COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT
DU 06 JUILLET 2023
N° 2023/191
Rôle N° RG 22/03618 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJAUA
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR
C/
[K] [V]
[J] [S]
S.C.I. LES JARDINS DU GOLFE BLEU
Société SCCV LES GOLFES BLEUS
S.A.R.L. NEXT IMMO
S.A.S. ITALGEST REAL ESTATE FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Sarah CAMINITI-ROLLAND
Me Jérôme LACROUTS
Me Fabien GRECH
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de NICE en date du 17 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00886.
APPELANTE
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, L'Arénas, [Adresse 8] - [Localité 2]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉS
Monsieur [K] [V]
demeurant [Adresse 5] - [Localité 1]
plaidant par Me Pasquale CAMINITI, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat au barreau de NICE
S.C.I. LES JARDINS DU GOLFE BLEU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 9] - 98000 MONACO
plaidant par Me Pasquale CAMINITI, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat au barreau de NICE
Madame [J] [S]
demeurant [Adresse 5] - [Localité 1]
plaidant par Me Pasquale CAMINITI, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat au barreau de NICE
SCCV LES GOLFES BLEUS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social[Adresse 10]c - [Localité 3]
Signification des conclusions avec assignation le 30/03/2022 à personne habilitée
Conclusions déclarées irrecevables par ordonnance d'incident du 19/01/23,
représentée par Me Jérôme LACROUTS de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE
S.A.R.L. NEXT IMMO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6] - [Localité 1],
Signification des conclusions et de la DA à la requête de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR LE 30 mars 2023 remis à l'étude
représentée par Me Fabien GRECH, de la SELARL NEVEU - CHARLES & ASSOCIES avocat au barreau de NICE,
S.A.S. ITALGEST REAL ESTATE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 7] - [Localité 4]
Signification de conclusions de la DA et avis de fixation avec assignation le 30/03/2022 à pesonne habilitée
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 26 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente (rapporteure)
Madame Béatrice MARS, Conseillère
Madame Florence TANGUY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Angéline PLACERES.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2023,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Madame Angéline PLACERES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
En 2018, la société civile immobilière de construction vente Les Golfes Bleus a entrepris la construction de quatre immeubles, [Adresse 5], à [Localité 1], selon permis de construire délivré le 12 juillet 2016 à la société Magellan Promotion et transféré le 16 janvier 2018.
Mme [J] [S] et M. [K] [V] ont réservé le lot n°2 par l'intermédiaire l'agence Italgest.
La SCI Les Jardins du Golfe Bleu a réservé le lot n° 4 par l'intermédiaire de l'agence Next Immo.
Les ventes en l'état futur d'achèvement ont été réalisées devant notaire.
Selon acte du 15 novembre 2018, la Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur a délivré à la SCCV Les Golfes Bleus a consenti une garantie financière d'achèvement sous forme d'ouverture de crédit.
Par acte d'huissier en date des 10 et 11 février 2021, les consorts [S]-[V] et la SCI Les Jardins du Golfe Bleu ont assigné devant le tribunal judiciaire de Nice, d'une part, la SCCV Les Golfes Bleus, les sociétés Italgest et Next Immo à l'effet de faire réaliser divers travaux sous astreinte et d'être indemnisés de leur préjudices, d'autre part, la Caisse d'épargne à l'effet qu'elle soit condamnée à relever et garantir les condamnations prononcées à l'encontre de SCCV les Golfes Bleus.
*
Vu l'ordonnance en date du 17 février 2022 prononcée par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nice, statuant sur l'incident formé par la Caisse d'épargne, a rejeté le moyen d'irrecevabilité soulevé par la Caisse d'épargne et a condamné cette dernière au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu l'appel relevé le 10 mars 2022 par la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 mars 2022, par lesquelles la Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur demande à la cour de :
Vu le principe général selon lequel " en France, nul ne plaide par procureur ",
Vu les articles 31, 122 et 795 du CPC,
Infirmer l'ordonnance d'incident attaquée,
Statuant à nouveau,
- juger que les demandes formulées par Mme [S], M. [V] et la SCI Les Jardins du Golfe Bleu à son encontre sont irrecevables et les débouter en toute hypothèse des fins de leur demande de condamnation à leur payer quelque somme que ce soit par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter Mme [S], M. [V] et la SCI Les Jardins du Golfe Bleu de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre comme irrecevables,
- mettre la Caisse d'épargne hors de cause et les condamner in solidum à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du CPC du chef des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et celle de 2 000 euros au même visa du chef des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel, outre les entiers dépens avec distraction ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, par lesquelles Mme [S], M. [V] et la SCI Les Jardins du Golfe Bleu demandent à la cour de :
- débouter la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes comme irrecevables et infondées,
- confirmer l'ordonnance en date du 17 février 2022 en toutes ses dispositions,
- condamner la Caisse d'épargne au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, en sus de la condamnation de première instance et aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance en date du 19 janvier 2023 aux termes de laquelle les conclusions notifiées le 24 mai 2022 par la SCCV Les Golfes Bleus ont été déclarées irrecevables ;
Vu la constitution d'avocat de la société Next Immo et l'absence de conclusions ;
Vu la signification de la déclaration d'appel à la société Italgest Real Estate France suivant exploit d'huissier en date du 30 mars 2022 remis à une personne habilitée à recevoir l'acte ;
SUR CE, LA COUR
Au soutien de sa demande d'infirmation de l'ordonnance attaquée, l'appelante invoque la prohibition de se prévaloir devant les juges d'un intérêt appartenant à autrui. Elle ne conteste pas l'intérêt personnel de Mme [J] [S], M. [K] [V] et la SCI Les Jardins du Golfe Bleu à agir contre le garant financier d'achèvement mais soutient qu'ils sont dépourvus d'intérêt et/ou de qualité à solliciter sa condamnation au profit d'un tiers, en l'occurrence le promoteur. Ils soutiennent que l'introduction d'un subsidiaire dans les conclusions au fond, sans suppression de la demande principale irrecevable ne peut faire office de régularisation. Elle prétend que la prétention subsidiaire à une condamnation solidaire du promoteur et du garant d'achèvement est irrecevable en ce que les obligations de l'un et de l'autre relèvent de contrats distincts. Elle fait valoir que la garantie financière d'achèvement n'est pas une garantie de remboursement et comprend de nombreuses exclusions.
Les intimés concluent à la confirmation de l'ordonnance. Ils font valoir leur intérêt à agir dès lors que la garantie financière d'achèvement bénéficie aux acquéreurs. Ils précisent avoir déposé le 25 octobre 2021 des conclusions additionnelles aux fins de condamnation solidaire de la Caisse d'épargne et de la SCCV à prendre en charge le coût des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. Ils exposent que les développements de la banque relèvent, non pas du défaut d'intérêt à agir, mais du caractère prétendument mal fondé de leur demande subsidiaire et que l'analyse des conditions d'intervention du garant d'achèvement, des limitations et exclusions de la garantie ne peuvent être tranchées que par les juges du fond.
L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'intérêt légitime à agir se définit comme le profit, l'utilité ou l'avantage que l'action engagée est susceptible de procurer au plaideur et implique une analyse concrète de cet avantage, lequel se distingue du droit litigieux.
L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès.
En vertu de l'article R.261-21 du code de la construction et de l'habitation, La garantie financière d'achèvement donnée par les établissements indiqués à l'article R. 261- 17 prend la forme :
a) Soit d'une ouverture de crédit par laquelle celui qui l'a consentie s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
Cette convention doit stipuler au profit de l'acquéreur ou sous-acquéreur le droit d'enexiger l'exécution ;
b) Soit d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
En l'espèce, la garantie financière d'achèvement en date du 12 novembre 2018 indique notamment :
'1 " ENGAGEMENT DE LA BANQUE - STIPULATION EN FAVEUR DES ACQUEREURS "
Afin de permettre au vendeur de satisfaire à l'obligation visée à l'article L 261-11 du code de la construction et de l'habitation, la Banque s'engage à payer pour le compte du Vendeur, sous la forme fixée par l'article R 261-21 a) du même Code, les sommes nécessaires à l'achèvement du Programme.
En conséquence, la Banque se trouve, en vertu de la présente stipulation pour autrui, obligée envers chaque acquéreur à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
En application de l'article 1205 du code civil, les acquéreurs ou sous-acquéreurs des fractions d'immeubles du Programme disposeront de la faculté d'exiger l'exécution du présent engagement, dès lors que l'acquisition aura lieu conformément à l'article L 261-3 du CCH et que ces acquéreurs auront eux-mêmes acquis des biens conformes au permis de construire et satisfait à toutes leurs obligations résultant de l'acte de vente.'
( ')
Ainsi, il est constant que les acquéreurs bénéficient de la garantie et que le garant d'achèvement est tenu d'obligations envers eux dans les conditions prévues par les dispositions légales et l'acte de souscription.
La Caisse d'épargne ne produit pas l'exploit introductif d'instance dont elle se contente de citer un extrait du dispositif et s'abstient de retranscrire les motifs au soutien des demandes formées à son encontre.
Les conclusions au fond prises par les intimés le 25 octobre 2021 et communiquées dans le cadre de la présente instance sont venues compléter leurs demandes initiales auxquelles elles se rattachent par un lien suffisant.
Il apparaît que leur action n'est pas dirigée dans l'intérêt exclusif du vendeur mais tend à faire réaliser l'achèvement de l'immeuble dans leur propre intérêt.
Les conditions de mise en 'uvre de la garantie, l'examen de son champ d'application, de ses limites et exclusions relèvent de l'appréciation du juge du fond quant au bien-fondé ou non de l'action.
Aucune irrecevabilité n'est encourue à ce stade de la procédure.
En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.
L'appelante sera condamnée au versement d'une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles exposés par les intimés pour faire valoir leur défense devant la cour.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur à verser à Mme [J] [S], M. [K] [V] et la SCI Les Jardins du Golfe Bleu la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE