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19/03/2024 | FRANCE | N°22/08247

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 19 mars 2024, 22/08247


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2024



N° 2024/115









Rôle N° RG 22/08247

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJQ7K







[X] [G]



C/



PARQUET GENERAL

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Mélanie ROBIN



MINISTÈRE PUBLIC



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 20/08298





APPELANT



Monsieur [X] [G]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/5081 du 17/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

n...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2024

N° 2024/115

Rôle N° RG 22/08247

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJQ7K

[X] [G]

C/

PARQUET GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Mélanie ROBIN

MINISTÈRE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 20/08298

APPELANT

Monsieur [X] [G]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/5081 du 17/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 31 décembre 1976 à [Localité 4] (COMORES)

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mélanie ROBIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

PARQUET GENERAL

comparant en la personne de Madame Valérie TAVERNIER, Avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 février 2024 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 16 novembre 2017,le directeur de greffe du tribunal d'instance de Marseille a refusé à Monsieur [X] [G], se disant né le 31 décembre 1976 à [Localité 4] (Comores) la délivrance d'un certificat de nationalité française.

Par acte du 02 septembre 2020, Monsieur [G] a fait assigner le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille devant cette juridiction, aux fins de voir constater sa nationalité française par filiation paternelle.

Par jugement du 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Marseille a :

constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré

débouté Monsieur [X] [G] de ses demandes

constaté l'extranéité de Monsieur [X] [G], né le 21 décembre 1976 à [Localité 4] (Comores)

ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil

condamné Monsieur [X] [G] aux dépens, recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Le 08 juin 2022, Monsieur [G] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 09 septembre 2022 auxquelles il convient de faire expressément renvoi pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, il demande à la Cour de :

Recevoir Monsieur [X] [G] en son appel et le déclarer bien fondé

Infirmer le jugement du 10 mars 2022 en ce qu'il a :

- Débouté [X] [G] de ses demandes ;

- Constaté l'extranéité [X] [G], né le 31 décembre 1976 à [Localité 4] (COMORES) :

- Ordonné la mention prévue par l'article 28 du Code Civil :

- Condamné Monsieur [X] [G] aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

STATUANT DE NOUVEAU:

-Juger que Monsieur [X] [G] est français par filiation, en application de l'article 18 du code civil.

-Ordonner la mention prévue à l'article 28 du même code et la délivrance de son certificat de nationalité française;

-Condamner l'Agent Judiciaire du Trésor Public aux entiers dépens et à verser Me Mélanie ROBIN avocat, qui renoncera dans ce cas à percevoir la partie contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1.500 € (TTC), en application des articles 700 du Code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que contrairement aux réquisitions du ministère public, le premier juge a estimé qu'il disposait d'actes d'états civils fiables au sens de l'article 47 du code de procédure civile, dûment légalisés.

Il ne peut pas lui être reproché le fait que la déclaration de naissance a été effectuée tardivement, et en tous cas hors du délai de quinze jours prévu par le droit privé comorien, ce qui était une pratique usuelle et alors qu'il a initié toutes les démarches pour reconstituer son état civil.

Ainsi, il communique :

- un nouvel acte de naissance du 05 octobre 2020 dument légalisé et établi sur la base du jugement supplétif de naissance du 27 août 2020

-le jugement d'annulation d'un acte de naissance du 24 août 2020, qui prend acte de la déclaration de naissance tardive de l'appelant et dit que son acte de naissance doit être établi en exécution du jugement supplétif

-le jugement légalisant le jugement d'annulation du 05 octobre 2020.

Les arguments du ministère public quant à l'absence de légalisation du jugement d'annulation du 24 août 2020 sont donc spécieux.

La nationalité française de son père, feu [P] [G] n'est pas contestée.

Il justifie de sa filiation avec son père, [P] [G] d'abord par la production de son livret de famille.

Ensuite, son propre acte de naissance établit bien que ce dernier est son père et le jugement supplétif vient corroborer cette filiation.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées 01 décembre 2022 auxquelles il convient de faire expressément renvoi pour plus ample exposé de ses moyens prétentions, le Ministère Public demande à la Cour de :

- Dire la procédure régulière au sens de l'article 1040 du code de procédure civile;

- Confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Marseille sous le numéro de répertoire général 20/08298 ;

- Dire que Monsieur [X] [G], se disant né le 31 décembre 1976 à [Localité 4] (Comores), n'est pas de nationalité française ;

- Débouter Monsieur [X] [G] de l'ensemble de ses demandes ;

- Ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Il soutient d'abord que l'appelant ne justifie pas d'un état civil fiable au sens de l'article 47 du code civil :

La copie du jugement annulant l'acte de naissance N°176 rendu le 24 août 2020 et la copie du jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 27 août 2020 sont incorrectement légalisés.

La première ne comporte pas le nom du greffier en chef signataire de la certification conforme, la seconde ne comporte aucune mention permettant d'affirmer qu'il s'agit d'une expédition certifiée conforme ou même du double de la minute, ce qui prive l'acte de toute garantie d'authenticité.

Il ajoute que le jugement supplétif , rendu le 27 août 2020 a été communiqué au parquet le 01 septembre 2020, ce qui démontre que le ministère public comorien n'a pas fait valoir ses observations.

Le jugement n'est pas non plus motivé,en ce qu'il a été rendu sur la foi des déclarations de deux témoins dont le lien avec l'intéressé n'est pas précisé.

Ce jugement n'est donc pas conforme à l'ordre public international.

* Sur le fondement de l'article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant;si la mère n'est pas connue,par la loi personnelle de l'enfant.

Il n'est pas allégué que la mère supposée de l'appelant, Madame [O] [U], serait d'une autre nationalité que comorienne.

Il doit donc être fait application de la loi comorienne pour déterminer la filiation de Monsieur [G], sauf s'il démontre l'existence d'une reconnaissance volontaire de paternité de Monsieur [P] [G] faite en conformité avec la loi française.

L'article 100 du code de la famille comorien dispose que la filiation d'un enfant né hors mariage ne crée aucun lien de parenté vis à vis du père, et ne produit,d'une façon générale aucun des effets prévus par le code.

Il n'est pas allégué que Monsieur [P] [G] et Madame [O] [U] étaient mariés au moment de la naissance de l'appelant.

Ce dernier ne communique aucun acte d'état civil attestant de la paternité de Monsieur [P] [G] à son égard et la seule mention du nom du père dans l'acte de naissance est insuffisante à établir le lien de filiation.

Le livret de famille ne peut pas se substituer à un acte de reconnaissance de paternité.

La procédure a été clôturée le 01 février 2023.

DISCUSSION

L'article 18 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998 applicable en l'espèce, dispose qu'est français l'enfant légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à l'appelante, dépourvue de certificat de nationalité française.

L'article 47 du même code dispose que tout acte de l 'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

En l'espèce, la nationalité française de Monsieur [P] [G], que l'appelant désigne comme étant son père, n'est pas contesté, ce dernier étant français en vertu de l'article 10 de la loi N°75-560 du 03 juillet 1975 et de l'article 9 de la loi N°75-1337 du 31 décembre 1075.

La question du caractère probant des actes d'état civil communiqués par l'appelant et celle relative à l'établissement de son lien de filiation avec Monsieur [P] [G] doivent être analysées:

Pour justifier de son état civil, Monsieur [X] [G] communique :

- copie intégrale, délivrée le 04 janvier 2020 ,de l'acte de naissance N°176 dressé le 21 février 1982 sur les registres de l'état civil de la commune d'[Localité 3], portant mention de la date de naissance (le 31 décembre 1976 à [Localité 4], Comores), du nom de son père (Monsieur [P] [G], né en 1955 à [Localité 6],demeurant [Localité 6]) du nom de la mère (Madame [O] [U] née le 31 décembre 57 à [Localité 6],ménagère demeurant à [Localité 6])

