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11/04/2024 | FRANCE | N°21/08111

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 11 avril 2024, 21/08111


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

mm

N° 2024/ 143









Rôle N° RG 21/08111 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRV3







[V] [U]





C/



[J], [K], [I], [E] [U]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES





SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 03 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/03508.





APPELANT



Monsieur [V] [U]

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Lionel CARLES de la SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

mm

N° 2024/ 143

Rôle N° RG 21/08111 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRV3

[V] [U]

C/

[J], [K], [I], [E] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES

SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de NICE en date du 03 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/03508.

APPELANT

Monsieur [V] [U]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lionel CARLES de la SELARL CARLES-FOURNIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIME

Monsieur [J], [K], [I], [E] [U]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean-Paul AIACHE-TIRAT de la SCP AIACHE-TIRAT, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Février 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Marc MAGNON, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Selon acte notarié de donation-partage du 27 décembre 1985, Madame [P] [A] épouse [U] a fait donation à ses cinq 'ls de lots situés lieudit [Adresse 6] à [Localité 1], [Adresse 5].

Le [Adresse 6], proprement dit, a été divisé en trois habitations au pro't de [V] [U], [J] [U] et [C] [U].

Pour accéder à la partie supérieure du bien dont il est propriétaire occupant deux niveaux, [J] [U] doit emprunter un couloir et deux pièces qui seraient situées dans la partie du bâtiment donnée à son frère, [V] [U].

Les deux frères ont régularisé un acte sous seing privé en date du 21 décembre 1996 par lequel [V] et [J] [U] reconnaissaient que [V] mettait à la disposition de [J] , « une chambre, un couloir et une pièce noire (voir plan) », et que [J] était occupant sans droit ni titre pour une période ne pouvant excéder le décès de l'un ou de l'autre. L'acte ajoutait que cette mise a disposition pourrait faire l'objet d'un éventuel échange.

Reprochant à son frère [J] l'absence de réalisation de travaux qui lui auraient permis d'individualiser son lot et ainsi d'accéder de manière indépendante à la partie située au deuxième niveau, [V] [U] a engagé à son encontre une action devant le juge des référés du tribunal d'instance de NICE aux fins d'obtenir la libération des lieux occupés sans droit ni titre.

Par ordonnance en date du 21 octobre 2019, le juge des référés a constaté l'existence d'une contestation sérieuse fondée sur l'impossibilité pour le juge des référés de procéder à l' interprétation ou à la modi'cation d'un acte authentique, et a renvoyé [V] [U] à se pourvoir devant le juge du fond,seul compétent.

C'est ainsi que par acte d'huissier en date du 17 juin 2020, auquel il y a lieu de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, [V] [U] a fait assigner [J] [U] devant le juge des contentieux de la protection de Nice, pour voir notamment , sur le fondement de1'article 544 du code civil,

'prononcer l'empiétement et l'occupation illicite de [J] [U] du couloir, de la chambre et de la pièce noire lui appartenant, d'ordonner la libération des lieux occupés par lui sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un mois courant du prononcé de la décision jusqu'au jour de la complète libération des lieux, sous le béné'ce de l'exécution provisoire », rappelant la volonté de sa mère de diviser 1e [Adresse 6] en trois lots délimités par des murs porteurs et de créer, à la lecture des plans annexés à la donation-partage, une séparation verticale notamment entre son lot, la parcelle C, et celui de son frère [J], la parcelle E, cette volonté étant con'rmée par [N] et [C] [U], leurs frères ; la reconnaissance par [J] [U] de l'empiétement créé sur la propriété d'autrui et de l'occupation limitée des locaux en cause aux termes de l'acte du 21 décembre 1996, constituant un aveu extrajudiciaire.

Il a fait valoir, en réponse aux arguments adverses, qu'il n'engageait aucune action en revendication de propriété, son frère ne contestant ni la donation-partage, ni ses plans annexes, ni l'acte sous seing privé du 21 décembre 1996 lequel ne contrevient pas à l'acte authentique mais réglemente dans l'espace et dans le temps l'utilisation illégale par son frère [J] du couloir, de la chambre et de la pièce noire lui appartenant ; que 1'état de santé allégué de ce dernier et son taux de handicap à 80% d'origine pluri factorielle n'a pas altéré son jugement. Il s'est opposé, en'n, à la demande reconventionnelle de son frère tendant à la suppression d' une fosse septique,

