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04/07/2023 | FRANCE | N°21/02170

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 04 juillet 2023, 21/02170


COUR D'APPEL

D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]









Chambre 3-1

N° RG 21/02170 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6EP



Ordonnance n° 2023/M95





S.A. GENERALI IARD

Représentée par Me Laurence BOZZI, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Pierre-Emmanuel PLANCHON, avocat au barreau de MARSEILLE



Appelante





M. [Y] [S]

Représenté par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



S.A. BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE (ATLANTIC BAIL)

Représentée par Me Renaud ESSNER, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



S.A...

COUR D'APPEL

D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Chambre 3-1

N° RG 21/02170 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6EP

Ordonnance n° 2023/M95

S.A. GENERALI IARD

Représentée par Me Laurence BOZZI, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Pierre-Emmanuel PLANCHON, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelante

M. [Y] [S]

Représenté par Me Thimothée JOLY de la SCP CABINET PIETRA & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A. BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE (ATLANTIC BAIL)

Représentée par Me Renaud ESSNER, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. BRUNSWICK MARINE IN FRANCE

appelante incidente

Représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Annie PROSPERI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.R.L. INTERNATIONAL BOAT SERVICES

Représentée et assistée de Me Ambroise ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

S.A.R.L. MODERN BOAT

Représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Intimés

ORDONNANCE D'INCIDENT

du 4 juillet 2023

Nous, Marie-Amélie VINCENT, magistrat de la mise en état de la Chambre 3-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Laure METGE, Greffier,

Après débats à l'audience du 06 Juin 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 4 juillet 2023, l'ordonnance suivante :

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [S] a fait l'acquisition d'un navire financé au moyen d'un crédit-bail par la société Atlantic Bail (Sa Banque Populaire Atlantique), qui l'a acquis auprès de la Sarl Modern Boat le 30 mars 2012.

M. [Y] [S] a saisi le juge du fond aux fins de résolution de la vente du navire.

La Sa Generali Iard est intervenue volontairement à l'instance pour faire notamment valoir ses limites de garantie. Elle a appelé en intervention forcée la Sarl International Boat Services et la Sarl Brunswick Marine, respectivement installateur et fabricant des embases qui équipaient le moteur du navire, dans le cadre de la garantie due par le constructeur.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Cannes a :

- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2017F00019, 2018F00203, 2020F00015 en application de l'article 367 du code de procédure civile,

- pris acte de l'abandon par M. [Y] [S] de sa demande de résolution de la vente pour vices cachés en application de l'article 1641 du code civil,

- avant-dire droit ordonné une mesure d'instruction et désigné en qualité d'expert M. [Z] [T] avec pour mission notamment d'examiner le navire et vérifier la réalité des désordres invoqués par M. [Y] [S].

Par jugement rectificatif du 6 mai 2021, le tribunal de commerce de Cannes a constaté que la décision du 10 décembre 2020 était entachée d'une omission matérielle en omettant de reprendre dans le dispositif une disposition pourtant motivée dans le corps des conclusions, à savoir la recevabilité de l'action formée par M. [Y] [S], et a sursis à statuer jusqu'au jour de la décision rendue par le premier président de la cour d'appel d'Aix en Provence saisi.

La Sa Generali Iard a saisi le premier président de la cour d'appel d'Aix en Provence par assignation du 8 janvier 2021 afin d'être autorisé à interjeter appel de cette décision en application de l'article 272 du code de procédure civile.

Le premier président, après avoir sursis à statuer dans une ordonnance du 30 avril 2021, a par ordonnance de référé du 25 juin 2021 puis ordonnance rectificative d'office du 22 juillet 2021, autorisé la Sa Generali Iard à interjeter appel immédiat du jugement rendu par le tribunal de commerce de Cannes le 10 décembre 2020 et du jugement rectificatif de ce tribunal du 6 mai 2021.

La Sa Generali Iard a ainsi interjeté appel le 7 juillet 2021 des décisions rendues les 10 décembre et 6 mai 2021 par le tribunal de commerce de Cannes. L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 21-10248.

Par ailleurs, la Sa Generali Iard avait également interjeté appel de la décision du 10 décembre 2020 du tribunal de commerce de Cannes, par déclaration du 12 février 2021, l'affaire ayant été enregistrée sous le numéro de RG 21-02170, ainsi que de la décision du 10 décembre 2020 et de la décision rectificative du 6 mai 2021, par déclaration du 12 mai 2021, l'affaire ayant été enregistrée sous le numéro de RG 21-07187.

