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23/05/2024 | FRANCE | N°20/10267

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 23 mai 2024, 20/10267


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2024

ac

N° 2024/ 180









Rôle N° RG 20/10267 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGN3A







S.C.I. COVIAC





C/



Syndic. de copro. RESIDENCE [Adresse 14]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



la SELARL LX AIX EN PROVENCE



Me Nathalie DAON






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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 25 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00954.





APPELANTE



S.C.I. COVIAC dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son gérant en exercice



représentée par l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2024

ac

N° 2024/ 180

Rôle N° RG 20/10267 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGN3A

S.C.I. COVIAC

C/

Syndic. de copro. RESIDENCE [Adresse 14]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL LX AIX EN PROVENCE

Me Nathalie DAON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 25 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00954.

APPELANTE

S.C.I. COVIAC dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son gérant en exercice

représentée par la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Mathieu MOUNDLIC de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIME

Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier RESIDENCE [Adresse 14], dont le siège social est [Adresse 5], représenté par son syndic en exercice

représentée par la Me Nathalie DAON, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte en date du 12 janvier 1984, la Société Civile Immobilière « [Adresse 14] » a concédé à M.[G], propriétaire des parcelles cadastrées Section [Cadastre 7], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] situées à [Localité 10], une servitude de passage formée d'une bande de terrain sur sa parcelle cadastrée section [Cadastre 9] à compter du [Adresse 11] d'une largeur de six mètres sur 50 mètres et d'une largeur de 5 mètre sur 65 mètres puis 4 mètres sur 15 mètres sur une longueur totale de 130 mètres, le long de la limite Nord de la copropriété avec la propriété de [O] [G], celui-ci étant autorisé à pratiquer toutes ouvertures sur ledit chemin afin de desservir sa propriété avant ou après morcellement de celle-ci.

L'ensemble immobilier dénommé « [Adresse 14] » est depuis soumis au statut de la copropriété.

Par acte authentique du 9 septembre 2004, la Sci Coviac a acquis de M.[G] en viager la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] (issue de la subdivision de l'ancienne parcelle [Cadastre 3]) située au [Adresse 6].

Soutenant que dans le cadre de son projet de division de parcelles, les lots B et C cadastrés [Cadastre 12] et [Cadastre 13] sont privés d'accès à la voie publique par l'implantation d'un portail fermé sur l'assiette de la servitude de passage et se trouvent partiellement enclavés, la Sci Coviac a fait assigner d'abord devant le juge des référés puis devant le tribunal de grande instance de Grasse le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14] afin de rétablir son droit de passage.

Par décision du 25 septembre 2020 le tribunal judiciaire de Grasse a jugé que la servitude établie par acte conventionnel du 12 janvier 1984 est éteinte par suite de non-usage pendant plus de trente ans, a débouté la SCI COVIAC de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du Syndicat des copropriétaires « [Adresse 14]», a condamné la SCI COVIAC à verser au Syndicat des Copropriétaires « [Adresse 14] » une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens, et a rejeté la demande indemnitaire présentée par le syndicat des copropriétaires, aux motifs que le fonds servant est indiqué dans l'acte authentique du 12 janvier 1984 comme étant celui parcellé [Cadastre 9], et que les fonds dominant sont parcellés [Cadastre 7], [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], qu'un écrit des auteurs de la Sci mentionne que la servitude de passage n'a jamais été utilisée, que les conditions légales d'extinction de la servitude étaient réunies.

Par acte du 26 octobre 2020 la Sci Coviac a interjeté appel de la décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2023 la Sci Coviac demande à la cour au visa des articles 696, 697, 701, 706 et 707 du Code civil de:

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

o Jugé éteinte la servitude conventionnelle de passage établie le 12 janvier 1984 ;

o Débouté la SCI COVIAC de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] ;

o Condamné la SCI COVIAC à verser au Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Statuant à nouveau,

o JUGER la SCI COVIAC recevable et bien fondée en son action ;

o JUGER que la servitude conventionnelle consentie bénéficie, aux termes d'un acte notarié du 12 janvier 1984 confirmé les 1er et 3 septembre 1987, au profit des parcelles aujourd'hui cadastrées [Cadastre 12] (lot B) et [Cadastre 13] (lot C) de la parcelle anciennement cadastrée [Cadastre 8], appartenant à la SCI COVIAC, n'est pas éteinte ;

o JUGER que l'étendue de ladite servitude est la suivante : sur le fonds cadastré section [Cadastre 9] d'une bande de terrain, à compter du [Adresse 11], d'une largeur de six mètres (sur 50m.) et d'une largeur de cinq mètres (sur 65m.) puis quatre mètres (sur 15m.) sur une longueur totale de cent trente mètres, le long de la limite Nord de la copropriété de la SCI COVIAC et partie de la propriété de M. [W] ;

En conséquence,

' CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] à supprimer les obstacles empêchant la SCI COVIAC de jouir paisiblement de ladite servitude, en lui donnant les clefs du portail, un « bip/télécommande » ainsi que le code d'accès, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

' AUTORISER la SCI COVIAC à réaliser deux ouvertures dans la haie au droit des lots B et C, selon le schéma d'intention d'aménager produit au soutien de la demande de déclaration préalable de division déposée le 21 décembre 2015 et accordée 7 avril 2016 ;

' CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] à verser à la SCI COVIAC la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

- DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] à payer à la SCI COVIAC la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 14] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir :

- que le 27 avril 1990 le syndic du SDC du [Adresse 14] a adressé une lettre aux époux [G] reconnaissant expressément l'existence d'une servitude de passage au profit de leur fonds ;

- que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ;

-que la servitude n'est pas éteinte puisque les époux [G] ont participé aux frais d'installation du portail et ont bénéficié d'une boite aux lettres installée par le syndic sur l'assiette de la servitude de passage ;

- que ces actes démontrent qu'ils utilisaient la servitude et que le propriétaire du fonds dominant a agi en qualité de titulaire du droit de servitude ;

- qu'en matière de prescription extinctive de la servitude de passage il suffit que le titulaire du droit en ait fait un usage quelconque avant trente ans, sans avoir à justifier d'acte matériels pour en justifier l'usage puisque son droit est déjà reconnu ;

- que l'acte notarié daté des 1er et 3 septembre 1987 démontre que le gérant de la SCI [Adresse 14] et le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé « [Adresse 14] » ont expressément reconnu l'existence de la servitude conventionnelle dont bénéficie aujourd'hui la SCI COVIAC en visant l'acte notarié initial du 12 janvier 1984 constitutif de la servitude conventionnelle et en reproduisant l'intégralité de la lettre de l'acte notarié constitutif du 12 janvier 1984 ;

- que l'acte recognitif interrompt la prescription extinctive de servitude par le non-usage de l'article 706 du Code civil ;

- que l'acte recognitif de septembre 1987 a fait courir un nouveau délai de prescription trentenaire jusqu'au 3 septembre 2017,

- qu'elle a dans sa déclaration préalable du 21 décembre 2015 mentionné le souhait d'utiliser la servitude de passage permettant l'accès aux lots B et C

- qu'elle ne s'est pas volontairement enclavée puisque l'article 700 du Code civil prévoit que si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion,

- qu'il est établi qu'elle ne dispose pas de la clef permettant d'ouvrir le portail, et que les végétaux empêchent d'utiliser la servitude de passage ;

- que le syndicat des copropriétaires est responsable de son empêchement d'accéder à son terrain depuis près de quatre ans, alors qu'elle a lancé les démarches administratives, depuis le mois de décembre 2015 afin de construire une maison sur chacun des lots B et C.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2023 l'intimé demande à la cour au visa des articles 682 à 708 du code civil de :

Débouter la SCI COVIAC de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

Confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a :

' Jugé que la servitude du 12.01.1984 était éteinte par suite de son non-usage pendant plus de 30 ans.

' Débouté la SCI COVIAC de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du concluant,

SUR L'APPEL INCIDENT

RECEVOIR le SDC « [Adresse 14] » en son appel incident et le déclarer bien fondé.

Ce faisant réformer la décision de première instance et

Condamner la SCI COVIAC à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 14], à titre indemnitaire, la somme de 10 000 €

Condamner la SCI COVIAC à verser au concluant sur le fondement de l'article 700 du CPC la somme de 5 000 €

La condamner aux entiers dépens

L'intimé réplique:

- que la propriété [G] a toujours bénéficié d'un accès direct, distinct de la servitude de passage, au [Adresse 11] et que la servitude instaurée dans l'acte de 1984 n'a jamais été utilisée ;

- que le non-usage trentenaire a conduit à l'extinction de la servitude de passage ;

- que l'acte du 1er et 3 septembre 1987 n'a pas valeur recognitif et n'a pas interrompu la prescription puisqu'il ne rappelle pas l'usage de la servitude ;

- que le constat d'huissier produit par la Sci démontre le non-usage ;

- que la lettre du syndic de 1990 rappelle le non-usage car M [G] disposait d'un autre accès ;

- que l'emplacement des boites aux lettres à l'extérieur de la copropriété permet d'y accéder sans droit de passage ;

- que l'avis du Professeur [U] sur le caractère interruptif de prescription de cet acte n'est que son avis isolé, de surcroît issu d'une consultation commandée par la SCI COVIAC et qu'en aucun cas il ne s'agit de droit positif ;

- que la sci dispose d'un triple accès à la voie publique,

- que son enclavement est volontaire ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions de l'appelant comporte des demandes de « juger » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Sur les demandes au titre de la servitude de passage

Selon l'article 697 du code civil celui auquel est due une servitude a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver.

Aux termes de l'article 700 du code civil il est mentionné que si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

L'article 701 du Code civil dispose que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

L'article 706 du code civil énonce que la servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.

L'article 707 poursuit en précisant que les trente ans commencent à courir, selon les diverses espèces de servitudes, ou du jour où l'on a cessé d'en jouir, lorsqu'il s'agit de servitudes discontinues, ou du jour où il a été fait un acte contraire à la servitude, lorsqu'il s'agit de servitudes continues.

Il est admis qu'une servitude de passage est une servitude discontinue, de sorte que le délai de prescription extinctive commence à courir à compter du jour du dernier acte d'exercice de cette servitude.

En l'espèce, il est établi que l'acte authentique du 12 janvier 1984 a institué au profit du fonds cadastré [Cadastre 3] appartenant à M.[G], auteur de la Sci Coviac, une servitude de passage formée d'une bande de terrain sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 9] appartenant à l'intimé , à compter du [Adresse 11] d'une largeur de six mètres sur 50 mètres et d'une largeur de 5 mètre sur 65 mètres puis 4 mètres sur 15 mètres sur une longueur totale de 130 mètres, le long de la limite Nord de la copropriété avec la propriété de [O] [G], celui-ci étant autorisé à pratiquer toutes ouvertures sur ledit chemin afin de desservir sa propriété avant ou après morcellement de celle-ci.

Le procès verbal de constat d'huissier du 21 décembre 2016 produit par l'appelante fait état de la présence d'un portail à ouverture électrique situé à l'entrée de l'ensemble immobilier [Adresse 14] [Adresse 11] et d'un local supportant des boites aux lettres.

Il n'est pas contesté que ces aménagements se situent sur l'emprise de la servitude de passage ci-dessus instituée.

Ce même constat décrit l'encombrement de végétaux localisé sur l'assiette de la servitude de passage telle que définie dans l'acte authentique du 12 janvier 1984.

Il n'est par ailleurs constant que la Sci Coviac ne dispose pas des clefs ou dispositif permettant d'ouvrir le portail électrique situé à l'entrée de l'ensemble immobilier [Adresse 14], qu'aucune ouverture n'a été pratiquée depuis le fonds anciennement [G] pour rejoindre la servitude de passage, et que si la partie dénommée lot A de sa parcelle bénéficie d'un accès direct sur le [Adresse 11], les lots B et C situés au fond de la parcelle avant division ne disposent d'aucun accès direct à la servitude de passage litigieuse.

Ces éléments permettent de caractériser la présence d'obstacles sur une partie de l'emprise foncière de la servitude de passage.

La correspondance du 27 avril 1990 adressée par le syndic bénévole de la copropriété à M.[G] mentionne l'accord de ce dernier pour participer financièrement aux aménagements du portail et du local contenant les boîtes aux lettres, et dont la réalité n'est pas contestée.

La participation de l'auteur de la Sci Coviac aux frais d'aménagements d'ouvrage situés partiellement sur l'assiette de la servitude de passage s'analyse comme un acte matériel à l'exercice du droit de passage au profit de sa parcelle. En effet la contribution à l'implantation du portail démontre sa volonté non équivoque de bénéficier de l'accès à la servitude en dépit de cet aménagement, tandis que l'octroi d'une boite aux lettres qui lui est destinée « pour le lot qui vous concerne, pour le cas où vous déciderez de le vendre » marque la poursuite de l'usage de la servitude de passage et des aménagements qu'elle contient.

Cette correspondance, par la manifestation du souhait d'utiliser la servitude de passage, a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription trentenaire prévu par la loi. Les moyens soulevés au titre de l'encombrement de la servitude de passage par des végétaux ou de la preuve du non-usage de la servitude en raison de l'existence d'un portail situé sur le lot A de la parcelle appartenant à l'appelante lui octroyant un accès direct au [Adresse 11], ne sont pas de nature à remettre en cause la volonté exprimée en 1990 par le propriétaire du fonds dominant de poursuivre l'usage, même résiduel, de la servitude de passage.

L'attestation attribuée à Mme [G], en ce qu'elle ne respecte pas les conditions prévues par l'article 202 du code de procédure civile, ne peut être considérée comme un élément probant au soutien de la démonstration de l'absence d'usage de la servitude depuis plus de trente ans.

