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11/04/2024 | FRANCE | N°23/06428

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 11 avril 2024, 23/06428


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

ph

N° 2024/ 147









Rôle N° RG 23/06428 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLIJI







[S] [L]





C/



S.A.R.L. FERME ANIMALIERE D'[Localité 11]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Pierre-Arnaud BONAN



la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'AUBAGNE en date du 14 Avril 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 51-21-0003.





APPELANT



Monsieur [S] [L]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Pierre-Arnaud BONAN, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

ph

N° 2024/ 147

Rôle N° RG 23/06428 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLIJI

[S] [L]

C/

S.A.R.L. FERME ANIMALIERE D'[Localité 11]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pierre-Arnaud BONAN

la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'AUBAGNE en date du 14 Avril 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 51-21-0003.

APPELANT

Monsieur [S] [L]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-Arnaud BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

S.A.R.L. FERME ANIMALIERE D'[Localité 11] dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié audit siège,

représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte sous seing privé non daté dénommé « Bail rural », M. [S] [L] a donné à bail à La ferme animalière d'[Localité 11], société en cours de constitution représentée par M. [V] [W], moyennant un montant de fermage annuel de 2 000 euros, avec une entrée en jouissance au 1er janvier 2017 pour une durée de neuf ans, les parcelles LW[Cadastre 7] et [Cadastre 13] sises à [Localité 11], destinées à un usage accessoire pour l'activité de ferme animalière contigüe du preneur, s'agissant de parcelles en nature de terre.

La SARL La ferme animalière d'[Localité 11] dont les gérants sont M. [V] [W], M. [U] [W] et M. [H] [W], immatriculée le 11 mars 2017, exerce selon son extrait Kbis, une « Activité agricole L. 331-1 Ferme pédagogique dans le cadre d'un parc animalier avec des animaux issus de l'élevage vente de snack confiseries et boissons sans alcool à consommer sur place ».

Suivant acte d'huissier du 18 décembre 2020, la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] et M. [S] [L] notamment ont été assignés par plusieurs riverains devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins d'obtenir sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, du code de la santé publique et du code de l'environnement, la cessation de l'utilisation de la parcelle cadastrée LW[Cadastre 6] appartenant à M. [L], en guise de stationnement des véhicules de la clientèle de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] et l'indemnisation de leurs préjudices.

Suivant acte d'huissier du 11 février 2021, M. [V] [W], M. [S] [L] et la SARL La ferme animalière d'[Localité 11], ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Marseille sur le fondement de l'article L. 1311-1 du code de santé publique, des articles L. 220-1 et L. 571-2 du code de l'environnement et des articles L. 421-2 et suivants du code de l'urbanisme.

Par jugement correctionnel du 4 mars 2022, M. [S] [L] et M. [V] [W] ont été reconnus coupables de réalisation irrégulière d'aire de stationnement, de dépôt de véhicules ou de garages collectifs de caravanes ou de résidences mobile de loisirs commis le 18 avril 2016, M. [V] [W] et la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] ont été reconnus coupables de construction et aménagement de terrain non conformes au plan de prévention des risques naturels entre le 18 avril 2016 et le 9 juillet 2018, et le tribunal correctionnel de Marseille a notamment :

- condamné M. [V] [W] et M. [S] [L] à la remise en état de la parcelle cadastrée LW72, laquelle ne doit plus constituer un parking,

- condamné M. [V] [W] et la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] à la mise en conformité de l'utilisation des parcelles cadastrées LW [Cadastre 4]-[Cadastre 5]-[Cadastre 6]-[Cadastre 2] avec le plan de prévention des risques des incendies de forêt applicable à la commune d'[Localité 11] par la fermeture de l'ERP dont la création est interdite.

Les riverains ont été déclarés recevables en leur constitution de partie civile dès lors qu'aucun jugement au fond n'a été rendu sur leur assignation du 18 décembre 2020 et indemnisés, ainsi que la commune d'[Localité 11].

