COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 04 AVRIL 2024
N° 2024/105
Rôle N° RG 20/10596 -
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGOXP
S.C.I. ALB PATRIMOINE
C/
[O] [L]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-Marc SZEPETOWSKI
Me Alexandre ZAGO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04168.
APPELANTE
S.C.I. ALB PATRIMOINE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI de la SELARL S.Z., avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [O] [L], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Alexandre ZAGO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Monique CASTELNAU avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Madame Béatrice MARS, Conseillère,
Madame Florence TANGUY, Conseillère rapporteure
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Mme Michèle LELONG.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Madame Flavie DRILHON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Fin août 2016, M. [X] [P], en qualités de gérant de la Sci ALB patrimoine, a fait appel à M. [O] [L], architecte, afin qu'il s'occupe de la maîtrise d''uvre de son projet de construction de la villa « Perle », à Mougins (06250).
Après plusieurs mois de travail, d'échanges et de réunions, M. [P] a mis fin à cette relation de travail, sans s'acquitter d'honoraire envers M. [L].
Celui-ci a donc assigné M. [P] et la société ALB patrimoine en paiement des sommes de 38 400 euros TTC correspondant à sa facture d'honoraires et de la somme de 7 960,36 euros TTC au titre des frais avancés pour son compte.
Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :
-prononcé la mise hors de cause de M. [X] [P] ;
-condamné la SCI ALB patrimoine à payer à M. [O] [L] la somme de 46 360,36 euros, savoir :
*7 960,36 euros TTC au titre des factures de prestataires réglées pour le compte de la Sci ALB patrimoine ;
*38 400 euros TTC au titre de sa facture d'honoraire ;
-rejeté la demande formée au titre des frais d'exécution forcée ;
-condamné la Sci ALB patrimoine à verser à M. [O] [L] la somme de 1 500 euros par application des disposition de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la Sci ALB patrimoine aux entiers dépens ;
-ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration du 2 novembre 2020, la société ALB patrimoine a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions remises au greffe le 15 avril 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour :
-de réformer dans son intégralité le jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 13 octobre 2020,
-de débouter M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
-à titre subsidiaire,
-de prononcer la résiliation aux torts exclusifs de M. [L] du contrat entre les parties,
-de le débouter de ses demandes de règlement,
-de débouter en tout état de cause M. [L] de ses demandes au titre des factures des prestataires,
-de le condamner à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions remises au greffe le 19 janvier 2021, et auxquelles il y a lieu de se référer, M. [O] [L] demande à la cour :
-vu l'article 1134 du code civil,
-de rejeter l'appel de la société ALB patrimoine,
-de constater que M. [L] travaillait sur la demande et sous les ordres de la société ALB patrimoine dans le cadre du projet de la [Adresse 4] à [Localité 3],
-de dire et juger qu'un contrat consensuel est né entre M. [L] et la société ALB patrimoine relativement au chantier de la [Adresse 4] à [Localité 3],
-de constater, dès lors, que le travail réalisé par M. [L] doit être rémunéré,
-de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Grasse en date du 13 octobre 2020 en toutes ses dispositions,
-de condamner solidairement la société ALB patrimoine et M. [X] [P] à payer à M. [L] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-de condamner solidairement la société ALB patrimoine et M. [X] [P] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.
MOTIFS
La société ALB patrimoine conteste l'existence d'une relation contractuelle avec M. [L] et invoque l'absence d'écrit.
Cependant, l'écrit n'est pas une condition de validité du contrat d'architecte, dont l'existence et l'étendue peuvent être prouvées par tous moyens légalement admissibles.
En l'occurrence la preuve du contrat d'architecte est rapportée :
-par les échanges de mails entre M. [L] et M. [P], en date du 2 septembre 2016, du 4 septembre 2016, du 5 septembre 2016, du 2 novembre 2016, du 4 novembre 2016,
-par les productions de M. [L],
-par les factures de prestataires acquittées par M. [L] pour le compte de la société ALB patrimoine,
-par le compte rendu de rendez-vous du 28 octobre 2016,
-par le mail de M. [L] à M. [P] du 10 octobre 2016 auquel sont joints les plans en 3 D,
-par le mail de M. [L] à M. [P] du 18 octobre 2016 auquel sont joints les nouveaux plans en 3 D et le résumé du travail effectué avec les différents BT,
-par la demande d'acompte de M. [L] à M. [P] du 2 novembre 2016,
-par la facture d'acompte recorrigée au nom de la Sci ALB patrimoine,
-par le mail du 13 novembre 2016 de M. [P] à l'ensemble des intervenants du chantier en ces termes : « Vous trouverez ci-après une note d'information transmise par mes soins au Cabinet [O] [L], architecte d'opérations de notre projet.
Je vous remercie d'échanger avec lui de façon à être informé dès à présent du projet et de son état d'avancement ».
-par le mail du 13 novembre 2016, de M. [P] demandant à M. [L] des modifications au projet.
-par le mail que M. [P] a adressé à M. [L] le 11 décembre 2016 en ces termes : « M.,
J'accuse réception de votre mail repris ci-dessous :
Je vous confirme notre accord sur le montant forfaitaire des honoraires arrêtés à 200 000 euros HT. » ('), les parties restant en désaccord sur l'échéancier.
Il en ressort que M. [P], ès qualités, a mandaté M. [L] pour son projet de construction de la villa « Perle », qu'il a lui-même écrit à tous les intervenants que M. [L] était l'architecte d'opération du projet et que les parties ont convenu d'honoraires forfaitaires de 200 000 euros HT.
Il est, en outre, établi par les pièces précitées produites que M. [L] a effectué le travail demandé jusqu'à ce que M. [P] rompe leurs relations contractuelles.
La société ALB patrimoine ne démontre pas que l'échéancier constituait un élément essentiel de son consentement, de sorte que la preuve du contrat par l'échange des volontés portant sur la chose et le prix, est rapportée.
Pour s'opposer à la demande en paiement des honoraires pour le travail accompli, la société ALB patrimoine invoque une sous-traitance interdite dont elle n'aurait jamais été avertie et qu'elle n'aurait jamais autorisée.
En application de l'article 37 du code de déontologie des architectes, « l'architecte ne peut ni prendre ni donner en sous-traitance la mission définie à l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977. »
Or cet article dispose :
« Quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire, sans préjudice du recours à d'autres personnes participant, soit individuellement, soit en équipe, à la conception. (')
Le projet architectural mentionné ci-dessus définit par des plans et documents écrits l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. (') ».
M. [L] expose que Mme [N] est intervenue dans le dossier pour la réalisation des croquis d'aménagements intérieurs pour la phase d'esquisse, que Mme [C] est également intervenue dans le cadre des avant-projets sommaire et définitif.
La société ALB patrimoine ne démontre pas l'existence d'une sous-traitance interdite dans le cadre du projet architectural présenté dans le cadre du dépôt du permis de construire et tel que défini à l'alinéa 2 de l'article 3 susvisé.
Le contrat d'architecte étant présumé à titre onéreux, sauf au maître d'ouvrage de prouver l'intention libérale de l'architecte, ce qui est en contradiction avec les tractations à propos du montant des honoraires et des factures produites, M. [L] a droit à rémunération pour le travail qu'il a réalisé.
Il ressort des pièces produites concernant le travail effectué par l'architecte que celui-ci a réalisé toute la phase d'avant-projet sommaire.
Il résulte des différents mails que les parties n'ont pu se mettre d'accord sur le pourcentage des honoraires au stade de la phase APS.
Dans son mail du 7 décembre 2016, M. [L] a indiqué qu'il évaluait en général la phase d'avant-projet sommaire à 16 % du montant forfaitaire prévu, correspondant à :
' 6% à la signature,
' 10 % à la fin de la phase d'avant-projet sommaire, c'est-à-dire à 16 % du prix forfaitaire global de 200 000 euros HT, soit 32 000 euros HT. Or le montant sollicité correspond aux usages de la profession eu égard à l'étendue du projet de construction. Et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ALB patrimoine à payer à M. [L] la somme de 38 400 euros TTC au titre des honoraires d'architecte.
M. [L] justifie avoir rémunéré des autres architectes pour des prestations déterminées, à hauteur de 7 960,36 euros. Ces sommes sont nécessairement intégrées dans le montant des honoraires de l'architecte au stade APS et n'ouvrent pas droit à paiement en sus de ses honoraires.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société ALB patrimoine au paiement de la somme de 7 960,36 euros.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [L] les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société ALB patrimoine à payer à M. [O] [L] la somme de 7 960 euros ;
Statuant à nouveau du chef infirmé ;
Déboute M. [O] [L] de sa demande en paiement de la somme de 7 960 euros au titre des factures de prestataires réglées pour le compte de la Sci ALB patrimoine ;
Condamne la société ALB patrimoine à payer à M. [O] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
Condamne la société ALB patrimoine aux dépens qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE