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19/04/2024 | FRANCE | N°20/09051

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 19 avril 2024, 20/09051


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024



N° 2024/ 154













Rôle N° RG 20/09051 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGJVU







[M] [Y]





C/



[U] [F]

























Copie exécutoire délivrée

le :19/04/2024

à :



Me Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
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Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 03 Septembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00059.





APPELANTE



Madame [M] [Y], d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024

N° 2024/ 154

Rôle N° RG 20/09051 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGJVU

[M] [Y]

C/

[U] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :19/04/2024

à :

Me Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 03 Septembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00059.

APPELANTE

Madame [M] [Y], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Madame [U] [F] exerçant sous l'enseigne BAR TABAC LE [2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

'

Mme [M] [Y] a été embauchée par Mme [U] [F], exploitant en nom propre, un bar tabac PMU Le [2] à [Localité 4], par contrat à durée déterminée le 20 janvier 2012 en qualité de vendeuse tabac.

'

Le 22 novembre 2018, Mme [U] [F] a notifié un avertissement à Mme [Y].

'

Par lettre du 4 décembre 2018 notifiée par voie d'huissier, Mme [Y] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 13 décembre 2018 et mise à pied à titre conservatoire.

'

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 décembre 2018, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

'

Mme [Y] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 7 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Fréjus pour contester son licenciement, l'avertissement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire.

'

Par jugement du 3 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Fréjus, section, a ainsi statué':

'

- dit et juge le licenciement de Mme [M] [Y] pour cause réelle et sérieuse bien fondé,

- déboute Mme [M] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- condamne Mme [M] [Y] à payer la somme de 150,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [M] [Y] aux entiers dépens de l'instance.

'

Par déclaration du 22 septembre 2020 notifiée par voie électronique, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.

'

PRÉTENTIONS ET MOYENS

'

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 23 novembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [M] [Y], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1235-5 du code du travail, de :

'

- infirmer et réformer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 3 septembre 2020,

- dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger qu'elle a droit à la réparation intégrale de son préjudice,

- condamner Mme [U] [F] à lui payer les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 12 700,00 euros,

- dommages et intérêts en réparation du préjudice moral 6'000,00 euros,

- dommages et intérêts pour l'annulation de l'avertissement 1'500,00 euros,

- dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de la convention collective relative au temps de repos 5'000,00 euros,

- condamner Mme [U] [F] à lui payer la somme de 2'500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [U] [F] aux entiers dépens.

'

A l'appui de son recours, l'appelante fait valoir en substance que :

'

- l'avertissement et le licenciement sont infondés';

- s'agissant de l'avertissement, elle conteste formellement s'être insurgée suite aux directives de l'employeur d'enregistrer la consommation d'un café sur la caisse du bar';

- les griefs à l'appui du licenciement, généraux et évasifs, ne sont pas démontrés par l'employeur';

- l'employeur lui a imposé durant les week-ends travaillés un temps de repos de 10 heures';

- Le licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement vexatoires par la remise d'une convocation à entretien préalable par acte d'huissier avec son départ immédiat de l'entreprise.

'

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 25 janvier 2024 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [U] [F], exerçant sous l'enseigne Bar Tabac Le [2], demande à la cour de :

'

- confirmer le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le conseil des prud'hommes de Fréjus en toutes ses dispositions,

y rajoutant,

- la condamner reconventionnellement à la somme de 2'500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et pour la procédure devant la Cour, ainsi qu'aux entiers dépens.

'

L'intimée expose en substance que l'avertissement et le licenciement sont justifiés au regard du comportement de la salariée. S'agissant du respect du temps minimum de repos, elle relève que la salariée ne rapporte aucun élément de preuve sérieux et ne justifie pas en tout état de cause du préjudice subi pour un temps de repos de 10 heures, au lieu de 11, à deux reprises en sept ans.

'

Une ordonnance de clôture est intervenue le 26 janvier 2024, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 27 février suivant.

'

'

MOTIFS DE LA DECISION

'

Sur l'exécution du contrat de travail':

'

Sur l'avertissement du 22 novembre 2018':

'

Selon l'article L.1331-1 du code du travail, "constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération".