Par ordonnance du 2 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a notamment :

Dit que la demande de sursis à statuer formée par la Sa Generali Iard est devenue sans objet en l'état des ordonnances rendues par le Premier Président les 25 juin et 22 juillet 2021,

Ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 21-0270, RG 21-07187 avec l'instance enregistrée sous le numéro RG 21-10248 et dit que l'affaire sera désormais suivie sous le numéro RG 21-2170 ;

Rejeté la demande présentée par M. [Y] [S] visant à prononcer l'irrecevabilité des appels formés les 12 février 2021 et 12 mai 2021 par la Sa Generali Iard.

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de déféré en date du 6 octobre 2022.

Par dernières conclusions d'incident du 25 avril 2023, la Sarl International Boat Services demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 2224 du code civil, 2, 4, 53 et suivants, 122 et suivants, 564, 789 et 907 du code de procédure civile de :

A titre principal, déclarer irrecevables car prescrites les demandes de M. [Y] [S] à l'encontre de la Sarl International Boat Services,

Subsidiairement, déclarer irrecevables car nouvelles en appel les demandes de M. [Y] [S] à l'encontre de la Sarl International Boat Services en vertu de l'article 564 du code de procédure civile,

Plus subsidiairement, déclarer nulles les conclusions de M. [Y] [S] de première instance pour violation des articles 53, 54, 55 et 56 du code de procédure civile, et déclarer prescrites les demandes de M. [Y] [S],

Condamner M. [Y] [S] et la Sa Generali Iard à payer chacun à la Sarl International Boat Services la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [Y] [S] et la Sa Generali Iard aux dépens.

Elle soutient que :

L'action en responsabilité contractuelle, formulée pour la première fois par voie de conclusions d'appel incident le 12 août 2021, est prescrite, s'agissant d'une prescription quinquennale, et alors que M. [Y] [S] a connu les faits lui permettant d'exercer l'action éventuelle dès août 2012 ;

M. [Y] [S] n'a pas assigné en première instance la Sarl International Boat Services, et les demandes formulées à l'encontre de cette dernière en appel doivent être déclarées irrecevables, s'agissant de demandes nouvelles ;

Les conclusions de M. [Y] [S] de première instance ont violé les articles 53,54,55 et 56 du procédure civile, de sorte qu'elles doivent être déclarées nulles.

Par conclusions d'incident du 27 avril 2023, M. [Y] [S] demande au conseiller de la mise en état de :

- débouter la Sarl International Boat Services, la Sarl Modern Boat, la Sarl Brunswick Marine in France, et la Sa Generali Iard de l'intégralité de leurs prétentions soutenues dans le cadre du présent incident,

- condamner la Sarl International Boat Services, la Sarl Modern Boat, la Sarl Brunswick Marine in France, et la Sa Generali Iard à payer chacune à M. [Y] [S] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] [S] fait valoir que :

La Sarl International Boat Services était partie à l'instance devant le tribunal de commerce de Cannes, pour avoir été assignée en intervention forcée par la Sa Generali Iard, et la prescription quinquennale a été interrompue à son égard par l'assignation en intervention forcée de la Sa Generali Iard ;

Aucune irrecevabilité des demandes ne saurait lui être opposée, tant en raison de la prescription de l'action au titre des vices cachés, ayant renoncé à ce moyen, qu'en raison de demandes nouvelles, le défaut de conformité du navire ayant été invoqué comme fondement dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 10 août 2018 ; l'ensemble des moyens par ailleurs soulevés par la Sarl Modern Boat relève du fond, et est ainsi insusceptible d'être développés devant le conseiller de la cour ; il a parfaitement qualité à agir, étant utilisateur et propriétaire du navire ;

Son appel incident apparaît recevable en ce que l'appel principal de la Sa Generali Iard lui a permis de relever ledit appel incident ;

La compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir n'est pas applicable en l'espèce, le litige étant né avant le 1er janvier 2020 ; en tout état de cause, la prescription ne saurait être acquise, le délai ayant commencé à courir à compter du mois de novembre 2015, date de l'expertise.

Par conclusions notifiées par RPVA le 21 mars 2023, la Sarl Modern Boat demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 1583, 1648, et 2224 du code civil, L110-4 du code de commerce, et 31 du code de procédure civile, de :

Juger prescrites les demandes de M. [Y] [S],

Juger irrecevables les demandes de M. [Y] [S] pour défaut d'intérêt,

Condamner M. [Y] [S] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre tous frais et dépens, ceux d'appel distraits au profit de la scp cohen guedj montero daval-guedj.

