La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2023 | FRANCE | N°22/00118

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 30 juin 2023, 22/00118


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2023



N°2023/.













Rôle N° RG 22/00118 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUIC







S.A.S. [4]





C/



CPAM DES [Localité 3]

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Michaël GUILLE





- CPAM DES [Localité 3]



































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 26 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/01003.





APPELANTE



S.A.S. [4], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Michaël GUILLE, avocat au barreau de LYON substitué par Me L...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2023

N°2023/.

Rôle N° RG 22/00118 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BIUIC

S.A.S. [4]

C/

CPAM DES [Localité 3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Michaël GUILLE

- CPAM DES [Localité 3]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 26 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 20/01003.

APPELANTE

S.A.S. [4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michaël GUILLE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de LYON

INTIME

CPAM DES [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

non comparant

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [M] [H], employée en qualité de femme de service par la société [4], a été victime le 17 novembre 2016, d'un accident du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle.

La caisse a fixé au 06 juillet 2017 la date de consolidation en précisant qu'il ne subsiste pas de séquelles indemnisables.

Elle a refusé le 24 juillet 2017 de prendre en charge au titre de cet accident du travail la nouvelle lésion du 13 juin 2017.

Contestant les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de cet accident du travail, la société [4] a saisi le 12 mars 2020 le tribunal judiciaire en l'état d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, puis à nouveau le 12 mai 2020 de sa contestation de la décision explicite de rejet en date 14 avril 2020.

Par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, après avoir joint les recours et les avoir déclaré recevables en la forme, a:

* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 14 avril 2020,

* débouté la [4] de l'ensemble de ses demandes,

* déclaré l'ensemble des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3] consécutifs à l'accident du travail dont a été victime le 17 novembre 2016 Mme [M] [H], opposables à la [4],

* rejeté la demande d'expertise,

* condamné la [4] aux dépens.

La société [4] a interjeté régulièrement appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 24 janvier 2023, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la [4] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* ordonner une expertise médicale,

* ordonner le renvoi à une audience ultérieure,

* lui déclarer inopposables les prestations servies n'ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l'accident du travail du 17/11/2016 de Mme [H].

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 16 mai 2023, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3], dispensée de comparaître, sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter la société [4] de ses demandes.

Si une expertise était ordonnée, elle demande que ses frais soient mis à la charge de l'appelante.

MOTIFS

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de la renverser en rapportant la preuve contraire.

Il résulte en outre des articles L.141-1 et R.142-24-1 du code de la sécurité sociale que les contestations d'ordre médical relatives à l'état du malade ou de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, donnent lieu à une expertise médicale et que le juge saisi du différend peut ordonner une nouvelle expertise si une partie en fait la demande.

L'appelante expose être demeurée dans l'ignorance de la nature exacte de la lésion constatée et ayant justifié la prolongation des arrêts de travail prescrits à sa salariée au titre de son accident du travail, n'ayant été destinataire que du volet 'employeur' des certificats de prolongation. Considérant que le sinistre paraissait relativement bénin à l'origine, elle soutient que l'importance des soins et arrêts (170 jours d'arrêts) pris en charge au titre de l'accident du travail apparaît totalement disproportionné. Elle se prévaut de l'argumentaire de son médecin conseil le Dr [E] pour soutenir qu'au-delà du 4 décembre 2016, les arrêts de travail prescrits ne sont pas rattachables à l'accident du travail du 17 novembre 2014, que seules les lésions directement et exclusivement imputables à l'accident initial doivent être prises en charge au titre de la législation professionnelle, soulignant qu'il n'y a pas de continuité de soins et symptômes.

Elle relève que le certificat établi le 2 décembre 2016 comporte une erreur de plume sur la date de la reprise qui est au 5 décembre 2016 et non au 5 janvier 2016, et qu'il y a eu ensuite une nouvelle reprise le 16 janvier 2017 effective jusqu'au 13 février 2017, veille d'un nouvel arrêt de travail, ces deux reprises ayant exposé à nouveau la salariée aux sollicitations résultant de la vie professionnelle, de la vie privée, de la vie d'agrément, ce qui ne permet pas de rattacher la sciatique S1 droite à l'accident du travail du 17 novembre 2016.

Elle conteste également que toutes les lésions mentionnées sur les certificats médicaux de prolongation seraient en lien avec l'accident du travail du 17 novembre 2016.

Elle ajoute que sa demande d'expertise reposant sur des éléments faisant présumer la disproportion des arrêts de travail au vu des lésions constatées, le litige est d'ordre médical et justifie l'expertise sollicitée.

L'intimée lui oppose que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite de l'accident du travail s'étend pendant toute la durée de l'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime. Elle souligne verser aux débats l'ensemble des certificats médicaux d'arrêts de travail et de soins liés à l'accident du travail avec une date de consolidation fixée au 06/07/2017, et qu'il y a une continuité des arrêts et des soins les certificats faisant étant des mêmes lésions.

Elle soutient que l'employeur doit combattre utilement la présomption d'imputabilité et justifier de la nécessité d'une expertise médicale et par conséquent rapporter la preuve que tout ou partie des lésions ont une cause totalement étrangère au travail, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce.

Elle souligne qu'au titre de la législation professionnelle l'arrêt de travail n'est plus justifié lorsque la victime est apte à la reprise de son travail et qu'il est tenu compte de l'état pathologique dans son ensemble et soutient que la présomption d'imputabilité des lésions ne peut être écartée sur la simple existence d'un état antérieur, qu'il incombe à l'employeur de la détruire en démontrant la cause totalement étrangère au travail.

Enfin, elle rappelle qu'une expertise ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, et soutient que l'appelante n'apporte aucune preuve ou commencement de preuve que tout ou partie des lésions ont une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, le certificat médical initial en date du 17 novembre 2016 mentionne au titre de la nature des lésions: 'cervico-dorso-lombalgie. Contracture pararachidienne dorsale droite' et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 25 novembre 2016.

Il résulte des certificats médicaux de prolongation versés aux débats, que les arrêts de travail et soins ont ensuite été prescrits en continu du 25 novembre 2016 au 4 décembre 2016, en visant les mêmes lésions, et le certificat du 02 décembre 2016 qui a prescrit la prolongation des soins jusqu'au 06/01/2017, mentionne une reprise du travail à temps complet le 05/01/2016.

S'il est exact que cette date comporte, en ce qui concerne le dernier chiffre de l'année, une erreur de plume, pour autant il s'agit d'une prolongation de soins pour les mêmes lésions que celles mentionnées sur le certificat médical initial jusqu'au 06/01/2017.

Il établit la continuité des soins avec les lésions initiales.

Les certificats médicaux suivants en date des 20/12/2016, 03/01/2017, 14/02/2017, 28/02/2017, 28/03/2017, 10/03/2017, 16/05/2017 prescrivent tous la prolongation des soins et/ou d'arrêts de travail, en mentionnant les mêmes lésions que celles du certificat médical initial, tout en apportant parfois des précisions complémentaires sur la nature des soins (kiné). Ils sont continus.

S'il est exact qu'un nouvel arrêt de travail est prescrit le 03/01/2017 jusqu'au 15/01/2017, pour autant, cette prescription ne fait que revenir sur la seule prolongation de soins (et non de l'arrêt de travail) jusqu'au 06/01/2017.

Cette prescription implique pour autant, ainsi qu'admis pour partie par l'argumentaire médical dont se prévaut l'appelante, que l'exposition aux 'sollicitations résultant de la vie professionnelle' par la reprise du travail s'est révélée incompatible avec l'état de santé de la salariée en lien avec les lésions initiales, et ne fait donc que conforter la continuité des soins et/ou arrêts de travail depuis la prescription du certificat médical initial en lien avec les lésions initiales.

S'il est également exact que les certificats de prolongation en date des 14/01/2017 et 16/05/2017 font mention, pour le premier d'une 'possible sciatalgie S1 droite', et pour le second, d'une 'dépression associée', soit de pathologies distinctes des lésions initiales, pour autant elles sont mentionnées en sus des lésions initiales.

Il résulte donc bien de ces éléments, contrairement aux allégations de l'appelante, une continuité des lésions mentionnées sur le certificat médical initial et sur l'ensemble des certificats de prolongation jusqu'à celui du 16 mai 2017, lequel prescrit la prolongation de l'arrêt de travail jusqu'au 14 juin 2017.