M. [V] [W] et M. [S] [L] ont interjeté appel de ce jugement, appel toujours en cours devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Reprochant à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] d'avoir modifié la destination des parcelles louées, sans son accord, en parking pour voitures afin d'accueillir sa clientèle, et après sommation du 27 juillet 2021, M. [S] [L], a par requête du 1er décembre 2021, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aubagne, aux fins de résiliation du bail rural, d'expulsion avec fixation d'une indemnité d'occupation et aux fins d'indemnisation de son préjudice moral.

La tentative de conciliation a échoué.

Par jugement du 14 avril 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aubagne a :

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- déclaré forclose l'action de M. [L],

- condamné M. [L] à verser à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux entiers dépens,

- rejeté le surplus des demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 10 mai 2023, M. [S] [L] a interjeté appel de ce jugement.

Un calendrier de procédure a été fixé avec l'accord des parties, à l'audience du 14 novembre 2023 pour leurs conclusions respectives avec fixation de l'audience de plaidoirie au 13 février 2024.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 13 février 2024, M. [S] [L] demande à la cour de :

- débouter la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- écarter toutes les allégations de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] concernant la parcelle LW72 qui n'est pas l'objet de la location contractuelle,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Aubagne du 14 avril 2023 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11],

- infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Aubagne du 14 avril 2023 en ce qu'il a déclaré forclose sa demande,

Et statuant à nouveau,

- ordonner que son action est recevable et n'est pas forclose,

En conséquence, statuant à nouveau :

- ordonner que le bail rural à effet au 1er janvier 2017 est résilié au jour du prononcé de la décision à intervenir, du fait des agissements de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] qui sont de nature à compromettre l'exploitation du fonds, en vertu dudit bail rural et de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime,

- ordonner que le bail rural à effet au 1er janvier 2017 est résilié au jour du prononcé de la décision à intervenir, du fait que la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] a changé la destination des parcelles données à bail rural à effet au 1er janvier 2017,

- condamner la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi,

- ordonner l'expulsion de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] ainsi que de tous occupants de son chef, etiam manu militari des parcelles LW73 et [Cadastre 13] situées à [Localité 11] (Bouches-du-Rhône),

- fixer l'indemnité d'occupation à 100 euros par jour,

- infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Aubagne du 14 avril 2023 en ce qu'il a été condamné à payer à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- mettre à néant cette condamnation,

- condamner la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] [L] soutient en substance : 

Sur le sursis à statuer,

- que la procédure pénale et la présente procédure civile n'ont aucun lien entre elle, car la procédure pénale vise des infractions aux règles d'urbanisme alors que son action est fondée sur les agissements de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] qui compromettent la bonne exploitation du fonds et le changement de destination de la parcelle louée,

- que peu importe l'issue de la procédure pénale,

- qu'au surplus, les deux procédures ne portent pas sur les mêmes parcelles, les allégations de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] sur l'erreur de parcelle sont sans objet,

Sur la recevabilité de son action,

- que les pièces versées ne permettent pas de justifier qu'il avait connaissance de la situation décrite par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] selon laquelle le bail conclu avec effet au 1er janvier 2017 n'aurait été que la régularisation du bail verbal qui existait antérieurement sur l'utilisation de la parcelle en parking,

- que sur aucun des reçus ne figure le mot « parking », mais uniquement le mot « campagne »,

- qu'il n'a appris cette utilisation frauduleuse que par l'assignation du 18 décembre 2020 devant le tribunal correctionnel,

- que la photographie de noël 2016 ne peut constituer le point de départ d'un délai quinquennal de forclusion, la datation étant une inscription électronique, non certaine, et le fonds ne semblant pas compromis sur la photographie, de la végétation étant présente sur le cliché, que même si c'est le moins de départ de la prescription, l'assignation du 1er décembre 2021 est intervenue moins de cinq ans après,

