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06/07/2023 | FRANCE | N°23/01253

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 juillet 2023, 23/01253


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

ap

N°2023/ 274













Rôle N° RG 23/01253 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKVH6







S.C.I. L'AMANDIE





C/



[U] [D]

[O] [F]



























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Michaela SCHREYER



Me Julie O'RORKE



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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/05761.





APPELANTE



S.C.I. L'AMANDIE, dont le siège social est [Adresse 3] - [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2023

ap

N°2023/ 274

Rôle N° RG 23/01253 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKVH6

S.C.I. L'AMANDIE

C/

[U] [D]

[O] [F]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Michaela SCHREYER

Me Julie O'RORKE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 03 Janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/05761.

APPELANTE

S.C.I. L'AMANDIE, dont le siège social est [Adresse 3] - [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Michaela SCHREYER, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIMES

Madame [U] [D]

demeurant [Adresse 6] - [Localité 1]

représentée par Me Julie O'RORKE, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Monsieur [O] [F]

demeurant [Adresse 2] - [Localité 7]

assignation portant signification de la déclaration d'appel le 30/01/2023 à personne

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fon ction de Président de chambre et Madame Aude PONCET, Vice Président placé, chargés du rapport.

Madame Aude PONCET, Vice Président placé a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fon ction de Président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Aude PONCET, Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fon ction de Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [U] [D] et M.[O] [F] sont propriétaires indivis d'une parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 5], située à [Localité 8], [Adresse 4].

La SCI l'Amandie est quant à elle propriétaire d'une parcelle voisine correspondant au lot n°10.

Par acte d'huissier en date du 3 octobre 2016, Mme [U] [D] et M.[O] [F] ont fait assigner en référé la SCI l'Amandie devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'expertise.

Par ordonnance en date du 3 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Draguignan a fait droit à cette demande et désigné M. [V] en qualité d'expert. Sa mission initiale a été élargie par ordonnance du 3 juillet 2018.

Le rapport d'expertise a été rendu le 14 juin 2019.

Par ordonnance de référé du 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a autorisé la SCI l'Amandie à pénétrer sur la parcelle des consorts [D]/[F] aux fins de réalisation des travaux préconisés par l'expert, avec astreinte en cas d'empêchement ou d'opposition.

Par ordonnance de référé du 13 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a notamment liquidé l'astreinte prévue par l'ordonnance de référé du 25 novembre 2020 et a condamné Mme [D] à payer à ce titre la somme de 2 500€.

Par acte d'huissier en date du 14 septembre 2020, Mme [U] [D] a fait assigner la SCI l'Amandie devant le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de condamnation à démolir une terrasse, à effectuer des travaux de réfection d'un mur séparatif sous astreinte si besoin, à lui payer la somme de 158 550€ au titre du préjudice de perte de valeur de sa maison, de 50 000€ au titre du trouble de jouissance et de 20 000€ au titre du trouble engendré par les apports d'eau en façade et l'inondation récurrente de la cave.

Par ordonnance d'incident en date du 3 janvier 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan a notamment :

- déclaré Mme [U] [D] recevable en ses demandes,

- rejeté la demande d'expertise formulée par la SCI l'Amandie,

- débouté Mme [U] [D] de ses demandes de remise en état du terrain et de provision,

- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a en effet considéré que la SCI l'Amandie n'apportait pas la preuve que la surélévation de la terrasse serait intervenue en 1996, date à partir de laquelle courrait donc la prescription et que Mme [D] a eu connaissance de la hauteur de la surélévation de la terrasse litigieuse à compter du rapport de l'expert ayant réalisé des relevés altimétriques.

Il a également considéré que les actions indemnitaires engagées par Mme [U] [D] reposent sur l'analyse réelle de la perte de valeur par le juge du fond et sur la caractérisation du préjudice résultant de l'aggravation alléguée de la servitude naturelle d'écoulement des eaux, préjudices qui, par nature, s'inscrivent dans la durée.

Concernant le rejet de la demande d'expertise, il a considéré que lors de l'expertise intervenue, les parties avaient pu s'exprimer de manière contradictoire sur les éléments apportés par l'expert permettant d'apprécier la moins value du bien de Mme [U] [D] et des travaux de reprise nécessaires.

Concernant le rejet de la demande de remise en état du terrain, il a considéré que Mme [U] [D] n'apportait pas la preuve que l'état du terrain était objectivement imputable à la SCI l'Amandie et que ses demandes étaient trop imprécises.

Il a enfin rejeté la demande de provision, considérant qu'il n'était pas établi l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à l'encontre de la SCI l'Amandie au titre des irrégularités de la construction, du trouble de jouissance, du trouble anormal du voisinage et de l'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux, ces éléments nécessitant un examen par le juge du fond.

Par déclaration en date du 18 janvier 2023, la SCI l'Amandie a interjeté appel de l'ordonnance d'incident en date du 3 janvier 2023 devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées par RPVA le 28 avril 2023, la SCI l'Amandie demande à la cour de :

- réformer la décision déférée, en ce qu'elle a rejeté les fins de non recevoir pour cause de prescription soulevées par la SCI l'Amandie,

- déclarer irrecevable comme prescrite la demande de Mme [D] de démolition de la terrasse suspendue ayant fait l'objet de la non-opposition à demande de déclaration préalable du 13 juin 2019 en ce que l'ouvrage a été réalisé en 1996 ou à tout le moins existait depuis plus de 5 ans au moment de l'interruption de la prescription,

- déclarer irrecevable comme prescrite la demande de dommages et intérêts de Madame [D] se fondant sur les troubles du voisinage découlant de l'irrégularité de la construction du mur de soutènement en limite de propriété, de l'implantation de la maison, de la terrasse suspendue objet de la demande de déclaration préalable du 13 juin 2019 et la modification de la zone de circulation en limite de propriété, en ce que les ouvrages litigieux étaient achevés depuis plus de cinq ans lors de l'interruption de la prescription,

- déclarer irrecevable comme prescrite la demande de dommages-intérêts de Mme [U] [D] pour aggravation d'une servitude naturelle d'écoulement des eaux chiffrée à 20 000€ en ce que la prescription d'une demande d'indemnisation d'un trouble de voisinage démarre à la date d'achèvement de l'ouvrage litigieux et en ce que les ouvrages litigieux existaient depuis plus de cinq ans lors de l'interruption de la prescription,

- allouer une somme de 3000 € à la SCI l'Amandie en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamner Madame [D] aux entiers dépens,

- confirmer l'ordonnance du 3 janvier 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire Draguignan en ce qu'elle a rejeté les provisions de Mme [U] [D],

- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de Mme [U] [D].

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- conformément au permis de construire obtenu le 5 février 1990 et des plans annexés, la piscine et une terrasse côté ouest avaient déjà été construites à cette date,

- qu'elle a souhaité, par déclaration préalable en date du 15 avril 2019, obtenir une régularisation de l'extension de la terrasse côté est que les propriétaires antérieurs avaient fait construire sans autorisation en 1996, et obtenu un arrêté de non opposition à déclaration préalable pris par le maire de [Localité 8] le 13 juin 2019,

- que, si Mme [D] a contesté cet arrêté de non opposition et a obtenu son annulation dans une décision du 22 mars 2022 rendue par le tribunal administratif de Toulon, ce dernier dans sa décision a précisé que la construction était intervenue en 1996, ce qui est par ailleurs confirmé par une attestation de l'ancienne gérante de la SCI ainsi que des photos de l'époque,

- que, dans la mesure où le délai de prescription commence à courir à compter de l'achèvement de l'ouvrage, date à laquelle s'est manifesté le dommage occasionné par le trouble de voisinage, l'action est en l'espèce prescrite et doit donc être déclarée irrecevable, l'action engagée par Mme [D] pour obtenir la démolition de la terrasse n'étant intervenue que par assignation au fond en date du 21 septembre 2020,

- qu'en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour perte de valeur de la maison, il ressort du rapport d'expertise que le mur de soutènement critiqué a été construit en 1990, et que compte tenu de cette date de construction comme de celle de la terrasse (1996), la demande d'indemnisation pour troubles du voisinage est également prescrite, le point de départ du délai étant là aussi la date d'achèvement de l'ouvrage litigieux, étant une action en responsabilité civile extracontractuelle et non une action réelle immobilière,

- qu'en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour l'aggravation d'une servitude d'écoulement des eaux, les consorts [D]/[F] ont participé à leur propre dommage dans la mesure où, tel que cela ressort là aussi du rapport d'expertise, ils ont encaissé leur maison plus que prévu dans le permis de construire, et que les derniers travaux intervenus en limite de propriété datant de 2008, leur action est là aussi prescrite,

- que les demandes de Mme [D] relatives à la reconstruction d'un mur de 0,60 mètres et à la remise en état du terrain relèvent du juge du fond et constituent de surcroit de nouvelles demandes en appel,

- que la demande de provision ne peut être admise compte tenu de l'absence d'obligation non sérieusement contestable.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées par RPVA le 4 mai 2023, Mme [U] [D] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du 3 janvier 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'elle a rejeté les demandes, fins et conclusions de la SCI l'Amandie et déclarée Mme [U] [D] recevable en ses demandes,

- réformer l'ordonnance du 3 janvier 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'elle a débouté Mme [U] [D] de ses demandes de remise en état du terrain et de provision,

En conséquence, statuant à nouveau :

- ordonner que le mur séparatif entre les deux lots soit réduit à la hauteur autorisée par le cahier des charges du lotissement et par le PLU de la commune de [Localité 8] soit 0,60 m,

- ordonner la remise en état du terrain appartenant à l'indivision [D]/[F] comprenant plantation des arbres arrachés et détruits à l'occasion des travaux d'édification du mur et au besoin sous astreinte de 500 € par jour de retard,

- condamner la SCI l'Amandie à verser à l'indivision [D]/[F] la somme de 50 000 € à titre provisionnel à valoir sur les dommages et intérêts chiffrés par l'expert judiciaire pour les nuisances subies,

En tout état de cause,

- condamner la SCI l'Amandie à verser à Mme [U] [D] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Maître O'ORORKE Julie.

À l'appui de ses demandes, elle fait valoir que :

- les troubles anormaux du voisinage correspondent à un régime de responsabilité sans faute, qu'ils sont en l'espèce caractérisés par les pièces qu'elle verse aux débats ainsi que par le rapport d'expertise,

- que le point de départ de la prescription est la date des premières manifestations du trouble,

- que la SCI l'Amandie n'apporte pas la preuve de ce que les ouvrages litigieux auraient été construits avant qu'elle n'achète le bien soit avant 2012, étant précisé que les terrasses litigieuses ne figurent pas sur les plans du permis de construire de 1990 et qu'aucune régularisation n'est intervenue depuis, de sorte qu'elles n'ont aucune existence légale,

- que les éléments versés aux débats par la SCI l'Amandie ne permettent pas de fixer la date à laquelle les troubles du voisinage ont débuté, Mme [D] n'ayant été informée de ses droits qu'à l'issue de l'expertise judiciaire,

- que les demandes de dommages et intérêts ne peuvent être prescrites puisque les troubles décrits s'étendent dans le temps,

- que les nuisances qu'elle subit sont incontestables et de nature à justifier l'octroi d'une provision.

M. [O] [F] n'a pas constitué avocat en cause d'appel. Il a été assigné par acte d'huissier en date du 30 janvier 2023, l'acte lui ayant été remis en personne. Par conséquent, la présente décision sera réputée contradictoire.

La procédure a fait l'objet d'une clôture par ordonnance en date du 9 mai 2023.

MOTIFS

Sur les pièces n°33 à 40 versées aux débats par l'appelante

En l'espèce, à l'audience, Mme [D] a communiqué deux pièces quelques heures après le prononcé de la clôture.

Les pièces n°33 et 40 sont donc d'office irrecevables comme étant versées postérieurement à la clôture.

Sur la prescription

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

- sur les demandes relatives à la terrasse

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, Mme [D] sollicite la démolition d'une terrasse suspendue et considère sa demande comme recevable, contestant la prescription soulevée par la SCI l'Amandie, expliquant que la SCI l'Amandie n'apporte pas la preuve que la construction de cette terrasse serait intervenue en 1996.

