La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°22/15329

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 29 juin 2023, 22/15329


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

AP

N° 2023/ 267













Rôle N° RG 22/15329 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKK4O







[E] [D]





C/



S.A.R.L. LA SARL JARMENIL HE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ,



Me Johanna CANO



r>


Décision déférée à la Cour :





Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 698 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 28 septembre 2022, enregistré sous le numéro de pourvoi K 21-11.846 qui a cassé partiellement l'arrêt n° 236 rendu le 9 décembre 2020 par la Chambre Civile - section 1 de la ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2023

AP

N° 2023/ 267

Rôle N° RG 22/15329 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKK4O

[E] [D]

C/

S.A.R.L. LA SARL JARMENIL HE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ,

Me Johanna CANO

Décision déférée à la Cour :

Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 698 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 28 septembre 2022, enregistré sous le numéro de pourvoi K 21-11.846 qui a cassé partiellement l'arrêt n° 236 rendu le 9 décembre 2020 par la Chambre Civile - section 1 de la Cour d'Appel de BASTIA, enregistré au répertoire général sous le n° 18/00685, sur appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 4 septembre 2018 , enregistré au répertoire général sous le n° 16/01264 .

DEMANDERESSE A LA SAISINE APRES RENVOI CASSATION

Madame [E] [D]

demeurant [Adresse 11] - [Localité 4]

représentée par la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA

DEFENDERESSE A LA SAISINE APRES RENVOI CASSATION

S.A.R.L. LA SARL JARMENIL HE, dont le siège social est [Adresse 9] - [Localité 10], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège social de [Adresse 9] [Localité 10]

représentée par Me Johanna CANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-François REMY, avocat au barreau de NANCY

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Aude PONCET, Vice président placé , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Aude PONCET, Vice président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [D] et M. [W] [C], gérant de la société Jarmenil H.E signaient le 28 mai 2014 un compromis de vente, par lequel ils convenaient de la vente par Mme [D] à M. [C] d'un bien immobilier comprenant les parcelles de terrain section F n°[Cadastre 2] - [Cadastre 1] - [Cadastre 5] et une partie de la [Cadastre 8].

Par acte authentique du 19 novembre 2014, la SARL Jarmenil H.E faisait l'acquisition auprès de Mme [E] [D] d'un 'moulin ancien nouvellement affecté principalement à usage d'habitation' cadastré section F n°[Cadastre 1] et n°[Cadastre 2] sis lieu-dit Vergaghio à Volpajola (Haute Corse), ainsi que 'tous les droits d'usage de l'eau et les droits d'alimentation en eau éventuels attachés à cette propriété', pour un montant de 160 000€, devant Maître [R] [P], notaire associé de la SCP [R] [P] et Thomas Leandri.

Des travaux d'aménagement du moulin et de remise en état en raison de crues du fleuve GOLO intervenues en 2014 et en début d'année 2015, atteignant le premier étage, ont été réalisés par la SARL Jarmenil H.E.

En octobre 2015, une nouvelle crue du fleuve GOLO intervenait, les eaux atteignant cette fois-ci le toit du moulin et envahissant les deux étages du bâtiment.

En parallèle, par acte d'huissier en date du 3 aout 2016, Mme [D] vendait les trois parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] à M.[O].

Par acte d'huissier en date du 10 octobre 2016, la SARL Jarmenil H.E a fait assigner Mme [E] [D] et la SCP [R] [P] et Thomas Leandri, notaires associés devant le tribunal de grande instance de Bastia notamment aux fins de restitution d'une partie du prix de vente et d'allocation de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 4 septembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Bastia a notamment :

- condamné Mme [D] à prendre en charge l'ensemble des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3],

- condamné la SCP notariale à payer à la SARL Jarmenil H.E la somme de 23 049,69€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- rejeté toutes les autres demandes,

- partagé les dépens par moitié entre la SARL Jarmenil H.E d'une part, la SCP notariale d'une part dont distraction au profit des avocats de la cause.

