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17/04/2024 | FRANCE | N°23/11329

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 17 avril 2024, 23/11329


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2024

AC

N° 2024/ 152













N° RG 23/11329 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL3CB







[M] [E]





C/



[T] [P]

[G] [S]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Céline LORENZON



Me Marie-hélène GALMARD



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de BRIGNOLES en date du 11 Août 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 51-22-451.



APPELANTE



Madame [M] [E]

((bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-006399 du 08/02/2024 accordée par le bureau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2024

AC

N° 2024/ 152

N° RG 23/11329 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BL3CB

[M] [E]

C/

[T] [P]

[G] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Céline LORENZON

Me Marie-hélène GALMARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de BRIGNOLES en date du 11 Août 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 51-22-451.

APPELANTE

Madame [M] [E]

((bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-006399 du 08/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 16], demeurant [Adresse 15]

représentée par Me Céline LORENZON, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

plaidant

INTIMES

Monsieur [T] [P]

demeurant [Adresse 13]

représenté par Me Marie-Hélène GALMARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [G] [S]

demeurant [Adresse 13]

représentée par Me Marie-Hélène GALMARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Audrey CARPENTIER, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 novembre 2017 [B] [E] a conclu avec [M] [E] sa fille un bail rural portant sur les parcelles situées au [Adresse 16] pour un total de 9 hectares 7 ares 89 centiares moyennant un fermage annuel de 5 000 euros

Par Jugement en date du 23 avril 2021, le Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN a prononcé l'adjudication au profit de [T] [P] et [G] [S] d'un ténement de parcelles sur lequel se trouve deux maisons d'habitation, situé sur la Commune de BARJOLS (VAR), lieudit « Les Grands Piourroux », cadastré à la section E sous les numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] d'une contenance totale de 3 hectares 39 ares 24 centiares, appartenant à [B] [E].

Par jugement du 11 août 2023 le tribunal paritaire des baux ruraux de Brignoles a prononcé la nullité du bail rural signé le 15 novembre 2017 entre [B] [E] et [M] [E], a ordonné son expulsion, l'a condamné à verser à [T] [P] et [G] [S] une astreinte de 60 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours pendant 10 mois, la condamnée à leur verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par acte du 4 septembre 2023 [M] [E] a interjeté appel de la décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, l'appelante demande à la cour de:

REFORMER le Jugement entrepris,

ET STATUANT A NOUVEAU :

DIRE ET JUGER QUE le bail à la ferme de Madame [M] [E] est régulier,

DIRE ET JUGER QUE Madame [M] [E] exploite bien les terres louées,

DIRE ET JUGER QUE le bail de Madame [E] n'est pas entaché d'irrégularité,

DIRE ET JUGER QU'il n'y a pas lieu à expulsion,

DEBOUTER Madame [S] et Monsieur [P] de l'intégralité de leur demande de résiliation du bail,

CONDAMNER solidairement Madame [S] et Monsieur [P] à payer à Madame [M] [E] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais du constat d'huissier.

A TITRE SUBSIDIAIRE dans l'hypothèse de la confirmation de la nullité du bail :

DIRE ET JUGER QU'il n'y a pas lieu à prononcer une astreinte pour exécuter la décision d'expulsion,

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir :

-que le bail est mentionné dans le cahier des charges de la vente,

- qu'elle est inscrite à la Msa et exerce une activité d'élevage de volaille et de production d'huile d'olive,

- qu'il n'y a pas d'urgence à assortir la condamnation sous astreinte,

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2023 [T] [P] et [G] [S] demandent à la cour au visa des articles L 331-6, L 411-31, L 411-35 du code rural et de la pêche maritime de :

Confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions non contestées par les intimés,

En conséquence,

A titre principal,

Prononcer la nullité du bail rural conclu le 15 novembre 2017 entre Madame [M] [E] et Madame [B] [E],

A titre subsidiaire,

Déclarer inopposable aux consorts [P] et [S], le bail rural conclu le 15 novembre 2017 entre Madame [M] [E] et Madame [B] [E],

A titre encore plus subsidiaire,

Prononcer la résiliation du bail rural conclu le 15 novembre 2017 entre Madame [M] [E] et Madame [B] [E],

L'infirmer dans ses dispositions contestées par les intimés,

En conséquence,

Condamner Madame [M] [E] à verser aux consorts [P] et [S] la somme de 15 600 euros à titre d'indemnisation,

Ordonner l'expulsion de Madame [M] [E] et la libération des parcelles E [Cadastre 1], E [Cadastre 2], E [Cadastre 3], E [Cadastre 4], E [Cadastre 5], E [Cadastre 6], E [Cadastre 7], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 11] et E [Cadastre 12] et habitations louées y afférentes de toute occupation de son fait, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

A titre infiniment subsidiaire,

Ordonner l'expulsion de Madame [M] [E] et la libération des parcelles E [Cadastre 7], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 11] et E [Cadastre 12] de toute occupation de son fait et ce, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir

En tout état de cause,

Condamner de Madame [M] [E] à verser aux consorts [P] et [S] une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Madame [E] à supporter les entiers dépens de la procédure.

Ils répliquent:

- que l'appelante ne justifie pas qu'elle était en règle avec le Contrôle des Structures à la date de conclusion du bail, soit le 15 novembre 2017

- qu'elle ne justifie pas de l'exploitation agricole ;

- qu'elle n'a pas le statut d'agricultrice selon le document Msa qu'elle produit en appel ;

- que le bail est donc nul ;

- que Madame [B] [E] a conclu un bail rural avec sa fille [M] le 15 novembre 2017 alors qu'elle a été placée en cessation de paiement le 9 novembre 2017 et qu'elle a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective le 21 décembre 2017,

- que cet acte a été conclu en fraude des droits de ses créanciers, puisqu'il a grevé son patrimoine immobilier qui était libre de toute occupation, d'un bail à ferme,

- qu'en l'absence de paiement de tout loyer, le bail conclu par une personne placée en cessation de paiement doit être considérée comme une libéralité déguisée et doit, par conséquent, être déclaré inopposable à la masse des créanciers

- que les conditions de résiliation du bail sont réunies puisque Madame [M] [E] n'a jamais réglé le moindre fermage aux requérants,

- qu'elle a laissé les terres qui lui sont louées totalement à l'abandon comme l'a relevé le constat d'huissier du 5 juin 2021 ;

- que depuis le jugement elle s'est maintenue dans les lieux ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions de l'appelant comporte des demandes de « juger » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie. 

Sur la validité du bail rural

L'article L 331-6 du code rural et de la pêche maritime énonce que tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L.331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L.331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Il résulte des pièces versées aux débats que [M] [E] a conclu en qualité de preneur un bail à ferme avec [B] [X]-[E] portant sur plusieurs parcelles situées à [Localité 14], d'une contenance totale de 9 hectares 7 ares 89 centiares, à compter du 15 novembre 2017, le fermage annuel total étant fixé à 5.000 euros, sous réserve que le preneur soit en règle avec la réglementation des structures et le cas échéant ait l'autorisation d'exploiter délivrée par le commissaire de la République du Département, en application des articles L331-2, L331-3, L331-4 et L331-5 du code rural.

L'existence de ce bail est mentionnée dans le cahier des conditions de vente des parcelles au titre d'une procédure de saisie immobilière.

[M] [E] qui soutient la validité du bail et son transfert aux intimés ne conteste pas n'avoir procédé à aucun versement des fermages annuels. Elle indique sans en justifier que son activité d'élevage de volailles n'est pas soumise à l'autorisation mentionnée lors de la conclusion du bail.

Elle ne produit pas davantage d'éléments objectifs permettant de la qualifier d'exploitante agricole lui permettant de déroger à l'autorisation précitée, puisque les bons de récolte d'olives des 3 décembre 2021 et 6 décembre 2022, outre la faiblesse des litres d'huiles livrés ( 21,3 litres et 36,5 litres) sont insuffisamment détaillés pour permettre de les rattacher à l'exploitation des parcelles litigieuses. Étant rappelé que l'appelante soutient à titre principal ne pas être exploitante mais éleveuse de volaille, si bien que la pertinence de ces documents n'est pas démontrée au titre de la nature de son activité.

L'attestation délivrée le 15 mai 2023 par la Msa à son attention indique que celle ci est inscrite seulement depuis le 1er janvier 2022 en qualité de cotisant de solidarité, sans rapport établi avec la qualité d'exploitante revendiquée depuis la conclusion du bail à ferme le 15 novembre 2017.

Enfin le constat d'huissier qu'elle produit en date du 2 février 2023 s'il permet d'établir qu'elle occupe à tout le moins le bien à usage d'habitation situé sur les parcelles à bail, ne conduit pas d'avantage à mettre en évidence l'existence d'une activité d'éleveuse de volailles, la simple présence d'animaux sur le terrain étant insuffisante à cet égard.

Pour l'ensemble de ces raisons, la cour relève que c'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'en l'absence d'autorisation préalable d'exploitation, la validité du bail litigieux n'est pas démontrée. Il conviendra dès lors de confirmer le jugement sur ce point.

S'agissant de l'astreinte prononcée au titre de l'expulsion, compte tenu de l'écoulement des délais, et de la nature du litige, il conviendra de fixer un délai d'un mois pour l'appelante pour s'exécuter au titre de l'expulsion sous astreinte de 60 euros par jour de retard passé ce délai et durant 10 mois, le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande indemnitaire

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Les intimés sollicitent l'indemnisation de leur préjudice financier résultant de la nécessité de louer un bien. Pour autant, il ne peut être contesté que lors de l'acquisition des parcelles litigieuses, ces derniers ont eu connaissance de l'existence du bail et de la présence de l'appelante dans le bien à usage d'habitation.

Cette situation ne révèle pas de sa part un comportement fautif en lien avec le préjudice allégué. La demande sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement dans ses dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

[M] [E] qui succombe sera condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge de [T] [P] et [G] [S].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné [M] [E] à verser à [T] [P] et [G] [S] une astreinte de 60 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours pendant 10 mois,

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau

Condamne [M] [E] à payer à [T] [P] et [G] [S] une astreinte de 60 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, et ce pendant une durée de 10 mois,

Condamne [M] [E] aux entiers dépens ;

Condamne [M] [E] à verser à [T] [P] et [G] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 23/11329
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;23.11329 ?
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