Il n'est par ailleurs pas exigé de la loi une multiplication d'actes matériels destinés à caractériser l'usage d'une servitude de passage puisqu'il a été rappelé que le délai de prescription commence à courir du jour du dernier acte d'exercice de la servitude, en l'espèce le 27 avril 1990. La participation de M.[G] aux frais d'installation du portail et de la boite aux lettres installés par le syndic sur l'assiette de la servitude de passage, suffit ainsi à démontrer la non extinction de la servitude de passage au moment de l'acquisition de la parcelle par l'appelante le 9 septembre 2004.

En ce sens le jugement sera infirmé et il conviendra de condamner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14] à permettre à la Sci Coviac d'utiliser la servitude de passage instituée le 12 janvier 1984 en lui donnant les clefs du portail, un bip/télécommande ainsi que le code d'accès dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision. En raison de l'opposition caractérisée par l'intimé à cette situation, la condamnation mise à sa charge sera assortie d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard durant 6 mois en cas de non-exécution volontaire.

Par ailleurs, il doit être rappelé que la servitude conventionnelle a autorisé le propriétaire du fonds dominant à réaliser des ouvertures de son fonds sur la servitude de passage en ces termes «celui-ci étant autorisé à pratiquer toutes ouvertures sur ledit chemin afin de desservir sa propriété avant ou après morcellement de celle-ci ».

La Sci Coviac doit donc pouvoir réaliser deux ouvertures de ses lots B et C sur la servitude de passage puisque le texte de l'acte authentique ne limite pas le nombre d'ouvertures mais mentionne

«  toutes ouvertures » au pluriel et ce dans la perspective du morcellement de la parcelle, ce qui est le cas en l'espèce. Elle produit à ce titre le schéma d'intention d'aménager la parcelle [Cadastre 8] en deux parcelles cadastrées [Cadastre 12] ( lot B) et [Cadastre 13] ( lot C), annexé à la demande de déclaration préalable déposé le 21 décembre 2015, qui prévoit la création de deux ouvertures sur la haie séparative confrontant la servitude de passage, et l'accord de la commune d'[Localité 10] du 7 avril 2016 au titre de la déclaration préalable à la division des parcelles et leurs aménagements.

Il conviendra en conséquence de dire qu'elle est autorisée à réaliser ces deux ouvertures ainsi décrites.

Sur la demande indemnitaire formée par l'appelante

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La Sci Coviac soutient subir un préjudice de jouissance depuis 4 ans au titre des obstacles à l'utilisation de la servitude de passage.

Il s'évince des pièces produites que l'appelante n'a jamais été empêchée d'accéder à son terrain puisqu'elle a pu en vendre une partie en 2016 et qu'elle a fait établir des plans d'aménager de la partie restante. La position adoptée par l'intimé quant à l'utilisation de la servitude de passage ne présente pas en soi un obstacle à l'aménagement de son terrain ou à la construction de bâtiments.

Elle ne produit par ailleurs aucun élément objectif permettant d'apprécier et de quantifier le préjudice de jouissance allégué et ne procède que par allégations.

La demande indemnitaire sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.

En l'espèce, il n'est pas démontré que la Sci Coviac a abusé de son droit d'agir en justice dans une intention de nuire au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14], ce d'autant qu'il est fait droit à la plupart de ses demandes.

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.

sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14], qui succombe sera condamné aux dépens, distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la Sci Coviac.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la Sci Coviac de sa demande indemnitaire et en ce qu'il rejeté la demande au titre de la procédure abusive formée par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14] ;

Infirme le jugement pour le surplus;

Statuant à nouveau :

Vu l'acte authentique du 12 janvier 1984 instituant une servitude de passage au profit du fonds anciennement cadastré [Cadastre 3] ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14], pris en la personne de son syndic en exercice, à permettre à la Sci Coviac d'utiliser la servitude de passage conventionnelle en lui donnant les clefs du portail, un bip/télécommande ainsi que le code d'accès dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;

Dit que passé ce délai et à défaut de s'être exécuté, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14], pris en la personne de son syndic en exercice, sera tenu au paiement d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard durant 6 mois,

Vu le schéma d'intention d'aménager la parcelle [Cadastre 8] en deux parcelles cadastrées [Cadastre 12] ( lot B) et [Cadastre 13] ( lot C) annexé à la demande de déclaration préalable dépose le 21 décembre 2015,

Dit que la Sci Coviac est autorisée à créer deux ouvertures depuis les parcelles cadastrées [Cadastre 12] ( lot B) et [Cadastre 13] ( lot C) sur la haie séparative avec l'ensemble immobilier [Adresse 14], confrontant la servitude de passage, tel que décrit au schéma d'intention d'aménager ci-dessus ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14], pris en la personne de son syndic en exercice, aux entiers dépens distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 14], pris en la personne de son syndic en exercice, à verser à la Sci Coviac la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/10267
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;20.10267 ?
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