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23/05/2024 | FRANCE | N°21/03686

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 23 mai 2024, 21/03686


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2024

ph

N° 2024/ 185













N° RG 21/03686 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHC46







[Y] [E]





C/



[P] [O]

[C] [R]



[K] [E]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES





SELARL CA

BINET FRANCOIS & ASSOCIES



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 28 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 11-17-312.



APPELANT



Monsieur [Y] [E]

demeurant [Adresse 7]



représenté par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOC...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2024

ph

N° 2024/ 185

N° RG 21/03686 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHC46

[Y] [E]

C/

[P] [O]

[C] [R]

[K] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES

SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 28 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 11-17-312.

APPELANT

Monsieur [Y] [E]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Roland GRAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Monsieur [P] [O]

demeurant [Adresse 11]

représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Camille D'ORTOLI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

Madame [C] [R]

demeurant [Adresse 11]

représentée par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Camille D'ORTOLI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [K] [E]

intervenant volontaire par conclusions du 02.09.2022

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Roland GRAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Véronique MÖLLER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 16 octobre 1986, M. [Y] [E] a fait l'acquisition avec son épouse Mme [L] [B], de M. [F] [E], de parcelles de terre sur la commune [Localité 14] (Var), [Adresse 16], cadastrées section B numéros [Cadastre 1] (2a 10ca), [Cadastre 2] (3a 01ca) et [Cadastre 3] (40ca), ces deux dernières parcelles provenant d'un échange intervenu le même jour, avec Mme [J] [X], après division de la parcelle cadastrée section B numéro [Cadastre 12] en trois parcelles B [Cadastre 2], B [Cadastre 3] et enfin B [Cadastre 4] (8a 03ca) conservée par Mme [J] [X].

Selon acte notarié du même jour, M. [Y] [E] et son épouse ont fait donation-partage de la nue-propriété de ces mêmes parcelles, en se réservant l'usufruit, à leurs deux enfants : Mme [A] [E] et M. [K] [E].

Selon acte notarié du 13 janvier 2014, M. [P] [O] et Mme [C] [R] ont acquis de M. [K] [E], la parcelle cadastrée B numéro [Cadastre 8] sise aux [Adresse 16], d'une superficie de 6a 19ca, l'acte précisant l'origine antérieure de propriété du chef de M. [K] [E], qui a acquis les parcelles d'origine cadastrées section B numéros [Cadastre 13] (10a 28 ca) et [Cadastre 6] (8a 91ca) de Mme [J] [X] le 8 avril 2002.

S'estimant floués sur la superficie de la parcelle acquise, M. [P] [O] et Mme [C] [R] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan et ont obtenu par ordonnance du 21 janvier 2015, la désignation d'un expert afin de vérifier la surface réellement vendue et le préjudice financier en résultant.

L'expert M. [H] [V] a déposé son rapport daté du 5 février 2016, aux termes duquel il conclut notamment que dans le meilleur des cas en ajoutant à la contenance A (périmètre clôturé), les contenances B (espace extérieur aux clôtures) et C (espace extérieur aux clôtures suivant limite cadastrale avec la parcelle B [Cadastre 5]), la parcelle acquise par les consorts [O]-[R] a une superficie de 440 m², ce qui aboutit à une différence avec la superficie annoncée dans l'acte de vente de 179 m².

Par ordonnance de référé du 4 mai 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan a condamné M. [K] [E] à payer à M. [P] [O] et Mme [C] [R], une provision de 42 000 euros à valoir sur leur préjudice.

M. [K] [E] a introduit une instance au fond devant le tribunal judiciaire de Draguignan en se prévalant de la clause de non garantie de contenance dans l'acte du 13 janvier 2014. Par jugement du 16 novembre 2021 le tribunal a condamné M. [K] [E] à verser à M. [P] [O], pleinement propriétaire depuis le 12 juillet 2018, la somme de 88 531 euros comprenant la provision de 45 000 euros allouée par l'ordonnance de référé du 4 mai 2016, outre la somme de 15 900 euros au titre des frais de régularisation de l'acte authentique. M. [K] [E] a interjeté appel de ce jugement et l'appel est toujours en cours.

Précédemment, M. [Y] [E], contestant les revendications sur la parcelle sur laquelle il stationne son véhicule, située à l'entrée de sa propriété cadastrée section B numéro [Cadastre 5], a par exploit d'huissier du 15 mars 2017, fait assigner de M. [P] [O], devant le tribunal d'instance de Fréjus, aux fins de bornage de leurs propriétés respectives et sur la situation d'enclave de son fonds.

Par jugement avant dire droit du 26 janvier 2018, le tribunal d'instance de Fréjus a désigné M. [M] [D] en qualité d'expert, aux fins de procéder au bornage des parcelles contiguës appartenant aux parties, ainsi que de fournir au tribunal tous renseignements notamment sur le fait de savoir si les fonds contigus ne proviennent pas d'un même fonds et s'il n'y a pas destination du père de famille, ainsi que sur la situation d'enclave du fonds de M. [Y] [E].

L'expert M. [M] [D] a déposé son rapport le 9 décembre 2019.

Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal de proximité de Fréjus a :

- reçu Mme [C] [R] en son intervention volontaire,

- dit que la ligne divisoire des parcelles des parties n° [Cadastre 2] et n° [Cadastre 3] provenant de la division de la parcelle cadastrée Section B [Cadastre 5] et B [Cadastre 8] sises aux [Adresse 16] sera fixée en passant par les points A, D, C,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que les entiers dépens de l'instance (dont les frais d'expertise judiciaire : plan de bornage et implantation de bornes) seront partagés par moitié entre les parties en vertu de l'article 646 du code civil,

- dit que le présent jugement étant revêtu de l'exécution provisoire de droit, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Pour statuer le tribunal a tenu compte de la décision du juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan du 4 mai 2016 et du rapport d'expertise [V] selon lesquels le fonds [O] se trouve déficitaire d'une surface estimée par l'expert à 251 m² par rapport à la surface mentionnée dans l'acte de vente. Le tribunal a estimé que les attestations produites par M. [E] ne peuvent fonder sa demande de prescription acquisitive et qu'il n'apporte pas la preuve de l'enclavement de son fonds.

Par déclaration du 11 mars 2021, M. [Y] [E] a relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 2 septembre 2022, M. [Y] [E] et M. [K] [E], ce dernier intervenant volontaire, demandent à la cour de :

- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [Y] [E], ainsi que l'intervention volontaire de M. [K] [E], en qualité de nu-propriétaire,

- infirmer le jugement du tribunal de proximité de Fréjus du 28 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

- juger que le tribunal de proximité ne pouvait statuer sur la demande de bornage présentée par M. [P] [O] au vu de l'expertise de M. [D], faute d'intervention du nu-propriétaire,

En conséquence,

- débouter M. [P] [O] de sa demande en bornage,

- juger que M. [Y] [E] a acquis par usucapion et prescription acquisitive trentenaire le droit d'accéder à sa propriété en traversant la parcelle [Cadastre 8], par le passage contesté par M. [P] [O] par trente ans d'usage paisible, continu et au vu et au sus de tous ainsi que les témoignages versés aux débats l'établissent et eu égard à la présence du portail d'accès aujourd'hui condamné (depuis 2021) par M. [P] [O] qui a commis une voie de fait,

- condamner M. [P] [O] au paiement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et matériel, et le débouter de son appel incident et de ses demandes fins et conclusions,

- juger que la propriété de M. [Y] [E] est enclavée partiellement du fait de la suppression de l'accès par l'entrée du portail situé [Adresse 15] qui donne sur la parcelle [Cadastre 8],

- juger que M. [Y] [E] est fondé à revendiquer l'acquisition d'une servitude de passage lui permettant d'accéder à sa propriété et son terrain de plain-pied,

En conséquence,

- ordonner à M. [P] [O] de laisser libre l'accès à l'assiette de la servitude de passage acquise par M. [Y] [E] par trente ans d'usage continu pour cause d'enclave,

- ordonner la publication aux services de la publicité foncière par la partie la plus diligente de l'arrêt à intervenir en reconnaissance de la servitude de passage,

- condamner M. [P] [O] au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [Y] [E] et M. [K] [E] font essentiellement valoir :

- qu'une procédure opposant M. [K] [E] à M. [P] [O] est pendante devant la cour d'appel ensuite du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan le 16 novembre 2021, et qui alloue à M. [P] [O] une somme d'environ 110 000 euros pour compenser et réparer la perte de surface du terrain (Chambre 1-1 RG 21/1793) alors que M. [P] [O] a obtenu une réparation en nature ensuite du jugement ordonnant le bornage,

- qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice que le litige qui oppose les mêmes parties fasse l'objet d'une jonction au visa de l'article 367 du code de procédure civile, ce qui fera l'objet de conclusions d'incident présentées au conseiller de la mise en état,

- que le tracé établi par l'expert ne pourra pas être retenu puisqu'il se fonde sur l'ordonnance de référé à laquelle M. [Y] [E] n'était pas en cause et qui pourra être remise en cause par les juges du fond,

- que le bornage n'autorise pas M. [P] [O] à porter atteinte au droit de passage de la propriété de M. [Y] [E] qui accédait à celle-ci depuis la route par un portail édifié il y a plus de trente ans,

- qu'un jugement de bornage ne peut avoir d'autre effet que celui de fixer les limites de fonds contigus, sans pour autant être translatif de propriété et ne peut porter atteinte au droit de passage résultant d'une servitude du chef de famille ou conventionnelle,

Sur le bornage,

- que les conditions du bornage n'étant pas réunies si l'on suit l'argumentation développée par M. [P] [O] eu égard à l'existence d'un précédent bornage amiable et eu égard au fait que M. [Y] [E] n'est qu'usufruitier de la parcelle litigieuse, cela implique que le tribunal ne pouvait ordonner le bornage des parcelles en cause sans s'assurer de la présence du nu-propriétaire aux débats,

Sur la prescription acquisitive du droit de passage,

- que M. [Y] [E] établit être propriétaire de la parcelle litigieuse desservie par un passage lui permettant d'accéder à la voie publique depuis 1986 et il n'y a eu aucune interruption de prescription par engagement d'une action en contestation du droit de passage emprunté par M. [Y] [E] avant 2016, de sorte qu'il est établi que M. [Y] [E] a utilisé pendant plus de trente ans le passage lui permettant d'accéder au portail situé sur sa propriété et à celle-ci ce qui est établi par témoignages et par la situation des lieux, et même l'expertise judiciaire,

- que les époux [O] se fondent en réalité sur une erreur du cadastre qui a mal reporté les limites de propriété et a affecté la langue de terre litigieuse à la propriété cadastrée [Cadastre 8] aujourd'hui propriété des époux [O],

- qu'il suffit d'aller sur les lieux ou de prendre connaissance des photos pour constater que la parcelle [Cadastre 8] est clôturée, et elle l'était déjà lorsque M. [K] [E] l'a acquise en 2004 et lorsqu'elle sera revendue, de sorte que la bande de terre litigieuse n'a jamais été affectée à la parcelle [Cadastre 8] car elle était destinée à l'usage exclusif de la parcelle [Cadastre 5], propriété de M. [Y] [E] depuis plus de trente ans qui a ainsi acquis par usucapion la propriété,

- qu'il importe peu qu'en 2014 il y ait eu une procédure entre M. [K] [E] et M. [P] [O], à partir du moment où M. [Y] [E] était étranger à cette procédure de sorte qu'elle ne peut pas lui être opposable et qu'en conséquence elle n'a pas pu interrompre la prescription à son égard,

- que depuis 1986, M. [Y] [E] a toujours utilisé le terrain litigieux pour y stationner sa voiture et pour sortir de sa propriété de sorte que sa possession était aussi réelle, publique et non équivoque, puisque tous les riverains ont pu attester que la voiture a toujours été garée dans cet emplacement,

- que M. [Y] [E] dispose d'un titre et d'une possession qui lui permettent de se prévaloir autant de la prescription abrégée de 10 ans que de la prescription trentenaire,

Sur l'enclavement partiel,

- que les pièces versées aux débats, notamment les procès-verbaux de constat d'huissiers et l'expertise, démontrent que la maison d'habitation de M. [Y] [E] dispose d'un accès piéton par un escalier qui donne sur la voie publique situé en contrebas de l'accès situé au niveau de la voie publique qui, seul, dessert le terrain,

- que l'enclavement est donc relatif et justifie l'acquisition par usucapion du passage utilisé pendant plus de trente ans par M. [Y] [E] au travers de la parcelle [Cadastre 8],

- qu'il résulte de la situation des lieux, que depuis des temps immémoriaux et au moins depuis le cadastre napoléonien (1801), les deux parcelles qui n'en formaient qu'une seule à l'origine, étaient desservies par [Adresse 15] qui permettait d'accéder à la propriété de plain-pied,

- qu'il s'agit bien évidemment d'une servitude du chef de famille qui desservait la propriété par le côté le plus facile d'accès.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 15 février 2024, M. [P] [O] et Mme [C] [R] demandent à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 646 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 514 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu le rapport d'expertise de M. [D],

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et partant en ce que la ligne divisoire des parcelles des parties n°[Cadastre 2] et n°[Cadastre 3] provenant de la division de la parcelle cadastrée section B [Cadastre 5] et B [Cadastre 8] sises aux [Adresse 16] sera fixée en passant par les points A, D, C,

- débouter MM. [Y] et [K] [E] de toutes leurs demandes et tirer les conséquences de droit de l'absence de Mme [S] [E] à la présente procédure,

