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11/04/2024 | FRANCE | N°20/12350

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 11 avril 2024, 20/12350


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

ph

N° 2024/ 136













N° RG 20/12350 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGUHN







[R] [Z]

[M] [J] épouse [Z]





C/



S.A.S. LIJAK



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP PAUL ET [F] [W]



Me Gaëtan LE MERLUS
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 10 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00004.



APPELANTS



Monsieur [R] [Z]

demeurant [Adresse 5]



représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au b...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2024

ph

N° 2024/ 136

N° RG 20/12350 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGUHN

[R] [Z]

[M] [J] épouse [Z]

C/

S.A.S. LIJAK

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP PAUL ET [F] [W]

Me Gaëtan LE MERLUS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 10 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00004.

APPELANTS

Monsieur [R] [Z]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cyril MELLOUL de l'ASSOCIATION KAROUBY MELLOUL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [M] [J] épouse [Z]

demeurant [Adresse 5]

représentée Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Cyril MELLOUL de l'ASSOCIATION KAROUBY MELLOUL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S. LIJAK sous l'enseigne INTERMARCHE, dont le siège social est [Adresse 7], prise en la personne de son Président en exercice

représentée par Me Gaëtan LE MERLUS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 14 août 1997, M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] ont fait l'acquisition d'une maison d'habitation sise [Adresse 5] à [Localité 9], dont ils étaient précédemment locataires.

Cette parcelle est mitoyenne de celle occupée par la société Lijak qui exerce sous l'enseigne « Intermarché ».

Par jugement du 28 mai 2015, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a dit que les troubles subis par M. et Mme [Z] par le stockage des déchets issus de l'activité de la société Lijak, excédent les inconvénients normaux du voisinage, a condamné à la société Lijak à couvrir ses poubelles et à les entreposer en tout lieu approprié à l'exclusion de l'espace situé entre le bâtiment et la limite de propriété sur laquelle elle exploite l'Intermarché et le terrain, propriété de M. et Mme [Z], ou à mettre fin pour tout autre moyen approprié aux nuisances olfactives qu'elle leur cause, sous astreinte, condamné la société Lijak à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.

Par jugement du 15 juillet 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a liquidé l'astreinte fixée par ce jugement pour la période du 20 juin 2015 au 27 janvier 2016 et débouté M. et Mme [Z] de leur demande concernant la période postérieure.

Par ordonnance de référé du 7 mars 2017, le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a condamné M. et Mme [Z] à élaguer et maintenir à la hauteur de deux mètres, leurs arbres plantés à proximité de la limite séparative côté cour et côté parking de la société Lijak, ainsi qu'à couper toute branche de ces mêmes arbres qui dépasseraient sur le fonds de la société Lijak, sous astreinte courant pendant trois mois, avec condamnation de la société Lijak pendant cette période, de laisser libre passage à M. et Mme [Z] ou à toute personne mandatée par eux à cet effet, pour qu'ils puissent accéder à leurs arbres côté cour. La société Lijak a été déboutée de sa demande tendant à l'arrachage de la végétation.

Par exploit d'huissier du 15 décembre 2017, M. et Mme [Z] ont fait assigner la société Lijak aux fins de voir juger qu'ils subissent des troubles anormaux du voisinage du fait de l'emplacement du spot lumineux et de la caméra, ainsi que de nuisances sonores, aux fins d'obtenir la taille de la haie en zone 1, la construction d'un mur en zones 2 et 3, l'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement contradictoire du 10 juillet 2020, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a :

- dit que la demande relative à la modification du spot lumineux et de la caméra est atteinte par la prescription,

- rejeté les autres exceptions soulevées in limine litis,

- dit que les troubles subis par M. et Mme [Z] causés par l'entreposage d'objets contre la clôture séparant les deux parcelles des parties, la dégradation de cette clôture et la présence de nombreux détritus excèdent les inconvénients normaux de voisinage,

- condamné la SAS Lijak à prendre sans délai les mesures utiles en zone 2 et 3 pour faire cesser ces troubles (notamment en réparant la clôture, en nettoyant et en enlevant les objets entreposés au sol et contre la clôture), sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de six mois, qui commencera à courir deux mois après la signification du jugement,

- dit que les troubles subis par M. et Mme [Z] causés par l'absence d'entretien de la haie se trouvant en zone 1 excèdent les inconvénients normaux de voisinage en ce qu'ils ne permettent plus un usage paisible et normal par les époux [Z] de la servitude de passage dont ils bénéficient,

- condamné la SAS Lijak à procéder sans délai à la taille de l'ensemble de cette haie située en zone 1, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification de la décision,

- rejeté les autres demandes de M. et Mme [Z],

- débouté la société Lijak de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Lijak à verser à M. et Mme [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Lijak aux dépens, avec distraction de ceux-ci,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré :

- sur la recevabilité, que s'agissant de la modification de l'emplacement du spot lumineux et de la caméra, le délai de prescription a commencé à courir non pas du jour où les demandeurs se sont mis en conformité avec les textes et l'ordonnance de référé du 7 mars 2017, mais du jour de l'implantation des ouvrages litigieux, que s'agissant des nuisances sonores la défenderesse sur laquelle pèse la charge de la preuve n'a pas établi que les troubles de voisinage étaient intrinsèques au fonctionnement du magasin tel qu'il existe depuis l'origine soit 1986, que la demande d'élagage ne peut être atteinte par la prescription, que la demande concernant la détérioration de la clôture est liée à l'extension de la zone de stationnement en 2015 et ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée,

- sur les troubles anormaux de voisinage, que s'agissant de la détérioration de la clôture, les photographies annexées au procès-verbal de constat d'huissier permettent de vérifier la présence d'objets sur le terrain de la défenderesse et d'établir la relation de causalité avec la détérioration de la clôture, que sur l'élagage de la haie longeant le chemin, il n'y a pas de doute sur la localisation de la haie sur la propriété de la société Lijak et du fait qu'elle n'est pas élaguée, que s'agissant des nuisances sonores, l'anormalité du trouble n'est pas suffisamment établie.

Par déclaration du 10 décembre 2020, M. et Mme [Z] ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 20 avril 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [O] [C], concernant les nuisances sonores alléguées.

Après un changement d'expert, M. [F] [E] a déposé son rapport le 7 novembre 2022.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 29 janvier 2024, M. et Mme [Z] demandent à la cour de :

Vu l'article 6 du code de procédure civile,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 544 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu la jurisprudence constante,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 10 juillet 2020, en ce qu'il a :

« DIT que les troubles subis par [M] et [R] [Z] causés par l'entreposage d'objets contre la clôture séparant les deux parcelles des parties, la dégradation de cette clôture et la présence de nombreux détritus excèdent les inconvénients normaux de voisinage,

DIT que les troubles subis par [M] et [R] [Z] causés par l'absence d'entretien de la haie se trouvant en zone 1 excèdent les inconvénients normaux de voisinage en ce qu'ils ne permettent plus un usage paisible et normal par les époux [Z] de la servitude de passage dont ils bénéficient,

DEBOUTE la société LIJAK de sa demande reconventionnelle, visant à obtenir la condamnation des concluants sous astreinte à tailler leur haie,

CONDAMNE la société LIJAK au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens »,

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 10 juillet 2020, en ce qu'il a :

« DIT que la demande relative à la modification du spot lumineux et de la caméra est atteinte par la prescription ;

REJETE les autres exceptions soulevées in limine litis par [M] et [R] [Z],

CONDAMNE la SAS LIJAK à prendre sans délai les mesures utiles en zone 2 et 3 pour faire cesser ces troubles (notamment en réparant la clôture, en nettoyant et en enlevant les objets entreposés au sol et contre la clôture), sous astreinte de 50 euros seulement par jour de retard pendant une période de 6 mois seulement, qui commencera à courir 2 mois après la signification du présent jugement,

CONDAMNE la société LIJAK à procéder sans délai à la taille de l'ensemble de cette haie située en zone 1, et sous astreinte de 50 euros seulement par jours de retard passé un délai d'un mois après la signification de la présence décision,

REJETE les autres demandes de Monsieur et Madame [Z],

DEBOUTE [M] et [R] [Z] de toutes leurs autres demandes »,

En conséquence, statuant à nouveau,

A titre principal :

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [E],

- juger que les demandes formulées par eux ne sont nullement prescrites,

- juger que les demandes formulées par eux ne sont similaires à celles formulées lors du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 28 mai 2015,

- juger que ces demandes ne sont nullement irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée,

- débouter la SAS Lijak de toutes demandes contraires aux présentes, en ce qu'elles sont injustifiées et infondées.

En conséquence,

- juger qu'ils subissent des troubles anormaux du voisinage,

- condamner la société Lijak, sous astreinte de 100 euros par jour de retard huit jours après la signification de la décision à intervenir, à modifier l'emplacement des projecteurs lumineux et de la caméra afin qu'ils ne soient plus dirigés vers leur domicile,

- condamner la société Lijak à prendre toutes mesures utiles en zone 2 et 3 pour faire cesser les troubles (réparer la clôture, nettoyer et enlever les déchets entreposés au sol et contre la clôture) et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard huit jours après la signification de la décision à intervenir,

- condamner la société Lijak à replacer les piquets permettant de faire tenir la clôture en limite de leur propriété, afin de préserver leur droit de propriété compte tendu des nouveaux éléments transmis,

- condamner la société Lijak à procéder à la taille de l'ensemble de la haie située en zone 1, sous astreinte de 100 euros par jour de retard huit jours après la signification de la décision à intervenir,

- condamner la société Lijak au paiement de la somme de 10 000 euros à leur profit à titre de dommages et intérêts,

Sur les nuisances sonores,

- condamner la société Lijak à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser toutes nuisances sonores sous astreinte de 100 euros par jour de retard huit jours après la signification du jugement à intervenir (sic),

A titre subsidiaire :

- désigner un nouvel expert avec un complément de mission,

En tout état de cause,

- débouter la société Lijak de toutes demandes, fins et prétentions contraires aux présentes, en ce qu'elles sont injustifiées et infondés,

- condamner la Société Lijak au paiement de la somme de 4 000 euros à leur profit au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Lijak aux entiers dépens distraits conformément à l'article 699 code de procédure civile, distraits au profit de Me [F] [W] qui affirme en avoir pourvu.

M. et Mme [Z] font valoir en substance :

Sur la recevabilité,

- que la société Lijak ne démontre pas que tant l'installation du spot lumineux que celle de la caméra sont antérieures de cinq années par rapport à l'engagement de la présente procédure,

- que ce n'est pas la date de l'implantation des ouvrages qui constitue le point de départ de la prescription, mais le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

- qu'il n'ont évoqué des troubles liés à la caméra et au spot lumineux qu'à compter de juin 2017,

- que pour la demande relative aux nuisances sonores, à l'élagage et à la détérioration de la clôture, les troubles subis par eux, ont été incontestablement aggravés depuis l'augmentation des plages d'ouverture du magasin et de la station de lavage, des livraisons de nuit et du fonctionnement des groupes frigorifiques,

Sur le trouble anormal de voisinage,

- sur la caméra et les projecteurs,

- depuis l'élagage, la caméra donne directement vue sur leur jardin et leur piscine,

- la simple possibilité, voire la simple croyance qu'une vidéosurveillance est possible, permet d'ouvrir droit à réparation,

- la lumière du projecteur a été qualifiée de conséquente par l'huissier,

- cet état de fait résulte de sa puissance et de son orientation,

- sur les nuisances sonores,

- le rapport [E] conclut à l'absence de nuisance car il considère que leur maison est située dans une zone à émergence réglementée, ce qui est faux et l'expert dit lui-même qu'il ne fait pas référence aux ICPE, or les zone à émergence réglementée ne concernent que les ICPE,

- l'expert judiciaire n'a pas pris en considération les différentes remarques, pourtant légitimes, formulées par eux, et n'a pas répondu à ses chefs de mission,

- il y a d'une part des manquements et d'autre part des confusions et notamment entre l'arrêté du 13 janvier 1997 qui traite spécifiquement les ICPE et les bruits de voisinage qui concernent le présent litige, objet de l'expertise, qui dépendent du décret 2017-1244 en général et plus précisément dans les articles R. 1336-4 à 13,

- les mesures réalisées sont critiquables,

- sur la détérioration de la clôture,

- le grillage est bien complétement détruit à cause des chocs de véhicules,

- le grillage est également fortement dégradé en zone 2, du fait que la société Lijak entrepose de nombreux objets sur cette clôture et a rendu l'endroit insalubre,

- il convient d'augmenter l'astreinte fixée,

- la société Lijak n'a fait exécuter qu'en septembre 2023 un point du jugement de 2020 et uniquement pour la zone 2, si bien que les nuisances ont continué trois ans de plus,

- sur l'élagage de la haie longeant le chemin,

- ils disposent d'un droit de passage sur le chemin situé en zone 1,

- l'absence d'entretien de cette haie implantée sur la parcelle de la société Lijak, les oblige à emprunter le terrain en jachère jouxtant ledit chemin,

- les ronces venant de la propriété de la société Lijak, les empêche d'entretenir la haie le long de la réserve,

- il convient d'augmenter l'astreinte fixée,

- sur les dommages et intérêts,

- en vertu de l'article 1240 du code civil et du trouble anormal de voisinage, ils sont fondés dans leur demande d'indemnisation des préjudices matériels, stress et désagréments causés,

- ils subissent un préjudice financier, de jouissance et moral,

Sur la demande reconventionnelle de la société Lijak,

- que la société Lijak ne démontre pas ses allégations.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 18 octobre 2023, la SAS Lijak demande à la cour de :

Vu les articles 73, 74, 75 et 78 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 221-4 et R. 221-16 du code de l'organisation judiciaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les demandes des consorts [Z], s'agissant des spots lumineux et de la caméra, étaient prescrites,

- constater l'absence de démonstration d'une aggravation des nuisances sonores depuis 1997,

- dire et juger prescrites les demandes relatives aux nuisances sonores,

- juger que l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions antérieurement rendues, rendent irrecevables les demandes des consorts [Z],

Subsidiairement au fond,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté les époux [Z] de leur demande relative aux nuisances sonores,

- débouté les époux [Z] de leur demande relative au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

A tout le moins,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la haie était sa propriété,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à enlever les objets entreposés au sol,

En tout état de cause,

- juger que les consorts [Z] ne rapportent pas la preuve d'un trouble anormal de voisinage,

- rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise n'ayant pas été soulevée in limine litis,

- rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise en l'absence de texte la fondant,

- rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise en l'absence de grief fondé,

- juger que les demandeurs n'apportent pas la preuve des troubles qu'ils allèguent, ni de leur caractère anormal et encore moins de leur aggravation depuis 1997,

- juger qu'elle a pris toute mesure pour limiter les nuisances générées par son activité bien que celles-ci soient d'ores et déjà inférieures aux normes acoustiques en vigueur,

- juger que l'édification par elle d'un mur mitoyen met un terme aux revendications des consorts [Z] relatives à l'usage du parking où s'effectuent les livraisons,

- juger que le défaut d'entretien de la haie située côté parking client relie (sic) de la responsabilité des consorts [Z],

En conséquence,

- rejeter la demande de désignation d'un nouvel expert,

- rejeter la demande de paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions des consorts [Z],

- condamner les consorts [Z] à entretenir la haie située côté parking clientèle et à remettre en état la clôture séparatiste à leurs frais exclusifs sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement M. et Mme [Z] aux paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût des constats des 28 juin et 28 septembre 2023 distraits au profit de Me [L], sur son offre de droit.

La SAS Lijak soutient pour l'essentiel :

Sur la prescription,

- que l'action fondée sur le trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité extracontractuelle soumise à la prescription quinquennale,

- que l'emplacement de la caméra et du spot est la même depuis l'origine,

- M. et Mme [Z] ne peuvent prétendre en avoir eu la connaissance depuis l'élagage de leur haie ordonnée en référé le 7 mars 2017,

- ils étaient en mesure de s'en rendre compte avant s'ils avaient respecté les prescriptions des articles 671 et 673 du code civil,

- que les nuisances sonores constituent un trouble intrinsèque au fonctionnement du magasin, présent depuis l'origine,

- la charge de la preuve de l'augmentation des nuisances depuis moins de cinq ans, pèse sur celui qui l'invoque,

- le chargement des marchandises a toujours eu lieu par le même accès,

- il y a aussi atteinte à l'autorité de la chose jugée, du jugement rendu en 2017,

- que sur la détérioration de la clôture, la procédure engagée en 2014 avait la même problématique, que la demande se heurte à l'autorité de la chose jugée,

- s'agissant de la limite entre les deux propriétés, elle a proposé à plusieurs reprises la construction d'un mur à frais partagés, sans réponse de la part de M. et Mme [Z],

- elle a finalement fait procéder à l'édification d'un mur,

- l'édification de ce mur à ses frais exclusifs, met un terme à toute revendication de M. et Mme [Z],

Subsidiairement au fond,

- que le supermarché était déjà implanté depuis 1986 lorsque les consorts [Z] sont devenus locataires, puis ont fait l'acquisition de leur maison,

- qu'ils doivent démontrer des préjudices directs et personnels,

- que l'article L. 112-16 du code de la construction fait obstacle à leurs revendications, son activité étant conforme aux normes en vigueur,

- qu'il appartient aux appelants d'établir une aggravation des nuisances résultant des conditions d'exploitation depuis leur acquisition,

- que la caméra est indispensable à son activité et est dirigée vers la zone de déchargement, conformément à la législation, que les procès-verbaux de constat d'huissier mentionnent « apparemment »,

- que le spot ne fonctionne qu'en alternance et n'est pas orienté vers la maison,

- que la clôture mitoyenne n'est pas dégradée par ses plantations, ce qui n'est pas le cas du côté [Z],

- que s'agissant de la clôture côté parking client ' station de lavage, il faut condamner les consorts [Z] à rénover le grillage,

- que les nuisances sonores ne sont pas avérées, ni lors des livraisons, ni par la station de lavage, l'expert ayant considéré que les mesures étaient conformes aux normes,

- que la demande de nullité de l'expertise n'a pas été formée in limine litis,

- qu'il n'y a pas d'extension des horaires du magasin, qui sont les mêmes depuis cinq ans, qu'il en est de même pour la station de lavage,

- qu'aucun élément n'est apporté à l'appui de la demande de dommages et intérêts.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2024.

L'arrêt sera contradictoire, puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions de l'intimée comporte des demandes de « juger », qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise

Aux termes de l'article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure, soit les articles 112 et suivants du code de procédure civile, l'article 74 du code de procédure civile applicable aux actes de procédure, énonçant que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

L'article 114 du code de procédure civile dispose qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, la mesure d'expertise ne porte que sur les nuisances sonores alléguées. Dès lors, il ne peut être reproché à M. et Mme [Z] d'avoir réclamé la nullité du rapport d'expertise seulement lorsqu'ils ont abordé la question des nuisances sonores, après avoir développé leurs moyens sur les autres nuisances alléguées.

L'exception d'irrecevabilité de la demande de nullité du rapport d'expertise sera donc rejetée.

M. et Mme [Z] reprochent à l'expert de n'avoir pas répondu aux chefs de mission, d'avoir commis des confusions quant aux textes applicables, de n'avoir pas répondu à leurs observations, d'avoir réalisé des mesures critiquables.

Or, ces moyens ne sont pas susceptibles de conduire à la nullité du rapport d'expertise, alors en outre, que M. et Mme [Z] n'expliquent pas le grief consécutif, le seul fait que la conclusion du rapport d'expertise ne soit pas celle attendue, ne pouvant caractériser un grief.

M. et Mme [Z] seront donc déboutés de leur demande tendant à la nullité du rapport d'expertise déposé par M. [F] [E].

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif.

Cependant, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée, lorsque des évènements postérieurs, sont venus modifier la situation, antérieurement reconnue en justice.

En l'espèce, M. et Mme [Z] demandent qu'il soit mis fin à des troubles anormaux de voisinage tirés de la présence d'une caméra, de projecteurs, de nuisances sonores, de la dégradation d'une clôture, de l'absence d'élagage de la haie longeant le chemin.

Les précédentes décisions versées aux débats, soit le jugement du 28 mai 2015 et l'ordonnance de référé du 7 mars 2017, concernent respectivement des nuisances olfactives causées par le stockage de déchets à proximité de la limite séparative et l'élagage des arbres situés en limite séparative dans le respect des prescriptions des articles 671 à 673 du code civil.

Aucune des prétentions de M. et Mme [Z] ne se heurte à l'autorité de la chose jugée de ces décisions.

L'exception d'irrecevabilité tirée de la chose jugée sera donc rejetée et le jugement appelé, confirmé sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En matière de trouble anormal de voisinage, la jurisprudence considère que le point de départ de la prescription correspond au jour de la première manifestation du trouble ou de son aggravation.