Elle fait valoir que :

Si l'action au titre des vices cachés a été abandonnée par M. [Y] [S] en cours de procédure, elle est le seul fondement auquel il peut avoir recours, et cette action se trouve prescrite ; que la demande formulée au titre du défaut de conformité et du défaut de délivrance dans le cadre des conclusions du 11 octobre 2019 constitue une demande nouvelle, et est en tout état de cause prescrite, le constat du défaut de conformité datant de la livraison du bateau, voire de la première navigation en mars 2012 ;

La demande au titre des changements d'embases, formulée par les conclusions du 11 octobre 2019, se trouve également prescrite, ayant été formulée plus de trois ans après leur remplacement ;

En raison des modifications structurelles lourdes apportées au bateau, M. [Y] [S] a perdu tout intérêt à agir, la procédure visant à obtenir que le bateau soit déclaré non-conforme, entraînant ainsi l'annulation de la vente, la restitution du prix contre la restitution du bateau, ce qui est désormais impossible, tout comme la réalisation de l'expertise ;

M. [Y] [S] n'étant que locataire du bateau, il ne peut solliciter l'annulation d'un acte de vente auquel il n'est pas partie, de sorte qu'il n'a pas qualité à agir.

Par conclusions notifiées par RPVA le 5 juin 2023, la Sa Generali Iard demande au conseiller de la mise en état de :

Constater que l'assignation introductive d'instance a été délivrée avant le 1er janvier 2020,

Constater que la question de la prescription des demandes de M. [Y] [S] a été tranchée par le premier juge,

Dire et juger que la cour est seule compétente pour statuer sur les fins de non-recevoir,

A titre subsidiaire, déclarer irrecevables les prétentions de M. [Y] [S],

En tout état de cause, débouter la Sarl International Boat Services de la demande formée à son encontre au titre des frais irrépétibles,

Débouter M. [Y] [S] de la demande formée à son encontre au titre des frais irrépétibles,

Dire et juger que le dépens du présent incident suivront le sort de ceux exposés au fond.

Elle soutient que :

A titre liminaire, si la demande tendant à voir déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes formées à l'encontre de la Sarl International Boat Services par M. [Y] [S], elle ne concerne en toute hypothèse que ces deux seules parties,

La réforme issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, qui donne compétence au conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, n'est pas applicable en l'espèce, l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée antérieurement au 1er janvier 2020 ;

En tout état de cause, le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge ;

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le conseiller de la mise en état s'estimerait compétent, l'action en délivrance conforme doit être déclarée irrecevable, le délai de prescription prévu par l'article L110-4 du code de commerce courant à compter de la vente initiale ; la demande formée au visa du code de la consommation est également irrecevable, M. [Y] [S] exerçant son action sur mandat du propriétaire qu'est la Sa Banque Populaire Atlantique, laquelle n'est dès lors pas régie par le code de la consommation, s'agissant d'une vente conclue entre deux professionnels ; la demande, fondée sur un manquement contractuel, est irrecevable comme ayant été formée tardivement, par conclusions signifiées en mai 2019.

Par conclusions notifiées par RPVA le 27 avril 2021, au visa des articles 31 et 561 du code de procédure civile, la Sarl Brunswick Marine In France demande au conseiller de la mise en état de :

Déclarer irrecevable l'appel incident formé par M. [Y] [S] en ce qu'il porte sur des points non jugés par les juges de première instance,

Déclarer irrecevable M. [Y] [S] en sa demande d'expertise judiciaire pour défaut d'intérêt à agir,

Prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte quant à l'incident soulevé par International Boat Services,

Condamner la partie succombante au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ses demandes, mais uniquement sur la prescription d'un de ses fondements d'action, en l'espèce le défaut de conformité invoqué, de sorte que l'appel incident formé par M. [Y] [S] est irrecevable, se rapportant à des points non jugés par les premiers juges ;

S'agissant des différentes prescriptions affectant les demandes de M. [Y] [S], seule la cour et non le conseiller de la mise en état aura à en connaître ; elle fait en tout état de cause siens les moyens soulevés par la Sarl Modern Boat.

La Sa Banque Populaire Atlantique n'a pas conclu sur l'incident.

L'affaire a été fixée et retenue à l'audience du 2 mai 2023, puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 4 juillet 2023.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité de l'appel incident de M. [Y] [S]

Aux termes de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code.

La Sarl Brunswik Marine In France soutient que l'appel incident formé par M. [Y] [S] est irrecevable, en ce qu'il tend à faire juger l'entier litige, en ce compris des points non tranchés par les premiers juges.

Par conclusions en date du 12 août 2021, M. [Y] [S] a formé appel incident en ces termes : « infirmer la décision déférée en ce que le premier juge n'a pas fait droit aux demandes de M. [Y] [S] soutenues à titre principal ».

Si, dans le cadre de ses conclusions récapitulatives, M. [Y] [S] sollicitait l'octroi de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, il formulait également une demande subsidiaire d'expertise, à laquelle le tribunal de commerce de Cannes a fait droit, par jugement du 10 décembre 2020, réservant les demandes en paiement.

Ainsi que relevé par l'ordonnance de référé du 25 juin 2021 du Premier Président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, la lecture du jugement du tribunal de commerce de Cannes du 10 décembre 2020 est un jugement avant dire droit, le tribunal n'ayant pas tranché une partie du principal et ayant uniquement ordonné une expertise. C'est ainsi que par cette même décision, la Sa Generali Iard a été autorisée à interjeter appel immédiat de ce jugement, lequel ne peut, sans cette autorisation, être soumise à l'examen de la cour.

En autorisant l'appel immédiat, la voie de l'appel incident a ainsi été ouverte à M. [Y] [S], lequel, en poursuivant sa demande initiale de condamnation des défendeurs en première instance, au paiement des dommages et intérêts venant réparer les préjudices subis, sollicite l'examen de l'entièreté du litige et ainsi l'évocation par la cour d'appel de l'affaire.

Or, il sera rappelé que dans le cas d'un appel immédiat autorisé, il est admis la possibilité d'évocation (Civ 2ème, 21 avril 2005, n°03-16.646), laquelle n'est qu'une faculté et n'est pas contraire à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (Civ 1ère, 5 juillet 2017, n°16-23.862).

Dès lors, l'appel incident de M. [Y] [S] est recevable.

Sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir

La Sa Generali Iard soutient que la réforme issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, donnant compétence au conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, n'est pas applicable en l'espèce, l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée antérieurement au 1er janvier 2020.

Toutefois, l'article 55 du décret du 11 décembre 2019 prévoit que les dispositions sur les fins de non-recevoir ne seront applicables qu'aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Or, l'instance d'appel est autonome par rapport à la première instance, de sorte que le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir lorsque l'appel a été inscrit à compter du 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action M. [Y] [S]

La Sarl International Boat Services et la Sarl Modern Boat soutiennent que les demandes de M. [Y] [S] formées à leur encontre sont irrecevables en ce qu'elles sont prescrites.

Si l'assignation introductive d'instance en date du 5 janvier 2017 était fondée sur la garantie des vices cachés, M. [Y] [S] a toutefois modifié le fondement de ses demandes, recherchant la responsabilité de la Sarl International Boat Services, de la Sarl Modern Boat, et de la Sarl Brunswick Marine In France, tant en raison du défaut de conformité de la chose vendue qu'en raison des fautes contractuelles commises dans l'exécution des prestations de services effectuées sur les embases moteur.

Le tribunal de commerce de Cannes, dans son jugement du 6 mai 2021, a précisé que « s'il convient de constater que dans le dispositif, le tribunal n'a pas tranché la recevabilité de l'action formée par M. [Y] [S], cette demande a cependant été traitée dans la motivation de sa décision en indiquant qu'il en résulte que l'action intentée par M. [Y] [S] à l'encontre de la Sarl Modern Boat ne sera prescrite qu'au 2 décembre 2020, et qu'en conséquence, elle est recevable. En omettant de reprendre dans le dispositif une disposition pourtant motivée dans le corps de la décision, le tribunal a commis une omission matérielle ». C'est ainsi que les appels formés les 7 juillet 2021, 12 février 2021 et 12 mai 2021 soumettent la question de la prescription à l'appréciation de la cour.

Or, il est constant que la détermination par l'article 907 du code de procédure civile des pouvoirs du conseiller de la mise en état par renvoi à ceux du juge de la mise en état ne saurait avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi. Seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel, revêtue, dès son prononcé, de l'autorité de la chose jugée. 9. Il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (Civ2ème, avis, 3 juin 2021, n°21-70.006 avis n°15008 P).

Seule la cour peut ainsi connaître de la prescription de l'action de M. [Y] [S], sauf à méconnaître l'effet dévolutif de l'appel, de sorte que la Sarl International Boat Services et la Sarl Modern Boat seront déboutées de leur demande à ce titre.

Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt et du défaut de qualité à agir de M. [Y] [S]

La Sarl Modern Boat et la Sarl Brunswick Marine In France opposent une fin de non-recevoir aux demandes de M. [Y] [S], tirée de son défaut d'intérêt à agir, résultant de la modification substantielle du bateau, empêchant ainsi la restitution du bateau en son état d'origine.

La Sarl Modern Boat soulève en outre une autre fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [Y] [S], ce dernier n'étant que locataire, et non d'acquéreur du bateau, l'empêchant ainsi de solliciter l'annulation d'un acte de vente auquel il n'est pas partie.

Or, ainsi que rappelé ci-dessus, le conseiller de la mise en état ne peut connaître des fins de non-recevoir qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (Civ 2ème, 3 juin 2021, n°21-70.006 avis n°15008 P). Tel serait ainsi le cas si la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt ou celle tirée du défaut de qualité était accueillie.

Les demandes d'irrecevabilité formulées par la Sarl Modern Boat et la Sarl Brunswick Marine In France seront dès lors rejetées.

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes de M. [Y] [S]

La Sarl International Boat Services soutient que M. [Y] [S] ne l'ayant pas assigné en première instance, ses demandes à son encontre, formées en appel par la voie de l'appel provoqué, constituent des demandes nouvelles et doivent dès lors être être déclarées irrecevables, s'agissant de demandes nouvelles en appel.

Toutefois, par acte du 30 juillet 2018, la Sa Generali Iard a appelé en la cause la Sarl International Boat Services, et dans le cadre de ses conclusions récapitulatives n°4, M. [Y] [S] a formulé des demandes de condamnations solidaires à l'encontre de la Sarl International Boat Services, identiques à celles formulées dans le cadre de la première instance. Il est justifié que l'ensemble des pièces versées au débat, ainsi que les conclusions ont été adressées par M. [Y] [S] à la Sarl International Boat Services, dont le gérant a comparu lors de l'audience de plaidoirie.

Il ne peut dès lors être soutenu que le tribunal de commerce n'était pas valablement saisi de demandes de M. [Y] [S] à l'encontre de la Sarl International Boat Services, de sorte que les demandes formées en appel ne sauraient être qualifiées de demandes nouvelles. La Sarl International Boat Services sera dès lors déboutée de sa demande d'irrecevabilité sur ce fondement.

Sur la nullité des conclusions de première instance de M. [Y] [S]

La Sarl International Boat Services soutient que les conclusions de M. [Y] [S] de première instance ont violé les articles 53, 54, 55 et 56 du code de procédure civile, en ce qu'elle n'aurait pas bénéficié des informations prévues par ces dispositions, et notamment le droit d'avoir un avocat.

Il convient toutefois de rappeler que le conseiller de la mise en état, dont les attributions ne concernent que les exceptions de procédure et les incidents relatifs à l'instance d'appel, n'est pas compétent pour statuer sur une exception de procédure relative à la première instance.

Au surplus, il sera observé que la nullité dont se prévaut la Sarl International Boat Services, s'agissant d'une nullité de forme relative aux formalités obligatoires devant figurer dans l'assignation, nécessite la preuve d'un grief, lequel n'est pas démontré en l'espèce. En effet, la Sarl International Boat Services était partie à l'instance devant le tribunal de commerce de Cannes, pour avoir été assignée en intervention forcée par la Sa Generali Iard, et a ainsi comparaître en personne.

La Sarl International Boat Services sera dès lors déboutée de sa demande de nullité des conclusions de première instance.

Sur les demandes accessoires

La Sarl International Boat Services, la Sarl Modern Boat, et la Sarl Brunswick Marine, parties perdantes, seront condamnées in solidum à payer la somme de 3.000 € à M. [Y] [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [Y] [S] sera en revanche débouté de sa demande formulée à l'encontre de la Sa Generali Iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Conseiller de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable l'appel incident de M. [Y] [S],

Constate que la cour est seule compétente pour statuer sur les fins de non-recevoir,

Déboute la Sarl International Boat Services de l'ensemble de ses demandes formées dans le cadre du présent incident,

Déboute la Sarl Modern Boat de l'ensemble de ses demandes formées dans le cadre du présent incident,

Déboute la Sarl Brunswick Marine in France de l'ensemble de ses demandes formées dans le cadre du présent incident,

Condamne in solidum la Sarl International Boat Services, la Sarl Modern Boat, et la Sarl Brunswick Marine, parties perdantes, à payer la somme de 3.000 € à M. [Y] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [Y] [S] de sa demande à l'encontre de la Sa Generali Iard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la Sarl International Boat Services, la Sarl Modern Boat, et la Sarl Brunswick Marine au paiement des dépens.

Fait à Aix-en-Provence, le 4 juillet 2023

Le greffier Le magistrat de la mise en état

Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 21/02170
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.02170 ?
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