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11/04/2024 | FRANCE | N°20/12910

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 11 avril 2024, 20/12910


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

ph

N° 2024/ 139



N° RG 20/12910 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGV23



[U], [T] Décédé [M]

[J] [I] [V] épouse [M]





C/



[X] [G]

[B] [S] épouse [G]



[L] [M]

[E] [M]













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS





SELARL CABINET FOURMEAUX-

LAMBERT ASSOCIES



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 26 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/08878.



APPELANTS



[U], [T] [M] né le 19 Juillet 1942 à [Locali...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

ph

N° 2024/ 139

N° RG 20/12910 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGV23

[U], [T] Décédé [M]

[J] [I] [V] épouse [M]

C/

[X] [G]

[B] [S] épouse [G]

[L] [M]

[E] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS

SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 26 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/08878.

APPELANTS

[U], [T] [M] né le 19 Juillet 1942 à [Localité 5], décédé, et demeurant de son vivant [Adresse 8]

Madame [J] [I] [V] épouse [M] intervenante tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de [U] [M] décédé

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée Me Hanna REZAIGUIA de la SELARL EOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [X] [G]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [B] [S] épouse [G]

demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur [L] [M] intervenant en qualité d'ayant droit de [U] [M] décédé

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hanna REZAIGUIA de la SELARL EOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [E] [M] intervenant en qualité d'ayant droit de [U] [M] décédé

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hanna REZAIGUIA de la SELARL EOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 17 mars 2006, M. [U] [M] et Mme [J] [V] épouse [M] sont devenus propriétaires de la parcelle non bâtie cadastrée section A numéro [Cadastre 2], sur la commune de [Localité 6], [Adresse 7].

M. [X] [G] et Mme [B] [S] épouse [G] sont propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section A numéro [Cadastre 3], en vertu d'un acte notarié du 9 janvier 2006, qui a institué à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage réciproque, d'une largeur de 5 mètres, soit 2,50 mètres prise sur une partie du confront Sud-Ouest et Nord-Ouest, respectivement des parcelles cadastrées section A numéro [Cadastre 3] et section A numéro [Cadastre 2], cette servitude étant rappelée dans l'acte d'acquisition de M. et Mme [M].

Par ordonnance de référé du 7 avril 2010 rendue sur assignation de M. et Mme [M], M. [Z] [F] a été désigné comme expert, avec mission notamment de :

« - dire si l'assiette de la servitude grevant la parcelle des époux [G] est grevée d'obstacles,

- dans l'affirmative donner son avis d'une part sur les moyens et travaux nécessaires pour y remédier en faisant produire par les parties des devis qu'il appréciera et annexera au rapport, d'autre part, sur le coût et la durée des travaux,

- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues et sur la proportion de responsabilités. (') ».

M. [F] a déposé son rapport le 20 mai 2011.

A nouveau sur assignation en référé de M. et Mme [M] courant 2012, M. [Z] [F] à été désigné comme expert avec pour mission notamment de :

« - Déterminer si les époux [G] ont réalisé des décaissements et remblais de nature à mettre en péril le muret séparatif des héritages,

- Dire si le muret fait obstacle à l'écoulement des eaux et déterminer les travaux propres à rétablir l'écoulement des eaux.

- Déterminer les travaux à réaliser sur l'un et l'autre des fonds pour ne plus exercer de poussée sur le muret.

- Déterminer le sens naturel d'écoulement des eaux, dire si celles-ci se concentrent en un ou plusieurs points et proposer des solutions techniques de nature à y remédier.

- Donner au tribunal tous éléments de nature à lui permettre de constater si les constructions édifiées sur l'un ou l'autre des fonds sont conformes au permis de construire qui ont été délivrés (') ».

M. [F] a déposé son rapport le 2 juin 2016.

Par exploit d'huissier du 30 novembre 2017, M. et Mme [M] ont fait assigner M. et Mme [G] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'obtenir la réalisation des travaux préconisés par l'expert concernant le chemin d'accès, et le mur et fossé.

Par jugement contradictoire du 26 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

- rejeté les demandes de travaux présentées par M. et Mme [M],

- condamné M. et Mme [M] à déboucher les barbacanes de leur mur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

- condamné M. et Mme [G] in solidum à verser à M. et Mme [M] pris ensemble, la somme de 1 000 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par M. et Mme [G],

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit qu'il sera fait masse des dépens, qui comprendront les frais d'expertises, et dit que M. et Mme [M], d'une part, M. et Mme [G], d'autre part, en supporteront chacun la charge à hauteur de moitié,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu qu'il n'était pas démontré l'inefficacité des travaux de drainage et de terrassement réalisés au mois de septembre 2014 et d'élargissement de la voie d'accès le 17 janvier 2018 par M. et Mme [G], qu'il ressort de l'expertise que le mur réalisé par M. et Mme [M] fait obstacle à l'écoulement des eaux et que le débouchage des barbacanes existantes est suffisant pour y remédier, que M. et Mme [G] ont tardé pour effectuer les travaux d'élargissement, qu'il n'est pas démontré le caractère abusif de l'action de M. et Mme [M].

