COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 30 JUIN 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 22/00865 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIW3O
[Z] [B]
C/
LA CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNE L DE LA [6] (CPRP[6])
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Sarah PUIGRENIER
- Me Sylvanna GUGLIERMINE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de Marseille en date du 17 Septembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/05532.
APPELANT
Madame [B] [Z], assistée de son curateur
Monsieur [V] [Z], demeurant [Adresse 2] - [Localité 4] [Localité 5] ALGERIE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012854 du 07/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représenté par Me Sarah PUIGRENIER de l'AARPI A&P ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
LA CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE
DU PERSONNE L DE LA [6] (CPRP [6]),
demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]
représentée par Me Sylvanna GUGLIERMINE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [Z], fille de [L] [Z], décédé le 27 octobre 2015 et bénéficiaire d'une pension de retraite servie par la caisse de prévoyance et de retraite de la [6], a sollicité le 11 février 2016 une pension de réversion d'orphelin majeur infirme que la caisse lui a refusée le 26 octobre 2016 au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions pour y prétendre n'étant pas considérée comme inapte à tout travail rémunéré.
Après rejet par la commission de recours amiable le 14 mars 2017, Mme [B] [Z], assistée de son curateur, M. [V] [Z], a saisi le 14 septembre 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Après avoir par jugement avant dire droit en date du 10 septembre 2020 demandé à la caisse de prendre l'avis d'un de ses médecins conseils dans la discipline de la psychiatrie aux fins de dire si Mme [B] [Z] peut être ou non considérée comme atteinte d'une maladie incurable ou d'une infirmité l'ayant rendu inapte à tout travail rémunéré avant d'avoir atteint son vingt et unième anniversaire, par jugement en date du 17 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:
* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 14 mars 2017,
* débouté Mme [B] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* laissé les dépens à la charge de Mme [B] [Z].
Mme [B] [Z] a relevé régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions remises par voie électronique le 21 février 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [B] [Z] sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de:
* annuler les décisions de la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] en date des 26 octobre 2016 et 25 avril 2017 portant rejet de sa demande de pension de réversion,
* dire qu'elle devra bénéficier avec effet rétroactif à compter du 11 février 2016, date de la première demande, et pour l'avenir, d'une pension de réversion en qualité d'orphelin infirme majeur,
* débouter la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] de ses demandes,
* condamner la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] aux dépens.
Par conclusions remises par voie électronique le 03 avril 2023, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner Mme [B] [Z] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS
En préliminaire, la cour rappelle que par applications combinées des articles 4, 446-2 et 954 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties que le dispositif doit récapituler.
L'énonciation de moyens dans le dispositif des conclusions de l'appelante sous forme de demande de 'constater' ou de 'dire et juger' ne constitue pas une prétention.
Aux termes de l'article 19 III du décret n°2008-639 du 30 juin 2008 portant règlement du régime spécial de retraite de la [6], les enfants légitimes issus du mariage de l'agent ou de l'agent retraité ont droit, quelles qu'aient été la date et la durée de ce mariage, à pension de réversion jusqu'à l'âge de vingt et un ans.
Les enfants naturels reconnus et les enfants adoptifs sont assimilés aux enfants légitimes.
Aucune condition d'antériorité de la naissance par rapport à la cessation des fonctions de l'agent n'est exigée des orphelins légitimes ou naturels dont la filiation est légalement établie. Aucune condition d'antériorité de l'adoption par rapport à la cessation des fonctions de l'agent n'est exigée des orphelins adoptifs.
Les enfants atteints d'une maladie incurable ou d'une infirmité les rendant inaptes à tout travail rémunéré sont assimilés à des enfants âgés de moins de vingt et un ans, sous réserve que l'invalidité de l'enfant ait existé avant son vingt et unième anniversaire. Cet état d'invalidité est déterminé par la caisse, après avis de son médecin-conseil.
L'appelante qui conteste l'avis médecin conseil coordonnateur de la caisse en relevant qu'il n'a donné lieu à aucun examen médical, mais à une étude sur pièces, par un médecin généraliste, soutient qu'il est manifestement dépourvu de valeur probante et rapporter la preuve de sa pathologie psychiatrique lourde, qui s'est déclarée au cours de l'année 1980, soit avant son vingt-et-unième anniversaire en date du 02 juin 1983.
Elle ajoute que la circonstance qu'elle soit bénéficiaire d'une pension d'invalidité servie par le régime d'assurance algérien, alors qu'elle aurait temporairement pu bénéficier d'un revenu salarié antérieurement à son vingt-et-unième anniversaire est sans incidence sur son droit au versement de la pension d'invalidité en qualité d'orphelin majeur infirme. Elle soutient que la Cnas lui verse une pension en qualité d'handicapée et non en tant que salariée invalide et affirme ne pas être affiliée à la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés et ne percevoir aucune pension servie par la Caisse nationale de retraite de Boumerdes.
L'intimée lui oppose d'une part que son médecin-conseil n'a pas reconnu l'état d'invalidité et relève que dans son courrier du 03 septembre 2017, le curateur de l'appelante a écrit qu'elle présente une maladie incurable depuis le 05 octobre 1988. Elle soutient que la preuve n'est pas rapportée qu'elle souffre d'une invalidité survenue antérieurement à son 21ème anniversaire, soit le 2 juin 1983, la seule pièce antérieure à cette date étant une simple carte de consultation du service psychiatrie de Thénia du 7 janvier 1980.
Tout en reconnaissant que l'appelante souffre d'une pathologie lourde et qu'à la date des certificats des 03 octobre 2017 et 21 octobre 2019, et depuis sa prise en charge, elle soit effectivement inapte à tout travail rémunéré, elle soutient que la condition d'âge posée par l'article 19 III du décret 2008-639 du 30 juin 2008 n'est pas remplie.
Elle tire de la similitude des dispositions légales française et algérienne subordonnant la pension d'invalidité, visant à compenser une perte de salaire, à la justification d'une activité salariée et de l'attribution le 20 janvier 1996, à l'appelante d'une pension d'invalide, la circonstance qu'elle ne peut pas être considérée comme ayant été inapte à tout travail rémunéré.
Pour bénéficier de la pension de réversion prévue par l'article 19 III du décret n°2008-639 du 30 juin 2008, l'orphelin majeur de plus de vingt et un ans doit justifier à la fois que son invalidité est antérieure à son vingt et unième anniversaire et qu'il souffre d'une maladie incurable ou d'une infirmité le rendant inapte à tout travail rémunéré.
L'appelante justifiant être née le 02 juin 1962, la date du 02 juin 1983 doit être retenue pour être celle du vingt-et-unième anniversaire.
Dans son avis sur pièces en date du 15 octobre 2020, le médecin-conseil coordonnateur de la caisse indique que l'ensemble des pièces médicales fournies par le frère (curateur) démonte que Mme [B] [Z], née en 1962, présente une pathologie grave, chronique et invalidante réduisant ses capacités de travail d'au moins 66% depuis l'année 1995, et que cette pathologie la rend inapte à toute activité salariée. Il précise qu'elle est suivie par un médecin spécialiste en psychiatrie assermenté depuis l'année 1995 jusqu'au certificat médical du 21/10/2019, qu'elle avait à cette date 33 ans, et qu'aucun élément médical ne permet de dire que cette pathologie était antérieure à son 21ème anniversaire.
Le certificat médical du Dr [N], psychiatre, en date du 13 février 2022, qui précise la pathologie de l'appelante (schizophrénie paranoïde) est peu précis sur la prise en charge médicale spécialisée avant 1995, en ce qu'il fait uniquement état d'un traitement par antidépresseur en 1980 prescrit par un médecin de l'hôpital de [Localité 7] jusqu'au 05 octobre 1988, et il est uniquement justifié d'une consultation 'psy' le 07/01/1980 à l'hôpital de [Localité 7].
Le certificat médical manuscrit de ce même médecin en date du 21/10/2019, fait mention dans sa partie lisible du même diagnostic de maladie psychiatrique, et d'un traitement médicamenteux, sans être plus précis sur la date du diagnostic.
