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21/05/2024 | FRANCE | N°22/08407

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 21 mai 2024, 22/08407


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2024



N° 2024/208









Rôle N° RG 22/08407

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJRRS







[K] [Y]



C/



PROCUREUR GENERAL

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



l'ASSOCIATION BOCHNAKIAN LARRIEU-SANS



MINISTÈRE PUBL

IC





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01475





APPELANT



Monsieur [K] [Y]

né le 11 avril 1982 à [Localité 4] (Algérie)

demeurant [Adresse 1]



comparant en personne, assisté de l'ASSOCIATION BOCHN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2024

N° 2024/208

Rôle N° RG 22/08407

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJRRS

[K] [Y]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

l'ASSOCIATION BOCHNAKIAN LARRIEU-SANS

MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01475

APPELANT

Monsieur [K] [Y]

né le 11 avril 1982 à [Localité 4] (Algérie)

demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de l'ASSOCIATION BOCHNAKIAN LARRIEU-SANS, avocat au barreau de TOULON

INTIME

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Valérie TAVERNIER, avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 mars 2024 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [K] [Y] est né le 11 avril 1982 à [Localité 4] (Algérie) et il est de nationalité algérienne.

Il a épousé Madame [R] [Y] le 19 décembre 2012 à [Localité 2] (Var).

Son épouse est née le 24 mars 1961 à [Localité 3] et est de nationalité française.

Le 10 octobre 2019, M. [Y] a souscrit devant le Préfet des Alpes-Maritimes une déclaration acquisitive de nationalité française au titre de l'article 21-2 du code civil en raison de son mariage.

Par décision du 4 mars 2020, M. [Y] s'est vu refuser l'enregistrement de cette déclaration au motif qu'au jour de la souscription de la déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle avec son épouse ne pouvait être considérée comme stable et convaincante.

Par acte du 22 janvier 2021, M. [Y] a fait assigner le Procureur de la République devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de contester cette décision de refus.

Par jugement rendu le 10 mars 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Marseille a :

- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- débouté M. [Y] de ses demandes,

- constaté l'extranéité de M. [Y],

- ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- condamné M. [Y] aux dépens.

M. [Y] a interjeté appel de cette décision le 10 juin 2022.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 02 septembre 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal Judiciaire de Marseille du 10 mars 2022 en ce qu'il a :

- débouté M. [Y] de ses demandes,

- constaté l'extranéité de M. [Y] né le 11 avril 1982 à [Localité 4] en Algérie,

- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- condamné M. [Y] aux dépens,

Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de :

- déclarer que le récépissé prévu par l'article 1043 du Code de Procédure Civile a été délivré,

- ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [Y], né le 11 avril 1982 à [Localité 4] (Algérie) au titre de l'article 21-2 du code civil,

- ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- condamner le Trésor Public à payer à M. [Y] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

M. [Y] fait en effet notamment valoir que :

- la contestation de sa demande de nationalité française procède d'un préjugé et se réfère à une situation qui n'avait en réalité pas posé de problème auparavant ;

- l'ensemble des pièces versées aux débats démontrent parfaitement une communauté de vie et une communauté affective avec son épouse ; qu'il est l'aidant familial de son beau-frère ;

- il s'est rendu à de nombreuses reprises en Algérie en raison de la grave pathologie dont était atteint son père puis pour faire face aux conséquences de son décès ; qu'aucune preuve n'établit une rupture de la communauté de vie ;

- le préfet du Var a été amené à vérifier périodiquement la persistance de la communauté de vie à l'occasion de la délivrance de plusieurs cartes de séjour 'vie privée et familiale' ;

- si le couple a été auditionné avant le mariage en raison d'une suspicion de fraude liée à leur différence d'âge, la célébration s'est néanmoins déroulée sans difficulté.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 28 novembre 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence demande à la cour de :

- dire la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement de première instance,

- débouter M. [Y] de ses demandes,

- dire que [K] [Y], né le 11 avril 1982 à [Localité 4] (Algérie), n'est pas de nationalité française,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le procureur général fait en effet notamment valoir que :

- il appartient à M. [Y] de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions légales fixées par l'article 21-2 du code civil pour permettre l'enregistrement de sa déclaration de nationalité, à savoir l'existence d'une communauté de vie, tant matérielle qu'affective, stable et continue, du jour du mariage à la date de la souscription de la déclaration ; qu'en matière de nationalité, la communauté de vie échappe à la vision personnelle des époux ;

- les éléments versés ne démontrent pas la réalité et la persistance d'une vie commune affective stable et continue ; que la preuve de la cohabitation des époux au domicile n'est pas exclusive d'une cessation de la vie commune affective ;

- le fait pour M. [Y] d'avoir continué à se rendre en Algérie sans son épouse aussi fréquemment, pour de longues périodes et sans que cela ne soit justifié, apparait incompatible avec la persistance d'une vie commune avec l'épouse,

- l'enquête de gendarmerie du 26 janvier 2020 souligne qu'il n'a jamais été vu dans ce village de 2000 habitants depuis 2016; elle rappelle qu'il a déjà fait l'objet d'une procédure en 2012 pour mariage contracté pour l'obtention d'un titre de séjour; les personnes contactées par les enquêteurs pensent que le mariage est de complaisance, compte tenu de l'austérité de l'épouse,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 mars 2024. L'affaire a été appelée à l'audience du jeudi 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances ou s'elève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre recépissé. En l'espèce, le ministère de la justice a délivré ce recépissé le 12 septembre 2022. La procedure est donc régulière.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Sur le fond

M. [K] [Y] revendique la nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil, pour avoir épousé le 19 décembre 2012 à [Localité 2] (Var) Mme [R] [Y] de nationalité française, selon déclaration déposée le 10 octobre 2019 devant le préfet des Alpes-Maritimes.

Par décision du 4 septembre 2020, M. [Y] s'est vu refuser l'enregistrement de cette déclaration au motif qu'au jour de la souscription de la déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle avec son épouse ne pouvait être considérée comme stable et convaincante.

L'appelant conteste devant la cour le jugement rendu le 10 mars 2022 qui l'a débouté de sa demande dirigée à l'encontre du refus d'enregistrement de sa déclaration.

L'article 21-2 du code civil soumet l'acquisition de la nationalité française par déclaration notamment à la démonstration qu'au jour de la déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé depuis le mariage. Il incombe à M. [Y] de faire cette démonstration.

Il faut rappeler en premier lieu l'importante différence d'âge (21 ans) de l'époux avec Mme [R] [Y] (née le 24 mars 1961).

M. [Y] produit un ensemble de pièces administratives (relevés d'imposition, factures d'énergie et internet) établies à son nom ou au nom du couple et à l'adresse déclarée de résidence de ce dernier à [Localité 2], pour la période du 7 juillet 2013 au 2 octobre 2020. Ceci étant, ces éléments ne sont pas suffisants à prouver une réelle communauté de vie; ils attestent surtout d'une domiciliation fiscale et de la consommation d'utilités, dans un immeuble qui est d'ailleurs propriété de l'épouse seule.

M. [Y] verse également aux débats seize attestations, outre celle de son épouse, qui concordent à indiquer qu'il existe une réelle vie de couple, l'appelant et son épouse vivant ensemble à [Localité 2]. Néanmoins, il est remarquable de noter que l'ensemble de ces attestations est daté du 6 octobre 2010. Il s'agit surtout d'attestations formulées en termes généraux, souvent très proches dans l'expression, et sans détails très concrets.

Or, l'examen du passeport de l'intéressé démontre qu'entre 2012, année du mariage, et 2019, année de la déclaration, il a effectué de très nombreux allers-retours entre la France et l'Algérie. En particulier, il a effectué 16 allers-retours entre août 2015 et novembre 2019. Ces séjours ont des durées variables, de quelques jours à trois mois. Cependant, ils totalisent 3 mois en 2015, 1,5 mois en 2016, 2,1 mois en 2017, 7,5 mois en 2018 et 2 mois en 2019.

M. [Y] donne principalement pour explication à ses fréquents séjours en Algérie le fait qu'il a été contraint d'assister son père, gravement malade. Il produit en effet un certain nombre d'éléments médicaux attestant de l'état de santé de son père, pour la période de mars 2017 à décembre 2018. Ce dernier est décédé le 29 janvier 2019. L'appelant ne donne malgré tout pas de précisions convaincantes sur la nécessité pour lui de ne pas être présent au domicile conjugal pendant plus de la moitié de l'année 2018, et plus précisément, il n'explique pas pourquoi sa présence personnelle auprès de son père était indispensable, à la supposer avérée. Or, M. [Y] perçoit une rémunération du Conseil Général du Var en tant qu'aidant de son beau-frère, à hauteur de 48 heures par mois, et celui-ci réside au domicile conjugal. Aucune indication n'est donné dans les conclusions d'appel sur cette contradiction entre le fait de percevoir une rémunération mensuelle pour des tâches d'assistance qui se déroulent nécessairement en France, et des absences répétées et de longue durée en Algérie. Une seule pièce démontre l'existence d'un voyage en Algérie avec son beau-frère, mais en 2014.

Le ministère public produit pour sa part les conclusions d'une enquête de gendarmeriedu 10 mars 2020. Non seulement ce rapport indique que, lors de la visite des enquêteurs le 26 janvier 2020, M. [Y] est absent et que c'est son épouse qui s'occupe de son frère, mais il constate que des messages postés sur son profil Facebook les 13 et 18 janvier 2020 établissent la vraisemblance de sa présence en Algérie, soit un an après le décès de son père. Les enquêteurs ajoutent que, s'agissant du village de [Localité 2] situé dans leur ressort de compétence, ils n'ont jamais rencontré M. [Y] lors de leurs multiples patrouilles pédestres. Enfin, le rapport indique que les personnes rencontrées à la mairie et dans l'entourage de Mme [Y] assurent qu'il s'agit de mariage de complaisance. La conclusion du rapport est donc défavorable à la requête de l'appelant.

Compte tenu des éléments qui précèdent, la communauté de vie réelle entre M. [Y] et son épouse n'est pas démontrée. La décision frappée d'appel est bien fondée et elle sera confirmée.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintegration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

En conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [Y], qui succombe, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

DIT la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile,

Déboute M. [K] [Y] de sa demande d'acquisition de la nationalité française par mariage,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Marseille, en ce qu'il a constaté l'extranéité de M. [K] [Y], né le 11 avril 1982 à [Localité 4] (Algérie),

ORDONNE la mention prévue par l'article 28 du code civil,

CONDAMNE M. [K] [Y] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 22/08407
Date de la décision : 21/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;22.08407 ?
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