Par déclaration du 12 novembre 2019, M. et Mme [M] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 24 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'instance au motif qu'il n'a pas été donné suite dans les délais impartis, à l'injonction du 20 août 2020 prescrivant la régularisation de la procédure suite au décès de [U] [T] [M].

L'instance a été reprise par le dépôt d'une demande de remise au rôle déposée sur le RPVA le 17 décembre 2020, par M. [L] [M], Mme [J] [M] née [V], M. [E] [M] en qualité d'ayant droit de feu [U] [M].

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 17 décembre 2020, M. [L] [M] et M. [E] [M] tous deux en qualité d'ayant droit de feu [U] [M], ainsi que Mme [J] [M] née [V] tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de feu [U] [M], demandent à la cour de :

Vu les articles 640 et suivants du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

- confirmer le jugement du 26 septembre 2019 en ce qu'il a condamné les intimés au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- réformer sur le montant et prononcer la condamnation à hauteur de la somme de 5 000 euros,

- constater l'état de débouchage des barbacanes litigieuses et l'exécution de la décision dont appel sur ce point,

- réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- homologuer les rapports établis par l'expert [Z] [F] les 20 mai 2011 et 2 juin 2016,

En exécution du rapport du 20 mai 2011 (chemin d'accès),

- les travaux à usage commun ont été déterminés par l'expert à hauteur de 9 500 euros TTC,

- les autoriser à réaliser les travaux évalués par l'expert à un montant de 2 582,50 euros TTC pour ce qui les concerne,

- condamner au préalable les consorts [G] au paiement de leur quote-part retenue par l'expert à savoir 6 917,50 euros,

- dire que les travaux calculés en 2011 seront réévalués par les entreprises concernées en fonction de l'évolution des coûts des matériaux et main d''uvre,

- leur donner acte de ce qu'ils s'engagent à réaliser les travaux à usage privatif préconisés par l'expert à hauteur de 2 532 euros TTC pour ce qui les concerne

- condamner de façon symétrique les consorts [G] à la réalisation des travaux correspondant sur leur fonds, pour un total de 3 174 euros TTC, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un mois suivant avis de finition de leurs propres travaux par eux-mêmes,

En exécution du rapport du 2 mai 2016 (mur et fossé séparatifs),

- condamner les consorts [G] à l'entière réalisation des travaux préconisés par l'expert, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner les consorts [G] au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner les consorts [G] au paiement d'une somme de 5 000 euros en indemnisation des frais irrépétibles,

- condamner les consorts [G] aux entiers dépens de procédure, en ce compris les frais d'expertise.

M. et Mme [M] font valoir en substance :

- que les travaux des consorts [G] n'ont apporté aucune amélioration, qu'ils ont passé outre les préconisations de l'expert en créant un puisard,

- qu'initialement les deux terrains étaient au même niveau altimétrique et que la modification substantielle dans l'équilibre des deux fonds provient de façon certaine d'une erreur dans la construction de l'immeuble [G], aggravant ainsi leur éventuelle servitude d'écoulement,

- que les consorts [G] ont amassé une montagne de terres qui s'appuie sur le mur séparatif,

- que les barbacanes ont bien été créées en 2009, mais ont été rapidement bouchées par les terres amassées par les consorts [G],

- qu'ils se réfèrent au rapport rendu par l'expert d'assurance missionné par leur assureur en protection juridique, le 21 janvier 2020,

Dans leurs conclusions d'intimés déposées et notifiées par le RPVA le 10 octobre 2022, M. et Mme [G] demandent à la cour de :

Vu les articles 246 et 954-3 du code de procédure civile,

- rejeter les demandes tendant à l'homologation des rapports d'expertise, et celles tendant à voir "Dire" ou encore "Donner acte" qui ne sont pas des prétentions,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 septembre 2019 en ce qu'il a débouté les consorts [M] de leur demande de travaux sous astreinte,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [M] à déboucher les barbacanes de leur mur sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, étant précisé que ces barbacanes devront être percées de façon à ce qu'elles laissent passer sans obstacle les eaux circulant naturellement au niveau du terrain naturel, sauf à préciser vu le décès de [U] [M] que cette condamnation est désormais prononcée à l'encontre des consorts [M],

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation des consorts [M] à supprimer les ouvrages ayant pour effet de modifier et aggraver l'écoulement naturel des eaux de ruissellement, à savoir le caniveau en béton recueillant les eaux de ruissellement au Nord du mur et les rejetant au Sud sur l'assiette de la servitude, et condamner les consorts [M] à détruire cet ouvrage ou le déconnecter de l'exutoire débouchant sur la servitude de passage, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, pendant six mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 septembre 2019 en ce qu'il les a condamnés à payer une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, et en débouter les consorts [M],