- qu'il n'est pas concerné par le courrier de la mairie d'[Localité 11] adressé à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11], le 27 juillet 2016,

- qu'il ne résulte pas des articles de presse remontant à 2004, une référence au parking sur les parcelles louées par lui, ni qu'il était informé que les parcelles qu'il louait avaient été transformées en parking,

- que la réaction des riverains et de la municipalité d'[Localité 11] ne permet pas d'affirmer qu'il était au courant de la transformation des parcelles en parking et encore moins en parking intensif,

- que ce n'est qu'à la date du 18 décembre 2020, qu'il a eu connaissance de l'utilisation massive de la parcelle en tant que parcelle, que son audition du 28 février 2020 ne concerne pas la parcelle LW[Cadastre 6],

- qu'en tout état de cause et si par impossible il était considéré par la juridiction qu'il avait connaissance de l'utilisation frauduleuse de la parcelle en parking sauvage, rien ne permet d'indiquer qu'il ait eu connaissance que le fonds aurait pu être compromis,

- qu'à suivre l'argumentation des juges de première instance et à le déclarer prescrit à agir pour demander la résiliation du fonds, cela reviendrait à le priver de toute possibilité de résiliation du bail, et créerait ainsi un engagement perpétuel à sa charge,

- qu'enfin, les manquements de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] sont répétés et continus dans le temps, de sorte que la prescription est perpétuellement interrompue,

Sur le fond,

- que tant la loi que le bail conclu entre les parties, interdisent à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] de compromettre la bonne exploitation du fonds,

- les manquements du preneur sont incontestables et évidents,

- « l'usage accessoire » visé dans le bail, ne peut signifier « qu'accueillir des visiteurs et leurs véhicules » tel que soutenu de mauvaise foi par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] en première instance,

- compte tenu de l'usage intensif en tant que parking, la parcelle est en péril et risque de ne plus pouvoir être exploitée en tant que parcelle agricole, du fait que l'herbe n'y pousse plus et qu'il va s'agir d'une parcelle stérile, assimilée à un terrain vague de terre battue,

- le prix du loyer des parcelles n'est pas manifestement surévalué, et ne peut ainsi consister à alléguer qu'il aurait nécessairement eu connaissance de ce que les parcelles seraient utilisées en tant que parking sauvage, et aurait accepté ce changement de destination,

- s'il avait réellement eu connaissance de l'utilisation de la parcelle agricole en parking, il aurait procédé à sa location à un prix nettement supérieur, correspondant au prix réel du marché,

- que le changement de destination par le preneur, est sanctionné par la loi, par la résiliation du bail,

- la jurisprudence a consacré l'autonomie de l'article 1766 du code civil, en prononçant la résiliation du bail pour le seul motif qu'un changement de destination de la parcelle a été constaté (Cour de cassation 14 novembre 2007, 07-10.776),

- la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] a tenté de tromper la religion du tribunal, en alléguant que l'autonomie de l'article 1766 du code civil, fondée sur le changement de destination de la parcelle louée, serait désormais soumis à la règle de l'article L. 4311-11 du code rural (sic), à savoir que ce changement de destination doit compromettre l'exploitation du fonds,

- l'arrêt de 2012 visé par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] ne concerne pas le changement de destination du fonds, mais les autres critères de l'article 1766 du code civil,

Sur la recevabilité du procès-verbal de constat d'huissier du 27 octobre 2021,

- que rien ne permet d'affirmer que Me [G], huissier, aurait pénétré dans les parcelles, alors qu'il a fait ses constatations depuis le chemin, par nature public et accessible à tous,

- que le fait que les clichés aient été pris en l'absence de M. [V] [W] ne leur enlève aucune force probante,

Sur ses préjudices,

- que le fait par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] de ne pas avoir respecté les clauses du présent contrat de bail rural conclu, l'a exposé à des poursuites pénales et civiles,

