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21/03/2024 | FRANCE | N°20/02941

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 21 mars 2024, 20/02941


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024

ph

N° 2024/ 109









Rôle N° RG 20/02941 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFVFR







Société civile FCM 15

SAS LE SPORTING-CAPOZZI-ZAPATA





C/



S.A.R.L. LE [Localité 14]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES



SELA

RL AB ASSOCIES













Décision déférée à la Cour :



Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 31 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04115.





APPELANTES



Société civile FCM 15, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2024

ph

N° 2024/ 109

Rôle N° RG 20/02941 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFVFR

Société civile FCM 15

SAS LE SPORTING-CAPOZZI-ZAPATA

C/

S.A.R.L. LE [Localité 14]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES

SELARL AB ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 31 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 15/04115.

APPELANTES

Société civile FCM 15, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Jean-Michel OLLIER de l'AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Magali DEJARDIN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

SAS LE SPORTING-CAPOZZI-ZAPATA, dont le siège social est [Adresse 13], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Jean-Michel OLLIER de l'AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Magali DEJARDIN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

S.A.R.L. LE [Localité 14], dont le siège social est [Adresse 10], pris en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Nathalie ARPINO de la SELARL AB ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Véronique MÖLLER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024,

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Selon acte notarié du 5 janvier 2011, la SARL Le [Localité 14] a acquis de M. [U] [F] la propriété d'un immeuble sis [Adresse 11], figurant au cadastre sous les numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4], donnant sur l'[Adresse 15] décrit en ces termes : « - Une maison donnant [Adresse 17] à usage d'habitation et de commerce élevée d'un étage sur rez-de-chaussée, cadastrée section AC n°[Cadastre 3] pour soixante-dix-sept mètres carrés lieu-dit « [Localité 16] ».

- Une maison à usage d'habitation élevée d'un étage sur rez-de-chaussée avec cour attenante séparant la maison sus-désignée donnant sur une impasse non dénommée, débouchant sur le [Adresse 13] Cadastré lieu-dit [Localité 16], à la section AC sous le n°[Cadastre 4], pour cinquante-cinq mètres carrés. »

La SAS Le sporting-Capozzi-Zapata est locataire en vertu d'un bail commercial signé le 4 octobre 2000 avec M. [G] [T], visant un acte du 4 avril 1973 entre M. [V] [T] qui a donné à bail à M. [U] [F] pour une durée de neuf ans, l'immeuble à usage commercial sis à [Adresse 19] élevé de deux étages sur rez-de-chaussée, avec toutes ses aisances et dépendances, dont il n'est pas discuté qu'il s'agit de l'immeuble sis [Adresse 7] figurant au cadastre sous le numéro 211.

Il existe un litige sur l'utilisation de l'[Adresse 15] par la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata qui y accède par une porte créée dans ses locaux, sur l'entreposage de matériel dans cette impasse et sur la propriété de l'impasse.

Par arrêt du 27 avril 1977 rendu entre M. [R] [L] d'une part et Mme [P] [O] veuve [F], M. [U] [F], Mme [S] [F] et Mme [M] [E] d'autre part, ces derniers auteurs de la SARL Le [Localité 14], la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment dit que l'impasse litigieuse n'appartient pas exclusivement aux consorts [F]-[E] et que M. [R] [L] en a acquis la copropriété par usucapion, qu'il y bénéficie donc d'un droit de passage.

Par arrêt du 5 juillet 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur appel interjeté contre une ordonnance de référé qui a ordonné l'enlèvement d'objets entreposés dans l'impasse à la demande de la SARL Le [Localité 14], a infirmé l'ordonnance au motif qu'il existe des contestations sérieuses quant au droit de propriété exclusif de la SARL Le [Localité 14] sur l'impasse en litige.

En dernier lieu, par exploit d'huissier du 29 avril 2015, la SARL Le [Localité 14] a fait citer l'indivision [T] représentée par M. [C] [T] et la SAS Sporting-Capozzi-Zapata, devant le tribunal de grande instance de Draguignan, aux fins de les voir solidairement condamner à fermer la porte d'accès sur l'impasse, évacuer la cour et démolir les constructions qui s'y trouvent, ainsi qu'à des dommages et intérêts.

Par acte d'huissier du 18 février 2016, la SARL Le [Localité 14] a appelé en cause Mme [I] [T], Mme [W] [T] et l'EURL [Localité 21], les deux procédures ayant été jointes.

Par acte du 15 avril 2019, la société FCM 15 qui a acquis des consorts [T], la parcelle [Cadastre 6], en déclarant être parfaitement informée de la procédure en cours et vouloir en faire son affaire personnelle de toutes conséquences y afférentes, est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 31 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- déclaré recevable l'action de la SARL Le [Localité 14] à l'égard des consorts [T],

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société FCM 15,

- débouté la société FCM 15 de sa demande de se voir reconnaître, par usucapion, un droit de copropriété sur l'[Adresse 15],

- condamné la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata à obstruer définitivement la porte d'accès à l'[Adresse 15] sise à [Localité 18] aménagée dans le fonds dont elle est locataire, et ce dans un délai de huit jours après la signification du présent jugement,

- dit que faute pour elle de s'exécuter passé ce délai, elle sera tenue au paiement d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,

- débouté la SARL Le [Localité 14] de sa demande en ce sens à l'encontre des consorts [T] et de la société [Localité 21],

- condamné in solidum la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, M. [C] [T], Mme [I] [T] et Mme [W] [T] à payer à la SARL Le [Localité 14] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage qu'elle a subi,

- condamné in solidum la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, M. [C] [T], Mme [I] [T] et Mme [W] [T] à payer à la SARL Le [Localité 14] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, M. [C] [T], Mme [I] [T] et Mme [W] [T] aux entiers dépens et accordé le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du code de procédure civile à la SELARL AB associés.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que les faits dont se plaint la SARL Le [Localité 14] ont eu lieu alors que les consorts [T] étaient propriétaires de l'immeuble donné à bail,

- que les immeubles du [Adresse 8] et du [Adresse 11], sont propriétaires indivis de l'impasse litigieuse, ce qui n'est pas contesté et que par suite la SARL Le [Localité 14] propriétaire du [Adresse 11] a qualité pour faire respecter son droit de propriété sur l'[Adresse 15],

- que le fait que la famille [T] ait été propriétaire depuis près de cent ans, de l'immeuble donné à bail à l'établissement Le Sporting ne saurait suffire à démontrer l'acquisition par prescription de l'impasse litigieuse, une seule attestation étant produite,

- que la société [Localité 21] a déclaré sa cessation d'activité et que les consorts [T] ont vendu leur immeuble,

- qu'un trouble anormal de voisinage est constitué de la part de la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata et des consorts [T] qui n'ont pas fait cesser ce trouble porté à leur connaissance.

Par déclaration du 25 février 2020, la société FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata ont relevé appel de ce jugement, en intimant la SARL Le [Localité 14] (RG 20/02884).

Par une nouvelle déclaration du 26 février 2020, la société FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata ont relevé appel de ce même jugement, en intimant la SARL Le [Localité 14] (RG 20/02941).

Par ordonnance du 2 août 2021, le magistrat de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux appels sous le numéro de RG 20/02941.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 24 novembre 2020, la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata et la société FCM 15 demandent à la cour de :

Vu les articles 2258 et suivants du code civil,

- infirmer le jugement du 31 janvier 2020 en ce qu'il a :

- débouté la société FCM 15 de sa demande de se voir reconnaître, par usucapion, un droit de copropriété sur l'[Adresse 15],

- condamné la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata à obstruer définitivement la porte d'accès à l'[Adresse 15] sise à [Localité 18] aménagée dans le fonds dont elle est locataire, et ce dans un délai de huit jours après la signification du présent jugement,

- condamné in solidum la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, M. [C] [T], Mme [I] [T] et Mme [W] [T] à payer à la SARL Le [Localité 14] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage qu'elle a subi,

- condamné in solidum la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, M. [C] [T], Mme [I] [T] et Mme [W] [T] à payer à la SARL Le [Localité 14] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Et statuant à nouveau

- dire et juger que la SCI CFM 15 a acquis la copropriété sur l'[Adresse 15] par usucapion,

- dire et juger que la SCI CFM 15 pourra conserver définitivement la porte d'accès à l'[Adresse 15],

- débouter la SARL Le [Localité 14] de l'ensemble de ses demandes comme irrecevables et mal fondées, en ce compris celles formée dans le cadre de l'appel incident,

- condamner la SARL Le [Localité 14] à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SAS Le sporting-Capozzi-Zapata et la société FCM 15 font valoir en substance :

Sur la copropriété de la société FCM 15 sur l'[Adresse 15],

- que la SARL Le [Localité 14], après avoir tenté de se présenter comme propriétaire exclusive de l'[Adresse 15], a fini par admettre durant la procédure qu'elle était propriétaire indivise, à tout le moins avec la copropriété de la parcelle [Cadastre 2] (ancien [Adresse 8]),

- que dès 1977, l'[Adresse 15] appartenait déjà à au moins trois propriétaires riverains de l'impasse :

- le propriétaire de la parcelle [Cadastre 2] (ancien [Adresse 8]),

- le propriétaire des parcelles [Cadastre 3]/[Cadastre 4](ancien [Adresse 11])

- le propriétaire de la parcelle [Cadastre 5] (ancien [Adresse 12]),

tous ayant acquis la copropriété de cette impasse par usucapion,

- qu'il est produit diverses attestations qui viennent établir que l'ouverture (porte) querellée a été pratiquée il y a plus de cinquante années et que depuis cette date, la porte et l'impasse n'ont cessé d'être utilisées, jusqu'à ce que la SARL Le [Localité 14] acquière le [Adresse 11] et tente d'obtenir illégitimement sur l'impasse une propriété exclusive,

- que les propriétaires et exploitants qui se sont succédés ont constamment accompli sur l'impasse des actes d'emprise, de jouissance et d'entretien caractérisant une possession paisible publique, non-équivoque et à titre de propriétaires de sorte que la propriété a été acquise par usucapion dès l'année 1991,

- que contrairement à ce qu'indique la SARL Le [Localité 14], durant plus de trente années les exploitants et propriétaires ont utilisé cette ouverture et cette impasse comme étant une impasse commune à tous les propriétaires des fonds riverains, sans que cela soit remis en cause,

- que la SARL Le [Localité 14] conteste l'animus domini des consorts [T] qui auraient indiqué dès 2014 ne pas avoir autorisé leur locataire à utiliser cette « ruelle publique », que cela est en lien avec la découverte tardive et inexacte par toutes les parties du caractère public de l'impasse, laquelle constitue une simple erreur n'étant pas de nature à remettre en cause l'intention de posséder, et de s'affirmer propriétaire de l'impasse, des consorts [T],

- que comme l'avait reconnu le tribunal en 1977 pour M. [L], la société FCM 15 bénéficie d'une possession continue, paisible, publique et non équivoque plus que trentenaire de l'impasse,

- que si aucune servitude de passage ne peut être acquise par prescription acquisitive, la jurisprudence admet l'usucapion du sol constituant l'assiette du passage,

Sur la demande au titre du trouble anormal de voisinage,

- que ce trouble ne peut en aucun cas être constitué par l'existence de constructions adossées contre la parcelle des consorts [T] et anciennes de plus de quarante années,

- que la SARL Le [Localité 14] aurait dû caractériser en quoi ces constructions et cette ouverture génèrent un trouble anormal du voisinage,

- qu'il est opposé l'exception d'antériorité, bien avant l'acquisition par la SARL Le [Localité 14],

- qu'il n'a jamais été démontré la présence récurrente de détritus ni leur imputabilité uniquement au Sporting, alors que quatre copropriétés (et deux autres commerces de bouches) ont accès à cette impasse,

- que la SARL Le [Localité 14] n'a jamais été à même de démontrer la nature et l'étendue de son préjudice qui doit, pour être indemnisé, être anormal,

- que la SARL Le [Localité 14] n'est pas en mesure de démontrer le caractère actuel de son préjudice, alors qu'il est incontestable que le nouveau propriétaire de la société Le sporting a détruit en 2017, l'ensemble des appentis et refait l'impasse et la façade à ses frais.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 24 février 2021, la SARL Le [Localité 14] demande à la cour de :

Vu les articles 544 et 545 et 2258 et suivants du code civil,

Vu l'article 1382 du code civil,

Vu l'acte authentique de vente [J] à [E] veuve [F] du 16 mars 1929,

Vu l'acte de partage [E] et [E] [F] du 9 juillet 1936,

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 avril 1977,

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 31 janvier 2020,

Vu les pièces versées aux débats,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, et y ajoutant,

En toute hypothèse,

- condamner conjointement et solidairement la SCI FCM 15 venant aux droits des consorts [T] [C], [I] et [W] [T] en indivision, représentée par M. [C] [T] et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, à condamner définitivement et fermer la porte d'accès sur l'[Adresse 15], sans possibilité d'accès sur l'impasse sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner conjointement et solidairement la SCI FCM 15 venant aux droits des consorts [T] [C], [I] et [W] [T] en indivision, représentée par M. [C] [T] et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata et l'EURL [Localité 21] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des appelants comme non fondées, en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SELARL AB associés, avocat aux offres de droit.