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, et condamner les consorts [M] à payer une somme de 3 000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de la procédure abusive qu'ils ont diligentée devant le tribunal,

Y ajoutant,

- condamner les consorts [M] au paiement d'une somme de 3 000 euros en indemnisation du préjudice subi en raison de l'appel abusif,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formée par les consorts [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 26 septembre 2019 en ce qu'il a rejeté leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner les consorts [M] à leur payer une somme de 5 000 euros en indemnisation des frais irrépétibles en première instance,

Y ajoutant,

- condamner les consorts [M] à leur payer une somme de 8 000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait masse des dépens et dit que les consorts [M] d'une part et les époux [G] d'autre part en supporteront chacun la charge à hauteur de la moitié,

- condamner les consorts [M] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me [O] sur son offre de droit.

M. et Mme [G] soutiennent pour l'essentiel :

- que toute l'argumentation des consorts [M] repose sur un postulat répété à saturation selon lequel les fonds seraient « plats », alors que l'expert a rappelé dans son rapport du 2 juin 2016, sans être contredit par quiconque, qu'il existe une pente naturelle du fonds [G] vers le fonds [M],

- que tenant compte de l'écoulement naturel des eaux de pluie, l'expert a précisé en page 6 de son rapport : "L'édification du mur a été effectuée perpendiculairement à la pente naturelle du terrain initial" et "le mur existant fait obstacle à l'écoulement naturel des eaux",

- que la dégradation de l'assiette de la servitude tient pour l'essentiel au ravinement causé par l'eau bloquée et déviée de son parcours,

- que l'expert a imaginé des cunettes, des grilles et des ouvrages pour récupérer cette eau venant de l'amont, qui ne devrait plus y venir, dès lors que les barbacanes fonctionneront, sous réserve de ce qui sera exposé,

- qu'ils contestent avoir aggravé de quelque manière que ce soit, l'écoulement naturel des eaux de ruissellement,

- qu'il n'y a aucun obstacle sur le tracé de la servitude réciproque de passage, que la facture a été produite, et porte sur "l'élargissement de la voie d'accès et l'abattage des chênes sur la voie",

- que les parties ont fait l'acquisition de terrains desservis par un chemin de terre et d'enrochements, qu'aucun engagement contractuel n'existe quant à une quelconque obligation de réaliser une chaussée en béton ou en enrobé,

- que la cour n'est pas tenue par les conclusions de l'expert, d'autant qu'elles n'entraient pas dans sa mission, qu'aucune obligation contractuelle ne pèse sur eux, de sorte que la demande en paiement de travaux ne saurait aboutir,

- qu'à supposer qu'il soit démontré ' ce qui n'est pas le cas - que des travaux aient été effectués sur la servitude réciproque, ils l'ont été de la seule initiative des époux [M], sans aucune concertation avec eux, qu'ils n'ont pas donné leur accord ni sur la nature des travaux ni sur leur coût,

- qu'ils ont effectué, à leurs frais, des travaux d'aménagement pour dévier les eaux résiduelles pouvant s'écouler sur la servitude, et ce, pour des sommes supérieures à l'estimation de l'expert, que les consorts [M] ne produisent aucune pièce démontrant l'inefficacité de ces travaux,

- que les consorts [M] prétendent avoir exécuté le jugement de septembre 2019 en perçant des barbacanes, mais c'est faux car ils les ont mal placées, et ont fait dresser un constat qui met ce vice en évidence, que de ce fait ces barbacanes sont en partie dénuées d'efficacité car elles sont sous la terre du côté [G],

- que leur résistance abusive n'est pas caractérisée,

- que le caniveau des consorts [M] devra être déconnecté de l'exutoire sur la servitude et renvoyé vers le fossé pluvial communal, que le tribunal a oublié de statuer sur ce point,

- qu'il est abusif pour les consorts [M] d'avoir saisi le tribunal pour obtenir leur condamnation à des travaux qui étaient déjà réalisés, que l'appel a été fait de mauvaise foi, car les consorts [M] n'acceptent toujours pas d'être débiteurs du libre écoulement des eaux de ruissellement et que la procédure d'appel n'a pour seul but que d'alimenter le conflit et de leur nuire.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2024.

La décision sera contradictoire, toutes les parties ayant constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire

En application des articles 328 et suivants du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire. Elle est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. Elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

Il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de M. [L] [M], Mme [J] [M] née [V], M. [E] [M] en qualité d'ayants droit de feu [U] [M], décédé en cours de procédure d'appel, le 30 juin 2020.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que les chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des appelants et intervenants volontaires contient une demande de « constater », qui ne constitue pas une prétention, si bien que la cour n'en est pas saisie.

La déclaration d'appel du 12 novembre 2019 de M. et Mme [M] est ainsi rédigée : « Ledit Appel étant limité aux dispositions de la décision qui : - REJETTE les demandes de travaux présentées par [U] [M] et [J] [V] épouse [M], - CONDAMNE [U] [M] et [J] [V] épouse [M] à déboucher les barbacanes de leur mur, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, -ORDONNE l'exécution provisoire, - DIT qu'il sera fait masse des dépens, qui comprendront les frais d'expertises, et dit que [U] [M] et [J] [V] épouse [M], d'une part, [X] [G] et [B] [S] épouse [G], d'autre part, en supporteront chacun la charge à hauteur de moitié, - REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du CPC ».

Or les consorts [M] sollicitent dans le dispositif de leurs conclusions, l'infirmation du jugement sur le montant de l'indemnisation qui leur a été allouée pour résistance abusive de M. et Mme [G], afin qu'elle soit portée de 1 000 euros à 5 000 euros.

En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est pas saisie de cette demande.

Sur la demande d'homologation des rapports d'expertise

Il convient de rappeler que, par application de l'article 246 du code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les conclusions du technicien commis pour procéder à une expertise judiciaire, et il est libre de faire siennes ses conclusions et d'apprécier souverainement leur objectivité, leur valeur et leur portée au soutien de sa décision

Le juge ne saurait en conséquence homologuer ou ne pas homologuer un rapport d'expertise judiciaire.

La demande d'homologation des rapports d'expertise sera donc rejetée.

Sur les demandes principales des consorts [M]

Elles tendent à l'exécution de travaux préconisés par l'expert dans chacun des deux rapports d'expertise des 20 mai 2011 et 2 mai 2016, et la répartition de leur coût évalué par l'expert, entre eux-mêmes et les consorts [G].

Le premier rapport d'expertise, portait à la fois sur le point de savoir si l'assiette de la servitude de 5 mètres de largeur, était respectée du fait de la présence d'arbres et de compteurs du côté [G], et sur les désordres affectant l'assiette du passage.

L'expert judiciaire [F] a constaté la dégradation de l'assiette de la servitude de passage ainsi décrite « sol pentu et non stabilisé », qu'il a imputée à l'absence totale de traitement des eaux de pluie, à la fois sur les parcelles privatives et sur le chemin d'accès, à l'origine des désordres par leurs ruissellements. Il a préconisé l'élargissement du chemin d'accès, côté gauche, sur le côté [G] avec l'abattage de deux rejets de chênes, mais pas le déplacement des compteurs d'eau et d'électricité supposant l'intervention des sociétés concessionnaires du réseau, le passage restant suffisant malgré leur présence. L'expert a évalué le coût des travaux, à savoir :

- travaux à usage commun portant sur le chemin d'accès, assiette de la servitude de passage : travaux de terrassement, de reprofilage, de traitement de surface, de traitement des eaux de pluie sur la base de devis « structure de la chaussée et chaussée béton ou goudron ; collecte des eaux de pluie, reprofilage et chaussée béton » évalués à 9 500 euros TTC auxquels il ajoute des travaux conservatoires financés par M. et Mme [M] en 2008 pour 4 335 euros TTC, soit un coût total de 13 835 euros TTC ; l'expert précise que compte tenu de la pente, toute bicouche est à proscrire et que seule une chaussée béton ferraillé de 15 centimètres ou enrobé à chaux sur 6 ou 7 centimètres est envisageable,

- travaux sur les parcelles privatives pour la collecte des eaux issues des deux terrains pour une valeur de 3 174 euros TTC sur la parcelle [G] et 2 532 euros sur la parcelle [M].

Le deuxième rapport d'expertise portait sur les travaux respectifs de parties sur chacune de leur parcelle et leur impact sur l'écoulement naturel des eaux, les consorts [M] reprochant aux consorts [G] d'avoir rehaussé leur terrain, aggravant la servitude d'écoulement des eaux.

L'expert judiciaire [F] a indiqué qu'entre septembre 2010 et avril 2013, aucuns des travaux préconisés dans le premier rapport d'expertise n'avaient été réalisés.

Il a retracé la chronologie des aménagements et de la construction sur les deux parcelles en notant que les permis de construire ont été respectés, que les terrassements réalisés en remblais côté [G] et en déblais côté [M] ont accentué le dénivelé du terrain d'origine et a induit des aménagements périphériques aggravant l'écoulement initial des eaux, s'agissant de la situation induite par les deux permis de construire, à laquelle s'est ajoutée l'absence de finition des travaux d'aménagement côté [G].