- que les fautes, tant contractuelles que délictuelles, de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] sont incontestables, étant précisé que le preneur n'était pas à jour des loyers dus,

- qu'une action en justice a été engagée devant le tribunal judiciaire de Marseille, par dix voisins, à l'encontre tant de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] que de lui-même, du fait de l'utilisation notamment des parcelles objet de la présente procédure en parking, et qu'un sursis à statuer a été prononcé par cette juridiction dans l'attente de la décision définitive de la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Dans ses conclusions d'intimée déposées et notifiées sur le RPVA le 13 février 2024, SARL La ferme animalière d'[Localité 11] demande à la cour de :

A titre liminaire,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt sur l'appel formé à l'encontre du jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 4 mars 2022,

- réformer le jugement sur ce point

A titre principal,

Au visa de l'article 2224 du code civil,

- déclarer M. [L] forclos en ses demandes de résiliation de bail et de dommages et intérêts,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Subsidiairement, sur le fond,

- déclarer irrecevable le procès-verbal de constat du 21 octobre 2021 (cf pièce 5 adverse),

- déclarer M. [L] infondé en ses demandes de résiliation et de dommages et intérêts,

- le débouter purement et simplement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner M. [L] aux entiers dépens, ainsi qu'à la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL La ferme animalière d'[Localité 11] fait essentiellement valoir :

Sur la désignation des parcelles inscrites sur le bail,

- que la désignation des parcelles comporte une erreur, car il ne s'agit pas des parcelles LW73 et [Cadastre 13], mais des parcelles LW[Cadastre 7] et LW[Cadastre 6],

- qu'il suffit de comparer les surfaces pour s'en convaincre, la parcelle [Cadastre 13] mesurant 313 m² et non 6597 m² tel qu'inscrit dans le bail, ce qui correspond à la superficie de la parcelle LW[Cadastre 6],

- que la parcelle [Cadastre 13] n'est pas un parking,

Sur la demande de sursis à statuer,

- qu'elle-même et M. [L] étaient poursuivis devant le tribunal correctionnel, conjointement pour le motif de création d'un parking et qu'il a été considéré que « Le terrain utilisé comme parking ayant fait l'objet d'un contrat de bail en janvier 2017, contrat destiné à asseoir sur utilisation, il appartient au tribunal de considérer a minima entre ces deux dates, la création progressive en fait puis en droit d'une aire de stationnement, sans jamais qu'une demande de permis d'aménager ne soit faite et sans qu'il soit nécessaire de caractériser un quelconque aménagement physique des lieux. [S] [L] propriétaire du terrain, ne peut arguer de son ignorance au regard des courriers transmis en mains propres par la Mairie dès 2016, (') »,

- qu'il est bien évident que cet attendu vise les parcelles louées propriété de M. [L], soit les parcelles LW[Cadastre 6] et LW73,

- qu'on voit mal comment M. [L] et le tribunal ont donc pu considérer que l'action pénale était sans lien avec celle engagée devant le tribunal paritaire des baux ruraux,

- que l'instance en résiliation n'est autre que la conséquence des poursuites judiciaires et notamment pénales à l'encontre de M. [L],

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [L],

- qu'il n'y a pas de changement de destination des lieux,

- le bail concédé à compter du 1er janvier 2017 n'est autre que la régularisation d'un bail verbal antérieur datant de 2015, pour assurer la sécurité juridique en regard du courrier adressé par la commune d'[Localité 11] à M. [L] en juillet 2016 en ces termes : « Concernant la problématique de l'aménagement d'une aire de stationnement en zone agricole sur une surface de plusieurs milliers de mètres carrés, je vous renvoie au courrier adressé à Monsieur [L] le 3 mars 2016 (') »,

- la location de ces parcelles et l'usage qui en était fait dès cette époque, est confirmée par les reçus établis par M. [L] à compter des années 2015 et 2016,

- ce n'est pas sans raison que le bail mentionne de façon opportune : « Ladite parcelle est destinée à un usage accessoire (') »,