Or, Mme [Z], ancienne gérante de la SCI l'Amandie indique en effet dans son attestation en date du 20 mars 2020 versée aux débats avoir créé en 1996 la 'terrasse devant la piscine face à la mer sur le côté'. Elle précise avoir agrandi la même année cette terrasse et joindre une photographie correspondante du 17 août 1996.

La photographie extraite de la base IGN prise le 30 juin 2010 permet de constater la présence de la terrasse litigieuse.

Il ressort par ailleurs de la décision du tribunal administratif de Toulon ayant annulé la décision de non opposition à déclaration préalable pour les travaux de régularisation de la terrasse litigieuse que la commune de [Localité 8], partie à l'instance, a fait valoir que la terrasse litigieuse avait été construite en 1996.

La SCI l'Amandie verse enfin aux débats un rapport d'expertise en date du 14 novembre 2011 aux fins d'évaluation de la valeur de la maison propriété de la SCI l'Amandie. Y figurent des photographies qui démontrent que la terrasse litigieuse avait déjà été réalisée à cette époque.

Ainsi, compte tenu de ces éléments, il apparait que l'extension de la terrasse existait bien depuis 1996.

Il convient de souligner que si Mme [D] soutient qu'une terrasse avait bien été construite en 1996 par les anciens gérants de la SCI l'Amandie mais qu'elle a été détruite, seuls les piliers demeurant sur la propriété, non loin de la limite séparative, elle n'en apporte pas la preuve, la seule photographie qu'elle verse aux débats (pièce 17) étant inopérante à ce titre.

En ce qui concerne le préjudice de vue lié à l'édification de cette terrasse, Mme [D] reconnait dans ses écritures que la vue depuis la terrasse litigieuse vers sa propriété existait déjà avant la coupe de la haie, même si elle indique qu'elle s'est accentuée.

Les troubles invoqués par Mme [D] étaient donc bien présents depuis la date de la construction de cette terrasse, soit depuis plus de cinq ans et ne sont pas apparus suite à la coupe de la haie, telle que le déclare pourtant Mme [D], dans ses écritures, en contradiction avec sa reconnaissance dans ces mêmes conclusions d'un préjudice de vue préexistant.

Par conséquent, l'action engagée par Mme [D] aux fins de destruction de cette terrasse mais également aux fins de réparation des préjudices issus de l'existence de cette construction est prescrite.

L'ordonnance de mise en état sera donc infirmée sur ce point.

- sur les autres sources de préjudice

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, Mme [D] invoque des préjudices de vue depuis une plateforme ayant nécessité la construction d'un mur transversal de 3 mètres dans une bande non constructible avec augmentation de l'encaissement et privation d'ensoleillement, un préjudice de vue lié à la construction récente d'un abri de jardin à côté de la piscine, des préjudices liés à l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux, à l'éboulement d'un mur et à l'inondation récurrente d'une cave.

Par ordonnance de référé en date du 2 novembre 2016, une expertise a été ordonnée dont la mission a été élargie par ordonnance du 3 juillet 2018, à la demande de Mme [D], qui exposait que la mission initiale de l'expert était devenue trop étroite au regard des nuisances multiples que la propriété de la SCI l'Amandie lui cause.

Certains des préjudices soulevés par Mme [D] sont d'ailleurs l'objet de cette mission élargie de l'expertise.

Il ressort du rapport d'expertise en date du 14 juin 2019 que la SCI l'Amandie a réalisé des travaux qui aggravent la servitude naturelle des écoulements des eaux pluviales du fait de la création de zones étanches sans drainage de celles-ci et notamment le mur de restanque et d'empierrement. L'expert précise que cela cause un préjudice de perte de jouissance d'une partie du terrain du fait du risque d'éboulement du mur ainsi qu'un apport d'eau permanent en façade ouest venant se rajouter à l'écoulement naturel en cas de fortes pluies, ces eaux se répandant dans la cage d'escalier d'accès à la cave et au vide sanitaire, précisant également que du fait d'une manque d'aménagement de cette cage de la part des consorts [D]/[F], cette dernière est régulièrement inondée.

Il n'est pas contesté que la SCI l'Amandie a été autorisée par ordonnance de référé du 25 novembre 2020 à pénétrer sur la parcelle des consorts [D]/[F] pour la réalisation des travaux préconisés par l'expert [V] dans son rapport déposé le 14 juin 2019.

Des travaux ont effectivement été réalisés par la SCI l'Amandie en 2021 dont Mme [D] conteste la conformité avec les préconisations de l'expert.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [D] a eu une exacte connaissance de la nature et de l'étendue de ses préjudices, ainsi que de leur aggravation, à compter du dépôt du rapport d'expertise judiciaire rendu par Monsieur [V] étant précisé que le mur a, depuis l'expertise, été modifié.

Par conséquent, l'action de Mme [D] en ce qu'elle demande réparation des préjudices autres que ceux liés à l'édification de la terrasse n'est donc pas prescrite.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Mme [D].

Sur la demande de remise en état du terrain

Mme [D] sollicite que le mur séparatif entre les deux lots soit réduit à la hauteur autorisée par le cahier des charges du lotissement et par le PLU de la commune de [Localité 8] soit 0.60 mètre et que le terrain de l'indivision [D]/[F] soit remis en état à travers la plantation des arbres arrachés et détruits à l'occasion des travaux d'édification du mur et au besoin sous astreinte de 500€ par jour de retard.

L'objet de l'ordonnance de référé rendue le 25 novembre 2020 était d'autoriser la SCI l'Amandie à pénétrer sur le terrain des consorts [D]/[F] afin de réaliser les travaux préconisés par l'expert.

Mme [D] conteste la conformité des travaux réalisés avec ceux préconisés par l'expert.

Cette question ne peut être tranchée par le juge de la mise en état mais bien par le juge du fond.

Les demandes de Mme [D] seront donc rejetées à ce stade.

Sur la demande de provision

Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, lorsque la demande est postérieure à sa désignation et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

En l'espèce, Mme [D] sollicite que lui soit octroyée une provision de 50 000€ à valoir sur les dommages et intérêts chiffrés par l'expert judiciaire pour les nuisances subies.

Si l'expertise de M.[V] permet de disposer d'éléments d'analyse du litige opposant les parties, il doit être rappelé que des travaux ont été entrepris par la SCI l'Amandie suite aux préconisations de l'expert, dont Mme [D] conteste la régularité et qui fondent un certain nombre des demandes formulées.

Par ailleurs, l'expert relève dans son rapport que si la parcelle de la SCI l'Amandie a été surélevée pour créer des zones de circulation plates avec restanques et escalier permettant de circuler, la parcelle des consorts [D]/[F] a été décaissée afin d'effectuer une plateforme.

Il explique par ailleurs que les désordres subis par l'inondation des caves ne sont pas entièrement liés à l'aménagement de la parcelle de la SCI l'Amandie mais découlent de vices de construction et de défauts d'aménagement du terrain des époux [D]/[F];

Il ne peut donc être considéré qu'il existe une obligation non sérieusement contestable, qui justifierait l'octroi d'une provision.

Par conséquent, il convient de rejeter la demande de provision formulée par Mme [D] et de confirmer l'ordonnance de mise en état sur ce point.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie qui succombe supporte les dépens.

La SCI l'Amandie, qui succombe, sera donc condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Sur la demande formulée au visa de l'article 700 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, l'équité commande de rejeter les demandes d'indemnité au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les pièces n°33 à 40 versées par Mme [U] [D],

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Mme [U] [D] aux fins de démolition de la terrasse et de réparation des préjudices liés à l'édification de cette terrasse,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de démolition de la terrasse suspendue,

Déclare irrecevables les demandes de réparation des préjudices liés à l'édification de la terrasse,

Confirme l'ordonnance pour le surplus,

Y ajoutant,

Rejette les demandes formulées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI l'Amandie aux dépens de la procédure d'appel avec distraction au profit de Me Julie O'ORORKE.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 23/01253
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;23.01253 ?
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