Il a conclu que le mur réalisé par les consorts [M], fait blocage à l'écoulement naturel des eaux et fait blocage à l'écoulement artificiel des eaux, occasionné par les travaux des deux villas. Le remède selon lui, est la suppression du mur et son remplacement par une clôture ajourée laissant les eaux s'écouler sur toute la limite commune, sans aggravation ponctuelle en un point particulier, mais qu'une alternative est possible s'agissant des travaux propres à rétablir l'écoulement des eaux :

- les travaux d'urgence de réalisation manuelle d'une saignée de 30 centimètres de largeur à la pioche sur 10 mètres de longueur au niveau de l'angle B du mur [G] jusqu'au point C, dès lors qu'il considère que le seul remblai de nature à mettre en péril le mur est situé au niveau de l'angle B du mur côté [G],

- le débouchage des dix barbacanes existantes, dans la mesure où il a constaté que neuf barbacanes sur les dix sont bouchées en précisant qu'elles sont soit enterrées dans le fossé artificiel comblé de sable et de terre côté [G], soit n'ont jamais été percées jusqu'à traverser le mur ; il précise que les barbacanes évitent l'aggravation artificielle de l'écoulement des eaux en un point du fait de la main de l'homme et tendent à restituer le tracé de l'écoulement naturel des eaux sur tout le linéaire de la limite,

- les travaux habituellement imposés dans les permis de construire et non traités dans les deux permis de construire des deux villas, à savoir en l'espèce :

- 1) l'acheminement des eaux de toiture du parking et terrasse en zone basse des propriétés,

- 2) la création d'un puits drainant de 10 m3 rempli d'agglos creux avec au moins 70 % de vide,

- 3) la création d'un réseau de collecte enterré en PVC de diamètre 250 dans l'emprise de la servitude entre B et E avec récupération du trop-plein des puits drainants,

- 4) la création de caniveaux grillés en bas de la servitude pour éviter les désordres sur la voie publique,

- 5) le raccordement du réseau sur le fossé public existant.

L'expert est d'avis que les points 1) et 2) relèvent exclusivement de la propriété [G] et résolvent le problème lié à la poussée des eaux sur le mur, sans traiter le problème lié à l'état du chemin de servitude et que seuls les travaux décrits au point 3) sont de nature à faire cesser définitivement les dégradations du chemin de servitude.

L'expert précise qu'en 2014, les consorts [G] ont fait réaliser des travaux de drainage et de terrassement dont il a examiné les quantités et factures. Indiquant qu'il n'a pas mission de suivre ces travaux, il en conclut que ces travaux devraient reprendre tout ou partie des préconisations faites en 2011 et dans le pré-rapport. Leur efficacité devrait s'imposer par une suppression de la rétention d'eau entre A et B et la suppression des ruissellements entre B et E en cas de forte pluie.

Il est relevé que ce deuxième rapport d'expertise n'est produit que par M. et Mme [G] et encore de façon incomplète, seules certaines annexes étant jointes en partie, à savoir : pièce 1 « plan d'état des lieux », pièce 2 « plan des mouvements de terre », pièce 3 « vue en coupes », pièce 5 « écoulement des eaux », sous réserve que certaines de ces annexes sont reproduites en couleur et en totalité dans les conclusions notifiées sur le RPVA.

En dernier lieu, en cause d'appel, il est versé aux débats :

- le procès-verbal de constat d'huissier du 30 octobre 2019 établi à la requête de feu [U] [M], concernant les orifices ou barbacanes pratiqués sur toute la longueur du mur orienté du Nord au Sud, ainsi que l'aménagement d'un caniveau cimenté au bas des barbacanes, parallèlement et au pied du muret de clôture, jusqu'à son extrémité Sud en direction de la voie publique. L'huissier relève que lorsque son requérant a inondé avec son tuyau d'arrosage le fossé de son voisin situé au pied du muret, les eaux s'écoulent par les barbacanes recueillies dans la rigole cimentée, puis récupérées en partie Sud dans un caniveau perpendiculaire au muret jusqu'au portail d'entrée. Ainsi, la constatation que le terrain du voisin situé de l'autre côté du muret, présente un niveau plus élevé que celui du terrain de son requérant, « ce qui explique que (ses) sondages de barbacane ne débouchent jamais à l'air libre dans la propriété du voisin, se heurtant toujours à la terre molle du terrain remblayé », cela n'empêche pas l'écoulement des eaux.

- le rapport d'expert d'assurance établi le 21 janvier 2020, à la demande de l'assureur protection juridique des consorts [M], qui répond à la mission suivante « démontrer l'erreur d'appréciation du tribunal concernant la soi-disant réalisation des travaux par la partie adverse ainsi que le lien de causalité évident entre la surélévation du terrai [G] et les troubles actuels ». Cet expert d'assurance privé, et non judiciaire, indique qu'il n'a pas pu vérifier les travaux réalisés par le voisin, mais qu'il affirme que les eaux de ruissellement de surface de la propriété du sociétaire (les consorts [M]) sont captées par l'intermédiaire d'une grille latérale à l'entrée de la propriété qui rejette l'eau dans un drain agricole enterré qui se déverse ensuite en aval de la servitude de passage. Il est d'avis également que le voisin a modifié de sa main, la typologie et l'altimétrie de son terrain, ce qui fait qu'aujourd'hui la parcelle [G] surplombe la parcelle [M] de 60 centimètres environ, et que le fossé artificiel réalisé par le voisin sur son terrain, qui ne comporte pas d'exutoire, risque de se combler très régulièrement et de boucher les barbacanes d'évacuation des eaux.