- cela va dans le sens des déclarations spontanées de M. [L] lors de son audition du 28 février 2020 par la gendarmerie : « Je savais qu'il avait commencé son activité de ferme animalière depuis quelques années. Son activité commençait à prendre de l'ampleur et il cherchait à agrandir. Il m'a donc demandé de lui louer mon terrain pour qu'il serve de parking. Je savais donc que mon terrain allait servir de parking. »,

- que l'action est forclose,

- il est établi que non seulement M. [L] avait connaissance de l'usage des deux parcelles louées en parking, mais que de surcroit il a reconnu lui-même avoir consenti à cet usage,

- l'assignation délivrée par les consorts [D], [Z] et [T], ne manque pas de rappeler la situation en ces termes : « La situation a été vainement dénoncée entre 2017 et 2019 à de multiples reprises par la famille [D] et la famille [T], aussi bien auprès de la municipalité' mais également directement auprès des principaux intéressés à savoir Monsieur [V] [W], la SARL LA FERME ANIMALIERE D'[Localité 11] et Monsieur [S] [L] »,

- le jugement rendu par le tribunal correctionnel le 4 mars 2022 est sans appel sur ce point : « Monsieur [S] [L] entendu à son tour le 28 février 2018, confirmait le bail consenti à [V] [W] depuis janvier 2017 en pleine connaissance de l'usage prévu de parking contre un loyer de 2.000 euros'

Un courrier de la Mairie parait néanmoins dans la procédure, en date du 4 mai 2016, soit avant même le contrat de bail pour lui signaler le caractère irrégulier du parking en cause.

L'analyse, par les gendarmes, de photos satellites disponibles en source ouverte confirme : l'absence de toute structure en 2011, l'apparition des premières en 2013, leur développement en avril 2014, juin 2015 de façon plus importante encore en mars 2016. »,

- M. [L] au-delà même du consentement dès l'année 2015 quant à l'usage de parking de ces deux parcelles, a été informé à plusieurs reprises de l'existence de ce parking, le 3 mars 2016 selon le courrier de la commune du 27 juillet 2016, et le 4 mai 2016 par un rapport établi par la police municipale d'[Localité 11] du 18 avril 2016 selon le jugement correctionnel du 4 mars 2022,

- le délai de prescription de cinq ans commence à courir à compter des agissements du preneur dénoncé, par le bailleur et non des conséquences même de ses agissements,

- la Cour de cassation a rappelé que l'action en responsabilité contractuelle du bailleur invoquant un empiètement commis par le preneur, est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, courant à compter de la date de la connaissance de l'empiètement et non de celle de la cessation de celui-ci,

En tout état de cause, sur le caractère infondé,

- que M. [L] dénonce une situation qu'il connaissait déjà mais à laquelle de surcroit il a parfaitement adhéré depuis des années, soit depuis l'année 2015, ce qui est révélé par les éléments suivants :

- l'objet du bail, « usage accessoire pour l'activité de ferme animalière »,

- le montant du fermage, surévalué (2 000 euros pour [Cadastre 5] ares) âprement négocié par M. [L] compte tenu de l'usage qui pouvait être réservé à une partie des parcelles louées, dans le cadre du stationnement des visiteurs de la ferme animalière, par comparaison avec l'arrêté préfectoral fixant le statut des baux commerciaux selon lequel le fermage est compris entre un minimum de 13,09 euros par hectare et par an, et un maximum de 697,49 euros (valeur fermage 2020), alors qu'en 2015 et 2016, le montant du fermage était de 100 € par mois, soit 1 200 euros par an,

- la comparaison avec le tarif d'une location pour un parking d'une place ou deux places, est hors sujet,

- que le procès-verbal de constat d'huissier du 21 octobre 2021 est irrecevable, car établi hors sa présence, sans son autorisation, ni autorisation judiciaire,

