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06/07/2023 | FRANCE | N°22/14875

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 06 juillet 2023, 22/14875


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3



ARRÊT

DU 06 JUILLET 2023



N° 2023/205



Rôle N° RG 22/14875 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJGF







Compagnie d'Assurances AREAS DOMMAGES





C/



[I] [R]

[G] [F]

Compagnie d'assurance MACIF













Copie exécutoire délivrée

le :



à :

Me Jean-François JOURDAN



Me François-Xavier GOMBERT



Me Salima GOMRI,

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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 24 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02199.





APPELANTE



Compagnie d'Assurances AREAS DOMMAGES prise en...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT

DU 06 JUILLET 2023

N° 2023/205

Rôle N° RG 22/14875 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKJGF

Compagnie d'Assurances AREAS DOMMAGES

C/

[I] [R]

[G] [F]

Compagnie d'assurance MACIF

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-François JOURDAN

Me François-Xavier GOMBERT

Me Salima GOMRI,

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 24 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02199.

APPELANTE

Compagnie d'Assurances AREAS DOMMAGES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-Marc ZANATI de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, plaidant par Me Frédéric MALAIZE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

M. [I] [R]

demeurant [Adresse 4]

représenté et plaidé par Me François-Xavier GOMBERT de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Compagnie d'assurance MACIF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée et plaidée par Me François-Xavier GOMBERT de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

M. [G] [F]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000119 du 03/03/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

demeurant [Adresse 8]

représenté et plaidé par Me Salima GOMRI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente

Mme Béatrice MARS, Conseillère

Mme Florence TANGUY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Angéline PLACERES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023,

Signé par Mme Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Mme Angéline PLACERES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le mercredi 10 août 2016, à 15 heures 05, un incendie de végétation s'est déclaré [Adresse 2] à [Localité 11]. Attisé par un fort mistral, il s'est propagé notamment sur les communes de [Localité 11], [Localité 13], [Localité 9], [Localité 12], [Localité 7], [Localité 5] et à la limite de la commune de [Localité 10]. Il a été maîtrisé au bout de trois jours et a été éteint le 10ème jour.

Les investigations diligentées par les enquêteurs de la gendarmerie nationale ont permis de localiser le départ de feu sur un terrain où 'uvrait M. [G] [F], maçon.

Une information a judiciaire été ouverte. M. [F] reconnu qu'il avait fumé une cigarette et jeté le mégot mal éteint en bas d'un talus.

Suivant ordonnance en date du 10 novembre 2020, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de':

- destruction involontaire par incendie de bois, forêt, maquis, landes ou plantation d'autrui dans des conditions de nature à créer un dommage irréversible à l'environnement par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence,

- destruction involontaire par incendie de bois, forêt, maquis, landes ou plantation d'autrui dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence,

- destruction involontaire par incendie de bois, forêt, maquis, landes ou plantation d'autrui causant à M. [I] [B] une incapacité supérieure à huit jours par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence,

- destruction involontaire du bien d'autrui par incendie provoqué par un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence au préjudice de 447 victimes,

- dégradation ou détérioration involontaire du bien d'autrui par incendie provoqué par un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence au préjudice de 447 victimes,

- blessures involontaires par l'effet d'un incendie ayant causé une incapacité inférieure ou égale à 3 mois au préjudice de Mme [C] [Y] [K], M. [N] [X], Mmes [J] [H] et [V] [H],

- blessures involontaires par l'effet d'un incendie n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail au préjudice de M. [P] [H] et Mmes [W] et [L] [H].

Par jugement prononcé le 16 novembre 2021, il a été condamné à la peine de cinq ans d'emprisonnement, dont quatre ans assortis du sursis et un an sous bracelet électronique pour les délits, outre des peines d'amende pour les contraventions.

Par ailleurs, la juridiction correctionnelle a joint au fond l'exception préjudicielle de non- garantie opposée par la société Aréas Dommages, sur le fondement de l'article 385-1 et suivants du code des assurances, au titre, d'une part, de la police multirisque habitation n° 16953388W 01 souscrite par M. [F] et résiliée, d'autre part, de la police responsabilité civile et décennale n°06658836/355008.

L'affaire a été renvoyée sur intérêts civils au 5 mai 2022 puis au 5 octobre 2023.

*

Par actes du 26 et 31 mai 2021, M. [I] [R] et la Macif ont assigné devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, M. [G] [F] et la société Areas Dommages aux fins de voir juger que la responsabilité civile de M. [F], assuré auprès de la compagnie Areas Dommages, est engagée ; condamner in solidum la compagnie Areas Dommages et M. [F] à verser à la Macif la somme de 20 771,80 euros en sa qualité de créancière subrogée au titre du montant des indemnisations versées ainsi que 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ; condamner in solidum la compagnie Areas Dommages et M. [F] à verser à M. [R] la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral, 245 000 euros au titre de la réparation de son préjudice financier né de la perte de chance de céder son bien à la valeur à laquelle il était affiché à la vente au moment de l'incendie et la valeur à laquelle il a finalement été cédé deux ans plus tard et la somme de 120 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel non indemnisé.

Par conclusions d'incident notifiées le 21 décembre 2021, la compagnie Areas a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir ordonner la jonction des instances RG N°21/02196, RG n° 21/02186, RG n° 21/02193, RG n° 21/02194, RG n° 21/02195, RG n° 21/02200, RG n° 21/02197, RG n° 21/02198, RG n° 21/02199, RG n° 21/02201, RG n° 21/02202, RG n° 21/02206, RG n° 21/02208, RG n° 21/02214, RG n° 21/02223 et RG n° 21/03031 ; ordonner le sursis à statuer sur les demandes des assurés de la Macif et, à titre subsidiaire sur les demandes de la Macif, dans l'attente du jugement qui sera rendu à l'audience du 5 octobre 2023 sur les exceptions soulevées in limine litis par la compagnie Areas aux audiences correctionnelles des 15 et 16 novembre 2021; juger la Macif irrecevable en toutes ses demandes.

Par ordonnance en date du 24 octobre 2022 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Aix en Provence a :

-dit n'y avoir lieu à ordonner la jonction sollicitée,

-dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

-rejeté l'exception d'incompétence,

-condamné la société Areas Dommages à régler :

- à la Macif la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- à M. [G] [F] la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Aréas Dommages aux dépens,

-renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du lundi 6 mars 2023 à 09 H 00.

La société Aréas Dommages a relevé appel de cette décision le 3 novembre 2022.

Vu les dernières conclusions de la société Aréas Dommages, notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, au terme desquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 122 du CPC';

Vu la convention Coral et spécialement son article 4';

Vu l'article 378 du code de procédure civile';

Vu le renvoi à l'audience correctionnelle du 5 octobre 2023';

Vu la désignation de Mme Laure Delsupexhe comme juge d'instruction en charge de la plainte contre X de la Cie Aréas Dommages'

Vu l'identité de parties civiles et d'objets devant les juridictions répressives et civiles en

même temps saisies

-infirmer l'ordonnance du juge de la mise en l'état du 24 octobre 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer d'Aréas Dommages,

Et statuant à nouveau :

-ordonner le sursis à statuer sur les demandes des assurés de la Macif, et à titre subsidiaire sur les demandes de la Macif, dans l'attente de la décision que prendra Mme le juge d'instruction Laure Delsupexhe à l'issue de son instruction et du jugement qui sera rendu à l'audience du 5 octobre 2023 sur les exceptions soulevées in limine litis par la cie Aréas aux audiences correctionnelles des 15 et 16 novembre 2021,

-infirmer l'ordonnance du JME du 24 octobre 2022 en ce qu'elle n'a pas fait droit à la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause compromissoire inscrite dans la convention Coral et rejeter « l'exception d'incompétence » de la cie Aréas Dommages,