Il ressort de l'ensemble de ses pièces, que M. et Mme [G] ont réalisé sur leur propriété des travaux que l'expert a, sur la base des seules factures avec descriptif, estimé « qu'ils devraient reprendre tout ou partie des préconisations faites en 2011 et dans le pré-rapport ».

Par ailleurs, il n'est pas discuté que l'élargissement de l'assiette de la servitude de passage est intervenu, M. et Mme [G] produisant une facture du 17 janvier 2018, pour « élargissement de la voie d'accès et évacuation des déblais ». A cet égard, il est observé que cette facture est intervenue après l'émission d'un devis daté du 24 décembre 2017 pour « réalisation dans le cadre des travaux de collecte des eaux pluviales », comportant outre l'élargissement de la voie d'accès, « fournitures poses de caniveau grilles fonte en travers de chaussée, ouverture de tranchée, fourniture et pose d'agrégats sables, canalisation PVC 200 CRB, fourniture et pose d'agrégats GTN, évacuation des déblais de tranchées, mise en place de GTN sur 15cm sur le chemin d'accès et compactage sur 100 m² environ » pour 5 282,40 euros TTC, ce devis ayant été accepté, mais il n'est pas justifié que ces travaux ont été effectués.

D'ailleurs, il est relevé que l'assiette de la servitude de passage est, aux termes des photographies récentes figurant dans le rapport d'expertise d'assurance privé réalisé en janvier 2020, dans un état très dégradé, ce qui a manifestement, été provoqué par le ruissellement des eaux, tel que constaté par l'expert judiciaire à l'occasion de chacune de ses missions, et que seule la réalisation des travaux préconisés au point 3) est susceptible de résoudre. Notamment, aucun caniveau à grilles n'y apparaît alors qu'il était préconisé dans le rapport d'expertise judiciaire du 20 mai 2011 (photographies annexées au rapport) alors que cela figurait dans le devis produit par M. et Mme [G] du 24 décembre 2017, non suivi d'une facture.

M. et Mme [G] ne peuvent opposer qu'ils ont fait l'acquisition de terrains desservis par un chemin de terre et d'enrochements, sans qu'aucun engagement contractuel n'existe quant à une quelconque obligation de réaliser une chaussée en béton ou en enrobé, en arguant notamment du fait que l'expert est allé au-delà de sa mission.

En effet, l'expert judiciaire a été explicitement désigné pour se prononcer sur les désordres affectant l'assiette du passage et sur les remèdes préconisés. En outre, il explique pourquoi il estime que seule une chaussée béton ferraillé de 15 centimètres ou enrobé à chaux sur 6 ou 7 centimètres est envisageable, compte tenu de la pente.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de travaux présentées par M. et Mme [M] et de distinguer selon les travaux sollicités.

Les modalités d'exercice de la servitude réciproque instituée entre les parcelles A [Cadastre 2] et A [Cadastre 3] sont précisées dans leur titre respectif de propriété, notamment quant à son entretien, en ces termes : « Tous les frais d'entretien, réparations, etc' seront à la charge de tous les fonds servants et dominants, par parts égales entre eux en fonction du nombre de logements. En cas de subdivision des parcelles, chaque nouvelle parcelle viendra s'ajouter au nombre actuel de logements desservis pour la répartition des frais d'entretien et de réparation ».

Une seule habitation a été érigée sur chacune des parcelles concernées par la servitude. Les consorts [M] d'une part, M. et Mme [G] d'autre part, seront donc condamnés à réaliser les travaux suivants préconisés par l'expert judiciaire M. [Z] [F], à leurs frais partagés par moitié :

- la création d'un réseau de collecte enterré en PVC de diamètre 250 dans l'emprise de la servitude entre B et E du plan pièce n° 5 du rapport d'expertise du 2 juin 2016, avec récupération du trop-plein des puits drainants,

- la création de caniveaux grillés en bas de la servitude pour éviter les désordres sur la voie publique,

- le raccordement du réseau sur le fossé public existant,

- le terrassement, reprofilage et traitement de la surface avec chaussée béton ferraillé de 15 centimètres ou enrobé à chaux sur 6 ou 7 centimètres.

En revanche, il n'y a pas lieu d'autoriser les consorts [M] à réaliser les travaux évalués par l'expert à un montant de 2 582,50 euros TTC, les consorts [M] étant libres d'exécuter les travaux qu'ils estiment opportun sur leur propriété, sous réserve de ne pas causer de dommages à autrui.