'

En vertu de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

'

L'employeur fournit à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction.

'

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

'

Aucune des parties ne supporte directement la charge de la preuve, mais il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments retenus pour prononcer la sanction contestée.

'

Sur le fondement de l'article L.1333-2, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

'

Le courrier d'avertissement est rédigé dans ces termes':

'

«'Madame,

'

En date du 18 octobre 2018, nous vous avons adressé une lettre recommandée avec AR vous rappelant les directives et les consignes à la bonne marche de l'établissement LE [2], qui vous emploie.

Parmi tous les points essentiels que nous vous avons rappelés dans ce courrier, un seul d'entre eux a attiré votre attention : « toute boisson personnelle devra être enregistrée sur la caisse du bar et payée ».

Nous vous rappelons que cette décision a été prise, suite à un bilan prévisionnel de notre expert-comptable signifiant un écart entre les achats et les ventes du bar.

Suite à cette décision, vous vous êtes insurgée et vous avez dénigré la direction et l'établissement auprès de nos clients.

Suite à vos critiques, certains clients font des réflexions désobligeantes à l'égard de la direction.

Alors, nous vous rappelons ci-dessous, le paragraphe concernant l'obligation de loyauté du salarié imposée par la Code du Travail, qui apparemment n'a pas attiré votre attention lors du dernier courrier que nous vous avons envoyé.

Le Code du Travail article L 1222-1 rappelle l'obligation de loyauté du salarié. Elle s'accompagne d'une obligation de fidélité, de confidentialité et de non concurrence. L'obligation de loyauté impose au salarié de ne pas commettre des agissements sanctionnables. A titre d'exemple, sont prohibées les pratiques suivantes :

- Les propos préjudiciables pouvant nuire à la réputation de l'employeur et de l'entreprise,

- Le fait de divulguer à des tiers, (à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise) des informations à caractère confidentiel dont il a connaissance du fait de ses fonctions, le débauchage des travailleurs et des clients de l'employeur, le travail rémunéré qui fait concurrence à l'employeur ou qui diminue l'efficacité du salarié, diff user sur les réseaux sociaux des commentaires injurieux ou irrespectueux à l'encontre de son employeur ou de l'entreprise,

- la manipulation d'écritures comptables, détournement de fonds'

Pour le salarié, cette obligation consiste donc, de façon générale, à ne pas nuire à la réputation ou au bon fonctionnement de la société employeur, durant l'exécution du contrat de travail, notamment par des actes de dénigrement ou de concurrence contraire à l'intérêt de l'entreprise.

Cette obligation empêche aussi le salarié d'exercer une activité concurrente à celle de son employeur.

Il est stipulé dans le Code du Travail que tout dénigrement est considéré comme faute grave.

La présente lettre fait office de premier avertissement. »

'

Il est donc reproché à la salariée d'avoir dénigré la direction et l'établissement auprès de clients après la décision prévoyant notamment que toutes les boissons consommées par les salariés seraient désormais enregistrées au niveau de la caisse et payées.

'

A l'appui de ce grief, l'intimée produit deux attestations de salariés de l'établissement (attestations du 26 novembre 2019 de M. [C] [P] et du 4 juillet 2019 de Mme [H] [O]) qui tous deux confirment que suite à la réception de la directive de Mme [F] prévoyant la fin des boissons gratuites pour les salariés, Mme [Y] a dénigré son employeur auprès de ses collègues et des clients.

'

Elle verse également aux débats':

'

- une attestation du 15 septembre 2018 de la SA Socotec, société d'expertise comptable, indiquant avoir constaté suite à l'établissement du bilan prévisionnel au 31/08/2018 de l'entreprise de Mme [F], exploitant un fonds de commerce de bar, tabac, loto, PMU, «'un écart important entre recettes et achats'»';

'

- des courriers recommandés du 18 octobre 2018'adressés à chaque salarié et leur rappelant les directives et consignes décidées lors de réunions et notamment celles portant sur les consommations personnelles': «'Lors d'un bilan prévisionnel fin août 2018, notre expert-comptable a constaté un écart de stock au bar. En conséquence, à réception de la présente, vous ne bénéficierez plus d'une boisson offerte par l'établissement pendant votre service. Toute boisson prise à titre personnel devra être enregistrée sur la caisse du bar et payée. Seuls 2 sirops (grenadine et menthe) sont mis à votre disposition. D'ailleurs, nous vous rappelons que la consommation d'alcool est interdite pendant vos horaires de travail.'»

'

Il découle des deux témoignages concordants de collègues de travail produits par l'employeur que Mme [Y] a dénigré son employeur à la fois auprès de ses collègues et de clients après avoir reçu le courrier du 18 octobre 2018, ce comportement justifiant le prononcé d'une mesure d'avertissement à son encontre.

'

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement'du 22 novembre 2018 ainsi que la demande de dommages et intérêts de ce chef.

'

''''''''''

Sur le respect des temps de repos':

'

L'article L 3131-1 du code du travail prévoit un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L 3131-2 et L 3131-3 du code du travail ou en cas d'urgence, dans des conditions prévues par décret.

'

Toutefois, en application des dispositions de l'artic1e L. 3131-2 du code du travail, une convention ou un accord collectif de travail étendu peut déroger à la durée minimale de repos quotidien.

'

Ainsi l'article 21 de la convention collective nationale applicable prévoit en son article 21.4 que le temps de repos entre 2 jours de travail est fixé, sauf dérogations, pour l'ensemble du personnel à 11 heures consécutives et 12 heures consécutives pour les jeunes de moins de 18 ans.

'

La preuve du respect des durées maximales de travail et des repos fixés par le code du travail repose sur l'employeur.

'

En l'espèce, il ne fait pas débat que le temps de repos quotidien était de 11 heures. Mme [Y] expose que lors des week-ends travaillés, elle terminait son service le samedi soir à 21 heures et reprenait le service, le lendemain à 7 heures et bénéficiait en conséquence uniquement d'un temps de repos de 10 heures. Elle produit deux photographies de planning concernant la semaine du lundi 12 novembre au dimanche 18 novembre et celle du lundi 19 novembre au lundi 25 novembre. Pour ces deux semaines, les horaires du samedi sont 14h00/21H et ceux du dimanche de 7h00 à 14h00.

'

L'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir respecté les dispositions d'ordre public du code du travail relatives aux durées minimales quotidienne les week-ends.

'

Le droit au repos ayant pour objectif de garantir la sécurité et la santé du salarié, son non-respect a causé, de ce fait à Mme [Y], un préjudice qui sera réparé par la somme de 300,00 de dommages et intérêts.

'

Le jugement déféré est infirmé sur ce point.

'

Sur le licenciement':

'

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

'

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

'

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient, néanmoins, à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

'

La lettre de licenciement du 18 décembre 2018 est ainsi motivée :

'

«'Madame,

'

Je fais suite à notre entretien préalable du 13/12/2018 à 15H et suis au regret de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants':

'

Suite à une lettre recommandée, rappelant les consignes et les devoirs vous incombant dans l'établissement, que j'ai envoyée à tout le personnel de mon établissement, le 18 octobre 2018, vous vous êtes insurgée contre différentes consignes et vous avez dénigré l'établissement et la direction auprès de vos collègues de travail et de nos clients. Vous avez en traîné certains de vos collègues dans votre rébellion ce qui a donné un courrier d'avertissement à votre égard et envers certains salariés dénigrant l'entreprise en date du 22 novembre 2015. Suite à vos critiques, certains de nos clients ont fait des réflexions désobligeantes à l'égard de la direction. Suite à ces faits que je ne saurais tolérer, je vous ai rappelé dans ce courrier d'avertissement votre devoir de loyauté imposé par le Code du travail.

'

Après avoir reçu cet avertissement, vous avez interpellé Madame [O], le 25 novembre 2018 avant votre prise de service, dans le bureau en réitérant votre désaccord avec certaines consignes et en confirmant vouloir dénigrer la direction sciemment. Arrivant à ce moment-là vous m'avez dit avec arrogance :

- «'Qu'est-ce que c'est que cette lettre ''''»

Je vous ai répondu :

- «'Vous l'avez lue'»

C'est alors que vous m'avez manqué de respect en me disant':

- Vous êtes malade'!!! et ce à 3 reprises.

Et vous êtes sortie du bureau en me menaçant verbalement':

Je cite : «'Faites attention, vous ne savez pas à qui vous avez à faire'»

Lors de votre passage devant le comptoir pour aller à votre poste de travail, vous avez répété au salarié du bar présent :

- Je lui ai dit (en parlant de moi) : faites attention vous ne savez pas à qui vous avez à faire'!'»

Par la suite vous vous êtes vantée auprès de vos collègues en disant':

«'A partir de maintenant, elle (la direction) va avoir beaucoup à me reprocher dans mon travail'»

Effectivement, j'ai constaté qu'il y avait de nombreuses négligences dans votre travail :

'

- L'approvisionnement du tabac et autres marchandises n 'était plus fait correctement. J 'ai pu constater à plusieurs reprises que lorsque vos collègues prenaient leur poste après vous il manquait certaines marchandises en rayon alors qu'il y en avait en réserve

- J'ai aussi remarqué à de nombreuses reprises votre nonchalance pendant vos heures de travail et votre manque d'implication dans votre travail

'

Les faits que je vous reproche et que je vous ai exposé lors de notre entretien du jeudi 13 décembre 2018 au [2] sont les suivants :

- dénigrement de l'entreprise et de la direction

- Arrogance et menaces verbales envers moi-même

- Négligence dans votre travail

'

Je ne tolère pas de votre par un manque de respect, votre arrogance, vos menaces et que vous n'exécutiez pas correctement votre contrat de travail. Ce sont les reproches que j'ai formulés à votre égard pendant l'entretien et au sujet desquels j'attendais vos commentaires.

Lors de l'entretien, vous étiez assistée par un conseiller de la DIRECCTE. Après vous avoir exposé les faits que je vous reprochais, votre assistant a demandé :

«'Madame [Y], est-il vrai que vous avez menacé Madame [F] ''»

Vous avez répondu :

«'Non'»

'

J 'attendais une réplique ou des explications de votre part.

'

Etant donné que vous n 'avez manifesté aucun signe de vouloir poursuivre cet entretien, nous avons convenu d'un commun accord avec votre assistant de la DIRECCTE, Monsieur [R] de mettre fin à cet entretien.

'

De ce fait, cet entretien n'a pas été de nature à modifier ma décision. J'ai donc décidé, au terme de mon délai de réflexion, de vous licencier pour cause réelle et sérieuse'».

'

A l'appui des griefs reprochés à la salariée, l'employeur produit les pièces suivantes':

'

- l'attestation du 4 juillet 2019 de Mme [H] [O], employée dans l'établissement, qui indique avoir été directement témoin des complaintes récurrentes de Mme [Y] contre son employeur et auprès des clients, à la suite de la réception de la «'circulaire du 18/10/18'» et ajoute que «'ce phénomène s'étant grandement accru après la réception de son avertissement. Cette attitude a causé un tord évident à l'entreprise en termes d'image, les clients n'hésitant pas à commenter les propos de Mme [Y]. Sensibilisée à la nécessité de ne pas dénigrer son employeur devant les clients, Mme [Y] a confirmé qu'elle entendait se comporter comme bon lui chante et qu'elle persisterait à clamer haut et fort ce qu'elle pense devant les clients sur la gestion de l'entreprise. Je confirme par ailleurs que Mme [Y] a qualifié à plusieurs reprises et devant moi Mme [F] de «'malade'» (au sens inconscient et imbécile du terme), souligné par des menaces très claires si on osait faire quoi que ce soit contre elle. Elle a notamment indiqué «'vous ne savez pas à qui vous avez à faire'», signifiant que les répercussions seraient lourdes et préjudiciables. Elle m'a affirmé, qui plus est, «'ne pas supporter'» Mme [F]. Je sais enfin qu'à ce jour, Mme [Y] travaille pour Mr [K] [Z] qui, en 2015, a abusé de Mme [F] et lui a volé 40 000 € environ. Mme [Y], depuis la réception de son avertissement du 22/11/18 s'appliquait à servir les clients très lentement, sans aucun dynamisme ni volonté de les satisfaire, «'trainant les pieds'». De la même façon, à compter de cette date, Mme [Y] n'a plus réapprovisionné avec le stock son poste de travail correctement': il manquait dès lors des cartouches de cigarettes, des fournitures de tabac, etc, alors qu'il y en avait en réserve, obligeant ainsi les autres salariés à faire son travail'»';

'

- l'attestation du 30 juin 2019 de M. [L] [J], serveur dans l'établissement, qui indique': «'Je suis barman au bar tabac [2] à [Localité 5]. Après avoir eu une altercation avec la direction, Mme [M] [Y] est sortie du bureau et est venue vers moi où je me trouvais au comptoir du bar et m'a dit': «'Voilà je lui ai dit qu'elle devait se méfier car elle ne savait pas à qui elle avait à faire et que maintenant elle aura beaucoup à me reprocher dans son travail'»';

'

- l'attestation de Mme [G] [I], ancienne salariée et cliente de l'établissement, qui dit avoir entendu [M] [Y] dénigrer Mme [F] et l'établissement Le [2] «'pour une histoire de café'»';

'

- des attestations de salariés ou anciens salariés mettant en exergue les qualités humaines (bienveillance, générosité) de Mme [F] (M. [P], Mme [W]) et évoquant une bonne ambiance de travail (M. [X], Mme [N]).

'

Mme [Y] communique quant à elle des attestations de collègues (Mme [E], Mme [B]), de clients (M. [A], présenté par l'employeur comme le fils de Mme [E], Mme [S]) et de son nouvel employeur, M. [K] [Z], évoquant de manière générale ses qualités professionnelles (agréable et souriante). Mme [E] porte sinon dans son attestation' des propos disqualifiants envers Mme [F] qu'elle décrit comme «'une patronne manipulatrice qui aime jouer la pauvre dame âgée, mais est en réalité une patronne tyrannique et vulgaire'».

'

Il résulte de l'attestation précise et circonstanciée de Mme [O], corroborée par le témoignage d'autres salariés, que Mme [Y] a persisté, après son avertissement, à dénigrer son employeur auprès de collègues de travail et de clients, et proféré des paroles menaçantes à l'égard de Mme [F], décrite par une salariée comme une «'dame âgée'». La désinvolture assumée de Mme [Y] dans son travail, évoquée exclusivement par Mme [O], insuffisamment caractérisée, est par contre écartée.

'

En considération de ces éléments, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

'

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral':

'

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1240 et suivants du code civil dans leur version applicable à l'espèce.

'

En l'espèce, il résulte des développements précédents que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'un des griefs retenus était des propos à caractère menaçant à l'encontre de son employeur. Dans ces circonstances, il n'est pas justifié que la convocation de la salariée à l'entretien préalable notifiée par huissier et assortie d'une mise à pied conservatoire ait présenté un caractère vexatoire.

'

L'appelante est en conséquence déboutée de sa demande formée à cet égard et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

'

Sur les demandes accessoires':

'

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

'

Succombant pour l'essentiel dans son recours, Mme [Y] supportera les dépens d'appel et sera tenue de verser à l'intimée la somme de 300,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

'

La demande de l'appelante sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

'

'

PAR CES MOTIFS

'

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

'

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos,

'

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

'

Condamne Mme [U] [F] à payer à Mme [M] [Y] la somme de 300,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de repos,

'

Condamne Mme [M] [Y] aux dépens d'appel,

'

Condamne Mme [M] [Y] à payer à Mme [U] [F] la somme de 300,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'

Déboute Mme [M] [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

'

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 20/09051
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;20.09051 ?
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