Par arrêt en date du 9 décembre 2020, la Cour d'Appel de Bastia a notamment :

- rejeté les demandes respectives de la SCP [R] de [P] et Thomas Leandri et de Mme [E] [D] tendant à écarter des débats les conclusions de la SARL Jarmenil H.E du 31 aout 2020 et ses pièces 33 à 34,

- rejeté la demande de Mme [E] [D] tendant à déclarer irrecevables les prétentions principales et subsidiaires de la SARL Jarmenil H.E,

- confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia le 4 septembre 2018, tel que déféré, sauf :

- en ce qu'il a condamné la SCP notariale à payer à la SARL Jarmenil H.E la somme de 23 049,69€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- en ce qu'il a condamné Mme [D] à prendre en charge l'ensemble des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3],

- en ce qu'il a partagé les dépens de première instance par moitié avec la SCP Jacques de Bronzini de Caraffa et Thomas Leandri,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- débouté la SARL Jarmenil H.E de ses demandes tendant à condamner à titre principal la SCP [R] de [P] et Thomas Leandri Notaires associés à lui verser la somme de 92 698,75€ au titre de dommages et intérêts (articles 1231-1 s.), outre les intérêts au taux légal à compter de la date de réception, le 23 mai 2016, de la mise en demeure adressée à ce sujet à chacun des défendeurs, à prononcer l'annulation de la vente intervenue par acte du 19 novembre 2014 entre Mme [D] et la SARL Jarmenil H.E, en raison de l'erreur affectant les qualités essentielles de la chose, condamner Mme [D] - au visa de l'article 1178 alinéa 3 du code civil - à lui restituer la totalité du prix de vente, soit la somme de 160 000€, outre les frais d'acte notarié, frais de prêt et intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure réceptionnée le 23 mai 2016, condamner solidairement Mme [D] et la SCP [R] de [P] et Thomas Leandri notaires associés à lui verser la somme de 92 698,75€ au titre de dommages et intérêts (articles 1231-1 s et 1178 alinéa 4 du code civil), outre les intérêts au taux légal à compter de la date de réception, le 23 mai 2016, de la mise en demeure adressée à chaque partie,

- dit n'y avoir lieu à statuer que le 'prendre acte de ce que la SARL Jarmenil H.E propose de restituer à Mme [D] la propriété litigieuse à la date de versement de la somme de 160 000€, outre frais d'acte, de prêt et intérêts au taux légal qui n'est pas une demande de la SARL Jarmenil H.E,

- dit sans objet, en l'absence de chefs du dispositif du jugement sur ces points :

- la demande de la SARL Jarmenil H.E de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la notion de moulin affecté principalement à usage d'habitation ne correpondait pas à une classification administrative mais à un usage concret, jugé que le compromis ait été antérieurement signé ne pouvait dispenser le notaire de son devoir d'information,

- la demande de la SCP [R] de [P] et Thomas Leandri d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'elle avait manqué à son devoir d'information et de conseil,

- débouté la SARL Jarmenil H.E de sa demande de condamnation de Mme [E] [D] à prendre en charge l'ensemble des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3],

- rappelé que le chef du jugement du tribunal de grande instance de Bastia ayant rejeté la demande de Mme [D] de condamnation de la SARL Jarmenil H.E à l'allocation d'une somme de 20 000€ à titre de préjudice moral n'a pas été déféré à la cour,

- dit dès lors que cette disposition est donc devenue irrévocable et qu'il n'y a pas lieu à statuer la concernant.

La SARL Jarmenil H.E a formé un pourvoi contre cet arrêt.

La Cour de cassation, par arrêt du 28 septembre 2022, a:

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Jarmenil H.E de condamnation de Mme [D] à prendre en charge des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3],

Elle a retenu que:

' Vu l'article 1134 et 1147, devenus 1103 et 1231-1 du code civil, il résulte de ces textes que le débiteur, qui s'abstient d'exécuter l'obligation à laquelle il s'est engagé, est tenu de réparer le préjudice que cette inexécution a causé à son cocontractant. Pour rejeter la demande de condamnation de Mme [D] à prendre en charge l'ensemble des frais inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété de M. [O], l'arrêt retient que Mme [D] est dépourvue de tous droits sur les fonds dominants. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le droit de la société à obtenir la réparation du préjudice causé par le manquement de Mme [D] à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.'

Mme [E] [D] a matérialisé une déclaration de saisine de la cour d'appel d'Aix en Provence, cour de renvoi le 18 novembre 2022.

Suivant ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 avril 2023, Mme [E] [D] demande à la cour de:

- déclarer recevable et fondé l'appel incident interjeté par Mme [E] [D] à l'encontre du jugement rendu le 4 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bastia,

y faisant droit,

- réformer la décision entreprise,

et, statuant à nouveau, dans la limite des dispositions cassées de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia,

- débouter la société Jarmenil de ses demandes ainsi formulées dans ses dernières conclusions déposées devant la cour d'appel de Bastia :

- condamner Mme [D] à la prise en charge des frais et coûts liés au désenclavement de la parcelle n°[Cadastre 3] propriété de Jarmenil H.E,