Il est établi que M. et Mme [G] ont effectué des travaux sur leur parcelle en 2014 et il n'est pas démontré l'insuffisance de ces travaux, la question de la servitude d'écoulement étant examinée ci-après. Les consorts [M] seront donc déboutés de leur demande tendant à les voir condamner à la réalisation de travaux sur leur fonds, pour un total de 3 174 euros TTC.

Il est ajouté que l'expert a relevé que M. et Mme [M] ont financé des travaux, qu'il a qualifiés de conservatoires, en 2008 pour 4 335 euros TTC, s'agissant de la facture du 27 avril 2008, pour « décaissement et mise en forme du chemin et évacuation des, mise en place de touvenant sur le chemin et l'arrière de la, étalement du touvenant et compactage avec le minipelle ». Cependant, il n'est pas justifié, que ces travaux ont été réalisés avec l'accord de M. et Mme [G] ou à défaut après mise en demeure d'entretenir l'assiette de la servitude de passage, tous les courriers produits, étant postérieurs.

En application de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

Afin de contraindre les parties à l'exécution des travaux sur l'assiette de la servitude de passage dont la nécessité a été mise en évidence depuis 2011, toujours discutée quant à sa mise en oeuvre, il y a lieu de dire que chacune des parties devra faire établir un ou plusieurs devis de ces travaux, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, pour estimer le coût de ces travaux à partager par moitié entre elles, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai et pour une durée de quatre mois.

A défaut d'entente sur le ou les devis nécessaires à la réalisation de ces travaux, la partie la plus diligente sera autorisée à entreprendre les travaux sur la base du ou des devis choisis par elle, à ses frais avancés et à recouvrer auprès de la partie adverse, le montant lui incombant, lequel devra être réglé dans le délai de huit jours à compter de la demande formalisée par lettre recommandée avec accusé de réception, le montant total du coût des travaux ne devant pas excéder la valeur médiane des devis produits par les deux parties.

Il convient de condamner en tant que de besoin, la partie qui n'aura pas fait l'avance des frais dans cette limite, à rembourser à l'autre, la moitié des frais.

Sur les demandes de M. et Mme [G]

Elles tendent à obtenir la condamnation des consorts [M] à déboucher les barbacanes avec précision que les barbacanes devront être percées de façon à ce qu'elles laissent passer sans obstacle les eaux circulant naturellement au niveau du terrain naturel, ainsi que la condamnation des consorts [M] à supprimer les ouvrages ayant pour effet de modifier et aggraver l'écoulement naturel des eaux de ruissellement, à savoir la suppression du caniveau en béton recueillant les eaux de ruissellement au Nord du mur et les rejetant au Sud sur l'assiette de la servitude, ou sa déconnexion de l'exutoire débouchant sur la servitude de passage.

Les consorts [M] opposent qu'ils ont débouché les barbacanes en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire et que ce sont les terres de M. et Mme [G], qui du fait de leur rehaussement, appuient contre le mur et contribuent à terme à boucher les barbacanes.

Aux termes de l'article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Il ressort des développements ci-dessus que les parcelles litigieuses présentaient une pente naturelle, que l'on retrouve au niveau de l'assiette de la servitude de passage, et que les terrassements réalisés en remblais côté [G] et en déblais côté [M] ont accentué le dénivelé du terrain d'origine et a induit des aménagements périphériques aggravant l'écoulement initial des eaux, s'agissant de la situation induite par les deux permis de construire, à laquelle s'est ajoutée l'absence de finition des travaux d'aménagement côté [G].

L'expert judiciaire a conclu que le mur réalisé par les consorts [M], fait blocage à l'écoulement naturel des eaux et fait blocage à l'écoulement artificiel des eaux, occasionné par les travaux des deux villas. Il a relevé que neuf barbacanes sur les dix sont bouchées en précisant qu'elles sont soit enterrées dans le fossé artificiel comblé de sable et de terre côté [G], soit n'ont jamais été percées jusqu'à traverser le mur.

C'est donc par une juste appréciation des faits et du droit que le premier juge a condamné M. et Mme [M] à réaliser le débouchage des barbacanes de leur mur, sous astreinte, ce que les consorts [M] justifient avoir exécuté.

Il n'y a pas lieu d'y ajouter comme réclamé par M. et Mme [G], dès lors que le constat d'huissier établi sur requête des consorts [M], démontre que les barbacanes jouent parfaitement leur rôle de laisser passer l'eau, tout le long du mur de clôture.

Le débouchage des barbacanes étant l'alternative retenue par le premier juge à la place de la suppression du mur et son remplacement par une clôture ajourée laissant les eaux s'écouler sur toute la limite commune, sans aggravation ponctuelle en un point particulier, il y a lieu de retenir que c'est aux consorts [M] de s'assurer que les barbacanes continuent à jouer leur rôle.

S'agissant du caniveau bâti sur la parcelle [M], il est constaté qu'il est figuré sur les plans de l'expert et que celui-ci n'a relevé aucun rôle causal de nature à faire obstacle à l'écoulement des eaux ou aggraver cet écoulement, ni dans la dégradation de l'assiette de la servitude de passage.

