COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2024
N° 2024/
NL/FP-D
Rôle N° RG 20/05919 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BF7CI
S.A.R.L. CAMILLE
C/
[Y] [X]
Copie exécutoire délivrée
le :
28 MARS 2024
à :
Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
Me Nathalie BRACKMANN, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Juin 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00042.
APPELANTE
S.A.R.L. CAMILLE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Madame [Y] [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nathalie BRACKMANN, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente
Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère
Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée indéterminée, la société Camille (la société) a engagé Mme [X] (la salariée) en qualité de serveuse à compter du 5 novembre 2015 pour 169 heures de travail moyennant une rémunération forfaitaire de 2 112.17 euros incluant la rémunération des heures supplémentaires.
La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
En dernier lieu, la salariée a occupé un emploi de serveuse niveau 1 échelon 1.
Les parties ont conclu une rupture conventionnelle homologuée le 11 septembre 2018.
Le 16 janvier 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.
Par jugement rendu le 15 juin 2020, le conseil de prud'hommes a:
CONSTATE les manquements de la société CAMILLE au niveau du paiement du solde de rémunération forfaitaire.
CONSTATE les manquements de la société CAMILLE concernant le respect des repos et durées maximales sur l'année 2016.
CONSTATE les manquements de la société CAMILLE concernant le non-respect du délai de prévenance lors de la communication des plannings.
CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.946,22€ au titre de rappels de salaires forfaitaires ainsi qu'une somme de 194,62€ au titre des congés payés y afférents.
CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X]1a somme de 8.814,11€ au titre du rappel d'heures supplémentaires ainsi qu'une somme de 881,41€ au titre des congés payés y afférents.
DEBOUTE Madame [X] de sa demande de intérêts pour travail dissimulé.
CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.875€ au titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire et non-respect des durées maximales de travail.
CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 7.500€ au titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de prévenance dans la communication des plannings.
DEBOUTE Madame [X] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de délai de prévenance dans la fixation des congés payés.
ORDONNE la remise des bulletins de paie rectifiés et d'une attestation pôle emploi rectifiée sous astreinte de 30€ par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, et limitée à 30 jours, le Conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte.
CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.200€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
ORDONNE l'exécution provisoire du jugement sur les salaires selon l'article R.1454-28 du Code du travail mais non sur l'ensemble des dommages et intérêts et fait application des intérêts à compter de la notification du jugement.
DEBOUTE la société CAMILLE de sa demande reconventionnelle.
CONDAMNE la Société CAMILLE aux entiers dépens.
************
La cour est saisie de l'appel formé le 30 juin 2020 par la société.
Par ses dernières conclusions du 23 novembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:
D'infirmer les chefs de jugement suivants :
-CONSTATE les manquements de la société CAMILLE au niveau du paiement du solde de rémunération forfaitaire.
-CONSTATE les manquements de la société CAMILLE concernant le respect des repos et durées maximales sur l'année 2016.
-CONSTATE les manquements de la société CAMILLE concernant le non-respect du délai de prévenance lors de la communication des plannings.
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.946,22€ au titre de rappels de salaires forfaitaires ainsi qu'une somme de 194,62€ au titre des congés payés y afférents.
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 8.814,11€ au titre du rappel d'heures supplémentaires ainsi qu'une somme de 881,41€ au titre des congés payés y afférents.
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.875€ au titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire et non-respect des durées maximales de travail.
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 7.500€ au titre de dommages et intérêts pour non-respect du délai de prévenance dans la communication des plannings.
-ORDONNE la remise des bulletins de paie rectifiés et d'une attestation pôle emploi · rectifiée
sous astreinte de 30€ par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement, et limitée à 30 jours, le Conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte.
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.200€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
-ORDONNE l'exécution provisoire du jugement sur les salaires selon l'article R.1454-28 du Code du travail mais non sur l'ensemble des dommages et intérêts et fait application des intérêts à compter de la notification du jugement.
-DEBOUTE la société CAMILLE de sa demande reconventionnelle.
- CONDAMNE la société CAMILLE aux entiers dépens.
Puis statuant à nouveau, de :
-Débouter Madame [X] de l'ensemble de ses demandes,
-Ordonner le remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de droit, à savoir la somme nette de 9 116,02 €, soit 11 803,05 € bruts.
