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22/06/2023 | FRANCE | N°22/14197

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 22 juin 2023, 22/14197


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 259













Rôle N° RG 22/14197 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHDL







[P] [TS]

[XR] [TS]

[Z] [TS]

[TA] [TS] épouse [L]





C/



[KX] [B]

[K] [D] épouse [B]

[W] [B]

[DC] [B]

[X] [B]





















Copie exécutoire délivrée

le :>
à :



SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN



Me Clara LEGER-ROUSTAN











Décision déférée à la Cour :





Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 636 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 21 septembre 2022, enregistré sous le numéro de pourvoi T21-20.570 qui a cassé et annulé l'arrêt n° 218 rend...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 259

Rôle N° RG 22/14197 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHDL

[P] [TS]

[XR] [TS]

[Z] [TS]

[TA] [TS] épouse [L]

C/

[KX] [B]

[K] [D] épouse [B]

[W] [B]

[DC] [B]

[X] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN

Me Clara LEGER-ROUSTAN

Décision déférée à la Cour :

Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 636 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 21 septembre 2022, enregistré sous le numéro de pourvoi T21-20.570 qui a cassé et annulé l'arrêt n° 218 rendu le 26 Mai 2021 par la Chambre Civile Section 1 de la Cour d'Appel de BASTIA enregistré au répertoire général sous le n° 18/00650, sur appel d'un jugement du tribunal d'instance D'AJACCIO rendu le 15 Avril 2014 , enregistré au répertoire général sous le n°11-10.000385.

DEMANDEURS A LA SAISINE APRES RENVOI CASSATION

Monsieur [P] [TS]

demeurant [Adresse 14]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean Louis MALBEC, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [XR] [TS] veuve [H]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean Louis MALBEC, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Monsieur [Z] [TS]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean Louis MALBEC, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [TA] [TS] épouse [L]

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean Louis MALBEC, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

DEFENDEURS A LA SAISINE APRES RENVOI CASSATION

Monsieur [KX] [B]

demeurant [Adresse 12] CORSE

représenté par Me Clara LEGER-ROUSTAN, avocat au barreau de GRASSE, assisté de Me Christelle MENAGE, avocat au barreau d'AJACCIO

Madame [K] [D] épouse [B]

demeurant [Adresse 12]

représentée par Me Clara LEGER-ROUSTAN, avocat au barreau de GRASSE, assistée de Me Christelle MENAGE, avocat au barreau d'AJACCIO

Monsieur [W] [B]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Clara LEGER-ROUSTAN, avocat au barreau de GRASSE, assisté de Me Christelle MENAGE, avocat au barreau d'AJACCIO

Monsieur [DC] [B]

demeurant [Adresse 11]

représenté par Me Clara LEGER-ROUSTAN, avocat au barreau de GRASSE, assisté de Me Christelle MENAGE, avocat au barreau d'AJACCIO

Madame [X] [B]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Clara LEGER-ROUSTAN, avocat au barreau de GRASSE, assistée de Me Christelle MENAGE, avocat au barreau d'AJACCIO

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Aude PONCET, Vice président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. [P] [TS], Mme [XR] [TS] veuve [H], M. [Z] [TS], Mme [TA] [TS] épouse [L] sont les membres de l'indivision successorale de [Y] [TS], propriétaire d'une partie d'une maison de famille sise au hameau d'[Localité 13] sur la commune de [Localité 15], sur des parcelles cadastrées G numéros [Cadastre 9] (appartement au deuxième étage et combles aménagés) et [Cadastre 10] (cave en rez-de-chaussée, appartement au premier étage, appartement au deuxième étage et combles aménagés).

M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [B], M. [DC] [B] et Mme [X] [B] sont propriétaires indivis d'une partie d'une maison située sur la parcelle cadastrée G numéro [Cadastre 8].

Arguant d'un empiètement au niveau d'un jardinet de 14 m² devant servir de passage sur la parcelle cadastrée G numéro [Cadastre 9], les consorts [TS] ont, par exploit d'huissier du 4 juin 2010, assigné les consorts [B] en bornage de leur propriété et afin de voir établi l'empiètement de l'immeuble des consorts [B] sur le leur.

Par jugement du 8 mars 2011, le tribunal d'instance d'Ajaccio a :

- constaté que les consorts [TS] « rapportent la preuve de ce que les parcelles G [Cadastre 9] et G [Cadastre 10] figurent, ainsi que l'indique l'expert judiciaire dans le cadre d'une instance séparée (jugement du 20/07/2009), dans l'actif successoral auquel ils sont parties »,

- avant dire droit, ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [U] [C], lequel a déposé son rapport le 19 décembre 2012.

