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26/03/2024 | FRANCE | N°22/03126

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 26 mars 2024, 22/03126


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 3]

[Localité 2]









Chambre 1-5

N° RG 22/03126 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6WJ

Ordonnance n° 2024/MEE/66





La SCI LA COLOMBIERE représentée par sa gérante en exercice, Madame [Y] [F], domiciliée ès-qualités audit siège.

représentée et assistée par Me Emmanuel VOISIN-MONCHO de la SCP MONCHO - VOISIN-MONCHO, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sabrina PIERINI, avocat au barreau de GRASSE





Appelante





Monsieur [B] [R]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué au lieu et place de M...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Chambre 1-5

N° RG 22/03126 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6WJ

Ordonnance n° 2024/MEE/66

La SCI LA COLOMBIERE représentée par sa gérante en exercice, Madame [Y] [F], domiciliée ès-qualités audit siège.

représentée et assistée par Me Emmanuel VOISIN-MONCHO de la SCP MONCHO - VOISIN-MONCHO, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Sabrina PIERINI, avocat au barreau de GRASSE

Appelante

Monsieur [B] [R]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué au lieu et place de Me Gilbert UGO, avocat au barreau de GRASSE en cours de délibéré

Madame [Z] [A] épouse [R]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constitué au lieu et place de Me Gilbert UGO, avocat au barreau de GRASSE en cours de délibéré

Intimés

ORDONNANCE D'INCIDENT

Nous, Patricia HOARAU, magistrat de la mise en état de la Chambre 1-5 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Priscilla BOSIO, Greffier,

Après débats à l'audience du 27 Février 2024, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré et que la décision serait rendue le 26 Mars 2024, à cette date avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSE DE L'INCIDENT

La SCI La colombière a par exploits d'huissier du 20 décembre 2019, fait assigner M. [B] [R] et Mme [Z] [R] devant le tribunal de grande instance de Grasse, aux fins de les voir condamner in solidum à procéder sous astreinte à la modification de la hauteur de leur propriété sise [Adresse 9], cadastrée BI [Cadastre 6] afin que leur maison ne dépasse pas, faîtage compris, sept mètres de hauteur, à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice du fait d'une violation d'une servitude de hauteur générant une perte de valeur de sa propriété.

Par jugement du 4 février 2022, le tribunal judiciaire de Grasse a :

- jugé irrecevables les demandes de la SCI La colombière formées à l'encontre de M. [B] [R] et Mme [Z] [R],

- condamné la SCI La colombière à payer à M. [B] [R] et Mme [Z] [R] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI La colombière aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 1er mars 2022, la SCI La colombière a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions d'incident déposées et notifiées le 13 novembre 2023, la SCI La colombière demande au conseiller de la mise en état d'ordonner une expertise.

Dans le dernier état de ses conclusions d'incident déposées et notifiées par le RPVA le 8 décembre 2023, la SCI La colombière demande au conseiller de la mise en état de :

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 4 février 2022,

Vu les articles 789 et 907 du code de procédure civile,

- désigner, à ses frais avancés, tel expert judiciaire qu'il plaira à la juridiction de céans avec pour mission de :

1. se faire remettre l'ensemble des pièces communiquées au débat et notamment les actes sur lesquels se fondent les parties pour justifier ou contester la servitude altius tollendi, objet du présent litige,

2. fournir à la juridiction qui sera saisie, tout élément de fait permettant de statuer sur l'origine de cette servitude et les fonds concernés par celle-ci,

3. fournir à la juridiction de céans tout élément afin de déterminer si cette servitude s'applique entre les fonds détenus d'une part par la SCI La colombière, appelante, et d'autre part, par les époux [R], intimés,

4. déterminer si la construction des époux [R] respecte ou pas la servitude de hauteur qui s'impose au fonds sur lequel elle a été construite, en fournissant à la juridiction qui sera saisie, tout élément technique sur la hauteur de la construction et la date à laquelle elle a été surélevée,

5. dresser un rapport du tout incluant l'intégralité des pièces et après dépôt d'un pré-rapport et réponse aux dires de l'ensemble des parties,

