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30/05/2024 | FRANCE | N°19/17284

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 30 mai 2024, 19/17284


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024



N° 2024/ 117









Rôle N° RG 19/17284 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEPW







SAS GULA CAPITAL





C/



LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES









Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Sylvie LERAT





Me Virginie ROSENFELD





Décision déférée à la Cour :
>

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 15 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/09274.





APPELANTE



SAS GULA CAPITAL Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

dont le siège social e...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2024

N° 2024/ 117

Rôle N° RG 19/17284 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEPW

SAS GULA CAPITAL

C/

LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sylvie LERAT

Me Virginie ROSENFELD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 15 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/09274.

APPELANTE

SAS GULA CAPITAL Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

dont le siège social est sis : [Adresse 2]

représentée par Me Sylvie LERAT de la SELEURL BLOOM LEGAL, avocat au barreau de PARIS, Me Serge AYACHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Nancy FERNANDES, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIME

Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES poursuites et diligences de la Direction Régionale des Finances Publiques [Localité 5] [Localité 7], Pôle Judiciaire [Adresse 3]., dont le siège social est sis : Pole Contrôle fiscal et affaires juridiques/ Pöle juridictionnl judicaire [Adresse 3]

représenté par Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Anne LAUGIER, avocat au barreau de Marseille, avocat plaidant.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteur a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Marielle JAMET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 janvier 2011 la société Gula Capital a fait l'acquisition auprès de la société ANF Immobilier d'un ensemble composé de cinq immeubles situés à [Localité 6] (1er arrondissement) aux [Adresse 4] et [Adresse 1].

S'agissant d'une vente entre assujettis d'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans, la vente a été exonérée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en application de l'article 261-5-2° du code général des impôts. Par ailleurs, la société Gula Capital s'étant engagée à revendre le bien dans les cinq ans de l'acquisition selon les conditions de l'article 1115 du code général des impôts la mutation a été soumise à la taxe de publicité foncière au taux réduit prévu par l'article 1020 du même code.

Le 30 novembre 2016, l'administration fiscale, après avoir constaté que trente-quatre lots sur les soixante-quatre résultant de la division n'avaient pas été vendus, a adressé à la société Gula Capital une proposition de rectification.

Au regard des demandes de la société Gula Capital, sollicitant la modération le plus large possible des intérêts de retard dus, l'administration fiscale lui a accordé une diminution à hauteur de 5 662 euros et a émis un avis de recouvrement le 31 mai 2017 d'un montant total de 64 341 euros.

La société Gula Capital a contesté les rehaussements mis en recouvrement dans une réclamation contentieuse du 27 octobre 2017, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet le 2 juillet 2018.

Par acte du 24 août 2018 la société Gula Capital a fait assigner le directeur général des finances publiques d'[Localité 5] et de Paris devant le tribunal de grande instance de Marseille afin de contester l'avis de mise en recouvrement et la décision de rejet.

La société Gula Capital a fait valoir la force majeure pour justifier du non-respect de son engagement de revendre le bien dans les cinq années.

Par jugement en date du 15 octobre 2019 le tribunal de grande instance de Marseille a :

Déboute la société Gula Capital de l'ensemble de ses demandes,

L'a condamnée aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

--------

Par acte du 12 novembre 2019 la société Gula Capital a interjeté appel du jugement.

--------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 19 octobre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Gula Capital (Sas) demande à la cour de :

Vu,

L'article 1115 du CGI ;

L'article 1148 du Code Civil applicable au moment des faits ;

L'article 1218 du Code Civil ;

L'article 700 du Code de Procédure Civile

- D'infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Marseille du 15 octobre 2019 ;

- D'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le Directeur Départemental des finances publiques a rejeté la réclamation contentieuse de la Requérante ;

- De prononcer le dégrèvement des sommes correspondantes mises à la charge de la SAS GULA CAPITAL.

La société Gula Capital fait valoir, au soutien de son appel, qu'elle ne conteste pas l'absence de revente de certains lots dans le délai de cinq ans, mais elle invoque une situation de force majeure, en exposant la situation de dépendance juridique, opérationnelle et financière dans laquelle elle se trouve par rapport à la société Pegase Partners Holding dont elle est la filiale.

La société Gula Capital expose ainsi les événements rencontrés par la société Pegase Partners ayant empêché la revente dans le délai imparti.

La société Gula Capital ajoute que les conditions de la force majeure, l'extériorité, l'imprévisibilité et l'insurmontabilité sont réunies et qu'il n'est pas imposé par la loi que ces critères soient réunis dès le début du délai de cinq ans.

--------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 23 juillet 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le directeur général des finances publiques d'[Localité 5] et de [Localité 7], représentant l'Etat, demande à la cour de :

- de débouter la société Gula Capital de toutes ses demandes, fin et conclusions ;

- de confirmer le jugement rendu le 15 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille devenu tribunal judiciaire ;

- reconnaître le rappel fondé en droit et en fait ;

En conséquence,

- condamner la société aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour cette dernière au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit ;

- la condamner à verser à l'Etat la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le directeur général des finances publiques d'[Localité 5] et de [Localité 7] rappelle les conditions de l'article 1148 du code civil permettant de retenir une situation de force majeure et il soutient que les conditions d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité sont cumulatives et non alternatives de sorte que le défaut de l'une de ces conditions conduit à exclure son application, ce qui est le cas en l'espèce.

Il demande dès lors confirmation du jugement ayant écarté la forme majeure.

MOTIFS

En application de l'article 1115 du code général des impôts les acquisitions d'immeubles réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A du même code, et notamment les marchands de biens, sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans le délai de cinq ans.

Par ailleurs, conformément à l'article 1840 G ter I du code général des impôts lorsqu'une exonération ou une réduction de droits d'enregistrement ou de taxe de publicité foncière a été obtenue en contrepartie du respect d'un engagement ou de la production d'une justification, le non-respect de l'engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l'obligation de payer les droits de mutation ayant fait l'objet de l'exonération.

Néanmoins, le contribuable, empêché de revendre dans le délai imparti par l'article 1115 du code général des impôts, a la possibilité d'invoquer la force majeure pour éviter la déchéance des régimes de faveur.

Ainsi, constitue un cas de force majeure un événement imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle du débiteur.

En l'espèce, la société Gula Capital expose l'état de dépendance juridique, opérationnelle et financière dans laquelle elle se trouve dès lors qu'elle est l'une des filiales du groupe Pegase Partners, détenue à 99,9% par la sous-holding Baroc, elle-même détenue à 100% par Pegase Partners Holding (PPH).

Elle déplore ainsi les événements rencontrés par le groupe Pegase Partners ayant empêché la revente dans le délai imparti, parmi lesquels figurent un abandon brutal d'un important financement bancaire, l'échec de la stratégie de réduction des prix et de renégociation des emprunts obligataires, le refus d'un financement bancaire pour cautions personnelles insuffisantes, l'abandon soudain de l'acquisition du groupe Pegase Partners, l'escroquerie lors de la souscription d'un prêt à long terme et les man'uvres frauduleuses du groupe Chetrit.

Il ressort des éléments exposés que d'une part, comme l'a justement relevé le premier juge, l'organigramme des sociétés tel que rappelé par la société Gula Capital était identique au moment de l'engagement de cette société à revendre le bien acquis le 31 janvier 2011 dans les cinq ans afin de pouvoir bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que la société Gula Capital ne pouvait ignorer les difficultés de fonctionnement induites par ce type d'organisation, et notamment sa situation de dépendance par rapport à la société mère.

Si certains événements peuvent être qualifiés à juste titre d'événements extérieurs en ce qu'ils échappent au contrôle du débiteur de la taxe, il apparaît néanmoins que les événements rapportés, dont au demeurant certains ne résultent que des propres déclarations de la société Gula Capital, ne revêtent pas le caractère de force majeure en ce qu'ils sont raisonnablement prévisibles dans le milieu des affaires, une conjoncture exclusivement favorable à l'opérateur économique ne pouvant constituer une prévision raisonnable.

En outre, les aléas tenant aux modalités des soutiens bancaires ou aux modalités de financement, notamment par l'introduction d'un nouvel associé, ne présentent qu'un caractère provisoire et temporaire, et ne laissent entrevoir que les déboires rencontrés par le groupe Pegase Partners, occultant par ailleurs les fonds et les opérations fructueuses dont elle a pu bénéficier.

La société Gula Capital se prévaut enfin de l'impact des attentats du 13 novembre 2015. Si ces événements sont de nature à constituer un cas de force majeure, la société ne justifie pas pour autant en quoi ces événements ont pu faire obstacle à la revente des biens immobiliers situés à [Localité 6].

En conséquence, il ressort de ces éléments que la commercialisation de l'ensemble des lots par la société Gula Capital a pu être rendue difficile par la multiplication d'incidents ou d'événements, tels que rappelés ci-dessus, de sorte qu'à l'issue du délai de cinq ans imparti, trente-quatre des soixante-quatre lots n'étaient toujours pas vendus.

Pour autant, les événements dont il est fait état, outre leur prévisibilité, ne revêtent pas un caractère définitivement insurmontable ni irrésistible, chaque événement ayant émaillé ponctuellement et successivement le déroulement des opérations.

Dès lors le jugement attaqué doit être confirmé en toutes ses dispositions, étant rappelé que la société Gula Capital ayant été déboutée de ses demandes en première instance, la décision de rejet rendue le 2 juillet 2018 par l'administration fiscale, suite à la réclamation contentieuse du 27 octobre 2017, a vocation à produire tous ses effets.

La société Gula Capital, partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure d'appel et sera tenue de payer à la direction générale des finances publiques d'[Localité 5] et de [Localité 7] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille, devenu tribunal judiciaire,

Y ajoutant,

Condamne la société Gula Capital aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société Gula Capital à payer à la direction générale des finances publiques d'[Localité 5] et de [Localité 7] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/17284
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;19.17284 ?
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