- copie délivrée le 26 août 2020 du jugement N° 1226 du tribunal de première instance de Moroni le 24 août 2020 aux termes duquel l'acte de naissance N°176 du 21 février 1982 n'est pas conforme à la délibération N°61-16 " l'irrégularité constatée sur l'acte de naissance du requérant n'a aucun incident sur la filiation légalement établie conformément aux article 99 et suivants du code de la famille " et ordonne que l'acte de naissance de Monsieur [G] [X] doit être établi en exécution d'un jugement supplétif

- copie intégrale délivrée le 15 octobre 2020 de l'acte de naissance N°56 dressé le le 05 octobre 2020 sur les registres de l'état civil de la commune de [Localité 2],centre d'état civil d'[Localité 5], en exécution d'un jugement supplétif de naissance N°79 du 27 août 2020 rendu par le tribunal du cadi de Hamanvou,portant mention de la naissance le 31 décembre 1976 à [Localité 4] de Monsieur [X] [G],de Monsieur [P] [G],né en 1955 à [Localité 6],demeurant [Localité 6] et de Madame [O] [U] née le 31 décembre 1957 à [Localité 6],ménagère demeurant à [Localité 6].

- copie délivrée le 27 août 2020 du jugement supplétif d'acte de naissance N°79 rendu par le tribunal du cadi de Hamanvou le 27 août 2020 portant mention de la naissance le 31 décembre 1976 à [Localité 4] de Monsieur [X] [G],de Monsieur [P] [G], né en 1955 à [Localité 6],demeurant [Localité 6] et de Madame [O] [U] née le 31 décembre 1957 à [Localité 6], ménagère demeurant à [Localité 6].

L'examen du jugement supplétif de naissance N° 79 prononcé le 27 août 2020 par le tribunal du cadi de Hamanvou permet à la Cour de constater qu'il a été rendu en violation de l'ordre public international.

En effet, s'agissant d'un jugement relatif à l'état des personnes, par conséquent ayant trait à l'ordre public, devait être respecté l'article 69 de la loi comorienne N° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil, qui exige que la procédure soit transmise aux services du parquet avant toute décision.

Or, le tampon apposé sur le jugement mentionne " Vu et communiqué au parquet le 01 septembre 2020 " par conséquent à une date postérieure à la date à laquelle le jugement a été rendu et alors même que le jugement ne fait d'ailleurs aucunement état de la teneur des réquisitions du ministère public.

Dès lors, le jugement supplétif N° 79 prononcé le 27 août 2020 par le tribunal du cadi de Hamanvou -qui ne comporte par ailleurs aucune motivation - ne répond pas aux critères exigés pour admettre sa régularité internationale de sorte que l'état civil de l'appelant, qui ne satisfait pas aux dispositions de l'article 47 du code civil, n'est pas probant.

De manière surabondante, il doit être constaté que Monsieur [X] [G] n'établit pas son lien de filiation avec Monsieur [P] [G] :

Sur le fondement de l'article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant puisqu'il n'est pas allégué que la mère de l'appelant est d'une autre nationalité de comorienne.

L'article 100 du code de la famille comorien dispose que la filiation d'un enfant né hors mariage ne crée aucun lien de parenté vis à vis du père,et ne produit,d'une façon générale aucun des effets prévus par le code.

Il n'est pas allégué que Monsieur [P] [G] et Madame [O] [U] étaient mariés au moment de la naissance de l'appelant et ce dernier ne communique ni l'acte de mariage de ses parents,ni aucun acte d'état civil attestant de la paternité de Monsieur [P] [G] à son égard.

La communication du livret de famille ne peut pas se substituer à un acte de reconnaissance de paternité.

Au bénéfice de cette analyse,il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Monsieur [X] [G] qui succombe, supportera la charge des dépens.

Il sera débouté de ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

CONDAMNE Monsieur [X] [G] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

DEBOUTE Monsieur [X] [G] de ses prétentions au titre des frais irrépétibles .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 22/08247
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;22.08247 ?
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