M. et Mme [G] seront donc déboutés de leur demande de suppression du caniveau en béton, étant observé que le premier juge n'a pas statué sur cette demande.

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ces points sauf à y ajouter le débouté de la demande de suppression du caniveau en béton.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.

L'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du code civil, énonce que celui qui commet une faute doit réparer le préjudice qui en résulte. Il appartient à celui qui s'en prévaut de faire la preuve de cette faute, de son préjudice et du lien de causalité entre les deux.

Le premier juge a condamné M. et Mme [G] à verser à M. et Mme [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du retard d'exécution des travaux d'élargissement de l'assiette de la servitude de passage.

Il est établi que depuis le dépôt du premier rapport d'expertise le 20 mai 2011, l'expert judiciaire a mis en évidence des obstacles sur l'assiette de la servitude de passage, imputables à M. et Mme [G] et a préconisé les mesures propres à assurer un élargissement conforme de cette assiette. Or, les travaux d'élargissement n'ont été réalisés qu'en janvier 2018, si bien qu'il est démontré un retard d'exécution de nature à causer un préjudice aux consorts [M] bénéficiaire de cette servitude de passage, justement évalué par le premier juge.

Il en ressort consécutivement, qu'il ne peut être reproché à M. et Mme [M] d'avoir initié la présente procédure en novembre 2017, même s'ils sont finalement déboutés d'une partie des travaux sollicités. En outre, en cause d'appel, il est fait droit à leur demande de travaux portant sur l'assiette de la servitude de passage. Le caractère abusif de leur action initiale, comme de leur appel, est ainsi exclu, ce qui doit conduire au débouté des demandes de dommages et intérêts de M. et Mme [G].

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ces points.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles.

Il sera statué de même en cause d'appel, pour les mêmes raisons, avec éventuelle distraction des dépens au profit du conseil de M. et Mme [G] qui le réclame.

PAR CES MOTIFS

Reçoit l'intervention volontaire de M. [L] [M], M. [E] [M] et Mme [J] [M] née [V] en qualité d'ayants droit de feu [U] [M] ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de travaux présentées par M. [U] [M] et Mme [J] [V] épouse [M] ;

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

Déboute M. [L] [M], M. [E] [M] et Mme [J] [M] née [V] de leur demande d'homologation des rapports d'expertise ;

Condamne M. [X] [G] et Mme [B] [S] épouse [G] d'une part, M. [L] [M], M. [E] [M] et Mme [J] [M] née [V] d'autre part, à réaliser les travaux suivants préconisés par l'expert judiciaire M. [Z] [F], à leurs frais partagés par moitié :

- la création d'un réseau de collecte enterré en PVC de diamètre 250 dans l'emprise de la servitude entre B et E du plan pièce n° 5 du rapport d'expertise du 2 juin 2016, avec récupération du trop-plein des puits drainants,

- la création de caniveaux grillés en bas de la servitude pour éviter les désordres sur la voie publique,

- le raccordement du réseau sur le fossé public existant,

- le terrassement, reprofilage et traitement de la surface avec chaussée béton ferraillé de 15 centimètres ou enrobé à chaux sur 6 ou 7 centimètres ;

Dit que chacune des parties devra faire établir un ou plusieurs devis de ces travaux, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, pour estimer le coût de ces travaux à partager par moitié entre elles, sous astreinte provisoire de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai et pour une durée de quatre mois ;

Dit qu'à défaut d'entente sur le ou les devis nécessaires à la réalisation de ces travaux, la partie la plus diligente est autorisée à entreprendre les travaux sur la base du ou des devis choisis par elle, à ses frais avancés et à recouvrer auprès de la partie adverse, le montant lui incombant, lequel devra être réglé dans le délai de huit jours à compter de la demande formalisée par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Condamne en tant que de besoin, la partie qui n'aura pas fait l'avance des frais à rembourser à l'autre, la moitié des frais, dans la limite maximale de la valeur médiane des devis initialement produits pour la totalité des travaux ;

Déboute M. [L] [M], M. [E] [M] et Mme [J] [M] née [V] de leurs demandes tendant à :

- les autoriser à réaliser les travaux évalués par l'expert à un montant de 2 582,50 euros TTC,

- condamner M. et Mme [G] à la réalisation de travaux sur leur fonds, pour un total de 3 174 euros TTC ;

Déboute M. [X] [G] et Mme [B] [S] épouse [G] de leur demande de suppression du caniveau en béton ;

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront partagés par moitié entre M. [X] [G] et Mme [B] [S] épouse [G] d'une part, M. [L] [M], M. [E] [M] et Mme [J] [M] née [V] d'autre part, avec distraction éventuelle au profit de Me [O] ;

Rejette les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/12910
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;20.12910 ?
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