- condamner la société Jarmenil à payer à Mme [D] la somme de 50 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, d'appel et de cassation, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ sur son offre de droit.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- le compromis signé le 28 mai 2014 ne concerne pas la société Jarmenil H.E et ne vise pas une servitude de passage, ne citant qu'un éventuel droit de passage du canal d'amenée en amont sur la parcelle [Cadastre 6] et ses droits d'eau attachés s'ils existent,

- qu'une servitude de passage a été établie sur les fonds qu'elle a vendus à M. [O] avant même qu'elle n'acquiert ces fonds, de sorte que la société Jarmenil dispose bien d'une servitude de passage sur les parcelles acquises par M. [O], et qu'il lui appartient donc, conformément aux dispositions des articles 697 et 698 du code civil, de réaliser les ouvrages qu'elle juge nécessaires pour user et conserver cette servitude de passage grevant les parcelles [Cadastre 5] - [Cadastre 7] et [Cadastre 8] d'une largeur de 5 mètres,

- que cette servitude suffit à désenclaver la parcelle [Cadastre 3],

- le premier juge ne pouvait pas à la fois débouter la société Jarmenil H.E de sa demande de restitution du prix de vente et la condamner à prendre en charge la totalité des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage afin de désenclaver la parcelle [Cadastre 3], cette dernière demande n'étant pas une demande principale et autonome mais une des modalités de calcul de la demande indemnitaire venant en sus du prix de vente dont la société Jarmenil demandait la restitution,

- il ressort des deux constats d'huissier qu'elle verse aux débats que la parcelle n°[Cadastre 3] n'est en réalité pas enclavée, que le portail installé sur la voie d'accès est ouvert, qu'il n'existe aucun grillage de nature à interdire l'accès aux portes et aux fenêtres de la bâtisse située sur la parcelle, que la société Jarmenil H.E a effectué sans difficulté des travaux sur la parcelle sans permis de construire (puisqu'elle a été condamnée à ce titre par la chambre des appels correctionnels), sans limitation d'accès,

- elle a vendu les parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] à un agriculteur pour éviter un éventuel droit de préemption de la SAFER sans aucune spéculation,

- la société Jarmenil H.E a été parfaitement informée de cette vente mais n'a pas sollicité la réitération par acte authentique du compromis pour ces parcelles.

La SARL Jarmenil H.E, suivant ses dernières conclusions notifiées le 15 février 2023, demande à la cour de:

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BASTIA le 4 septembre 2018 en ce qu'il a condamné Mme [D] à prendre à sa charge l'ensemble des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3],

- rejeter toutes demandes contraires présentées par Mme [D],

- réserver expressément toute action susceptible d'être engagée par la société Jarmenil H.E à l'encontre de Mme [D] pour violation du compromis de vente du 28 mai 2014, en ce qu'il portait sur les parcelles cadastrées Section F, n°[Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8], vendues par ses soins, pour le même prix, à M.[O] le 3 août 2016,

- condamner enfin Mme [D] à verser une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers frais et dépens de la présente instance, dont distraction au bénéfice de Maître Johanna CANO, avocat aux offres de droit.

A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que :

- Mme [D] a délibérément violé les termes du compromis de vente signé le 28 mai 2014 par lequel elle s'engageait à vendre à [C] [W] 'Pour la SARL Jarmenil H.E, Acheteur', outre le Moulin de Vergaghio et de ses parcelles d'emprise n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2], diverses parcelles de terrain environnantes, cadastrées Section F, n°[Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8], puisqu'elle a finalement vendu les parcelles cadastrées section F n°[Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] à M. [O] par acte authentique du 3 août 2016 pour la somme de 10 000€, soit à un prix identique que celui convenu entre elle et M. [W] dans le compromis du 28 mai 2014, lequel n'a pas été remis en cause,

- outre le fait de priver la société Jarmenil H.E d'une partie des parcelles prévues par le compromis du 28 mai 2014, Mme [D] la prive également de tout accès au bâtiment dont elle est propriétaire sur la parcelle n°[Cadastre 3], qui est désormais totalement enclavée dans la propriété de M. [O],

- le caractère manifestement frauduleux de l'acte de vente intervenu entre Mme [D] et M. [O] ainsi que la situation d'enclave qui en résulte pour la parcelle [Cadastre 3] justifie la condamnation de Mme [D] à prendre en charge l'ensemble des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété de M.[O], qui devra prochainement être formée sur le fondement de l'article 682,

- si le compromis a effectivement été signé par M.[W], ce dernier est intervenu pour le compte de la société Jarmenil, acheteuse, en sa qualité de gérant,

- la vente était prévue en deux temps pour permettre de connaitre la volonté de la SAFER d'éventuellement préempter une partie des parcelles.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 2 mai 2023.

MOTIFS

La Cour de cassation, par arrêt du 28 septembre 2022, a:

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Jarmenil H.E de condamnation de Mme [D] à prendre en charge l'ensemble des frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3] l'arrêt rendu le 9 décembre 2020 entre les parties par la cour d'appel de Bastia.

En l'état de cette cassation partielle, portant exclusivement sur ce point, les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia sur les autres points sont définitives et ne peuvent plus faire l'objet d'aucune discussion.

Sur l'obligation contractuelle de Mme [D]

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1147 ancien de ce même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, il ressort du compromis de vente signé le 28 mai 2014 qu'il avait été convenu de la cession par Mme [D] à M. [C] d'un bien immobilier comprenant les parcelles de terrain section F n°[Cadastre 2] - [Cadastre 1] - [Cadastre 5] et une partie de la parcelle F [Cadastre 8].

A l'examen de ce compromis de vente, il apparait que M. [C] [W] a apposé sa signature 'pour la SARL Jarmenil', de sorte qu'il ne peut être discuté qu'il agissait alors pour le compte de la société Jarmenil H.E dont il est le gérant.

Il n'est pas contesté que l'acte authentique signé le 19 novembre 2014 par les parties ne concernait que les parcelles n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] dès lors que les autres parcelles dont la vente avait été envisagée par la promesse étaient susceptibles d'être préemptées par la SAFER, Mme [D] invoquant d'ailleurs ce motif pour expliquer le fait qu'elle ait finalement vendu les parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] à M.[O].

Ainsi, il apparait que Mme [D], en vendant des parcelles à un tiers alors qu'elle s'était engagée à les vendre à la SARL Jarmenil H.E dans le cadre d'un compromis de vente, lequel n'a jamais été remis en cause, a manqué à son obligation contractuelle.

Il ressort du procès verbal d'huissier en date du 2 mars 2017 que l'ensemble des accès vers la parcelle [Cadastre 3], laquelle est 'cernée' par les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], toutes deux vendues par Mme [D] à M.[O], a été clôturé.

Mme [D] verse aux débats un procès verbal de constat d'huissier en date du 10 juin 2016 soit antérieur à celui versé aux débats par la SARL Jarmenil H.E précité.

Elle verse également aux débats un procès verbal de constat d'huissier en date du 13 octobre 2022, soit bien postérieur à la procédure engagée par la SARL Jarmenil H.E mais également postérieur à l'arrêt de la Cour de cassation. En tout état de cause, ce procès verbal permet d'établir que, si le jour du constat, le portail d'accès entre la parcelle [Cadastre 3] et la propriété de M.[O] était ouvert, ce dernier existe bien et peut être fermé par son propriétaire.

La situation d'enclave de la parcelle n°[Cadastre 3], 'entourée' des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] vendues par Mme [D] à M.[O] est donc démontrée, ce qui constitue un préjudice indéniable, ce d'autant que la SARL Jarmenil H.E , en la personne de son gérant, M.[W] avait prévu d'acquérir, conformément à la promesse de vente, les parcelles [Cadastre 5] et une partie de la parcelle [Cadastre 8], ce afin de pouvoir accéder à la voie publique à partir de la parcelle [Cadastre 3].

Ainsi, Mme [D] a bien commis une faute en vendant à M.[O] des parcelles qu'elle avait pourtant promis de vendre à la SARL Jarmenil H.E en vertu du compromis signé le 28 mai 2014, faute qui est à l'origine du préjudice subi par la SARL.

Il convient donc de confirmer les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Bastia en date du 4 septembre 2018 en ce qu'il a condamné Mme [D] à prendre en charge les frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3].

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie qui succombe supporte les dépens.

Mme [E] [D], qui succombe, sera donc condamnée aux dépens.

Sur la demande formulée au visa de l'article 700 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

L'équité doit conduire à condamner Mme [E] [D] au paiement de la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bastia du 4 septembre 2018,

Vu l'arrêt de la Cour d'Appel de Bastia du 9 décembre 2020,

Vu l'arrêt de cassation partielle de la Cour de Cassation du 28 septembre 2022

Confirme dans les limites de l'arrêt de cassation partielle de la Cour de Cassation du 28 septembre 2022 le jugement du tribunal judiciaire de Bastia en date du 4 septembre 2018 en ce qu'il a condamné Mme [E] [D] à prendre en charge les frais et coûts inhérents à l'établissement d'une servitude de passage sur la propriété [O] au profit de la parcelle n°[Cadastre 3],

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [D] aux dépens,

Condamne Mme [E] [D] verser à la SARL JARMENIL H.E la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 22/15329
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.15329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award