Et statuant à nouveau,

-déclarer irrecevables les demandes de la Macif,

-infirmer l'ordonnance du juge de la mise en l'état du 24 octobre 2022 en ce qu'elle a condamné Aréas Dommages à régler les sommes de 500 euros à la Macif et à certains de ses assurés, 200 euros à [G] [F] sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Et statuant à nouveau,

-débouter la Macif, les assurés de la Macif et [F], soit l'ensemble des intimés, de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

En tout état de cause,

-débouter la Macif, les assurés de la Macif et [F], soit l'ensemble des intimés, de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la cie Aréas Dommages,

-condamner in solidum la Macif, M. [F] et l'ensemble des intimés à payer à la cie Aréas Dommages la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC et en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Jourdan dans les conditions de l'article 699 du CPC ;

Vu les dernières conclusions de M. [I] [R] et de la Mutuelle Assurances des Commerçants et Industriels de France (Macif) notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, au terme desquelles il est demandé à la cour de:

Vu les articles 1240 & 1241, 1346 et suivants du code civil';

Vu les articles L.121-12 al.1er, L.124-3 et L.511-1 du code des assurances';

Vu les articles 367 et 368 du code de procédure civile';

Vu l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction Mme [M] du 10 novembre 2020';

Vu les pièces versées aux débats';

- les recevoir en leurs conclusions,

-débouter la compagnie Aréas de l'ensemble de ses demandes,

-confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 24 octobre 2022 de Mme la

juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Aix en Provence,

Y ajoutant,

-condamner la compagnie Aréas à verser à la Macif et à [R] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

Vu les dernières conclusions de M. [G] [F], notifiées par voie électronique le 26 décembre 2022, au terme desquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 4 du code de procédure pénale ;

Vu le code de procédure civile';

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil';

Vu l'article L 511-1 du code des assurances ;

-débouter la société Aréas de l'ensemble de ses demandes,

-confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 24octobre2022 rendue par Mme la juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence,

Y ajoutant,

Vu l'article 700-2° du CPC ensemble l'article 37 alinéas 1 et 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

-condamner la société Aréas à payer à Me [Z] [A] la somme de 1 620 euros HT au titre de l'article 700-2° du CPC au titre de la procédure d'appel,

-condamner la société Aréas aux entiers dépens d'appel ;

L'ordonnance de clôture est en date du 5 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION':

- Sur le sursis à statuer':

L'appelante sollicite le sursis à statuer en vue d'une bonne administration de la justice. Elle invoque de prévenir la nécessité de prévenir tout risque de contrariété de décisions et de déni de justice. En premier lieu, elle fait valoir qu'elle a déposé plainte le 11 novembre 2021 contre X pour faux en écriture, usage de faux, escroquerie au jugement, concernant l'attestation responsabilité civile et décennale n° 06658836/355008 produite in extremis par M. [F] devant le juge correctionnel et développe les incohérences de ce document. Elle souligne que l'ouverture d'une information judiciaire sur cette plainte vaut mise en mouvement de l'action publique. En second lieu, elle se prévaut de l'instance pénale actuellement pendante devant le juge correctionnel sur l'exception préjudicielle soulevée et les intérêts civils, ainsi que de l'audience prévue le 5 octobre 2023.

La Macif et M. [R] s'opposent au sursis à statuer. Ils font valoir que, suivant jugement définitif du 16 novembre 2021 sur l'action publique, la culpabilité de M. [F] a été reconnue et que, par application de l'article 4 du code de procédure pénale, les juges civils conservent la possibilité de se prononcer sur les actions exercées devant leur juridiction de quelque nature qu'elles soient. S'agissant de la police responsabilité civile et décennale, ils invoquent l'attestation délivrée dans le cadre de l'exercice de ses fonctions par M. [T] [D], agent général de la société Aréas jusqu'au début de l'année 2017, à M. [F], lequel a payé la cotisation et a cru être assuré auprès des tiers. Ils avancent la responsabilité du commettant et la théorie du mandat apparent. S'agissant de la police d'assurance multirisque habitation, ils soutiennent que la question de savoir si M. [F] a agi dans le cadre de ses fonctions relève d'un débat au fond.

