est donc établi que des visites médicales sont intervenues sans que l'employeur ne produise leur justificatif dans le cadre de la présente instance.

La cour relève à ce propos qu'aux termes de son courrier du 11 mai 2015, le salarié a sollicité le paiement d'heures supplémentaires au titre des heures d'examens médicaux, à raison de 4 heures par an en ces termes : 'Sur la base de 2 visites médicales par an en tant que travailleur de nuit, je suis contraint d'effectuer 2 heures supplémentaires pour chacune d'elles, soit 4 heures par an'.

Et de fait, l'employeur a accédé partiellement à sa demande sur ce point aux termes du courrier du 28 mai 2015, en acceptant de verser des heures supplémentaires à hauteur d'une heure trente par visite sur les trois dernières années, soit à hauteur de neuf heures.

Ledit paiement est mentionné sur le bulletin de salaire du mois de juin 2015.

Même si les fiches justificatives de visites médicales ne sont pas versées au débat, il résulte néanmoins de ces éléments que le salarié a reconnu avoir bénéficié de visites médicales tous les six mois sur les trois dernières années, période de prescription, puisqu'il a sollicité le paiement des heures supplémentaires correspondantes.

Le manquement de l'employeur à ce titre n'est donc pas caractérisé.

La cour observe au surplus que le salarié n'établit pas le lien entre la survenance de l'accident du travail du 18 mai 2015 et le manquement éventuel de l'employeur à son obligation d'organiser les visites médicales, le salarié n'ayant par ailleurs jamais évoqué une demande de reclassement auprès de l'employeur ou de la médecine du travail.

S'agissant de la visite médicale de reprise, la cour souligne, à l'instar de l'employeur, que M. [J] n'a jamais repris son poste après son arrêt de travail à compter du 17 juin 2015 et n'a jamais avisé l'employeur de son intention de reprendre ledit poste.

Dans ces conditions, et dès lors que la visite de reprise peut intervenir dans les huit jours suivant le retour du salarié, il ne saurait être reproché un quelconque manquement de l'employeur à ce titre.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement.

5. Sur les autres demandes :

La S.A.S.U. Constellation hôtel [M], qui succombe, est condamnée au paiement des dépens, en ce compris les dépens de première instance.

Par ailleurs, il n'est pas équitable de laisser à M. [J] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; l'employeur sera dès lors condamné à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la S.A.S.U. Constellation hôtel [M] sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes les dispositions qui lui sont dévolues, sauf en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires et condamné M. [J] aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S.U. Constellation hôtel [M] à payer à M. [K] [J] la somme de 2 150 euros au titre des heures supplémentaires,

CONDAMNE la S.A.S.U. Constellation hôtel [M] au paiement des dépens, en ce compris les dépens de première instance,

CONDAMNE la S.A.S.U. Constellation hôtel [M] à payer à M. [K] [J] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la S.A.S.U. Constellation hôtel [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 20/04380
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;20.04380 ?
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