-Condamner Madame [X] à verser à la société la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'huissier déboursés par la société pour faire établir le constat du 13 février 2019 (pièce n° 17).
Par ses dernières conclusions du 16 décembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la salariée demande à la cour de:
oCONFIRMER les chefs de jugement suivants :
oINFIRMER les chefs de jugement suivants :
-CONSTATE les manquements de la société CAMILLE concernant le respect des repos et durées maximales sur l'année 2016,
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 8.814,11€ au titre du rappel d'heures supplémentaires ainsi qu'une somme de 881,41€ au titre des congés payés y afférents,
-DEBOUTE Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
-CONDAMNE la société CAMILLE à verser à Madame [X] la somme de 1.875€ au titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire et non-respect des durées maximales de travail,
-DEBOUTER Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de délai de prévenance dans la fixation des congés payés.
Et statuant à nouveau sur ces chefs :
-CONSTATER les manquements de la SARL CAMILLE concernant le paiement et la déclaration des heures supplémentaires,
-CONSTATER les manquements de la SARL CAMILLE concernant les repos quotidien et hebdomadaire et les durées maximales de travail,
-CONSTATER les manquements de la SARL CAMILLE dans la fixation des congés payés,
-CONDAMNER la SARL CAMILLE à verser à Mme [Y] [X] les sommes suivantes:
oRappel d'heures supplémentaires : 22.035,02 € bruts
oCongés payés afférents : 2.203,50 € bruts
oDommages-intérêts pour travail dissimulé : à titre principal 20.175,66 €
(à titre subsidiaire 15.412,26 €)
oDommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien et hebdomadaire et des durées maximales de travail : 7.500 €
oDommages-intérêts pour absence de délai de prévenance dans la fixation des congés payés : 800 €
oArticle 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel : 3.000 € (en sus de la somme de 1.200 € octroyée par le Conseil de prud'hommes pour la procédure de première instance)
oEntiers dépens d'appel (en sus des dépens de première instance obtenus devant le Conseil de prud'hommes)
-ORDONNER la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat modifiés conformes à la décision à intervenir, avec une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la décision de la Cour d'appel
-DEBOUTER la SARL CAMILLE de l'intégralité de ses demandes.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 janvier 2024.
MOTIFS
1 - Sur le rappel de salaire
A l'appui de sa demande de rappel de salaire, la salariée fait valoir que la société ne lui a pas réglé l'intégralité de son salaire durant les mois de novembre 2015 à mai 2016.
Pour s'opposer à la demande, la société soutient qu'elle a réglé le salaire prévu par le contrat de travail à la salariée qui a perçu chaque mois davantage que la somme convenue.
La cour relève après analyse des pièces du dossier que la société s'est abstenue de régler le salaire convenu au titre d'une rémunération forfaitaire de 2 112.17 euros incluant les heures supplémentaires dès lors que pour chaque mois de la période de référence, cet employeur a en réalité payé un salaire inférieur au montant prévu (par exemple un salaire de 1 841.60 euros) et qu'il a réglé en outre des primes.
Or, la somme du salaire ajoutée au montant des primes versées chaque mois n'ont pas vocation à représenter la rémunération mensuelle brute convenue dans ne contrat de travail.
La société est donc bien redevable chaque mois de la somme de 2 112.17 euros au titre de la rémunération mensuelle brute indépendamment de toute prime ou autre gratification.
Il s'ensuit que la demande est bien fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé de ce chef.
2 - Sur les heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
L'article 4 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurant prévoit que:
- les heures effectuées entre la 36e et la 39e heure sont majorées de 10 %,
- les heures effectuées entre la 40e et la 43e heure sont majorées de 20 %,
- les heures effectuées à partir de la 44e heure sont majorées de 50 %.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le contrat de travail a prévu que la salariée devait accomplir chaque mois des heures supplémentaires en sus de la durée légale du travail portant ainsi la durée du travail mensuel à 169 heures.
La salariée affirme qu'elle a accompli de novembre 2015 à septembre 2018 en permanence chaque semaine au minimum 17 heures supplémentaires non rémunérées au-delà de celles prévues par le contrat de travail, pour la somme totale de 22 035.02 euros selon un décompte qu'elle a inséré à ses écritures.
Elle a en outre établi un tableau de ses horaires hebdomadaires de travail qu'elle verse en pièce n°20.
Elle verse enfin aux débats:
- les plannings de ses horaires affichés dans l'établissement;
- des attestations de collègues de travail et de clients de l'établissement qui confirment les heures de prise de poste par la salariée et les heures de fermeture du restaurant aux alentours de minuit en présence de la salariée;
- le courrier du 7 décembre 2016 que la salariée a adressé à la société et à l'inspecteur du travail pour obtenir la rectification de son planning afin de tenir compte des 60 heures de travail qu'elle accomplissait chaque semaine;
- un massage de type SMS du 7 août 2018 resté sans réponse que la salariée a adressé son employeur pour rappeler que ses heures supplémentaires n'étaient pas intégralement rémunérées et qu'elle entendait en conséquence quitter son service de la journée à 15h30 au plus tard et son service du soir à 23h00 au plus tard.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.
A ces éléments, la société critique la portée probatoire des pièces dont se prévaut la salariée et oppose les éléments suivants pour justifier qu'elle a réglé l'intégralité des heures supplémentaires accomplies par cette dernière:
- un relevé des heures accomplis par la salariée de janvier 2017 à août 2018;
- un décompte de temps de travail de juillet à décembre 2016 signé par la salariée;
- des attestations, émanant notamment de clients de l'établissement, qui indiquent que la salariée ne travaillait pas chaque soir lors des fermetures du restaurant, qu'elle travaillait en réalité au sein d'un autre restaurant en qualité d'extra, que ni les stagiaires ni les salariés de la société n'ont exprimé aucune doléance relative aux horaires, que le gérant est un patron disponible.
La cour dit que l'employeur ne justifie pas d'éléments contraires à ceux apportés par la salariée, les attestations produites par la salariée emportant la conviction de la cour.
En outre, force est de constater que la société ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail de la salariée alors que le contrôle de cette durée lui revient.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la salariée a droit à la rémunération de la totalité des heures supplémentaires qu'elle invoque.
En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 22 035.02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre celle de 2 203.50 euros au titre des congés payés afférents.
3 - Sur le travail dissimulé
Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.
La dissimulation d'emploi prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail, à l'occasion de l'omission d'heures de travail sur le bulletin de salaire, n'est caractérisée que si l'employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l'espèce, la salariée fait valoir à l'appui de sa demande de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé que la société a intentionnellement omis de déclarer sur les bulletins de paie l'intégralité des heures supplémentaires réellement accomplies par la salariée.
La société s'oppose à la demande en soutenant que les heures supplémentaires ont été intégralement rémunérées.
La cour relève au vu des pièces produites par la salariée d'abord qu'au-delà de l'accomplissement des heures supplémentaires, cette dernière a alerté la société sur cette situation par un courrier du 7 décembre 2016 que la salariée a pris soin d'adresser en copie à l'inspecteur du travail.
En outre, cette correspondance se trouve complétée par un message de type SMS du 7 août 2018 qui a le même objet relatif au non paiement des heures supplémentaires, la société ne versant aux débats aucun élément de nature à étayer son affirmation selon laquelle il existe un doute sur le fait que la salariée serait l'émetteur de ce message.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la salariée rapporte la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé qui se trouve donc établi.
En conséquence, et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 20 175.66 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
4 - Sur les durées de travail et les repos
L'article L.3121-35 du code du travail prévoit que la durée hebdomadaire du travail ne peut pas dépasser 48 heures.
En vertu de l'article L.3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives.
Selon les articles L. 3132-1 et L. 3132-2, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, et le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives.
La preuve du respect des principes précités incombe exclusivement à l'employeur.
Le seul constat du dépassement des durées maximales de travail ouvre droit pour le salarié à la réparation en ce qu'il porte atteinte à la sécurité et la santé des salariés.
Le seul constat que le salarié n'a pas bénéficié du repos auquel il a droit, tant quotidien qu'hebdomadaire, ouvre droit à réparation en ce qu'il porte atteinte à la sécurité et la santé des salariés.
En l'espèce, la salariée fait valoir à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour dépassement du plafond de la durée du travail et pour non respect des repos quotidiens et hebdomadaire:
- qu'elle n'a pas bénéficié de repos quotidien en ce qu'elle finissait son service à 01h00 et le reprenait le lendemain à 10h00 ou 11h30;
- que son repos hebdomadaire a été fractionné en demi-journées isolées notamment les dimanches matin ou après-midi, ou a été pris les mercredis sans interruption de 35 heures consécutives puisqu'elle finissait la veille de ce repos à 01h00 et reprenait son service le lendemain de ce repos à 11h30;
- qu'elle a travaillé chaque semaine au minimum 52 heures compte tenu de ses horaires précités.
La société s'oppose à la demande en soutenant qu'elle n'a pas commis les manquements allégués.
La cour constate que la société ne justifie par aucune pièce qu'il n'a pas commis les manquements allégués et qu'il a respecté les principes précités.
Compte tenu des éléments, il y a lieu de dire que le préjudice résultant de ces manquements a été justement évalué par les premiers juges de sorte que le jugement déféré est confirmé de ce chef.
5 - Sur les délais de prévenance
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
5.1. Sur la communication des plannings
La salariée fait valoir à l'appui de sa demande de dommages et intérêts que la société lui a communiqué son planning hebdomadaire chaque dimanche précédant la semaine de travail. Elle verse aux débats des captures d'écran réalisées les dimanches précédant les semaines de travail.
La société s'oppose à la demande en soutenant que les horaires de travail de la salariée étaient affichés dans un classeur mis à sa disposition.
La cour dit qu'en l'état des éléments produits qui sont d'une portée probatoire insuffisante, la salariée ne rapporte pas la preuve du manquement invoqué.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée et la rejette en infirmant le jugement déféré.
5.2. Sur la fixation des congés payés
Il ressort des dispositions de l'article D.3141-6 du code du travail dans ses diverses rédactions applicables au litige que l'ordre des départs en congé est communiqué à chaque salarié un mois avant son départ.
L'article L.3141-16 du code du travail prévoit dans ses diverses rédactions applicables au litige que l'employeur ne peut pas, sauf circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue.
En l'espèce, la salariée fait valoir que la société l'a contrainte au mois de mai 2018 à prendre sans délai de prévenance neuf jours de congés payés du 11 au 20 mai 2018 durant la période de travaux du restaurant qui avait subi un dégât des eaux.
Elle verse aux débats:
- la photographie du site internet du restaurant qui atteste de la fermeture pour cause de dégât des eaux;
- un échange de SMS les 9 et 10 août 2018 relatif au décompte des congés payés pour cause de dégât des eaux;
- les bulletins de salaire mentionnant la prise de congés payés en cause.
La société s'oppose à la demande en soutenant que la salariée a donné à son accord pour prendre des congés payés durant la période de travaux après le dégât des eaux subi par l'établissement, cette situation ayant permis à la société de ne pas mettre en oeuvre une période d'activité partielle qui aurait porté préjudice aux salariés en ce qu'ils auraient seulement perçu 84% de leur rémunération.
La cour dit qu'en l'état des pièces produites, la salariée rapporte la preuve du manquement invoqué.
Pour autant, elle ne justifie par aucun élément que ce manquement lui a causé un préjudice.
En conséquence, la cour dit que la demande n'est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a rejetée.
6 - Sur la remise de documents de fin de contrat
En infirmant le jugement déféré, la cour:
- ordonne à la société de remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de son prononcé;
- rejette la demande au titre de l'astreinte.
7 - Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré est confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Camille à payer à Mme [X] la somme de 1 946,22 euros à titre de rappel de salaire et celle de 194,62 euros au titre des congés payés y afférents,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Camille à payer à Mme [X] la somme de 1 875 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du plafond de la durée du travail, du repos quotidien et du repos hebdomadaire,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre de la fixation des congés payés,
L'INFIRME en toutes ses autres dispositions,
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société Camille à payer à Mme [X] la somme de 22 035.02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre celle de 2 203.50 euros au titre des congés payés afférents,
CONDAMNE la société Camille à payer à Mme [X] la somme de 20 175.66 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
REJETTE la demande de paiement de dommages et intérêts au titre de la communication des plannings,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE à la société Camille de remettre à Mme [X] un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de son prononcé,
REJETTE la demande au titre de l'astreinte,
CONDAMNE la société Camille à payer à Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel,
CONDAMNE la société Camille aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT