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09/04/2024 | FRANCE | N°22/08077

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 09 avril 2024, 22/08077


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 09 AVRIL 2024



N° 2024/155









Rôle N° RG 22/08077

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJQQY







PROCUREUR GENERAL



C/



[D] [P]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :





MINISTÈRE PUBLIC





Décision défér

ée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 12 mai 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 19/7797





APPELANT



PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Valérie TAVERNIER, Avocat général





INTIMEE



Madame [D] [P]

née le 03 octobre 1986 à [Localité 6] (COMORES)

demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 09 AVRIL 2024

N° 2024/155

Rôle N° RG 22/08077

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJQQY

PROCUREUR GENERAL

C/

[D] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 12 mai 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 19/7797

APPELANT

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Valérie TAVERNIER, Avocat général

INTIMEE

Madame [D] [P]

née le 03 octobre 1986 à [Localité 6] (COMORES)

demeurant [Adresse 1]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 février 2024 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène PERRET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 09 avril 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 avril 2024,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte d'huissier du 21 juin 2019, Madame [D] [P], se disant née le 3 octobre 1986 à [Localité 6] (COMORES), a fait assigner le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de MARSEILLE devant ledit tribunal, afin de contester la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française opposée le 16 février 2018 par le Directeur des services de greffe judiciaire de MARSEILLE.

Par un jugement contradictoire du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de MARSEILLE a :

- Constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- Dit que [D] [P], née le 3 octobre 1986 à [Localité 6] (COMORES) est française ;

- Ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- Dit que les dépens resteront à la charge de Madame [P], dépens qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 3 juin 2022, le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de MARSEILLE a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 26 août 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Madame la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence demande à la cour de :

- Dire que la procédure est régulière au regard de l'article 1043 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 12 mai 2002 et statuant à nouveau,

- Déboute Madame [D] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- Dire que [D] [P], se disant née le 3 octobre 1986 à [Localité 6] (COMORES) n'est pas de nationalité française ;

- Ordonner l'apposition de la mention prévue par l'article 28 du code civil,

- La condamner aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle expose :

- L'intimée prétendait en première instance être française par filiation paternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil, pour être née de Monsieur [N] [P], né vers 1931 à [Localité 2] (Mayotte) qui serait français ;

- Que les documents produits par l'intimée en première instance (une copie de deux certificats de nationalité française de Monsieur [P], une copie de la CNI de ce dernier et la copie de l'acte de naissance de ce dernier) sont insuffisants à démontrer la nationalité française de ce dernier en sa qualité d'originaire de Mayotte ; en effet, la présomption de paternité que confère l'obtention d'un certificat de nationalité ne bénéficie qu'à son seul détenteur et non aux enfants de celui-ci ; pour prouver la qualité d'originaire de Mayotte de Monsieur [P], elle aurait dû produire les actes de naissance et de mariage des ascendants de ce dernier.

L'intimée, assignée conformément aux dispositions relatives à l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023, l'affaire ayant été appelée à l'audience du 21 septembre 2023.

Par un arrêt avant dire droit du 10 novembre 2023, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- Ordonné la réouverture des débats ;

- Enjoint à Madame la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence de communiquer la pièce relative à la copie délivrée le 8 septembre 2015 d'un acte de naissance du père de l'intimée, Monsieur [P] [N] qui mentionne qu'il est né vers 1931 à [Localité 2] (Mayotte) ;

- Fixé l'ordonnance de clôture à la date du 1er février 2024

- Fixé l'audience de plaidoirie à l'audience du 15 février 2024 à 08H30 ;

- Réservé les dépens.

Par un soit-transmis du 22 novembre 2024, le Ministère public a communiqué à la cour la pièce sollicitée qui a été signifiée à l'intimée par un acte de commissaire de justice du 28 décembre 2023.

MOTIVATION

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé. En l'espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé. La condition de l'article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. La procédure est donc régulière.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Aux termes de l'article 18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

En application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve de la nationalité française qu'il revendique incombe à Madame [P], qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française. Les conditions exigées par la loi pour démontrer une nationalité française au titre de la filiation sont les suivantes : d'une part que le parent est de nationalité française, d'autre part qu'un lien de filiation est dûment établi.

Le requérant doit produire des pièces d'état civil fiable au sens de l'article 47 du code civil selon lequel tout acte de l'état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Malgré l'abrogation de l'ordonnance de la Marine d'août 1681, la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure obligatoire, selon la coutume internationale, et sauf convention contraire. Or, dans les rapports entre la France et l'Union des Comores, aucune convention dispensant les actes d'état civil comoriens de légalisation n'a été conclue.

Pour qu'un acte d'état civil comorien puisse satisfaire aux exigences de la légalisation, celle-ci doit porter sur la signature de l'officier d'état civil qui a délivré la copie de l'acte de naissance, ou sur la signature des juge et greffiers, pour un jugement. Qui plus est, cette légalisation doit obligatoirement émaner soit du consul général de France aux Comores, soit du consul des Comores en France.

En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que Madame [P] a produit une copie intégrale délivrée le 29 mai 2018 de son acte de naissance n°360 dressé le 9 octobre 1986 à la Préfecture de [Localité 3] (Comores) aux termes duquel elle est née le 3 octobre 1986 à [Localité 6] (Comores) de [N] [P], né vers 1931 à [Localité 4] (Mayotte) et de [T] [V], née le 4 mars 1949 à [Localité 7] [Localité 3] (Comores). Cet acte porte la mention d'une légalisation par l'ambassadeur de l'Union des Comores en France de la signature de [V] [H], officier d'état civil de [Localité 5], apposée sur l'acte.

Dès lors, Madame [P] justifie d'un état civil fiable au sens de l'article 47 du code civil.

En outre, l'intimée avait produit aux débats de première instance une copie de l'acte de mariage de [N] [P] et de [T] [V] [M] mentionnant un mariage célébré par le cadi de [Localité 3] (Comores) par un jugement du 13 juin 1967. Comme l'a justement apprécié le premier juge, elle démontre ainsi son lien de filiation à l'égard de [N] [P], conformément à la loi comorienne, loi personnelle de la mère, applicable selon l'article 311-14 du code civil.

Afin de démontrer la nationalité française de son père, Madame [P] versait également au dossier une copie de deux certificats de nationalité française délivrés les 25 juin 1993 et 31 mai 1994 au nom de [N] [P] par le Tribunal de première instance de Mayotte aux termes desquels celui-ci est français en vertu de l'article 17 du code de la nationalité française pour être né d'un père originaire de Mayotte. Elle produisait aussi une copie de la carte nationalité d'identité française de [N] [P] délivrée le 8 février 1993 ainsi qu'une copie de l'acte de naissance de [N] [P] établie le 8 septembre 2015n par l'officier d'état civil de [Localité 8].

Ces pièces sont cependant insuffisantes à établir la nationalité française de [N] [P].

En effet, la présomption de nationalité française que confère l'obtention d'un certificat de nationalité ne bénéficie qu'à son seul détenteur et non aux tiers, y compris ses enfants. Au surplus, le certificat de nationalité française ne constitue pas en lui-même un titre à la nationalité française mais une attestation de nationalité dotée d'une force probante régulière susceptible d'être contestée.

Il appartient en outre à l'intimée de produire les actes de naissance et de mariage des ascendants de [N] [P], afin de démontrer la nationalité française de celui-ci ce qui n'a pas été fait, l'acte de naissance et l'acte de mariage du père de ce dernier n'ayant pas été communiqué.

Dès lors, le premier juge ne pouvait valablement juger que le seul acte de naissance de [N] [P] mentionnant sa naissance vers 1931 à MAYOTTE rapporte la preuve de sa nationalité française.

Il convient donc d'infirmer la décision querellée et de dire que Madame [D] [P], se disant être née le 3 octobre 1986 à [Localité 6] (Comores) n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue par l'article 28 du code civil

Aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

En conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Madame [D] [P], qui succombe, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par défaut et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile,

Dit et juge que Madame [D] [P], se disant être née le 3 octobre 1986 à [Localité 6] (Comores) n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne Madame [D] [P] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 22/08077
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;22.08077 ?
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