- débouter les époux [R] de toute demande plus ample ou contraire notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La SCI La colombière fait valoir :

- qu'il existe une servitude non altius tollendi à sept mètres, grevant le lot BI [Cadastre 6] (propriété actuelle des époux [R]) au profit notamment de la parcelle lui appartenant suivant acte du 8 juillet 2009, que cette servitude a pour origine un acte de Me [M], notaire, du 10 janvier 1953 qui prévoyait une servitude de hauteur et donc de vue, de huit mètres pour trois villas et de sept mètres pour la quatrième villa (qui est celle appartenant aujourd'hui aux époux [R]),

- qu'il s'agit d'une servitude conventionnelle se retrouvant dans un acte notarié et dûment publié, qui est violée depuis un permis obtenu en 1991, soit donc depuis moins de trente ans,

- qu'il est dans l'intérêt de la bonne administration de la justice saisie d'un litige en matière de servitude altius tollendi, établie par des actes de propriété anciens et complexes communiqués au débat, de désigner un expert judiciaire,

- que cette mesure d'instruction obligera les parties à se positionner sur les éléments techniques analysés dans le cadre de ladite mesure,

- qu'elle a produit toutes les pièces justificatives qui sont nécessaires pour une analyse par un géomètre expert,

- que le refus entêté des époux [R] de débattre de ces éléments, justifie d'autant plus la désignation d'un expert judiciaire, compte tenu de la dimension technique importante.

Par conclusions d'incident déposées et notifiées par le RPVA le 4 décembre 2023, M. et Mme [R] demandent au conseiller de la mise en état de :

- débouter la SCI La colombière de sa demande de désignation d'un expert judiciaire,

- condamner l'appelante à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. et Mme [R] soutiennent en substance :

- que cette demande d'expertise a été formée en première instance et a été rejetée par le tribunal et qu'il n'appartient pas au conseiller de la mise en état d'ordonner une expertise rejetée par le juge du fond,

- que la SCI La colombière n'indique pas de façon sérieuse en quoi la mesure sollicitée serait de nature à permettre à la juridiction de trancher le litige alors qu'il s'agit avant tout de trancher des questions de droit qui relèvent du juge et non d'un technicien,

- que l'analyse de quatorze actes de propriété anciens et complexes, et la mesure de la hauteur par un expert judiciaire, telles que requises par la SCI La colombière, seraient d'un non-sens total compte tenu de l'existence du certificat de conformité émis par la ville de Cannes le 21 janvier 1994 attestant que la maison [R] a une hauteur de moins de sept mètres.

MOTIFS

Sur la demande d'expertise

Les articles 143 et suivants du code de procédure civile énoncent que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible. Les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer. Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Il est constaté qu'une demande d'expertise a été formée en première instance à titre subsidiaire, mais cette demande n'a pas été examinée par le tribunal qui a déclaré la SCI La colombière irrecevable en ses demandes formées contre M. et Mme [R], en considérant que la SCI La colombière ne justifie pas d'un intérêt à agir pour réclamer le respect d'une servitude conventionnelle dont elle ne démontre pas être bénéficiaire.

A l'appui de sa demande d'expertise, la SCI La colombière verse aux débats :

- son acte d'acquisition du 8 juillet 2009, portant sur le lot 2 du morcellement du " Chalet des Pensées " comprenant une construction cadastrée section BI numéro [Cadastre 5] et du terrain attenant dépendant d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 10] dénommé " Le Clos des Oliviers " cadastré section BI numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 1], le lot étant n° 1 ainsi décrit : " La jouissance privative d'une partie du domaine d'une superficie de 950 m² environ délimitée sur le plan de division annexé au règlement de copropriété (') par les lettres A B M N et les dix/dix millièmes de la propriété du sol et des parties communes générales ". Une correction est apportée en dernière page de l'acte, pour dire que les parcelles de l'ensemble immobilier sont les suivantes : BI [Cadastre 4], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] au lieu de " BI numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 1] ",

- un acte notarié du 10 janvier 1953 entre M. [E] [T] et M. [V] [L], concernant le lot n° 1 d'un lotissement [O], contenant un rappel de servitude non altius tollendi de 7 mètres et un accord pour porter cette servitude non altius tollendi de 7 à 8 mètres sauf pour la quatrième villa que M. [O] proposait de construire dans l'angle Nord-Ouest,

- le rapport de M. [D], expert désigné par ordonnance de référé du 24 octobre 2016 sur des désordres dénoncés par M. et Mme [R], qui a déposé un rapport en l'état en janvier 2020, après avoir indiqué qu'il ne peut poursuivre sa mission suite aux blocages répétitifs de M. et Mme [R], après premiers résultats selon lesquels il n'y a pas de lien de causalité entre leurs désordres et la construction du pool house de la SCI La colombière.

- le rapport d'analyse de M. [W] [N] géomètre-expert, relativement aux servitudes de droit privé intéressant les lots de copropriété ou lotissement, non daté, manifestement privé, faisant état de l'existence d'une servitude de non altius tollendi instituée selon acte notarié du 29 janvier 1947 lors de la vente à M. [O] du lot III issu de la division d'un plus grand tènement immobilier en trois lots I, II et III, suivie d'un accord intervenu le 9 juin 1947 pour porter la hauteur maximale autorisée à 8 mètres pour trois villas sur les quatre devant être construites, et donc sauf pour celle située au Nord-Ouest. Dans le lot III, figure la parcelle BI [Cadastre 6] propriété de M. et Mme [R] située au Nord-Ouest. Ce rapport n'aborde pas les conditions dans lesquelles le lot III a été vendu. Le lot I a été vendu à la SCI Clos des Oliviers ainsi qu'une partie du lot II et il est fait état selon acte du 28 décembre 1964, d'un état descriptif de division et d'un règlement de copropriété comportant trois lots. Dans le lot II résiduel, figure la parcelle BI [Cadastre 5] appartenant à la SCI La colombière,

- un deuxième rapport d'analyse daté du 28 juin 2022, de M. [W] [N] géomètre-expert, sur les actes concernant la parcelle BI [Cadastre 6] : il relate les cessions successives de M. [O] aux sous-acquéreurs avec rappel de la servitude de non altius tollendi, sauf dans l'acte de donation du 17 septembre 1982 à M. [G] [L] et M. [V] [L], suite au décès de Mme [L]. Il précise que la servitude n'est pas non plus reproduite, dans l'acte de cession à Mme [Z] [A] et M. [B] [R] selon acte du 9 mars 2001. Il est mentionné également que l'acte du 12 octobre 2001 de vente en viager au profit de la SCI La Colombière représentée par M. [X], ne fait état d'aucune servitude active ou passive, à la différence de l'acte notarié du 6 novembre 2009 de cession entre la SCI La colombière représentée par M. [X] et la SCI La Colombière représentée par Mme [F],

- les actes notariés translatifs de propriété du 10 février 1906, 29 janvier 1947, 5 février 1947, 7 février 1949, 26 septembre 1951, 10 janvier 1953, 15 septembre 1964, 6 mars 1970, et les autres visés dans le rapport de M. [N].

De leur côté, M. et Mme [R] qui s'opposent à la demande d'expertise, produisent des plans accompagnant le permis de construire de leur maison faisant apparaître une hauteur du sol au faîtage de 6,90 mètres, ainsi que le certificat de conformité délivré par la Mairie le 21 janvier 1994 à M. et Mme [G] [L].

En l'état des pièces produites, il n'est pas démontré la nécessité d'ordonner une mesure d'expertise pour statuer sur l'existence ou pas d'une servitude conventionnelle non altius tollendi.

La SCI La colombière sera donc déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires

La SCI La colombière qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'incident et aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de la laisser à la charge de M. et Mme [R].

PAR CES MOTIFS

Déboutons la SCI La colombière de sa demande d'expertise ;

Condamnons la SCI La colombière aux dépens de l'incident ;

Condamnons la SCI La colombière à verser à M. et Mme [R], la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait à Aix-en-Provence, le 26 Mars 2024

Le greffier Le magistrat de la mise en état

Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 22/03126
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;22.03126 ?
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