[J] [U] a soulevé l' incompétence du juge des contentieux de la protection au pro't du juge du fond du tribunal judiciaire, seul compétent pour interpréter les actes authentiques ou translatifs de propriété et juger de la contestation d'une donation-partage. Il a sollicité le débouté de son frère [V] [U] de l'intégralité de ses demandes et moyens, et demandé, à titre reconventionnel, la suppression de la fosse septique située sur son terrain, faisant observer que la donation-partage du [Adresse 6] en trois parcelles avec trois occupants aurait du conduire à la création d'une copropriété, que cet acte ne contient aucune mention de la chambre, du couloir et d'une pièce noire, objet du litige, lesquels ne 'gurent pas davantage sur le plan manuscrit non signé, ni encore de travaux qui auraient dû être effectués ; que la commune intention des parties était de lui attribuer une maison d'habitation et non deux appartements isolés, considérant que l'action de [V] [U] doit être requali'ée en action en revendication de propriété puisqu'elle tend à contester ou revendiquer des biens dépendant d'une succession et dont la preuve de leur attribution à son pro't n'est pas rapportée, voire de porter atteinte à l'égalité du partage. Il a rappelé, en outre, que l' acte sous seing privé dont il conteste la validité, s'estimant victime d'un dol postérieur au partage, ne peut contrevenir à un acte authentique, et en'n que la clause de l'acte de donation-partage stipulée en page 33 interdit 1'engagement de la présente action entre copartageants,

Par jugement du 3 mai 2021, le juge des contentieux de la protection de Nice a :

Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par [J] [U],

S' est déclaré compétent pour connaître de la présente affaire,

Débouté [V] [U] de l'intégra1ité de ses demandes,

Renvoyé les parties à faire établir de manière amiable ou judiciaire un état de description et de division de l'ensemble des lots qui leur ont à chacun été attribués dans le cadre de la donation- partage du 27 décembre 1985,

Rejeté les demandes reconventionnelles de [J] [U] en suppression de la fosse septique et au titre des frais irrépétibles,

Dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles,

Condamné [V] [U] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 1er juin 2021, [V] [U] a relevé appel de cette décision

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu les conclusions notifiées le 19 janvier 2024 par [V] [U] tendant à

Recevoir Monsieur [V] [U] en son appel,

Au fond le dire fondé

Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de Nice Service de Proximité,

Statuant de nouveau, faire ce que les premiers juges auraient dû faire :

Vu l' article 544 du Code Civil,

Prononcer l'empiétement et l'occupation illicite par Monsieur [J] [U] du couloir, de la chambre et de la pièce noire appartenant à Monsieur [V] [U] ;

Prononcer la connaissance par Monsieur [J] [U] de la propriété de ces lieux à Monsieur [V] [U] telle qu'elle résulte de la donation-partage en date du 27 décembre 1985, et conformément aux dispositions contenues dans l'acte sous seing privé en date du 21 décembre 1996 ;

En conséquence,

Ordonner la libération des lieux occupés par Monsieur [J] [U], savoir le couloir, la chambre et la pièce noire sis [Adresse 2] à [Localité 1] ;

Condamner Monsieur [J] [U] à mettre un terme a l'empiétement du couloir, la chambre et la pièce noire dont la propriété est acquise à Monsieur [V] [U] par l'effet de la donation-partage ;

Assortir ladite condamnation d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter d'un mois courant à partir du prononcé de la décision à intervenir, et ce jusqu'au jour de la complète libération des lieux ;

Condamner Monsieur [J] [U] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions notifiées le 24 octobre 2023 par [J] [U] tendant à :

Statuer comme de droit sur la recevabilité de l'appel, mais en débouter purement et simplement l'appelant comme irrecevable en son action infondée et au besoin, par substitution de moyens,

Vu les articles 82 et suivants du Code dé Procédure Civile ;

Réformer le jugement dont appel

Venir la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence statuant sur une décision du Juge des Contentieux de la Protection, se déclarer incompétente au pro't de la formation de fond, du Tribunal Judiciaire de Nice, seule compétente pour interpréter les actes authentiques ou les actes translatifs de propriété ;

Requali'er la demande de Monsieur [V] [U] en action en revendication de propriété ;

Dire que Monsieur [V] [U] est forclos en vertu de l'article 889 du Code Civil, pour avoir laissé passer les délais de deux et cinq ans applicables en matière de contestation d'une donation-partage ;

Con'rmant le jugement,

Le débouter en toute hypothèse de ses demandes, 'ns et conclusions, qui ne reposent que sur un acte surpris à la volonté du concluant aux termes d'un dol et d'un abus de faiblesse, alors que la situation était réglée par la donation-partage et que l'acte sous seing privé sur lequel se fonde Monsieur [V] [U] ne peut juridiquement contredire un acte authentique modi'ant la donation-partage ;

Réformer le jugement et, reconventionnellement, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, ordonner à Monsieur [V] [U] de supprimer la fosse septique se trouvant sur le terrain du concluant de supprimer les causes rendant inexploitable cette partie de terrain de façon a ce que l'installation soit conforme aux règles élémentaires d'hygiène et de sécurité ;

Constater la mauvaise foi de Monsieur [V] [U] ;

Le condamner à régler à Monsieur [J] [U] la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIVATION :

Sur la compétence du juge des contentieux de la protection:

Le juge des contentieux de la protection a retenu sa compétence aux motifs que « contrairement à ce que soutient à tort [J] [U], son frère [V] [U] ne conteste pas la donation-partage du 27 décembre 1985, pas plus qu'il ne revendique la propriété du couloir, de la chambre et de la pièce noire, puisqu' il af'rme béné'cier de droits réels immobiliers sur ces biens, lesquels selon les éléments du débat, notamment d'un courrier d' [N] [U], leur frère, seraient empruntés et ainsi occupés par son frère [J], sans droit, ni titre, ce que celui-ci ne conteste pas sérieusement. »

[J] [U] conteste la compétence du juge des contentieux de la protection aux motifs que l' action initiée par son frère [V] doit être requalifiée en action en revendication de propriété, le litige ne pouvant être résolu que par référence à l'acte de donation partage , ce qui implique qu'il soit interprété et précisé ; que ce que dit cet acte ne peut être modifié que par un autre acte de partage ou par jugement. Or, l'acte ne contient aucune indication quant à l'objet du litige, à savoir une chambre, un couloir et une pièce noire qui ne figurent que sur un plan manuscrit et non signé. L'intimé ajoute que si le lot qui lui a été attribué avait été séparé en deux appartements isolés l'un de l'autre, cela aurait été mentionné dans l'acte de donation partage, ce qui n'est pas le cas et n'apparaît pas sur le plan joint à l'acte lui même. De même il n'existe aucune indication sur de soit-disant travaux à faire ou faits à l'époque .

Il considère que l'acte authentique de donation partage lui donne bien la propriété des parties de bien litigieuses, l'acte sous seing privé du 21 décembre 1996 « surpris à la bonne foi » du concluant ne pouvant prévaloir sur un acte authentique.

L'intimé ajoute que [V] [U] remet bien en cause le contenu de la donation partage, ce qu'il ne peut faire devant le juge des contentieux de la protection ; que pour attribuer les biens , il faut reconstituer leur consistance et rechercher la commune intention des parties ; que l'appelant est en outre forclos le délai de contestation d'un partage étant de 5 ans à compter de l'acte de donation partage ; quant à l'action en complément de partage de l'article 889 du code civil, elle se prescrit par deux ans. L'action initiée est donc bien une action réelle immobilière qui relève du pôle juridique du tribunal judiciaire statuant au fond , seul compétent pour interpréter l'intention des parties et de la donatrice.

[V] [U] réplique qu'il n'entreprend aucune action en revendication de propriété, puisqu'il est déjà pleinement propriétaire du couloir de la chambre et de la pièce noire au c'ur du litige par l'effet de la donation , ce que le premier juge a justement relevé. Selon l'acte de donation partage, il est en effet propriétaire de la parcelle n° AE [Cadastre 4] qui constitue l'assiette cadastrale du bien immobilier dont une partie est occupée sans droit ni titre par l'intimé. Ce point n'est selon lui pas discutable au vu du plan extrait du plan d'arpentage établi par M [Y] [M] et annexé à l'acte de donation partage.

En l'état de ces moyens contraires, il convient de constater que chacune des parties revendique la propriété des locaux litigieux, en fondant son droit sur l'acte de donation partage de 1985, et qu'il n'existe nul consensus entre elles sur la propriété de ces biens.

Dès lors, l'action visant à faire constater l'empiétement et prononcer l'expulsion suppose au préalable de déterminer qui est propriétaire du bien revendiqué . Il s'agit donc bien d'une action réelle immobilière qui relevait de la compétence du tribunal judiciaire de Nice.

Toutefois, il résulte de l' article 88 du code de procédure civile, que lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente , elle peut évoquer le fond si elle estime d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle même le cas échéant une mesure d'instruction.

