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28/03/2024 | FRANCE | N°20/04415

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 28 mars 2024, 20/04415


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024

ph

N° 2024/ 120









Rôle N° RG 20/04415 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZH5







[E] [V]





C/



[X] [O]

[H] [G]

[U] [F]

[W] [F] épouse [I]

[A] [C]

[K] [M] veuve [O]

S.A.R.L. SARL DES IRIS













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES<

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Me Marie-Dominique THIODET



Me Pierre CAVIGLIOLI



l'ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02277.





APPELANT



Mo...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2024

ph

N° 2024/ 120

Rôle N° RG 20/04415 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZH5

[E] [V]

C/

[X] [O]

[H] [G]

[U] [F]

[W] [F] épouse [I]

[A] [C]

[K] [M] veuve [O]

S.A.R.L. SARL DES IRIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES

Me Marie-Dominique THIODET

Me Pierre CAVIGLIOLI

l'ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02277.

APPELANT

Monsieur [E] [V]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eric BAGNOLI de la SCP TERTIAN-BAGNOLI & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Joël MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [X] [O]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Marie-Dominique THIODET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [H] [G]

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Marie-Dominique THIODET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Michel SIDER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. SARL DES IRIS, dont le siège social est [Adresse 12], poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié audit siège

représentée par Me Marie-Dominique THIODET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Michel SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [U] [F]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre CAVIGLIOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [W] [F] épouse [I]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Pierre CAVIGLIOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [A] [C] agissant en sa qualité d'ayant-droit de sa mère, [B] [O], décédée le 4 février 1986

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre CAVIGLIOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [K] [M] veuve [O]

demeurant [Adresse 11]

représentée par Me Hubert ROUSSEL de l'ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. [E] [V] est propriétaire d'une maison d'habitation avec jardin attenant composé de deux garages et d'une piscine, sise au [Adresse 4], sur la parcelle cadastrée [Cadastre 8].

Sa propriété est mitoyenne d'une parcelle cadastrée [Cadastre 9] située [Adresse 6], appartenant à feu [X] [O] décédé le 26 septembre 2005, ce qui a entraîné une indivision successorale entre Mme [K] [M] veuve [O], conjoint survivant, M. [X] [O] fils du défunt, M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G] et Mme [A] [C] petits-enfants du défunt, en leur qualité d'héritiers.

Les héritiers [O] ont vendu le bien à la SARL Des iris selon acte notarié du 1er août 2019.

Se plaignant de la présence de pins, M. [E] [V] a assigné les héritiers [O] en référé par actes des 11 et 17 juillet 2014, et obtenu par ordonnance du 6 janvier 2015 la désignation d'un expert en la personne de M. [S], qui a déposé son rapport le 30 septembre 2016.

Par exploit d'huissier des 7 décembre 2015 et 20 janvier 2016, M. [E] [V] les a faits assigner au fond.

Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- pris acte de l'intervention volontaire de la société Des iris,

- déclaré prescrites les demandes de M. [E] [V] fondées sur l'article 671 du code civil,

- déclaré prescrites les demandes de M. [E] [V] fondées sur le trouble anormal de voisinage du fait des désordres affectant le mur et les garages,

- débouté M. [E] [V] de ses autres demandes fondées sur le trouble anormal de voisinage,

- dit n'y avoir au prononcé d'une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les autres parties de toutes leurs autres demandes, ainsi que celles plus amples ou contraires,

- condamné M. [E] [V] aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré qu'il ressort du rapport d'expertise que les six pins en cause ont dépassé la hauteur maximale permise de deux mètres depuis 1920, que la fragilisation du mur du fait de la poussée des arbres constitue un trouble anormal de voisinage, mais que cette fragilisation s'est nécessairement manifestée depuis longtemps à une date susceptible d'être plus de cinq ans antérieure à l'introduction de la présente instance et de l'instance en référé, que la présence d'aiguilles de pins n'excède pas les inconvénients normaux de voisinage, qu'il n'y a pas de dangerosité établie des pins.

Par déclaration du 27 mars 2020, M. [E] [V] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 2 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées par Me Pierre Caviglioni pour M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [A] [C] agissant en qualité d'ayant droit de sa mère feue [B] [O] décédée le 4 février 1986.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 15 janvier 2024, M. [E] [V] demande à la cour de :

Vu les articles 544, 671 et 1240 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé,

- constater l'irrecevabilité des conclusions présentées hors délais par M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [A] [C], en méconnaissance des articles 909 et suivants du code de procédure civile,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que les six pins n'ont pas été plantés à une distance minimale de deux mètres de la ligne séparative, en méconnaissance de l'article 671 du code civil,

- dire et juger que l'implantation et la présence des six pins est de nature à lui causer un trouble anormal de voisinage,

En conséquence,

- condamner solidairement Mme [K] [M], M. [X] [O], M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G], Mme [A] [C] et la SARL Des iris à lui payer la somme de 32 752,26 euros, somme à parfaire, au titre des frais de remise en état du mur séparatif et de ses garages,

- condamner solidairement les mêmes à lui payer la somme de 132 euros, somme à parfaire, afférente à la facture émise par l'EURL Les jardins avec passion, le 25 octobre 2016,

- condamner solidairement les mêmes, à lui payer la somme de 6 832,70 euros, afférente au paiement des frais et honoraires d'expertise judiciaire effectué par lui,

En tout état de cause,

- condamner solidairement Mme [K] [M], M. [X] [O], M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G], Mme [A] [C] et la SARL Des iris au paiement d'une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance en application de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'huissier, dont distraction au profit de Me Agnès Ermeneux, sur son affirmation de droit.

M. [E] [V] fait essentiellement valoir :

Sur le trouble anormal du voisinage,

- que les six pins ont finalement été abattus en janvier 2022, à la suite de ses démarches auprès de la commune, la SARL Des iris ayant pris conscience de la dangerosité des pins,

- que leur dangerosité est caractérisée, ainsi qu'il ressort de la simple lecture du rapport d'expertise, du courrier du responsable des espaces verts de la ville d'[Localité 10], de la reconnaissance de la SARL Les Iris,

- qu'il revenait au tribunal, nonobstant le motif tiré de la prescription de l'action fondée sur l'article 671 du code civil, de constater que l'abattage des pins était le seul moyen de faire cesser le trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, comme l'a admis la jurisprudence (Civ 3eme, 4 janvier 1990, n° 87-18.724),

- que si le premier juge a expressément caractérisé le trouble anormal de voisinage subi pour l'apparition de fissures sur le mur séparatif et les garages accolés au mur, il n'en a pas tiré les conséquences, par une appréciation erronée que la fragilisation remonterait à plus de cinq ans,

- que la date d'apparition des désordres affectant le mur remonte à 2012, date à laquelle il a interpelé la précédente propriétaire, et depuis se sont aggravés, que son action n'était pas prescrite,

Sur ses demandes,

- qu'il a produit des devis de remise en état des ouvrages et une facture,

- qu'il vit encore et toujours dans un climat anxiogène, qui ne lui permet plus de jouir paisiblement de sa propriété,

- que s'y ajoutent les désagréments liés aux désordres affectant le mur et les garages et la présence continue d'aiguilles de pins sur sa propriété,

- que les frais de l'expert judiciaire et du géomètre-expert ont été arrêtés à la somme de 6 832,70 euros,

Sur les conclusions des parties adverses,

- que Mme [O] ne justifie d'aucun grief à l'appui de sa demande de nullité de l'assignation,

- que le délai de prescription de l'action en abattage des arbres fondée sur le trouble anormal de voisinage, ne commence à courir qu'à compter du jour où le dommage s'est produit, que c'est la croissance des pins au fil des années et leur inclinaison particulièrement dangereuse, conjuguée à leur carence pour y remédier, qui ont à terme endommagé progressivement sa propriété.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 3 janvier 2024, M. [X] [O], Mme [H] [G] et la SARL Des iris demandent à la cour de :

Vu les articles 544, 671, 672 du code civil,

- constater la prescription de l'action introduite par M. [V], les arbres ayant dépassé la hauteur de deux mètres à dire d'expert en 1920, soit largement plus de trente ans avant le début de la présente procédure,

- dire et juger pour le surplus qu'il n'est pas démontré un trouble anormal de voisinage,

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [V] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au profit de chacun d'eux,

- condamner M. [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [X] [O], Mme [H] [G] et la SARL Des iris soutiennent en substance:

- que la prescription trentenaire est largement acquise

- que M. [V] devenu propriétaire en 1986, ne s'explique pas sur le fait qu'il ait attendu vingt-six ans avant de se plaindre, en 2012, de ce que les pins, qui ont atteint la hauteur de deux mètres en 1920, lui créaient un dommage supposé,

- qu'il n'est démontré aucun trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, ni réel danger, celui-ci étant hypothétique comme étant « à terme »,

- que les demandes d'indemnisation seront également rejetées comme prescrites et infondées.

Dans ses conclusions d'intimée déposées et notifiées par le RPVA le 25 septembre 2020, Mme [K] [O] née [M] demande à la cour de :

- lui donner acte qu'elle invoque la nullité de l'assignation de mise en cause devant la cour et la caducité de l'appel et qu'elle se réserve d'introduire un incident à cette fin,

Pour le reste, sur le fond :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire et juger que les arbres ayant dépassé les deux mètres en 1920 selon l'expert, l'action basée sur l'article 673 du code civil est prescrite largement,

- dire et juger qu'il n'est pas démontré un trouble anormal du voisinage s'agissant de la chute de brindilles et alors qu'il existe alentour de nombreux arbres,

- dire et juger qu'il n'est pas démontré de réelle dangerosité des arbres d'autant que les croquis de l'expert ne montrent de poussée que pour les trois premiers,

- rejeter la demande d'abattage,

- rejeter la demande de condamnation de paiement de devis,

- rejeter la demande de dommages et intérêts,

- dire et juger que les préjudices de vue, perte d'ensoleillement sont largement prescrits,

- dire et juger en outre que les angoisses et autres postes ne sont pas justifiées,

- débouter en conséquence M. [V] de ses demandes,

- condamner M. [V] à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile,

- prendre acte de l'intervention volontaire de la SARL Des iris et de sa demande tendant à être tenue seule responsable des conséquences de la procédure en cas de condamnation,

En conséquence la mettre hors de cause et en toute hypothèse de dire et juger que la SARL Des iris la relèvera et la garantira de toute condamnation prononcée à son encontre conformément à l'accord pris dans la vente.

Mme [K] [O] née [M] argue :

Sur la procédure,

- que dans la mesure où son domicile a été vendu et que la nouvelle adresse figure dans l'acte de signification du 18 février 2020, c'est abusivement et fautivement que l'appelant a fait notifier l'appel et signifier son assignation à une ancienne adresse,

- que l'irrégularité de l'assignation lui cause bien évidemment grief, car elle n'a en fait appris l'existence de cette procédure que lors d'un rendez-vous chez le notaire mi-septembre,

- qu'il ne lui restait alors plus que quelques jours pour conclure, au lieu de trois mois,

Sur le fond,

- que la demande d'arrachage ou réduction pour non-respect des distances est prescrite,

- qu'il n'y a pas de trouble anormal du voisinage,

- que la demande d'indemnisation est prescrite.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 janvier 2024.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En premier lieu, il est constaté que le dispositif des conclusions des parties comporte des demandes de « dire et juger », qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

En deuxième lieu, Mme [K] [O] née [M] demande à la cour, de lui donner acte qu'elle se réserve d'introduire un incident aux fins de nullité de cette assignation dirigée contre elle. Il doit être considéré que la cour n'est pas saisie d'une exception de nullité de l'assignation, laquelle ne pouvait être formée que devant le conseiller de la mise en état, si bien que la demande de « donner acte », qui ne s'analyse pas en une prétention, ne saurait emporter aucun effet.

En troisième lieu, il a déjà été statué sur l'irrecevabilité des conclusions déposées par M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [A] [C].

Il doit être précisé à cet égard, qu'aux termes de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Il est admis qu'il en est de même lorsque les conclusions sont irrecevables.

Enfin, dans le dernier état des conclusions de l'appelant, la cour n'est plus saisie de la demande d'abattage des six pins, ce qui se comprend, puisque cet abattage est intervenu en janvier 2022. Ne reste donc à statuer que sur les demandes d'indemnisations sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

Sur la demande de mise hors de cause

Cette demande est formée par Mme [K] [O] née [M] par référence à une clause de l'acte de vente intervenu le 1er août 2019.

Il est constaté que Mme [K] [O] née [M] qui ne fonde pas juridiquement cette prétention, a été assignée en juillet 2014, par M. [V], en tant que propriétaire indivis de la parcelle voisine de la sienne, sur laquelle étaient plantés les pins litigieux, aux fins d'abattage et de réparation de troubles anormaux de voisinage.

La vente de la parcelle est intervenue bien postérieurement à l'assignation.

Mme [K] [O] née [M] sera donc déboutée de sa demande de mise hors de cause.

Sur le trouble anormal de voisinage

M. [V] soutient que les désordres du mur séparatif et des garages, ainsi que la présence importante d'aiguilles de pins sur sa parcelle constituent des troubles anormaux de voisinage, tandis qu'il est opposé d'une part la prescription des demandes d'indemnisation et d'autre part l'absence de trouble anormal de voisinage.

Aux termes de l'article 544 du code civil « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

En matière de trouble anormal de voisinage, la jurisprudence considère que le point de départ de la prescription correspond au jour de la première manifestement du trouble ou de son aggravation.

Il est constant que la charge de la preuve de la prescription pèse sur la partie qui l'allègue.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la propriété [O] aujourd'hui propriété de la SARL Des iris, domine la propriété [V] et que les deux propriétés sont séparées par un mur de soutènement, qui constitue la limite séparative des deux fonds.

L'expert a constaté la déformation de la structure de ce mur de soutènement du fait de la poussée des six pins plantés côté [O] à distance par rapport à la ligne divisoire variant de 22 centimètres pour le plus près à 77 centimètres pour le plus éloigné, évoquant à la fois la poussée aérienne du tronc de l'un des pins, mais aussi souterraine des systèmes racinaires des pins.

Selon l'expert, ces pins ont dépassé la hauteur de deux mètres telle que prescrite par l'article 671 du code civil, depuis 1920, ce qui a conduit le premier juge à déclarer prescrite la demande d'abattage fondée sur ledit article. Cela n'est aujourd'hui plus discuté par M. [V], qui ne fonde ses prétentions que sur la théorie des troubles anormaux du voisinage, d'autant qu'en cours de procédure d'appel, les six pins litigieux ont été abattus par la SARL Des iris.

Au cours des opérations d'expertise, il a été mis en évidence que les pins étaient à l'origine des fissures et déformations de la structure du mur de soutènement, qui s'en trouve fragilisé sur tout le linéaire y compris au niveau des garages. L'expert répondant à la mission confiée, est d'avis que pour remédier à ce désordre, la mesure à entreprendre est indéniablement l'abattage des pins sains, qui risquent sinon de provoquer à terme la rupture de l'ouvrage.

Il doit être conclu que la déformation du mur de soutènement et du mur des garages par l'effet de la poussée des pins plantés sur la parcelle voisine, caractérise un trouble grave et répété, excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Aucune information ne figure dans le rapport d'expertise sur la date d'apparition de cette déformation, l'expert n'ayant que constaté cette déformation et précisé qu'elle risque d'aboutir à la rupture de l'ouvrage, laissant penser à une aggravation du phénomène.

M. [V] a assigné en référé expertise les héritiers [O], en juillet 2014, après avoir signalé des désordres avec la chute de blocs de béton sur son terrain, par courriers adressés courant 2012, à Mme [K] [O] née [M] titulaire d'un droit d'usage et aux différents conseils des héritiers [O].

En l'état du doute sur la date d'apparition de cette déformation du mur de soutènement, il doit être conclu que M. [V] n'est pas prescrit à agir sur le fondement du trouble anormal de voisinage.

En revanche, en l'état des pièces produites (un procès-verbal de constat du 3 avril 2014 et deux factures de nettoyage et évacuation des aiguilles de pin en septembre 2015 et septembre 2016), M. [V] échoue à démontrer le caractère grave ou répété de la présence d'aiguilles de pins sur sa propriété, dans une région où la présence de pins est tout à fait habituelle et la présence d'aiguilles de pin un inconvénient normal.

A l'appui de sa demande d'indemnisation, M. [V] verse aux débats :

- un devis du 25 septembre 2016 pour 19 516,75 euros toutes taxes comprises, concernant la démolition du mur, reprise et reconstruction, dont 2 650 euros hors taxe au titre de la « réparation sur toiture due aux aiguilles de pins et petite branche tombée qui a causé le dégât des eaux à l'intérieur de la maison »,

- un devis du 14 juin 2018 pour 13 040,50 euros toutes taxes comprises pour la pose du muret entre le garage et le mur existant de soutènement.

Les héritiers [O] en tant que précédents propriétaires et la SARL Des iris actuelle propriétaire de la parcelle sur laquelle étaient plantés les pins litigieux, cause du trouble anormal de voisinage subi par M. [V], seront donc condamnés à indemniser le préjudice subi à hauteur de la somme de 29 642,25 euros, au titre des frais de remise en état du mur de soutènement et des garages, après déduction des frais de réparation de la toiture dont l'imputabilité aux pins litigieux n'est pas démontrée.

Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas, la jurisprudence admettant la solidarité entre les coresponsables d'un même dommage, en qualifiant la condamnation d'in solidum.

Au regard de la responsabilité partagée dans le temps, la condamnation sera prononcée in solidum.

S'agissant des frais d'expertise, ils sont inclus dans les frais accessoires, dont le sort sera traité ci-après.

Le jugement appelé sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de M. [E] [V] fondées sur le trouble anormal de voisinage du fait des désordres affectant le mur et les garages, mais confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [V] de ses autres demandes fondées sur le trouble anormal de voisinage.

Sur l'appel en garantie de la SARL Des iris

Mme [K] [O] née [M] demande à être relevée et garantie de toute éventuelle condamnation, par la SARL Des iris.

Il est constaté qu'aucun des héritiers [O] ni la SARL Des iris ne verse aux débats l'acte de vente du 1er août 2019 au profit de la SARL Des iris, la pièce n° 2 visée comme l'acte de vente de l'immeuble, étant en réalité, un acte notarié du 27 décembre 2018 entre les héritiers [O] d'une part dénommés les promettants et la société Groupe [P] dénommée bénéficiaire, pour reporter le délai de la promesse de vente.

Cependant il y a lieu de tenir compte des écritures déposées pour la SARL Des iris, dans lesquelles sont reprises les clauses de l'acte de vente et notamment la suivante : « M. [P] déclare ès qualités :

- avoir pleinement connaissance de cette procédure,

- vouloir reprendre les droits et obligations des vendeurs les déchargeant expressément,

- faire son affaire personnelle de la poursuite de cette procédure et toutes ses conséquences»

Compte tenu de la demande expressément formée par Mme [K] [O] née [M], il convient donc de dire qu'elle sera relevée et garantie par la SARL Des iris, de toute condamnation prononcée contre elle, au titre de la présente procédure.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les intimés qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens, distraits au profit du conseil de M. [V] qui le réclame.

Les frais de constat d'huissier ne constituent pas des dépens tels qu'énumérés à l'article 695 du code de procédure civile. M. [V] sera donc débouté de sa demande d'inclusion dans les dépens, de ces frais, qui sont inclus dans l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la mesure d'expertise ordonnée par ordonnance de référé du 6 janvier 2015, aux frais avancés de M. [V], ses frais ne relèvent pas des dépens de la présente instance qui se distingue de l'instance en référé, mais M. [V] est bien fondé à obtenir la condamnation des intimés à les rembourser dès lors qu'il est fait droit à ses prétentions principales.

En l'état de l'absence de justification du coût de cette mesure d'expertise telle que réglée par lui, il suffit de condamner in solidum, comme pour la demande principale, les héritiers [O] et la SARL Des iris à régler à M. [V] les frais de l'expertise ordonnée par ordonnance de référé du 6 janvier 2015, sur justification du règlement de ceux-ci.

Les héritiers [O] et la SARL Des iris seront condamnés également in solidum, comme pour la demande principale, aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge de M. [V].

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme [K] [O] née [M] de sa demande de mise hors de cause ;

Infirme le jugement appelé en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de M. [E] [V] fondées sur le trouble anormal de voisinage du fait des désordres affectant le mur et les garages, ainsi que sur les dépens et les frais irrépétibles ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum Mme [K] [O] née [M], M. [X] [O], M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G], Mme [A] [C] et la SARL Des iris à régler à M. [E] [V], la somme de 29 642,25 euros (vingt-neuf mille six cent quarante-deux euros et vingt-cinq centimes), au titre des frais de remise en état du mur de soutènement et des garages ;

Condamne Mme [K] [O] née [M], M. [X] [O], M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G], Mme [A] [C] et la SARL Des iris à régler à M. [E] [V] aux entiers dépens, distraits au profit de Me Agnès Ermeneux ;

Condamne in solidum Mme [K] [O] née [M], M. [X] [O], M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G], Mme [A] [C] et la SARL Des iris à régler à M. [E] [V], les frais de l'expertise ordonnée par ordonnance de référé du 6 janvier 2015, sur justification du règlement de ceux-ci ;

Condamne in solidum Mme [K] [O] née [M], M. [X] [O], M. [U] [F], Mme [W] [F] épouse [I], Mme [H] [G], Mme [A] [C] et la SARL Des iris à régler à M. [E] [V], la somme de 8 000 euros (huit mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que Mme [K] [O] née [M] sera relevée et garantie par la SARL Des iris, de toute condamnation prononcée contre elle, au titre de la présente procédure.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/04415
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;20.04415 ?
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