M. [F] prétend que les instances pénales en cours n'auront pas d'incidence sur la procédure civile. Il expose que les vérifications effectuées par la gendarmerie ont confirmé que l'expéditeur de l'attestation responsabilité décennale litigieuse est bien M. [D]. Il met en exergue que la compagnie d'assurance doit répondre des engagements pris par son mandataire et est engagée vis-à-vis des tiers qui ont une croyance légitime dans les pouvoirs de celui-ci. Il souligne que le sursis à statuer est de nature à retarder l'issue du procès civil au préjudice des victimes du sinistre du 10 août 2016.

L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.

Aux termes de l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

L'appelante admet que le sursis à statuer sollicité est facultatif et que l'appréciation de son opportunité relève du pouvoir discrétionnaire du juge saisi.

En l'espèce, il a été statué sur les infractions pénales reprochées à M. [F] par jugement définitif sur l'action publique mise en mouvement le concernant. Or, le renvoi sur intérêts civils se rapporte à l'action en réparation des dommages causés dans les suites du sinistre du 10 août 2016, ce que ne saurait éluder la société Aréas Dommages nonobstant son argumentation pour dénier sa garantie.

Par ailleurs, la société Aréas ne produit que la plainte contre X adressée par lettre au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, et non de pièces relatives à l'information en cours. En toute hypothèse, celle-ci concerne le contrat d'assurance professionnelle souscrit par M. [F] auprès d'Aréas par l'intermédiaire de son agent général. Elle vise donc d'autres infractions dont les auteurs ne sont pas, pour l'heure, mis en examen voire même identifiés en l'absence de documents probants communiqués par l'appelante.

Au surplus, l'attestation d'assurance arguée de faux en date du 1er mars 2016, comporte le nom M. [D], agent général Aréas Dommages à [Localité 6], son cachet et sa signature. Les intimés invoquent, avec pertinence, les dispositions de l'article L 511-1 III devenu IV du code des assurances ainsi que la croyance des tiers dans les pouvoirs du mandataire.

Enfin, il n'est pas dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de retarder l'issue du procès civil, au regard de son importance pour les victimes, alors que le juge du fond dispose d'éléments pour se prononcer sur les responsabilités et la garantie de l'assureur.

Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise sur le rejet de la demande de sursis à statuer.

Sur la fin de non-recevoir fondée sur la convention amiable de règlement des litiges entre assureurs CORAL

Dans le dispositif de la décision attaquée, le juge de la mise en état rejette l'exception d'incompétence. Dans les motifs, il indique notamment «'Il résulte de la lecture combinée des articles 4 et 5 de ladite convention que la conciliation n'est obligatoire d'une part que pour les demandes subrogées légalement, et d'autre part seulement lorsque celles-ci ont trait à une demande d'un montant inférieur à 50K€. Il s'ensuit que la procédure d'escalade puis de conciliation/ arbitrage n'est nullement obligatoire pour les assureurs concernés par le présent litige, les demandes étant très largement supérieures au montant de 50 K€, la Macif étant subrogée pour plus de 350.000 euros et un découvert de garantie pour plus de 220.000 euros.'»

L'appelante sollicite l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle n'a pas fait droit à la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause compromissoire inscrite dans la convention CORAL. Elle rappelle que la Macif, membre du GEMA et adhérente à la convention CORAL, n'a pas respecté l'article 4 de la convention, en l'occurrence la procédure d'escalade, étape préalable obligatoire à la saisine d'une juridiction.

La Macif rétorque que la convention Coral est difficilement applicable compte tenu de la multiplicité des dossiers, du montant de la subrogation pour plus de 350'000 euros, du risque de ralentissement de la procédure judiciaire en cours et de contrariété de décisions. Elle ajoute que le tribunal arbitral n'a pas été saisi.

La convention CORAL, à effet au 1er janvier 2016, indique':

- article 1 : objet et principes fondamentaux

La présente Convention a pour but de favoriser le règlement amiable des litiges entre assureurs en évitant les procédures judiciaires.

A cette fin, elle institue et organise une procédure d'escalade, de conciliation et d'arbitrage entre assureurs.

La procédure d'escalade vaut diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige au sens de l'article 56 du Code de Procédure Civile.

Les litiges entre assureurs auxquels des assurés ou des tiers lésés sont également intéressés doivent être traités selon cette convention.

Ses dispositions s'imposent aux assureurs adhérents mais sont inopposables aux victimes, assurés ou tiers.

Article 4 : procédure d'escalade':

Les sociétés adhérentes sont tenues, avant de recourir à la conciliation, à l'arbitrage ou à la saisine d'une juridiction d'état, d'épuiser toutes voies de recours dans le cadre de la procédure d'escalade.

Sauf dispositions conventionnelles spécifiques, la procédure d'escalade s'impose aux sociétés pour les litiges relevant du champ d'application de l'article 2 de la présente Convention.

Elle constitue un préalable obligatoire à la conciliation et à la saisine de l'Instance arbitrale qui doit rester exceptionnelle.

'

(')

Article 5': procédures de conciliation et d'arbitrage

La conciliation est un préalable obligatoire à toute saisine de l'instance arbitrale quel que soit le montant du litige.

- pour les demandes subrogées légalement d'un montant inférieur ou égal à 50K€ ou dont la solution relève d'une disposition conventionnelle, la procédure de conciliation/ arbitrage est obligatoire,

- pour les demandes subrogées légalement d'un montant supérieur à 50K€ et dont la solution ne relève pas d'une disposition conventionnelle la procédure de conciliation/ arbitrage est facultative.

(')

En l'espèce, il est constant que les sociétés Aréas Dommages et Macif sont adhérentes à la convention CORAL et sont donc tenues de se conformer aux dispositions qu'elle prévoit. Le litige «'responsabilité civile'» et «'incendie'» relève de l'article 2.

La procédure d'escalade, première étape du règlement amiable des litiges entre assureurs, s'impose à elles et constitue un préalable obligatoire à la conciliation, l'arbitrage et la saisine du juge judiciaire.

Elle n'est pas facultative à la différence de la procédure de conciliation et d'arbitrage qui distingue les demandes subrogées inférieures et supérieures à 50'000 euros.

La procédure d'escalade prévoit aux articles 4.1, 4.2, 4.3, 4.4 des conditions de mise en 'uvre et des modalités précises avec des échelons.

Ainsi, avant d'assigner la société Aréas Dommages, la Macif devait adresser une lettre à l'échelon « Chef de service », puis, en cas de refus total ou partiel ou d'absence de réponse dans un délai de 60 jours, saisir l'échelon « Direction ».

Or, elle n'a pas initié la procédure d'escalade antérieurement à la saisine du juge judiciaire et épuisé les voies de recours internes. Les motifs qu'elle avance pour expliquer sa carence sont inopérants.

Il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées.

Le défaut de mise en oeuvre d'une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir prévue à l'article 122 du code de procédure civile qui s'impose au juge et qui peut être soulevée à tout moment de la procédure.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance et déclarer irrecevables les demandes de la Macif à l'encontre de la société Aréas Dommages.

En revanche, il est rappelé que la convention CORAL est inopposable aux tiers et assurés.

Sur les frais irrépétibles

Aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire';

Dans les limites de la saisine de la cour,

Infirme l'ordonnance déférée, sauf en ses dispositions ayant dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevables les demandes de la Macif à l'encontre de la société Aréas Dommages';

Rejette toutes autres demandes, notamment celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens dans le cadre de l'incident et de l'appel.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-3
Numéro d'arrêt : 22/14875
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.14875 ?
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