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14/03/2024 | FRANCE | N°19/19937

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 14 mars 2024, 19/19937


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024

mm

N° 2024/ 88













N° RG 19/19937 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLVT







[F] [D]





C/



[A] [U]

[O] [U]

[I] [P]

[B] [X] épouse [P]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTONr>


Me Naïma HAOULIA



Me Eric MERY



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence en date du 25 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03461.



APPELANTE



Madame [F] [D]

demeurant [Adresse 6]



représentée par la SCP ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2024

mm

N° 2024/ 88

N° RG 19/19937 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFLVT

[F] [D]

C/

[A] [U]

[O] [U]

[I] [P]

[B] [X] épouse [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON

Me Naïma HAOULIA

Me Eric MERY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence en date du 25 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03461.

APPELANTE

Madame [F] [D]

demeurant [Adresse 6]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée Me Nicolas HEQUET, avocat au barreau D'AVIGNON, plaidant

INTIMES

Madame [A] [U]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Naïma HAOULIA, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [O] [U]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Naïma HAOULIA, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [I] [P]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [B] [X] épouse [P]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Eric MERY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur et Madame [I] et [B] [P], ci après les époux [P], ont acquis de Madame [F] [D], le 5 mai 2014, une maison située à [Localité 4]. Ils ont pour voisins les époux [A] et [O] [U].

En 2013, avant que les époux [P] ne deviennent propriétaires de la maison, Madame [D] avait fait réaliser des travaux d'aménagement, consistant en la surélévation du mur de séparation d' avec le fonds [U] et la construction d' un abri de jardin reposant sur ledit mur avec installation d'une gouttière destinée à l'évacuation des eaux pluviales.

Constatant un trouble consécutif à l'écoulement des eaux pluviales sur leur fonds, les époux [U] ont mandaté un Expert Géomètre en juillet 2013, Monsieur [H]-[N], qui a établi à leur demande une attestation de propriété, suivant plan d'état des lieux annexé, aux termes de laquelle l'Expert conclut « Je vous précise que le mur vous séparant de la propriété [D] vous appartient sans contestation possible, le lotissement [Adresse 1] ayant été réalisé plusieurs

années avant le lotissement [Adresse 2].

Madame [D], se prévalant d'une attestation en date du 2 mai 2013 signée par Madame [U], a excipé d'une autorisation donnée par cette dernière. Cette attestation, écrite de la main de Madame [D], a été contestée par les époux [U], Madame [U] niant avoir signé ce document.

A la demande des époux [U] et par ordonnance de référé en date du 17 janvier 2017, Monsieur [T] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Il a déposé son rapport le 3 novembre 2017, dont les conclusions sont en substance les suivantes :

' Madame [D] a réalisé un abri appuyé sur une rehausse du mur existant en limite avec les époux [U], rehausse de 126 cm en partie courante, de 84 cm au droit de l'abri.

' La couverture de cet abri, la gouttière ainsi que la descente d'eau pluviale dépassent de 20 cm dans la propriété des consorts [U], au-delà du mur.

' La solution consiste en une désolidarisation de la couverture de l'abri du mur séparatif.

Les époux [U] ont saisi le tribunal de grande instance d'Aix en Provence et ont sollicité la condamnation des époux [P] à procéder aux travaux préconisés sous astreinte de 150 € par jour de retard, la condamnation de Madame [D] à 8000 € en réparation de leur préjudice moral, 450 € par mois au titre du préjudice de jouissance, 8 000 € au titre de l'empiétement, outre les frais d'expertise et l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [P] ont fait réaliser les travaux préconisés et ont demandé à être relevés et garantis indemnes par Madame [D] des condamnations prononcées à leur encontre et du coût des travaux qu'ils ont fait réaliser.

Madame [D], assignée par procès verbal de recherches infructueuses, n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 25 novembre 2019, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a :

DEBOUTÉ les époux [U] de leur demande de condamnation sous astreinte de Monsieur [I] [P] et de Madame [B] [P] au titre des travaux préconisés par l' expert judiciaire ;

CONDAMNÉ Madame [F] [D] à verser à Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] la somme de 6000 € en réparation de leur préjudice moral ;

CONDAMNÉ Madame [F] [D] à rembourser à Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] les frais d'expertise de Monsieur [H]-[S] à hauteur de la somme de 1078,79 € ;

DEBOUTÉ Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] de leur demande au titre du préjudice de jouissance ;

CONDAMNÉ Madame [F] [D] à relever et garantir Monsieur [I] [P] et Madame [B] [P] au titre des travaux qu'ils ont fait réaliser conformément aux prescriptions de l'expert judiciaire ;

CONDAMNÉ, en conséquence, Madame [F] [D] à rembourser à Monsieur [I] [P] et Madame [B] [P] la somme de 2250 € au titre de ces travaux;

CONDAMNÉ Madame [F] [D] à verser la somme de 2800 € à Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] et celle de 2000 € à Monsieur [P] et Madame [B] [P] par application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile;

REJETÉ le surplus de toutes les demandes plus amples ou contraires des parties;

CONDAMNÉ Madame [F] [D] aux entiers dépens de la procédure en ce compris l' intégralité des frais d'expertise judiciaire et pour lesquels les époux [U] et les époux [P] ont respectivement fait l'avance chacun à hauteur de la somme de 1200 €.

Par déclaration du 31 décembre 2019, Madame [D] a relevé appel de ce jugement

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 janvier 2024.

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu les conclusions notifiées le 21 septembre 2020 par Madame [F] [D] tendant à

Vu les articles 655, 656 et 658 du code de procédure civile;

Vu le code civil et notamment les articles 651 et 661 ;

A TITRE PRINCIPAL,

CONSTATER la nullité de l'assignation signifiée le 25 novembre 2019;

ANNULER en conséquence dans toutes ses dispositions le jugement en date du 25 novembre 2019 par lequel le Tribunal de Grande Instance Aix-en-Provence a notamment:

-condamné Madame [D] à verser à Monsieur et Madame [U] la somme de 6000 euros en réparation de leur préjudice moral;

-condamné Madame [D] à rembourser à Monsieur et Madame [U] les frais d'expertise de M [H] [N] à hauteur de la somme de1078,79 euros ;

-condamné à relever garantir Monsieur et Madame [P] au titre des travaux qu'ils ont fait réaliser conformément aux prescriptions de l'expert judiciaire;

-condamné Madame [D] en conséquence à rembourser à Monsieur et Madame [P] la somme de 2.250 euros au titre de ces travaux;

-condamné Madame [D] à verser la somme de 2.800 euros à Monsieur et Madame [U] et celle de 2000 euros à Monsieur et Madame [P] par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

-condamné Madame [D] aux entiers dépens de la procédure en ce compris l' intégralité des frais d'expertise judiciaire et pour lesquels les époux [U] et les époux [P] ont respectivement fait l'avance chacun à hauteur de la somme de 1200,00 euros ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

CONSTATER l'absence de bien fondé des prétentions émises par Monsieur et Madame [U] et Monsieur et Madame [P] à l'encontre de Madame [D] et, en tout état de cause ;

REFORMER le jugement en date du 25 novembre 2019 par lequel le Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence a :

-condamné Madame [D] à verser à Monsieur et Madame [U] la somme de 6000 euros en réparation de leur préjudice moral;

-condamné Madame [D] à rembourser à Monsieur et Madame [U] les frais d'expertise de M [H] [N] à hauteur de la somme de1078,79 euros

-condamné celle-ci à relever et garantir Monsieur et Madame [P] au titre des travaux qu'ils ont fait réaliser conformément aux prescriptions de l'expert judiciaire;

-condamné Madame [D] en conséquence à rembourser à Monsieur et Madame [P] la somme de 2.250 e au titre de ces travaux;

-condamné Madame [D] à verser la somme de 2.800 € à Monsieur et Madame [U] et celle de 2000 euros à Monsieur et Madame [P] par application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile;

-condamné Madame [D] aux entiers dépens de la procédure en ce compris l'intégralité des frais d'expertise judiciaire et pour lesquels les époux [U] et les époux [P] ont respectivement fait l'avance chacun à hauteur de la somme de1200,00 euros.

REJETER l'ensemble des demandes de toute nature émises par Monsieur et Madame [U] et Monsieur et Madame [P] à l'encontre de Madame [D] en première instance comme, dans le cadre de la présente instance;

DANS TOUS LES CAS,

REJETER les demandes formées par les consorts [U] aux termes de leurs

conclusions d'appel incident et tendant à voir:

'REFORMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] de leur demande au titre du préjudice de jouissance ;

' CONDAMNER tout succombant à leur verser la somme de 29 700 euros sur ce fondement ;

' CONDAMNER Madame [D] à payer aux époux [U] la somme de 5000,00euros de dommages et intérêts pour action abusive;

DIRE ET JUGER que les dépens avancés par les parties en première instance seront conservés par devers eux et mis à leur charge définitive ;

CONDAMNER Monsieur et Madame [U] au paiement d'une somme de 3000,00 euros au bénéfice de Madame [D] au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Vu les conclusions notifiées le 27 juin 2020 par les époux [P] tendant à

Dire et juger que les travaux préconisés par l'expert judiciaire ont été réalisés par les époux [P] ;

Confirmer le jugement de première instance dans son intégralité ;

Condamner tout succombant à payer aux époux [P] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Vu les conclusions des époux [U] notifiées le 23 juin 2020 et tendant à  voir :

JUGER leur action bien fondée ;

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'existence d'un empiétement sur la propriété des époux [U] depuis le 2 mai 2013 ;

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

' Condamné Madame [F] [D] à verser à Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] la somme de 6000 € en réparation de leur préjudice moral ;

' Condamné Madame [F] [D] à rembourser à Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] les frais d'expertise de Monsieur [H]-[S] à hauteur de la somme de 1078,79 € ;

' Condamné Madame [F] [D] à relever et garantir Monsieur [I] [P] et Madame [B] [P] au titre des travaux qu'ils ont fait réaliser conformément aux prescriptions de l'expert judiciaire ;

' Condamné Madame [F] [D] à verser la somme de 2800 € à Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] et celle de 2000 € à Monsieur [P] et Madame [B] [P] par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

' Condamné Madame [F] [D] aux entiers dépens de la procédure en ce compris l'intégralité des frais d'expertise judiciaire et pour lesquels les époux [U] et les époux [P] ont respectivement fait l'avance chacun à hauteur de la somme de 1200 €.

REFORMER le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [U] et Madame [A] [U] de leur demande au titre du préjudice de jouissance ; et CONDAMNER tout succombant à leur verser la somme de 29700,00 euros sur ce fondement ;

CONDAMNER Madame [D] à verser aux époux [U] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour action abusive ;

DEBOUTER Madame [D] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre des époux [U] sur le fondement d'un trouble anormal à la jouissance de sa propriété au motif que cette demande établie pour les besoins de la cause est prescrite et infondée ;

CONDAMNER Madame [D] à verser au époux [U] la somme de 3000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

MOTIVATION :

Sur la nullité de l'assignation pour méconnaissance des dispositions des articles 655,656 et 658 du code de procédure civile , causant grief :

Madame [D] soutient que les formalités de signification prévues par les articles 655,656 et 658 du code de procédure civile n'ont pas été accomplies , de sorte que, la signification de l'acte introductif d'instance étant nulle, l'assignation est elle-même nulle et le jugement doit être annulé.

Les époux [U] répliquent, en substance, que l'huissier a procédé aux vérifications d'adresse qui s'imposaient et qui lui ont permis d'avoir confirmation de l'adresse du destinataire de l'acte par le voisinage et la mairie; qu'il a ensuite, conformément aux dispositions des articles 655 et 656 du code de procédure civile, délivré un avis de passage ; que la lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile, comportant les mêmes mentions que l'avis de passage, et la copie de l'acte de signification ont été adressées dans le délai prévu par la loi. Ils constatent que le procès-verbal de l' huissier précise toutes les diligences accomplies pour procéder à la signification à personne.

Aux termes de l'article 655 du code de procédure civile : « Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. »

L'article 656 du même code ajoute que : « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai, l'huissier de justice en est déchargé.

L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions. »

Selon l'article 658 du même code: « Dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification.

Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale.

Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe. »

En l'espèce, la lecture du procès-verbal de signification de l'assignation délivrée le 13 juillet 2018, tel qu'il figure au dossier du tribunal transmis à la cour, établit que les diligences prescrites par les articles précédemment rappelés, pour parvenir à une signification à personne, ont bien été accomplies, l'acte d'assignation étant finalement déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire, après que celui-ci eut vérifié l' exactitude du domicile de Madame [D] et constaté son absence, et celle de toute personne susceptible d'accepter de recevoir l'acte à signifier.

L'exception de nullité de la signification de l'acte introductif d'instance est en conséquence rejetée de même que la demande subséquente de nullité de l'assignation et d'annulation du jugement.

Au fond :

Sur l'infirmation du jugement quant aux condamnations prononcées à l'encontre de Madame [D] :

Madame [D] rappelle que dans leurs conclusions d'intimés , les époux [U] ne contestent pas avoir autorisé verbalement l'appelante à rehausser le mur séparatif de leurs propriétés respectives « sous réserve de consentir à aucune servitude et de ne participer à aucun frais ».

La même autorisation a été demandée et obtenue des époux [J], dont la propriété jouxte également l'ancienne propriété [D].

Elle ajoute que cette rehausse visait à remédier aux vues plongeantes donnant sur sa propriété créées par les terrasses construites par les époux [U] en extension de leur maison.

Elle critique le rapport d'expertise judiciaire faisant abstraction de la possible acquisition forcée de la mitoyenneté par Madame [D] et ses ayants droit et n'ayant pas envisagé la possibilité, tout en maintenant la toiture de l'abri appuyée sur le mur de clôture, de gérer, sans débord de toit et sans débord de gouttière sur le fonds [U], l'écoulement des eaux pluviales.

Les époux [U] lui opposent qu'elle s'est arrogée le droit de construire un abri de jardin empiétant sur le fonds de ses voisins en dehors de toute autorisation de la municipalité .

En droit, aux termes de l'article 661 du code civil, tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu' a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. La dépense que le mur a coûté est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté compte tenu de l'état dans lequel il se trouve.

Cependant, au cas d'espèce, ces dispositions ne sont pas applicables puisqu'au moment où elle a rehaussé le mur litigieux et appuyé contre ce dernier un abri , Madame [D] n'a jamais manifesté l'intention d'acquérir la mitoyenneté de ce mur, ni remboursé a fortiori la moitié de la dépense engagée pour construire ce mur et la moitié de la valeur du sol sur lequel ce mur est bâti.

Elle ne fait par ailleurs état d'aucune autre solution technique de nature à faire cesser l'empiétement sur le fonds [U] tout en assurant l'écoulement des eaux pluviales sur son fonds.

Dans ces conditions sa critique du rapport d'expertise doit être écartée et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la solution de remise en état préconisée par l'expert judiciaire et condamné Madame [D] à relever et garantir Monsieur [I] [P] et Madame [B] [P] des travaux qu'ils ont fait réaliser conformément aux prescriptions de l'expert judiciaire, en leur remboursant la somme de 2250 € coût de ces travaux.

Madame [D] conteste en second lieu l'indemnisation d'un préjudice moral, selon elle non établi. Cependant, indépendamment du débat sur l'existence d'une autorisation écrite donnée par Madame [U] de réaliser les travaux à l'origine du litige, débat purement stérile puisque les époux [U] reconnaissent, dans leurs écritures, avoir donné une autorisation verbale de rehausse du mur, il convient de constater que les époux [U] n'ont jamais consenti à l'empiétement, sur leur fonds, du toit de l'abri édifié par Madame [D] et à l'installation d'une gouttière inesthétique en surplomb de leur terrain sur une longueur de 5 mètres. Qui plus est l'abri en question a été construit sans déclaration de travaux ou autorisation de construire.

Ces faits sont indéniablement à l'origine d'un préjudice moral qui a été exactement indemnisé par le tribunal.

S'agissant du rejet de l'indemnisation d'un préjudice de jouissance découlant de l'empiétement sur leur fonds, il appartient aux époux [U] d'établir l'existence de ce préjudice.

Or , ils se contentent de l'affirmer , alors que l'atteinte à leur droit de propriété résultait du surplomb de la gouttière du toit de l'abri voisin et de l'appui de ce toit sur le mur dont ils ont autorisé la surélévation, sans véritable préjudice, trouble ou perte de jouissance de leur mur privatif ou de l'emprise au sol délimitée par ce mur, ce qui aurait été le cas si les eaux pluviales s'écoulant du toit de l'abri avaient été dirigées vers leur fonds , ce qui n'est pas invoqué.

Ils ne peuvent non plus se prévaloir d'une dépréciation de leur propriété par suite de cet empiétement , puisque celui-ci a été supprimé par les travaux réalisés par les époux [P]. En tout état de cause, une éventuelle dépréciation non établie ne pourrait fonder un préjudice de jouissance.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts des époux [U] de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de Madame [D] d'indemnisation du préjudice subi du chef des travaux de construction de terrasses réalisés par les époux [U] sur leur propriété :

Madame [D] fonde son action sur les dispositions de l'article 651 du code civil, aux termes duquel «  la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre indépendamment de toute convention » et sur la notion de troubles anormaux du voisinage.

Madame [D] invoque le préjudice subi du fait des travaux de construction réalisés par les époux [U] sur leur propriété en 2012 et 2013. Toutefois, comme le font observer les époux [U], ces travaux ont fait l'objet d'un permis de construire qui n'a pas été contesté par l'appelante. En outre, cette demande formée pour la première fois à hauteur d'appel, par conclusions du 31 mars 2020, intervient plus de 5 ans après la réalisation de l'extension de la maison des époux [U], à l'origine du trouble invoqué, de sorte que l'action de Madame [D] , pour trouble anormal du voisinage et de jouissance de sa propriété, est prescrite.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux [U] pour procédure abusive:

Le droit d'agir en justice, y compris en appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, ce qui n'est pas démontré , au stade de la présente instance, compte tenu de la position respective des parties.

En effet, pas plus la défense de Madame [D] face aux demandes des intimés que sa demande reconventionnelle n'apparaissent dictées par une intention malicieuse, la mauvaise foi ou une erreur grossière.

Les époux [U] sont ainsi déboutés de leur demande à ce titre.

Sur les demandes annexes:

Madame [D] qui succombe en totalité supportera la charge des dépens de première instance et d'appel. Elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable , eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, de laisser à la charge des époux [U] et des époux [P] les frais occasionnés par la procédure et non compris dans les dépens .

Le jugement sera en conséquence confirmé sur les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dont il convient par ailleurs de faire application à hauteur d'appel au bénéfice des époux [U] , d'une part, et des époux [P], d'autre part.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette l'exception de nullité du procès verbal de signification de l'assignation et les demandes d'annulation de l'assignation et du jugement

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare [F] [D] irrecevable en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour trouble anormal du voisinage ou trouble de jouissance, pour cause de prescription,

Déboute les époux [U] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne [F] [D] aux dépens d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [F] [D] à payer respectivement à [A] et [O] [U], une somme globale de 3000 euros, et à [B] et [I] [P], d'autre part, une somme globale de 2000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/19937
Date de la décision : 14/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-14;19.19937 ?
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