Il est constant que la charge de la preuve de la prescription pèse sur la partie qui l'allègue.

En l'espèce, la société Lijak oppose la prescription de l'action de M. et Mme [Z] concernant la caméra, le spot, ainsi que les nuisances sonores.

M. et Mme [Z] qui ont assigné la société Lijak selon exploit d'huissier du 15 décembre 2017, reconnaissent que la caméra et les projecteurs préexistaient, mais ils n'étaient pas gênés par eux tant que la haie séparative faisait obstacle, ce qui n'est plus le cas, depuis qu'ils ont été condamnés à élaguer leur haie située en limite de propriété, à deux mètres de hauteur par ordonnance de référé du 7 mars 2017.

Aucune pièce n'est produite sur la date à laquelle la caméra et les projecteurs litigieux ont été installés sur le bâtiment de la société Lijak. Il n'est ainsi pas démontré que la pose de cette caméra et de ces projecteurs, date de plus de cinq ans à la date de l'introduction de la présente procédure, d'autant que selon les procès-verbaux versés aux débats, on relève la présence tantôt d'une seule caméra, tantôt de deux caméras, ce qui tend à démontrer des évolutions dans leur nombre et leur positionnement.

Il doit donc être conclu que la demande concernant la caméra et les projecteurs n'est pas prescrite, le jugement appelé étant infirmé sur ce point.

S'agissant des nuisances sonores, M. et Mme [Z] soutiennent qu'elles se sont aggravées depuis l'augmentation des plages d'ouverture du magasin et de la station de lavage, des livraisons de nuit et du fonctionnement des groupes frigorifiques.

Sont versés aux débats, un courrier adressé par M. et Mme [Z] à M. [P], responsable du service immobilier d'Intermarché le 13 juin 2017 et la réponse de celui-ci le 3 juillet 2017, un courrier du collectif des riverains d'Intermarché daté du 8 avril 2017 auquel est joint une correspondance à en-tête « d'Intermarché », plusieurs témoignages, le courrier du 21 septembre 2015, accompagnant le compte-rendu de la « réunion de médiation station de lavage Intermarché » sans ledit compte-rendu.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces que des plaintes pour nuisances sonores sont formalisées en lien avec des extensions alléguées des plages horaires et d'ouverture le dimanche, notamment du fait du fonctionnement de la station de lavage, depuis l'année 2015, que la société Lijak conteste avoir élargi les plages horaires et indique avoir décidé, à l'issue de la médiation intervenue en 2015, que le portique de lavage serait ouvert uniquement aux heures d'ouverture du magasin.

L'action engagée en vue de mettre fin à l'aggravation des nuisances sonores dénoncée depuis 2015, n'est donc pas prescrite à la date de la présente assignation intervenue le 15 décembre 2017. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le trouble anormal de voisinage

Aux termes de l'article 544 du code civil, « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

M. et Mme [Z] demandent qu'il soit mis fin à des troubles anormaux de voisinage tirés de la présence d'une caméra et de projecteurs, de nuisances sonores, de la dégradation d'une clôture, de l'absence d'élagage de la haie longeant le chemin.

La société Lijak oppose l'antériorité prévue à l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction en vigueur à la date de l'assignation, aux termes duquel les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.

En l'espèce, il est constant que M. et Mme [Z] qui étaient déjà locataires de la maison voisine du bâtiment dans lequel est exploitée l'activité commerciale sous l'enseigne « Intermarché » depuis 1986, en ont fait l'acquisition le 14 août 1997, soit postérieurement à l'existence de cette activité.

En conséquence, la réparation du trouble anormal de voisinage est conditionnée à la démonstration soit d'un exercice non conforme de l'activité aux dispositions législatives ou réglementaires, soit d'une modification des conditions d'exercice de l'activité.

Sur la caméra et les projecteurs

M. et Mme [Z] versent aux débats deux procès-verbaux de constat d'huissier des 29 juin 2017 et 4 février 2019, faisant état de la présence d'une caméra circulaire à l'angle du bâtiment d'Intermarché et de deux luminaires, l'huissier notant dans le premier procès-verbal : « Sur la toiture du bâtiment de l'INTERMARCHE une caméra-vidéo surveillance est installée ce qui donne apparemment une vue directe sur le jardin et la piscine des requérants avec un spot lumineux conséquent ».

De son côté, la société Lijak produit un procès-verbal de constat d'huissier du 28 juin 2023 aux termes duquel il existe deux caméras, dont une seule est en service, ainsi que les images prises par la caméra qui fonctionne, dont une partie est noircie par un bandeau noir, dont il est précisé qu'il a été positionné par l'installateur de la caméra, si bien que la caméra ne filme que l'espace « réserve ».

En l'état de ces procès-verbaux, M. et Mme [Z] ne démontrent pas que la caméra litigieuse destinée au contrôle de la zone « réserve » de même que les projecteurs destinés à éclairer la zone contrôlée, ne respectent pas les prescriptions légales et réglementaires.

Quant à la modification des conditions d'exercice de l'activité commerciale de la SCI Lijak, il est produit une photographie de l'entrée de l'Intermarché à côté de laquelle est apposé un affichage des horaires d'ouverture, faisant apparaître, au moyen d'une bande occultante, une augmentation des horaires d'ouverture, en continu de 8 heures 45 à 19 heures 30 du lundi au jeudi, comme précédemment uniquement le vendredi sans interruption, sans que la date de cette modification soit déterminable.

Cependant cette modification est sans lien avec les caméras et les projecteurs.

M. et Mme [Z] seront donc déboutés de leur demande concernant la caméra et les projecteurs.

Sur les nuisances sonores

L'expert judiciaire conclut que les enregistrements des pressions sonores à partir de l'intérieur de la maison des époux [Z], supportent des nuisances de 4 heures 30 à 7 heures en restant conformes aux normes réglementaires à savoir le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006, que la station de lavage est à l'arrêt de 22 heures à 8 heures du matin, que la machine à compresser les cartons n'a jamais été mise en service pendant ses campagnes de mesurage qui ont eu lieu :

- du 26 avril 2022 à 21 heures 45 au 27 avril 2022 à 12 heures, de manière inopinée près des sources sonores (entre 7 et 10 mètres des sources),

- le 17 mai 2022 à 9 heures 30,

- le 7 octobre 2022 de 2 heures à 8 heures, en intérieur dans la chambre au premier étage, fenêtre ouverte.

L'expert précise que les équipements du supermarché fonctionnent quasiment en permanence, soit plus de 8 heures par jour, ce qui ne permet pas d'ajouter de correction acoustique sur l'émergence sonore maximale globale tolérée, tel que précisé dans le décret n° 2006-1099 du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage modifiant le code de la santé publique, que la cause des dépassements mesurés au point n° 2 en période nocturne provient des tours de refroidissement du supermarché lorsque la mesure est réalisée à proximité de la source (7 mètres) mais qu'il n'y a pas de dépassement relevé si on se positionne depuis l'habitation des époux [Z]. De plus ces dépassements sont conformes à la norme en zone réglementée.

L'expert précise que pour mémoire, les valeurs limites de l'émergence sont normalement de 5 dB(A) en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB(A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures).

L'expert a répondu aux observations du conseil de M. et Mme [Z] de manière motivée, en expliquant notamment que l'appareil de mesure est calibré pour mesurer en continu et signaler tout dépassement de la pression sonore dans la durée et que tout n'a pas été repris pour faciliter la lecture des tableaux.

M. et Mme [Z] prétendent que l'expert a fait une confusion entre l'arrêté du 13 janvier 1997 qui traite spécifiquement les ICPE et les bruits de voisinage qui concernent le présent litige, objet de l'expertise, qui dépendent du décret 2017-1244 en général et plus précisément dans les articles R. 1336-4 à 13.

Il est vérifié, et l'expert a répondu en ce sens, qu'il n'a pas été fait référence à l'arrêté du 13 janvier 1997, mais aux dispositions codifiées, depuis la modification du décret n° 2017-1244 du 7 août 2017, aux articles R. 1336-4 à R. 1336-13 du code de la santé publique, qui contiennent les valeurs limites de l'émergence retenues par l'expert dans son analyse, sans appliquer de pondération dans le cas d'espèce, comme prévu par le code.

M. et Mme [Z], qui ne produisent pas d'élément technique de nature à contredire les conclusions de l'expert ou à mettre en évidence des insuffisances, ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de complément d'expertise.

Il doit être conclu que M. et Mme [Z] ne démontrent pas subir des nuisances sonores excédant les prescriptions légales et réglementaires.

La modification en extension de la plage horaire d'ouverture, n'a pas d'impact sur les nuisances sonores dès lors que l'expert judiciaire a relevé que les équipements du supermarché fonctionnent quasiment en permanence, en respectant la réglementation sur les émergences sonores maximale autorisées.

M. et Mme [Z] seront donc déboutés de leur demande au titre des nuisances sonores.

Sur la dégradation de la clôture

M. et Mme [Z] soutiennent que :

- le grillage est complétement détruit à cause des chocs de véhicules,

- le grillage est également fortement dégradé en zone 2, du fait que la société Lijak entrepose de nombreux objets sur cette clôture et a rendu l'endroit insalubre.

Sont versés aux débats :

- le procès-verbal de constat d'huissier du 29 juin 2017 établi à la requête de M. et Mme [Z], aux termes duquel la clôture grillagée coté Ouest appartenant aux requérants, est décrite comme présentant un grillage et des piquets fortement défoncés et dégradés par le stockage de différents matériels et objets divers contre le grillage et les piquets métalliques, s'agissant de caisses en bois, étagères, palettes, caddys détériorés, un appareil électrique de nettoyage du sol référence IPC, résidus de rayonnages et autres, certains objets empiétant sur la propriété voisine ; y sont jointes des photographies, permettant de relever à l'arrière de cette clôture, côté [Z], la présence des arbres plantés en limite séparative élagués à hauteur prescrite par l'ordonnance de référé du 7 mars 2017,

- des photographies du grillage contre lequel ont été matérialisées, perpendiculairement, des places de stationnement, faisant apparaître un grillage penchant dangereusement en direction des places de stationnement ; de l'autre côté du grillage, de la végétation,

- le procès-verbal de constat d'huissier du 28 juin 2023 établi à la requête de la société Lijak, concernant la clôture située côté Nord-Est dans la partie réserve extérieure, déclarée mitoyenne par M. [T], président de la société Lijak, ainsi que l'état de la clôture mitoyenne située entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin, dans laquelle poussent les végétaux plantés sur la parcelle [Adresse 8],

- le procès-verbal de constat d'huissier du 28 septembre 2023 établi à la requête de la société Lijak, concernant la même clôture mitoyenne entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin, aux termes duquel la clôture fait « ventre » et tombe vers la parcelle de la requérante, l'huissier ayant noté que sur les dix piquets de clôture implantés, trois n'étant plus plantés au sol, les végétaux plantés sur la parcelle voisine, poussant et sortant du grillage par endroits.

- une correspondance officielle du conseil de la société Lijak adressée au conseil de M. et Mme [Z] le 19 juillet 2023, annonçant la décision de la société Lijal de procéder à l'édification à sa charge selon devis joint, d'un mur, avec indication que les travaux débuteront en septembre.

- des photographies sur lesquelles sont apposées les dates de décembre 2023, janvier 2024, sur lesquelles on constate la présence d'un mur du côté de la « réserve », soit derrière la clôture grillagée coté Ouest de la parcelle [Adresse 8], la clôture située entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin étant inchangée.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces, qu'il est établi que la dégradation de la clôture séparant les deux propriétés, à l'Ouest de la parcelle [Adresse 8] est bien consécutive au dépôt de divers matériaux et objet sans précaution, contre cette clôture, du côté de la propriété de la société Lijak. Il s'agit de la zone 2 matérialisée sur la pièce n° 2 des appelants « extrait du plan cadastral ». En dernier lieu, on constate dans cette zone, après l'édification du mur, la bâche verte qui était posée sur la clôture, tombée au sol correspondant au brise-vue mentionné sur le procès-verbal de constat d'huissier du 4 février 2019 établi à la requête de M. et Mme [Z] et posé côté de la société Lijak, un carton, des cannettes dans les arbres, des détritus au sol, comme dans le même procès-verbal de constat du 4 février 2019.

En revanche, il n'est pas démontré que la dégradation de la clôture située entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin (zone 3 matérialisée sur la pièce n° 2 des appelants), est imputable à la société Lijak, alors que la végétation de M. et Mme [Z] dépasse et pousse largement à travers cette clôture.

En conséquence, le jugement appelé sera infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Lijak à prendre sans délai les mesures utiles en zone 2 et 3 pour faire cesser ces troubles (notamment en réparant la clôture, en nettoyant et en enlevant les objets entreposés au sol et contre la clôture), sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de six mois, qui commencera à courir deux mois après la signification du jugement.

M. et Mme [Z] seront déboutés de leur demande concernant la clôture située entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin (désignée par les appelants comme zone 2).

S'agissant de la clôture située à l'Ouest de la parcelle [Z] et au Nord-Est de la parcelle de la société Lijak, compte tenu de la construction d'un mur réglant le problème antérieur de dégradation de la clôture avec empiétement de divers objets et détritus, il sera constaté que la demande de M. et Mme [Z] tendant à la condamnation de la société Lijak à prendre toutes mesures utiles en zone 2 pour faire cesser les troubles (réparer la clôture, nettoyer et enlever les déchets entreposés au sol et contre la clôture), n'a plus d'objet.

Sur l'absence d'élagage de la haie longeant le chemin

M. et Mme [Z] qui déclarent disposer d'un droit de passage sur le chemin situé en zone 1, dénoncent l'absence d'entretien de cette haie implantée sur la parcelle de la société Lijak, ce qui les oblige à emprunter le terrain en jachère jouxtant ledit chemin, tandis que la société Lijak conteste être propriétaire de cette haie.

Il est constaté que la zone 1 matérialisée sur la pièce n° 2 des appelants « extrait du plan cadastral » correspond à la limite Nord-Ouest de la parcelle de la société Lijak.

M. et Mme [Z] ont acquis la parcelle B[Cadastre 3] (AY[Cadastre 4] sur l'extrait de plan cadastral). Le droit de passage mentionné dans leur titre de propriété dont le fonds servant sont les parcelles B[Cadastre 2] et B[Cadastre 6] et le fonds dominant les parcelles B[Cadastre 1] et B[Cadastre 3] est ainsi décrit : « droit de passage pour piétons et tous véhicules sur partie du chemin existant et dans la partie de ce chemin longeant la limite Ouest des biens donnés et la limite Sud de la propriété des donateurs. Les frais d'entretien de cette partie de chemin incomberont à concurrence des 3/4 aux donateurs et à concurrence des 1/4 à la donataire ».

Aux termes du procès-verbal du 4 février 2019 établi à la requête de M. et Mme [Z], l'huissier a constaté la présence d'une haie végétale implantée sur le site d'Intermarché, en bordure de voie, non élaguée, sur toute sa longueur, restreignant de ce fait, la largeur du passage.

De son côté, la société Lijak ne produit aucune pièce de nature à contredire ce constat d'huissier.

Il en ressort que si la société Lijak est étrangère à cette servitude de passage, l'absence d'entretien de sa haie constitue une gêne continuelle dans la jouissance de la servitude de passage dont M. et Mme [Z] sont bénéficiaires, excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Le jugement appelé sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Lijak à procéder sans délai à la taille de l'ensemble de cette haie, sous réserve qu'il sera précisé qu'elle est située au Nord-Ouest de la parcelle de la société Lijak.

Le principe et le montant de l'astreinte seront également confirmés, M. et Mme [Z] n'étayant aucunement leur demande d'augmentation du montant de l'astreinte.

Sur l'indemnisation des préjudices

M. et Mme [Z] demandent la réparation des préjudices matériels, stress et désagréments causés à hauteur de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et des troubles anormaux du voisinage.

Aux termes de l'article 1240 du code civil, celui qui commet une faute doit réparer le préjudice qui en résulte.

Il appartient à celui qui s'en prévaut de faire la preuve de cette faute, de son préjudice et du lien de causalité entre les deux.

Au final, il ressort des développements ci-dessus que la société Lijak est à l'origine de la dégradation de la clôture séparative située à l'Ouest de la parcelle [Z] et au Nord-Est de la parcelle de la société Lijak, ainsi que d'un préjudice de jouissance de la servitude de passage dont M. et Mme [Z] sont bénéficiaires, du fait de l'absence d'élagage de la haie bordant le chemin d'assiette de la servitude de passage.

Au regard de la durée des troubles causés, le préjudice de jouissance consécutif sera retenu pour 3 000 euros, que la société Lijak sera condamnée à verser à M. et Mme [Z]. Le jugement appelé sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société Lijak

Elle porte sur l'entretien de la haie située côté parking clientèle et à la remise en état de la clôture séparative aux frais exclusifs de M. et Mme [Z], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Cette demande est le pendant de celle formée par M. et Mme [Z] tendant à la remise en état de la clôture, dégradée par le stationnement de véhicules, dont ils ont été déboutés.

En l'état des procès-verbaux de constat d'huissier respectifs et des photographies ci-dessus examinés, il est démontré un défaut d'entretien de la végétation coté [Z], qui a causé des dégradations de la clôture séparative.

Il convient donc d'infirmer le jugement appelé sur ce point et de condamner M. et Mme [Z] à entretenir leurs plantations et à remettre en état la clôture séparative entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin.

En application de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

Afin d'y contraindre M. et Mme [Z], il y a lieu de fixer une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et compte tenu de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur les dépens ainsi que sur les frais irrépétibles.

Il sera fait masse des entiers dépens, qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée en cause d'appel et ils seront partagés par moitié entre les parties, lesquelles seront donc déboutées de leur demande respective au titre des frais irrépétibles.

La distraction des dépens sera ordonnée au profit des conseils des deux parties, qui le réclament.

Les frais de constat d'huissier ne constituent pas des dépens tels qu'énumérés à l'article 695 du code de procédure civile. La SCI Lijak sera donc déboutée de sa demande d'inclusion dans les dépens, de ces frais.

PAR CES MOTIFS

Déboute la SAS Lijak de sa demande tendant à l'irrecevabilité de la demande de nullité du rapport d'expertise ;

Déboute M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] de leur demande tendant à la nullité du rapport d'expertise déposé par M. [F] [E] ;

Infirme le jugement appelé en ce qu'il a :

- dit que la demande relative à la modification du spot lumineux et de la caméra est atteinte par la prescription,

- condamné la SAS Lijak à prendre sans délai les mesures utiles en zone 2 et 3 pour faire cesser ces troubles (notamment en réparant la clôture, en nettoyant et en enlevant les objets entreposés au sol et contre la clôture), sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de six mois, qui commencera à courir deux mois après la signification du jugement,

- rejeté les autres demandes de M. [R] [Z] et Mme [M] [Z],

- débouté la SAS Lijak de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SAS Lijak à verser à M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Lijak aux dépens, avec distraction de ceux-ci ;

Le confirme sur le surplus, sauf à préciser que la condamnation de la SAS Lijak à procéder sans délai à la taille de l'ensemble de la haie située en zone 1, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification de la décision, concerne la haie située au Nord-Ouest de la parcelle de la SAS Lijak ;

Statuant à nouveau et tenant compte de l'évolution du litige,

Déclare recevable la demande relative à la modification de la caméra et des projecteurs ;

Déboute M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] de leur demande relative à la modification de la caméra et des projecteurs ;

Déboute M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] de leur demande relative aux nuisances sonores ;

Déboute M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] de leur demande concernant la clôture située entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin ;

Constate que la demande de M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] concernant la clôture située à l'Ouest de la parcelle [Z] et au Nord-Est de la parcelle de la société Lijak, compte tenu de la construction d'un mur, n'a plus d'objet ;

Condamne la SAS Lijak à verser à M. [R] [Z] et Mme [M] [Z], la somme de 3 000 euros (trois mille euros) en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Condamne M. [R] [Z] et Mme [M] [Z] à entretenir leurs plantations et à remettre en état la clôture séparative entre la parcelle [Adresse 8] et le parking réservé à la clientèle du magasin, sous astreinte provisoire de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois ;

Fait masse des entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise ordonnée en cause d'appel et les partage par moitié entre d'une part M. [R] [Z] et Mme [M] [Z], d'autre part la SAS Lijak, avec distraction éventuelle au profit de Me [F] [W] et Me Le Merlus ;

Déboute la SAS Lijak de sa demande tendant à l'inclusion dans les dépens des frais de procès-verbal de constat d'huissier ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/12350
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;20.12350 ?
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