En l'espèce, la cour qui est juridiction d'appel du tribunal judiciaire de Nice estime de l'intérêt d'une bonne justice d'évoquer le fond de l'affaire et de lui donner une solution définitive

Sur la forclusion ou prescription :

L'action étant une action en revendication de la propriété des locaux litigieux, par essence imprescriptible, et non une action en contestation de la donation partage ou de complément de part de l'article 889 du code civil, il s'ensuit que l'action n'est pas atteinte par la prescription, contrairement à ce que soutient [J] [U]

Au fond :

L'acte de donation-partage du 27 décembre 1985 a notamment opéré le partage de la propriété sise à [Localité 1], [Adresse 5], lieu dit '[Adresse 6]', formé et attribué les lots suivants:

' le premier lot à [J] [U] : propriété désignée sous l' article quatrième de la masse, page 6 de l'acte, comprenant une « maison d'habitation » , un petit bâtiment d'exploitation et une parcelle de terre en partie complantée d'oliviers et partie en bois taillis figurant au nouveau cadastre sous le numéro 84 de la section AE , pour une contenance de 1 hectare 70 ares et 90 centiares ;

' le quatrième lot à [V] [U] : propriété désignée sous l'article troisième de la masse, page 5 de l'acte, située sur le territoire de la commune de [Localité 1], [Adresse 5], lieudit [Adresse 6], comprenant une maison d'habitation , un bâtiment à usage agricole, une cave et une parcelle de terre complantée d'oliviers, figurant au cadastre rénové de ladite ville de [Localité 1], sous le numéro [Cadastre 4] de la section AE pour une contenance de 1 hectare 04 ares 74 centiares.

La consistance des immeubles bâtis désignés sous le vocable de « maison d'habitation » n'est pas précisée ni décrite, même sommairement, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer l'imbrication de l'un part rapport à l'autre, étant acquis qu' ils résultent de la division du corps du [Adresse 6] dont l' édification a connu différentes phases, la partie la plus ancienne datant du 16ème siècle, l'extension du corps principal, du 19ème siècle, avec l'adjonction de communs transformés en maison d'habitation.

En l'espèce, [V] [U] se déclare propriétaire d'un couloir, d'une chambre et d'une pièce noire, locaux du [Adresse 6] qui, selon lui, lui auraient été attribués dans le cadre de la donation-partage du 27 décembre 1985.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il lui appartient de le démontrer.

Il ressort des conclusions et pièces versées aux débats que les biens revendiqués de part et d'autre se situent dans l' aile édifiée au 19 siècle et attribuée à [V] [U]. Cette localisation n'est pas sérieusement contestée par [J] [U] qui se contente d'expliquer que le couloir de communication et les pièces litigieuses, seul moyen selon lui de relier deux niveaux de son habitation, auraient été aménagés par son frère [V] à l'époque où il occupait l' habitation réalisée dans les anciens communs, devenue la maison d'habitation attribuée à l'intimé par l 'acte de donation-partage.

Les plans non cotés et peu lisibles produits par [V] [U] en pièce 8, matérialisant les lots attribués à chaque copartageant, hachurés de couleur différente, ainsi que les locaux litigieux ne permettent pas d' établir de façon incontestable les limites de chaque propriété bâtie, l'une par rapport à l'autre, dans la mesure où ils ne sont pas annexés à l'acte de donation partage, ni signés d'aucune des parties.

En revanche, il apparaît que le document d'arpentage établi par M [Y] [M], géomètre expert, le 16 décembre 1985, ayant servi à établir la délimitation cadastrale des nouvelles parcelles issues de la division de la propriété du [Adresse 6]( pièce 21 de l'appelant) rattache le corps de bâtiment édifié au 19ème siècle à la parcelle AE [Cadastre 4] attribuée à [V] [U], ce que confirme l'extrait plus récent du plan cadastral produit en pièce N° 6. Or, aux termes de l'acte notarié du 27 décembre 1985, la division résultant de ce document d'arpentage sert de support à la composition des lots qui sont l' objets de la donation partage intervenue entre Madame [A] et ses fils.

Cette implantation des pièces revendiquées, dans le bâtiment attribué à [V], est par ailleurs confirmée par l'acte sous seing privé du 21 décembre 1996, par lequel les parties ont reconnu que [V] [U] avait mis à la disposition de son frère [J] la chambre, le couloir et la pièce noire en question, à titre précaire puisque ce dernier est qualifié par cet acte d' occupant sans droit ni titre pour une période qui ne peut excéder le décès de l'un ou de l'autre. Si [J] [U] soutient que son consentement à cet acte aurait été surpris par dol ou abus de faiblesse, force est de constater qu' il n'en rapporte pas la preuve.

De même, il ne saurait soutenir que la revendication portée par son frère [V] vise à remettre en cause la donation partage et l'état des biens donnés , au jour du partage , en infraction avec la clause figurant en page 33 de l'acte , indiquant que la donation-partage est faite « à charge des copartageants de prendre les biens dans l'état où ils se trouveront au jour... fixé pour l'entrée en jouissance, sans pouvoir exercer aucun recours ' pour quelque cause que ce soit...vice ou défaut apparent ou caché , mitoyenneté ' erreur dans la désignation ou contenance  ».

En effet, l'action de [V] [U], en ce qu'elle vise à revendiquer des locaux qui se situent dans le bâtiment qui lui a été attribué par l'acte de donation partage ne contrevient pas à cette clause.

Cette mise à disposition précaire est par ailleurs confirmée par [N] et [C] [U], frères des parties, lesquels, aux termes des attestations qu'ils ont établies et sans qu'il soit permis de soupçonner une collusion quelconque avec l'appelant, rattachent les biens revendiqués au lot attribué à leur frère [V].

Et si [J] [U] soutient qu'il existe une copropriété de fait entre les copartageants sans qu'aucun état descriptif de division des lots attribués à chacun des enfants de la donatrice n' ait jamais été établi, ce qui aurait permis de les individualiser précisément, dans leur consistance, leur description et leur situation dans l'immeuble, l'existence d'une telle copropriété n'est pas démontrée, la preuve n'étant pas rapportée de la présence de parties communes, alors que l'appelant affirme au contraire que la division du bâti s'est faite en s'appuyant sur les murs périphériques porteurs délimitant chaque bâtiment, d'autant plus facilement que les différents corps du château étaient clairement identifiables ayant été construits à des époques différentes.

La cour, au terme de l'analyse qui précède des pièces soumises à son appréciation, considère en conséquence que [V] [U], établit son droit de propriété sur les locaux à l'origine du litige, par l'acte de donation-partage et le plan d'arpentage qui a servi de support à la division du [Adresse 6]. Il sera en conséquence fait droit à ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de [J] [U] :

[J] [U] sollicite, à titre reconventionnel, la suppression de la fosse septique de [V] [U] se trouvant sur son terrain à un endroit où il souhaiterait aménager un salon d'été. Il se fonde pour cela sur le procès-verbal de constat établi le 12 septembre 2017 par Maître [H], huissier de justice.

[V] [U] réplique que cet équipement a été installé par leurs parents et qu'il recueille en outre les eaux usées provenant de l'immeuble d'habitation donné à leur frère [C].

[J] [U] fonde son action sur le trouble anormal du voisinage en évoquant de mauvaises odeurs provenant de la fosse qui serait mal entretenue. Force est de constater, cependant, que cette fosse se situe, selon le procès-verbal de constat, sous les fenêtres du premier étage côté Sud de l'habitation de [V] [U] et non à proximité de la maison d'habitation de l'intimé. A cet égard, la proximité d'une petite construction à l'abandon avec ce que l'huissier qualifie de terrasse mais qui est en l'état de terre battue entourée d'un muret et qui appartiendrait à l'intimé ne suffit pas à caractériser le trouble anormal du voisinage allégué.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les demandes annexes:

[J] [U], partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Au regard des circonstance de la cause il n' apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens .

PAR CES MOTIFS :

La cour , statuant par arrêt mis à disposition au greffe ,

Infirme le jugement,

Juge que l'action portée par [V] [U] relevait du tribunal judiciaire de Nice, seul compétent pour trancher une contestation relative au droit de propriété et non du juge des contentieux de la protection,

Vu l'article 88 du code de procédure civile,

Évoque le fond de l'affaire,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription ou de la forclusion,

Juge que [V] [U] est bien propriétaire du couloir , de la chambre et de la pièce noire situés dans le bâtiment qui lui a été attribué par l'acte de donation partage du 27 décembre 1985, mais occupés ou utilisés à titre précaire, sans droit ni titre, par [J] [U],

Ordonne à [J] [U] de libérer les lieux occupés sans droit ni titre que sont le couloir, la chambre et la pièce noire situés dans le bâtiment attribué à son frère [V], dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, jusqu'à complète libération des lieux, passé ce délai, l'astreinte provisoire courant pour une période de 8 mois,

Déboute [J] [U] de sa demande reconventionnelle en suppression d'une fosse septique,

Rejette toute autre prétention contraire ou plus ample,

Condamne [J] [U] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/08111
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;21.08111 ?
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