- les condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. [P] [O] et Mme [C] [R] soutiennent en substance :

Sur la qualité de M. [Y] [E],

- que M. [O] seul propriétaire aujourd'hui, s'est aperçu dans le cadre du référé initié par M. [Y] [E] ayant donné lieu à l'ordonnance du 30 juin 2021, celui-ci n'était qu'usufruitier de la parcelle [Cadastre 5], M. [K] [E] serait au 10 juin 2020 nu-propriétaire, comme Mme [A] [E], laquelle n'est pas présente à la procédure,

- que la parcelle litigieuse a fait l'objet d'un partage amiable contradictoire de M. [Z], entre plusieurs propriétaires, des parcelles [Cadastre 10], [Cadastre 9] et [Cadastre 8] en 2004, que la parcelle B du rapport d'expertise [V] y fait d'ailleurs partie intégrante de la parcelle [Cadastre 8],

Sur le rapport d'expertise [D],

- que dans aucune de ces propositions de l'expert [D], la parcelle B du rapport d'expertise [V], que revendique M. [Y] [E], n'est intégrée à la propriété de M. [Y] [E],

- que la parcelle B revendiqué par M. [Y] [E] concerne la procédure opposant M. [O] à M. [K] [E] et en tout état de cause a été tranché par l'Ordonnance de référé du 4 mai 2016 qui n'a pas fait l'objet d'un appel et partant a attribué la pleine propriété à M. [O], qu'il est logique d'en tenir compte dans le cadre de la présente procédure,

Sur la prétendue prescription acquisitive,

- qu'il n'y a pas de prescription trentenaire, puisqu'ils ont acquis en 2014 leur propriété et ont dès le début contesté cette utilisation de la parcelle B du plan [V],

- qu'il n'y a pas eu possession paisible ni publique par M. [Y] [E] de ladite parcelle rattachée pour le moins depuis 2004 à la parcelle [Cadastre 8], dans le plan du bornage amiable [Z] signé par M. [K] [E] alors propriétaire de la parcelle [Cadastre 8],

Sur le prétendu enclavement,

- que le procès-verbal de constat d'huissier du 19 septembre 2017 montre à l'évidence que la parcelle [Cadastre 5] possède un autre portail d'accès la construction figurant sur la parcelle, situé sur [Adresse 16],

- comme le premier juge et le juge des référés dans son ordonnance du 30 juin 2021, la cour ne pourra que constater que la parcelle [Cadastre 5] n'est nullement enclavée si la parcelle B du plan [V] est rattachée au fonds cadastrée [Cadastre 8] section B appartenant à M. [O].

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 février 2024.

Par soit transmis du 10 mai 2024, adressé par le greffe sur le RPVA, les parties ont été invitées à faire connaître leurs observations sur les anomalies du dossier de plaidoirie déposé par l'appelant et à communiquer les pièces manquantes dans les meilleurs délais.

Les pièces réclamées sont bien parvenues à la cour.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire

En application des articles 328 et suivants du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. Elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

Il est constaté que M. [K] [E] est nu-propriétaire de la parcelle cadastrée B numéro [Cadastre 5], objet de l'action en bornage introduite par M. [Y] [E] seul, alors que la propriété de la parcelle B [Cadastre 5] est démembrée, puisqu'il ressort des actes notariés que M. [Y] [E] et son épouse en sont les usufruitiers, tandis que M. [K] [E] et Mme [A] [E] en sont nus-propriétaires.

Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de M. [K] [E] en sa qualité de nu-propriétaire.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que les chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En premier lieu, il est constaté que la cour est saisie de la question du bornage des propriétés respectives cadastrées section B numéros [Cadastre 5] d'une part, section B numéro [Cadastre 8] d'autre part, mais également de la prescription acquisitive invoquée par M. [Y] [E] et de la situation d'enclave de la parcelle cadastrée B numéro [Cadastre 5], toutes questions soumises au premier juge qui les a tranchées.

En second lieu, les deux parties bien que ne concluant pas expressément à l'irrecevabilité des demandes dans le dispositif de leurs conclusions, formulent des prétentions qui y tendent manifestement.

En effet, M. [Y] [E] et M. [K] [E] demandent à la cour de « juger que le tribunal de proximité ne pouvait statuer sur la demande de bornage présentée par M. [P] [O] au vu de l'expertise de M. [D], faute d'intervention du nu-propriétaire ».

Quant à M. [P] [O] et Mme [C] [R], ils demandent à la cour de « tirer les conséquences de droit de l'absence de Mme [S] [E] à la présente procédure ».

Sur la demande de bornage

Selon les dispositions de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, le bornage se faisant à frais communs.