- qu'il appartient au bailleur du fonds rural qui sollicite la résiliation du bail aux torts exclusifs du preneur, de rapporter la preuve que les manquements du preneur sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds,

- M. [L] invoque le bénéfice d'une jurisprudence pour le moins isolée,

- le caractère contradictoire de l'argumentation soutenue par M. [L], car pour échapper à la forclusion de son action, il y aurait lieu de prendre en compte non la date à laquelle il aurait appris que les parcelles louées étaient utilisées à un usage de parking, mais la date à laquelle cet usage de parking pouvait compromettre le fonds,

- ce n'est pas véritablement le prétendu changement de destination qui est en cause dans l'esprit de M. [L], mais les conséquences que celui-ci pourrait entrainer,

- en ce qui la concerne, elle maintient depuis des années son activité de ferme animalière, laquelle est une activité agricole au sens propre du terme, et est inscrite à la caisse de mutualité sociale agricole, ainsi que l'ensemble de ses associés,

- l'usage intermittent de ces deux parcelles dans le cadre d'un parking n'est que l'accessoire de son activité principale et unique et il n'est pas démontré un changement de destination

A titre subsidiaire et complémentaire sur la soumission volontaire au statut du fermage,

- qu'il est acquis que M. [L] a parfaitement accepté la destination des parcelles objet du bail, soit pour un usage exclusif de stationnement, du moins pour une partie de l'année sur les parcelles louées,

- qu'une jurisprudence constante et se fondant sur l'article 1134 du code civil, admet que les parties peuvent se soumettre volontairement à l'intégralité des règles du statut même si les éléments du contrat seraient de nature à y faire obstacle.

A l'audience, les parties ont repris oralement leurs demandes et moyens, par référence expresse à ces conclusions.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l'article 4 du code de procédure pénale, « L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».

En l'espèce, il est constaté qu'il ne s'agit pas d'une action civile en réparation du préjudice causé par une infraction pénale, mais d'une action autonome en résiliation du bail.

La condamnation pénale non définitive à ce jour, concerne les parcelles LW72, ainsi que les parcelles LW[Cadastre 4], LW[Cadastre 5], LW[Cadastre 2].

Les parcelles louées en vertu du bail rural sont :

- la parcelle DP[Cadastre 9] [Adresse 12], d'une contenance de 3 ares 55 centiares,

- la parcelle DP[Cadastre 10] [Adresse 12], d'une contenance de 65 ares 97 centiares.

Il est ensuite précisé que leur désignation cadastrale a été modifiée par procès-verbal de remaniement déposé au service de la publicité foncière le 4 février 2008 et que la parcelle DP[Cadastre 9] est devenue LW[Cadastre 7], tandis que la parcelle DP[Cadastre 8] est devenue LW76.

Il ressort de la lecture même du contrat de bail rural, qu'une erreur de désignation de parcelle y figure, puisque l'une des parcelles, concernée par le bail était l'ancienne DP85 et pas l'ancienne DP82, aujourd'hui LW76.

Cela est confirmé par les informations cadastrales (pièces nouvelles n° 19 et 20, produites par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11]) concernant les parcelles LW72 et [Cadastre 13], d'où il ressort que la première parcelle a une superficie de 6649 m² tandis que la seconde n'a qu'une superficie de 313 m².

Ainsi l'une des parcelles louées, à savoir la parcelle LW72 est précisément la même que celle objet de la condamnation pénale.

Pour autant, compte tenu de l'objet différent des actions excluant tout lien entre elles, la demande de sursis à statuer doit être rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande de résiliation du bail rural

Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, M. [L] agit en résiliation du bail rural, cette action relevant de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, selon lequel :

« I.- Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 311-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d''uvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27 (') ».

L'article L. 411-27 code rural et de la pêche maritime renvoie aux articles 1766 et 1767 du code civil pour définir les obligations du preneur, l'article 1766 disposant que si le preneur d'un héritage rural ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il abandonne la culture, s'il ne cultive pas raisonnablement, s'il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou, en général, s'il n'exécute pas les clauses du bail, et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.