Ainsi, s'il résulte du certificat médical daté du 13/02/2022 que l'appelante a bénéficié d'une prise en charge psychiatrique avec prescription d'un antidépresseur à compter de l'année 1980 jusqu'au 05 octobre 1988, soit antérieurement à son vingt et unième anniversaire, et de l'avis du médecin conseil coordonnateur de la caisse que la maladie la rendait inapte à tout travail rémunéré, pour autant sur la période de 1980 à 1994 inclus, ce certificat est lacunaire, en ce qu'il ne précise pas la pathologie et ne comporte aucune précision sur la prescription médicamenteuse permettant d'évaluer l'importance du traitement, et en particulier son incidence une aptitude à un travail rémunéré.
Ces éléments médicaux sont donc insuffisants à établir qu'à la date du 02 juin 1983, soit avant son vingt et unième anniversaire l'appelante souffrait déjà de la pathologie psychiatrique lourde mentionnée dans le certificat du Dr [N], la rendant inapte à une activité salariée.
Le motif de refus opposé par la caisse tient à la circonstance que l'appelante 'perçoit une pension d'invalidité résultant de l'exercice d'une activité professionnelle' et la caisse déduit de cette circonstance qu'elle a eu une activité salariée.
Il résulte effectivement de la décision en date du 20 janvier 1996 du directeur de la santé et de la protection sociale de la Wilaya de Bourmedes qu'il est attribué à Mme [B] [Z] à compter du 01 janvier 1995, une pension d'invalidité mensuelle de 2000 dinars algériens.
Cette décision rendue notamment au visa de la loi n°83-13 juillet relative aux accidents du travail et maladies professionnelles, de la loi n°90-09 du 07 avril 1990 relative à la wilaya, de la loi n°90-264 du 08.09.1990 portant loi de finances pour 1992 et notamment son 163, et des décrets n°90-264 du 08.09.1990 portant création de l'organisation et fonctionnement des services de santé et de la protection sociale de Wilaya et n°93-32 du 14 juin fixant les modalités d'application de l'article 168 de la loi 91.25 du 18.12.1991, corrobore tout au plus qu'à compter du 1er janvier 1995, son état de santé lui ouvre le bénéfice d'une pension d'invalidité, situation compatible avec la pathologie décrite dans le certificat du Dr [N].
Aux termes des articles 32 et 33 de la loi algérienne n°83-11 du 2 juillet 1983 relative aux assurances sociales, la pension d'invalidité est soumise à la condition d'une invalidité réduisant d'au moins de moitié la capacité de travail ou de gains. L'état d'invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restant, de l'état général et des facultés physiques et mentales de l'assuré ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle.
Il résulte des articles 37, 38 et 39 de cette loi que pour les trois catégories d'invalidité définies à l'article 36, le montant annuel de la pension d'invalidité est un pourcentage du salaire de poste annuel moyen en prenant pour base de référence soit le dernier salaire annuel perçu, soit s'il est plus favorable, le salaire annuel moyen des trois années qui ont donné lieu à la rémunération la plus élevée au cours de la carrière professionnelle de l'intéressé.
Il s'ensuit que la pension d'invalidité algérienne étant assise sur le montant des salaires perçus antérieurement à l'invalidité, l'attribution du bénéfice de cette pension le 20 janvier 1996, à compter du 1er janvier 1995, implique que l'appelante a eu, antérieurement à cette date, une activité professionnelle salariée, ce qui contredit une maladie incurable ou une infirmité la rendant inapte à tout travail rémunéré sur la période antérieure, alors qu'elle ne justifie pas que la pathologie psychiatrique dont elle souffre, établie depuis 1995, et qui la rend inapte à tout travail rémunéré, existait déjà antérieurement au 02 juin 1983.
Ne justifiant pas remplir à cette date les conditions d'ouverture du droit à pension de réversion d'orphelin majeur infirme, le refus opposé par la caisse le 26 octobre 2016 est justifié.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [Z] de ses prétentions.
Succombant en cause d'appel, Mme [B] [Z] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Eu égard à la disparité de situation, l'équité ne commande pas de faire application au bénéfice de la caisse de prévoyance et de retraite de la [6] des dispositions précitées.
PAR CES MOTIFS,
- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [B] [Z] de ses prétentions,
y ajoutant,
- Déboute Mme [B] [Z] de ses prétentions,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la caisse de prévoyance et de retraite de la [6],
- Condamne Mme [B] [Z] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la réglementation en vigueur en matière d'aide juridictionnelle.
Le Greffier Le Président