Il est constant qu'une action en bornage entre dans la catégorie des actes d'administration qui relève de l'article 815-3 du code civil, aux termes duquel la majorité des deux tiers est requise pour effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis.

Par ailleurs, il est admis que l'usufruitier puisse agir en bornage, indépendamment du nu-propriétaire, en cas de démembrement de la propriété.

En l'espèce, il est établi que la propriété de la parcelle B [Cadastre 5] est démembrée, puisqu'il ressort des actes notariés que M. [Y] [E] et son épouse Mme [L] [B], en sont les usufruitiers, tandis que M. [K] [E] et Mme [A] [E] en sont nus-propriétaires.

Or, M. [Y] [E] en indivision avec son épouse ne dispose que de la moitié en usufruit, tandis que M. [K] [E] ne dispose avec sa s'ur Mme [A] [E] que de la moitié en nue-propriété.

Il est justifié que deux plaintes ont été déposées par M. [P] [O] et Mme [W] [I] pour des faits de dégradations sur véhicule stationné à chaque fois au [Adresse 11], commis en mai 2021 et en août 2021, la dernière plainte renouvelée le 26 janvier 2022, mettant en cause Mme [L] [E] et faisant état d'un procès en cours avec Mme [E] concernant des terrains avec son fils et son mari.

L'action en bornage, qui a été introduite par M. [Y] [E] seul, est donc irrecevable, l'intervention de M. [K] [E] n'y changeant rien, lui-même n'étant que nu-propriétaire indivis, la condition de majorité n'étant remplie par aucun des deux.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a statué au fond sur la demande de bornage.

Sur la prescription acquisitive

M. [Y] [E] prétend avoir acquis par usucapion le droit d'accéder à sa propriété en traversant la parcelle B [Cadastre 8], par le passage contesté par M. [P] [O] par trente ans d'usage paisible, ce qui s'analyse en une demande de prescription de l'assiette d'une servitude de passage sur la parcelle B [Cadastre 8].

L'article 685 du code civil prévoit en effet que l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.

Il convient donc en premier lieu d'examiner si le fonds cadastré B [Cadastre 5], dont M. [Y] [E] est usufruitier avec son épouse, et M. [K] [E] est nu-propriétaire avec sa s'ur Mme [A] [E], est enclavé selon les critères de l'article 682 du code civil, aux termes duquel le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 19 septembre 2017, que la parcelle cadastrée B [Cadastre 5] dispose d'une autre issue que celle revendiquée par M. [Y] [E] depuis [Adresse 15], un portail apparaissant sur les photographies, donnant sur [Adresse 16].

Il est justifié que par ordonnance de référé du 30 juin 2021, M. [Y] [E] a été débouté de sa demande dirigée contre M. [P] [O], aux fins d'enlèvement des obstacles à son accès par [Adresse 15], au motif d'une part que l'appel du jugement présentement appelé, caractérise une contestation sérieuse, et d'autre part que M. [Y] [E] ne démontre pas un dommage imminent ni un trouble manifestement illicite dans la mesure où son domicile n'est pas enclavé.

Or, M. [Y] [E] se contente d'affirmer que la parcelle cadastrée B [Cadastre 5] est enclavée en l'absence d'accès par l'entrée du portail situé [Adresse 15], sans donner d'information sur l'autre accès dont l'existence est établie, ni démontrer l'insuffisance de cet autre accès.

En conséquence il doit être conclu qu'en l'absence de situation d'enclave démontrée de la parcelle cadastrée B [Cadastre 5], M. [Y] [E] doit être débouté de sa demande de prescription acquisitive de l'assiette d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée B [Cadastre 8].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] [E] du surplus de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Les intimés concluant à la confirmation pure et simple du jugement appelé et la présente juridiction ne pouvant statuer ultra petita, il convient de confirmer le jugement appelé qui a partagé les dépens.

En cause d'appel, M. [Y] [E] et M. [K] [E] qui succombent, seront condamnés aux dépens ainsi qu'aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge des intimés.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la ligne divisoire des parcelles des parties n° [Cadastre 2] et n° [Cadastre 3] provenant de la division de la parcelle cadastrée Section B [Cadastre 5] et B [Cadastre 8] sises aux [Adresse 16] sera fixée en passant par les points A, D, C ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Déclare irrecevable la demande en bornage présentée par M. [Y] [E] et M. [K] [E] ;

Condamne M. [Y] [E] et M. [K] [E] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [Y] [E] et M. [K] [E] à payer à M. [P] [O] et Mme [C] [R], la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/03686
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;21.03686 ?
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