L'argumentaire médical dont se prévaut l'appelante fait mention d'un certificat de prolongation en date du 13 juin 2017, prescrivant la prolongation de l'arrêt de travail jusqu'au 18 juin 2017 et une reprise à temps complet à compter du 19 juin 2017 et tire argument de la prescription d'une reprise du travail au 5 décembre 2016 pour considérer que la 'consolidation de l'accident du travail du 17 novembre 2016 doit être fixée au 4 décembre 2016".

Ce faisant, il confond la notion de consolidation, qui implique qu'une stabilisation dans l'état de la victime de l'accident du travail a été médicalement constatée, avec la reprise du travail, alors que la prescription de soins implique que tel n'est pas le cas, même s'il est estimé par le médecin prescripteur qu'une reprise du travail peut être envisagée.

De plus, les nouvelles prescriptions d'arrêts de travail après reprise par les certificats de prolongation des 20/12/2014 et 14/02/2017 démontrent au contraire l'insuffisance des soins prescrits pour parvenir à une consolidation qui n'est pas acquise, puisque de nouveaux arrêts de travail sont jugés nécessaires.

L'appelante ne conteste pas que la caisse a versé des indemnités journalières à compter de l'accident du travail, et l'argumentaire médical dont elle se prévaut faisant mention d'une prescription en date du 13 juin 2017 de la prolongation de l'arrêt de travail jusqu'au 18 juin 2017 avec reprise du travail à temps complet à partir du 19 juin 2017, sans préciser les soins.

Il s'ensuit que la présomption d'imputabilité à l'accident du travail du 17/11/2016 est applicable pour les prolongations d'arrêts de travail et/ou de soins en continu jusqu'à la date de consolidation, ainsi que retenu par les premiers juges, et qu'il incombe à l'employeur de la renverser en démontrant que le travail y est étranger, soit en d'autres termes la cause étrangère au travail.

La circonstance que deux certificats de prolongation fassent mention de pathologies distinctes des lésions initiales ne la renverse pas alors qu'elles mentionnent également les lésions initiales, rendant ainsi ces prolongations imputables à l'accident du travail, et la caisse relève avec pertinence que cette présomption ne peut être écartée sur la simple existence d'un état antérieur.

De même le caractère allégué disproportionné de la durée des soins et/ou arrêts de travail est inopérant à renverser cette présomption, le critère étant non point une durée statistique mais celui de l'état de santé du salarié victime d'un accident du travail, ce qui implique une appréciation in concreto et non point in abstracto.

Or l'argumentaire médical dont se prévaut l'appelante repose uniquement sur la prise en compte d'une reprise du travail (en réalité d'une tentative de reprise du travail) à la date du 5 décembre 2016 et sur la circonstance que le médecin-conseil de la caisse a retenu comme date de consolidation celle du 6 juillet 2017 sans séquelles indemnisables, 'alors même que la symptomatologie douloureuse cervicale, dorsale et lombaire et que la dépression associée étaient toujours existantes à cette date' pour en déduire que 'cette symptomatologie rachidienne étendue et psychique ne pouvait donc pas être rattachée à l'accident du travail du 17 novembre 2016".

Il fait ainsi abstraction à la fois de:

* la nature des lésions initiales qui sont à la fois 'cervicales, dorsales et lombaires' reprises sur l'ensemble des certificats de prolongations, qui ont donc un lien direct avec l'accident du travail, pour être survenues, suivant la déclaration d'accident du travail, lors du nettoyage de la chambre d'une patiente et avoir justifié dans le certificat médical initial la prescription d'un arrêt de travail,

* la notion de consolidation donnée par le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail (annexe I à l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale) qui la définit comme étant 'le moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus en principe nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation', et précisant qu'elle 'ne coïncide pas nécessairement avec la reprise d'une activité professionnelle'.

En l'absence de différent médical étayé, il ne peut être considéré qu'il existe un doute sérieux, sur l'imputabilité des arrêts de prolongation de nature à justifier qu'une expertise soit ordonnée.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une expertise médicale sur pièces.

Le jugement entrepris doit être confirmé à cet égard et en ce qu'il a dit opposable à l'employeur les arrêts de travail et soins prescrits à l'ensemble des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse consécutifs à l'accident du travail dont a été victime le 17 novembre 2016 Mme [M] [H].

Succombant en son appel, la société [4] doit être condamnée aux dépens y afférents.

PAR CES MOTIFS,

- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

- Déboute la société [4] de l'ensemble de ses prétentions,

- Condamne la société [4] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 22/00118
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;22.00118 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award