La SARL Le [Localité 14] soutient pour l'essentiel :

Sur la propriété de l'impasse,

- qu'elle est propriétaire indivise de l'impasse, avec la copropriété du [Adresse 8],

- par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 13 juillet 1977, sur appel interjeté par M. [R] [L], auteur du numéro [Adresse 12], cadastré section [Cadastre 5], la copropriété par usucapion avec droit de passage était constatée à son profit, sans que toutefois, l'intéressé procède à la publication de cet arrêt au bureau des hypothèques compétent, de telle sorte qu'à ce jour, il n'existe aucun droit de copropriété opposable aux tiers,

- en toute hypothèse, M. [R] [L], qui n'est pas dans la cause, ne souhaitait bénéficier que d'un droit de passage, ce qu'il a acquis par usucapion, à l'exclusion de la copropriété de ladite impasse,

- qu'elle tient ses droits de ses auteurs [E] veuve [F] aux termes de l'acte d'acquisition du 16 mars 1929,

- que dans leurs écritures devant les premiers juges, les appelants affirmaient disposer d'un courrier du maire de [Localité 18], du 3 mars 2009, qu'ils produisaient en pièce adverse n° 13, affirmant que cette impasse « n'est pas un espace privatif mais est classé au réseau viaire de la commune », ce qui signifie, que l'appelante depuis au moins 2009, date de cette correspondance, sait ne pas pouvoir prescrire contre une personne publique puisqu'elle met en avant, la qualité de propriétaire de cette impasse par la commune, que dès lors elle ne peut prétendre prescrire sur un bien dont elle croit savoir depuis plus de douze ans désormais, qu'il serait susceptible d'appartenir à la commune, et alors même qu'elle a pensé bénéficier d'une tolérance de cette dernière, pour l'occupation des lieux, mais non à titre de propriétaire,

- que les appelantes ont détruit les ouvrages édifiés dans l'impasse, faute de pouvoir justifier d'un titre d'occupation des lieux et sont ainsi conscientes de l'absence de titre, à telle enseigne qu'en 2017, lors du dépôt de la déclaration préalable (DP) en mairie de [Localité 18], ayant donné lieu à un arrêté de non-opposition à DP du 12 décembre 2017, il n'existe aucune ouverture, aucune porte en façade, comme on peut le constater en pièce n° 14, notamment les feuillets DP 4 façade 2, et DP 5/DP 7, où l'on ne constate que des jardinières alignées, sans aucune porte,

- que les conditions d'usucapion ne sont nullement réunies,

- qu'il y a équivoque sur la propriété, du propre aveu des appelantes, qu'il y a violence, au regard des procédures administratives et judiciaires qui ont dû être diligentées en urgence pour la sécurité et la salubrité des lieux,

- que le locataire ne peut prescrire à titre de propriétaire,

- que la société FCM 15 ne peut pas plus arguer de ce qu'elle aurait prescrit par ses auteurs (les consorts [T] propriétaires des murs) qui ont toujours affirmé ne pas être propriétaires de l'impasse,

- que l'appelante ne peut pas plus arguer de la situation de M. [L], radicalement différente de la sienne,

- que la cour notera au-delà de l'irrecevabilité de cette demande relative à l'usucapion, que l'appelante ne peut prétendre prescrire contre une partie absente du litige et non attraite à la procédure en première instance, ni en cause d'appel savoir, l'autre copropriétaire indivis de l'impasse, la copropriété du [Adresse 8], alors qu'elle demande de se faire titrer,

Sur le trouble anormal de voisinage,

- que ce trouble illicite lui génère un préjudice grave,

- que depuis plusieurs années désormais, elle subit des comportements déplacés, irrespectueux et dangereux qui la privent de la jouissance paisible du bien dont elle jouit en copropriété avec le 36, autre copropriétaire,

- que ce sont plusieurs procédures qu'elle a été contrainte d'intenter pour faire cesser l'insalubrité par présence de rats, des immondices, objets encombrant les lieux et bouteilles de gaz mettant en danger la vie des riverains et du quartier,

- que ce n'est qu'en raison des nombreuses demandes en ce sens et de l'introduction de la procédure au fond tant à l'encontre de l'exploitant du local commercial que des propriétaires des murs, et ce après plusieurs années, que les requis appelants, ont daigné procéder au nettoyage des lieux et à l'enlèvement des bouteilles de gaz stockées à l'air libre, des objets, détritus et encombrants attirant jour et nuit rongeurs et insectes de toutes tailles et toutes sortes, et ce alors même qu'ils ne disposent d'aucun droit ni titre d'occupation.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2024.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties ont constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de l'appel

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que l'intimée, dans le dispositif de ses conclusions, ne réclame pas à titre incident l'infirmation du jugement appelé, qui a :

- débouté la SARL Le [Localité 14] de sa demande de condamnation des consorts [T], à obstruer définitivement la porte d'accès à l'[Adresse 15] aménagée dans le fonds dont la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata est locataire, dans un délai de huit jours après la signification du jugement et sous astreinte,

- condamné in solidum la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, M. [C] [T], Mme [I] [T] et Mme [W] [T] à payer à la SARL Le [Localité 14] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage qu'elle a subi.

Or, la SARL Le [Localité 14] sollicite d'une part, la condamnation de la SCI FCM venant aux droits des consorts [T] [C], [I] et [W] [T] en indivision « conjointement et solidairement » avec la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata, à fermer la porte d'accès sur l'[Adresse 15], d'autre part l'allocation de la somme de 50 000 euros en réparation du trouble anormal de voisinage subi.

La cour considère donc qu'elle n'est pas saisie d'un appel incident sur ces deux demandes.

Sur la propriété de l'[Adresse 15]

La SCI FCM 15 revendique la prescription acquisitive de la copropriété de l'[Adresse 15], avec la SARL Le [Localité 14].

L'article 2258 du code civil énonce que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

L'article 2272 du code civil, aux termes duquel le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans, abrégé à dix ans pour celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble.

L'article 2261 du code civil prévoit pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

L'article 2265 du même code précise que pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

Il ressort des pièces de la procédure et il n'est pas discuté que l'[Adresse 15] est, en application de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 27 avril 1977, en copropriété entre la SARL Le [Localité 14], propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 11] et le propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 8], aujourd'hui copropriété dénommée [Adresse 8].

D'ailleurs un acte notarié rectificatif a été établi le 29 janvier 2018 à la demande de M. [U] [F] (vendeur), de l'acte d'acquisition du 5 janvier 2011 par la SARL Le [Localité 14], qui rappelle les actes notariés de partage du 20 janvier 1987 au profit de M. [U] [F], de vente du 16 mars 1929 contenant vente des mêmes biens entre les consorts [J] d'une part, les frère et s'ur M. [Y] [E] et Mme [A] [E] veuve [F], l'acte de partage entre eux du 9 juillet 1936, et cet arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et a complété la désignation des biens vendus en y ajoutant la mention suivante : « les droits sur l'impasse commune sur le derrière donnant sur le [Adresse 13], cadastré section AC numéro [Cadastre 9] pour 00ha 00a 69ca ».

La SCI FCM 15, qui tient ses droits des consorts [T] et ne verse pas aux débats leurs titres respectifs de propriété, ne prétend pas qu'elle bénéficierait d'un titre lui accordant des droits sur l'[Adresse 15], si bien qu'elle doit démontrer une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire pendant la durée de trente ans avant que celle-ci ne soit contestée par la SARL Le [Localité 14] par la présente procédure sur assignation du 18 février 2016, puisque l'assignation en référé courant 2011, ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 7 décembre 2011 infirmée en appel, n'a pas abouti, soit depuis le 18 février 1986.

A l'appui de sa revendication d'un droit de propriété sur l'[Adresse 15], les appelants versent aux débats plusieurs témoignages de personnes qui attestent qu'en tant que membres du moto club, qui avait son siège au « Sporting », elles ont connaissance de l'existence de la porte d'accès au « Sporting » dans l'impasse, depuis les années 1970 ou qu'elles ont aidé depuis cette période, à charger les produits de consommation destinés au bar en passant par cette porte. Un copropriétaire de l'immeuble sis [Adresse 8] depuis 1987, atteste également que les niches en maçonnerie abritant les bouteilles de gaz, poubelles et autres ont toujours existé dans cette impasse.

La SARL Le [Localité 14] se prévaut quant à elle, de la réponse apportée par M. [C] [T] à une mise en demeure adressée le 23 octobre 2014, relativement à l'utilisation de l'impasse par Le sporting et à l'existence d'une ouverture non autorisée sur l'impasse. M. [C] [T] y a indiqué que « le bail ne fait aucun état d'une quelconque autorisation d'utiliser la ruelle publique qui jouxte les murs de notre immeuble. Il n'y a jamais eu non plus d'autorisation a posteriori même verbale allant dans ce sens » et a également demandé des explications sur la propriété de ladite impasse, qui serait publique, selon la mairie de [Localité 18].

Seule la première page du bail commercial est produite, privant la juridiction de la possibilité de vérifier le champ de celui-ci. La seule information qu'on y trouve est qu'en 1973 le bail commercial était donné à M. [U] [F], qui est aussi l'auteur de la SARL Le [Localité 14].

Etant constaté que le preneur à un bail commercial n'est pas susceptible de prescrire en tant que propriétaire, au profit de son bailleur, l'existence de l'ouverture depuis plus de trente ans sur l'[Adresse 15], dont il est d'ailleurs indiqué qu'elle était ignorée des consorts [T], qui en outre croyaient au caractère public de l'impasse, est insuffisante à démontrer que les consorts [T], auteur de la SCI FCM 15, se sont comportés comme propriétaires de l'[Adresse 15], depuis trente ans.

Par suite, la SARL Le [Localité 14], en tant que titulaire de droits de propriété sur la parcelle [Adresse 20], est bien fondée à obtenir la fermeture de l'accès à l'[Adresse 15], qui porte directement atteinte au droit de propriété.

La SCI FCM 15 sera donc déboutée de sa demande au titre de l'usucapion sur la parcelle [Adresse 20]. De même sera rejetée la demande formée par la SCI FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata concernant le maintien de la porte d'accès sur l'[Adresse 15].

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur le trouble anormal du voisinage

Aux termes de l'article 544 du code civil « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

A l'appui de sa demande, la SARL Le [Localité 14] a produit des courriers de la mairie de [Localité 18] (20 septembre 2011 et 28 mai 2015), constatations d'agents municipaux (31 octobre 2014 et 24 novembre 2014) et des procès-verbaux de constat d'huissier (1er octobre 2014, 21 septembre 2016) qui font état de la présence dans l'[Adresse 15], d'appentis, de poubelles, détritus, de bouteilles de gaz, d'odeurs nauséabondes et l'aspect déplorable de l'impasse.

Si l'un des courriers du maire est adressé à la SARL [Localité 21] distincte des parties, objet de la présente procédure, il est relevé que les constatations des agents de la police municipale concernent spécifiquement le « Sporting » et les employés du « Sporting », comme à l'origine des détritus laissés dans l'impasse, cause de troubles à la salubrité et à la sécurité.

La SARL Le [Localité 14] justifie avoir mis en demeure M. [C] [T], par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 octobre 2014, pour dénoncer le fait que le gérant de la SARL Le sporting refuse d'évacuer l'impasse, alors qu'il l'encombre avec des poubelles et des bouteilles de gaz dangereuses.

Il est justifié au moyen d'un procès-verbal de constat du 17 avril 2018, produit par la société Le sporting-Capozzi-Zapata, qui voulait alors faire constater la fermeture irrégulière de l'impasse par un portail, que l'impasse est entièrement débarrassée, étant observé que la société Le sporting-Capozzi-Zapata a obtenu par ordonnance du juge de la mise en état du 25 juillet 2018, la condamnation de la SARL Le [Localité 14] à supprimer le portail.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Le sporting-Capozzi-Zapata a, par son comportement, causé des troubles anormaux du voisinage à la SARL Le [Localité 14], et que malgré mise en demeure dirigée contre le propriétaire bailleur, ces troubles anormaux ont persisté.

L'exception d'antériorité opposée par les appelants est inopérante, dès lors qu'il est mis en évidence des troubles entre 2014 et 2018, soit après l'acquisition par la SARL Le [Localité 14].

C'est donc par une juste appréciation des faits et du droit que le premier juge a condamné la société Le sporting-Capozzi-Zapata et les consorts [T] au titre du trouble anormal de voisinage causé.

Le jugement sera également confirmé sur ce point, y compris sur le montant de l'indemnisation allouée.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement appelé sur les dépens et les frais irrépétibles.

La SCI FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil de la SARL Le [Localité 14] qui le réclame.

La SCI FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata seront condamnées aux frais irrépétibles, qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la SARL Le [Localité 14].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement appelé en toutes ses dispositions appelées ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata aux dépens d'appel, qui seront distraits au profit de la SELARL AB associés ;

Condamne la SCI FCM 15 et la SAS Le sporting-Capozzi-Zapata à verser à la SARL Le [Localité 14], la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/02941
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;20.02941 ?
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