M. [L] reproche à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] le changement de destination des parcelles louées et des agissements du preneur de nature à compromettre l'exploitation du fonds, tandis qu'il est opposé l'absence de changement de destination du fait de la parfaite connaissance de l'utilisation à usage de parking.

Il est reconnu qu'avant la signature du bail rural avec effet au 1er janvier 2017 portant sur les parcelles LW73 et LW72, après correction de l'erreur de désignation de cette deuxième parcelle, M. [L] prêtait les mêmes parcelles à M. [V] [W], depuis les deux années précédentes, ainsi qu'il ressort des reçus produits par la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] depuis le 1er janvier 2015, ainsi libellés : « Je soussigné M. [L] [S] loue la campagne de la Barrière à M. [W] [V], à titre gratuit (période mensuelle) payé 100 euros le (') ».

Par ailleurs sont versés aux débats :

- le courrier adressé par le conseil de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] le 19 juillet 2016 à la commune d'[Localité 11] au sujet de la parcelle LW[Cadastre 6] prêtée gratuitement par M. [L], précisant que celui-ci a été mis en demeure par la commune de faire cesser le stationnement de véhicules sur ledit terrain,

- la réponse de la commune d'[Localité 11] le 27 juillet 2016, qui communique le plan local d'urbanisme de la commune et renvoie la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] au courrier adressé à M. [L] le 3 mars 2016 sur la problématique de l'aménagement d'une aire de stationnement en zone agricole sur une surface de plusieurs milliers de mètres carrés,

- l'audition de M. [L] par la gendarmerie le 28 février 2020, au cours de laquelle il se dit propriétaire de la parcelle LW72 qu'il loue à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] et y précise qu'il savait que la parcelle serait utilisée à usage de parking, tout en ignorant l'importance de cet usage.

Ces éléments sont suffisants, sans qu'il soit besoin de se référer à la décision rendue par le tribunal correctionnel de Marseille, non définitive à ce jour, pour établir que dès avant la signature du bail rural et avec certitude, depuis le 3 mars 2016, qui est la date du courrier que la commune d'[Localité 11] indique avoir adressé à M. [L], ce qui est conforté par le courrier adressé par [V] [W] à la même période, M. [L] avait une connaissance précise que la parcelle LW72, qu'il a louée à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11], avec la parcelle LW 73, était destinée à être utilisée en tant que parking sur toute sa superficie, soit « plusieurs milliers de mètres carrés », selon le courrier de la commune d'[Localité 11].

Dès lors, M. [L] connaissait la destination à usage de parking du fonds loué et était en mesure de se rendre compte des conséquences de ce type d'usage sur une parcelle à vocation agricole.

L'argument aux termes duquel la prescription a été interrompue en l'état d'un manquement continu et répété dans le temps, est inopérant.

En effet, la jurisprudence récente de la Cour de cassation qui reporte le point de départ de la prescription à compter de la cessation du manquement imputé au preneur, vise expressément les articles L. 411-31, II 1° et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime en rappelant qu'il en résulte que la cession de bail rural et la sous-location constituent des manquements à une prohibition d'ordre public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il doit donc être conclu que M. [L], qui n'a assigné la SARL La ferme animalière d'[Localité 11], que plus de cinq ans après avoir eu connaissance des faits sur le fondement desquels il sollicite la résiliation du bail rural, est prescrit à demander la résiliation du bail rural sur ces fondements.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de M. [L], sauf à préciser que c'est pour cause de prescription et pas de forclusion.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [L] qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens d'appel et aux frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la SARL La ferme animalière d'[Localité 11].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement appelé en toutes ses dispositions sauf à préciser que la demande de M. [S] [L] est prescrite ;

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [L] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [S] [L] à verser à la SARL La ferme animalière d'[Localité 11] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 23/06428
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.06428 ?
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