Par jugement du 15 avril 2014, le tribunal d'instance d'Ajaccio a :

- débouté les consorts [TS] de leur demande de nullité du rapport d'expertise,

- homologué le rapport d'expertise rendu le 19 décembre 2012, par M. [U] [C], expert,

- débouté les consorts [TS] du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample, ou contraire au dispositif,

- condamné les consorts [TS] aux entiers dépens.

Par déclaration du 23 juin 2014, M. [P] [TS], Mme [XR] [TS] veuve [H], M. [Z] [TS], Mme [TA] [TS] épouse [L] ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit du 17 juin 2015, la cour d'appel de Bastia a :

- prononcé la nullité des opérations d'expertise faites par l'expert après le relevé des mesures à l'aide d'un technicien,

- désigné à nouveau M. [C] en qualité d'expert pour poursuivre sa mission qui lui a été confiée en première instance, dans le respect du contradictoire.

M. [C] ayant refusé sa mission, a été remplacé par ordonnance du conseiller de la mise en état, par un nouvel expert M. [O], lequel a été autorisé à déposer un rapport en l'état le 4 juillet 2017, en raison du refus par les consorts [TS] de régler la consignation complémentaire sollicitée.

Par arrêt avant dire droit du 15 mai 2019, la cour d'appel de Bastia a désigné en qualité d'expert M. [J] [IH] aux frais avancés des consorts [TS]. Cet expert a été remplacé par M. [E] [WZ] par ordonnance du conseiller de la mise en état, lequel a déposé son rapport d'expertise par courrier du 19 juin 2020.

Par arrêt du 26 mai 2021, la cour d'appel de Bastia a notamment :

- confirmé le jugement entrepris en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- fixé la limite séparative des deux fonds G [Cadastre 9] et [Cadastre 8] conformément à la troisième solution préconisée par l'expert judiciaire définie par une ligne brisée matérialisée par les points A1 (axe du mur intérieur) ' B ' C (ou D ' E1) tel que représenté à la pièce annexe n° 6 du rapport d'expertise,

- invité l'expert judiciaire, M. [E] [WZ], à implanter les bornes telles que définies et à procéder à toutes publications utiles au fichier de la publicité foncière,

- débouté les consorts [TS] de leur demande tendant à ordonner aux consorts [B] de défaire la palissade, de dégager et remettre en état d'origine toute surface illégitimement occupée au regard des limites définies.

Par arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 mai 2021 en ces termes :

« Vu les articles 12 et 455 du code de procédure civile :

4. Selon le premier de ces textes, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

5. Selon le second, tout jugement doit être motivé.

6. Pour ordonner le bornage, l'arrêt se borne à relever que les parties sont en désaccord sur le choix entre les trois solutions proposées par l'expert judiciaire et qu'il y a lieu, pour les départager, d'opter pour la dernière d'entre elles.

7. En statuant ainsi, en considération de la seule nécessité de départager les parties, et sans autre motivation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Par déclaration du 25 octobre 2022, M. [P] [TS], Mme [XR] [TS], M. [Z] [TS], Mme [TA] [TS] épouse [L] ont saisi la présente cour.

Dans leurs conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 19 janvier 2023, M. [P] [TS], Mme [XR] [TS], M. [Z] [TS], Mme [TA] [TS] épouse [L] demandent à la cour

Sur le fondement des dispositions des articles 16, 160, 175, 232 à 284 -1, 381, 383 et 455 du code de procédure civile,

Vu les pièces produites aux débats et les mesures d'expertise,

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance d'Ajaccio du 15 avril 2014 en ses dispositions appelées,

Vu l'arrêt avant droit définitif de la cour d'appel de Bastia du 17 juin 2015 prononçant « la nullité des opérations d'expertise faites par l'expert après le relevé des mesures à l'aide d'un technicien »,

Vu l'arrêt avant droit définitif de la cour d'appel de Bastia du 15 mai 2019 désignant un nouvel expert,

Vu les conclusions du rapport d'expertise judiciaire du 20 juin 2020,

Sans avoir égard aux fins, moyens et conclusions des intimés,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation avec renvoi du 21 septembre 2022,

Statuant à nouveau :

- de fixer la limite séparative des deux fonds cadastrés G numéros [Cadastre 9] et [Cadastre 8] définie par une ligne brisée, matérialisée par les points A - B (à 0,05 m du mur de l'avancée), (B en pied du mur) - C (à 1m du pilier), tel qu'il est représenté à l'annexe n° 6 du rapport d'expertise judiciaire,

- d'inviter l'expert judiciaire à implanter les bornes telles que définies en conséquence et à procéder à toutes publications utiles au fichier de la publicité foncière,

En conséquence,

- d'ordonner à M. [KX] [R] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [T] [B], M. [DC] [A] [B], Mme [X] [M] [B] de défaire la palissade mal implantée, de dégager et remettre en état d'origine toute surface illégitimement occupée au regard des limites définies, dans le délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous couvert d'une astreinte, faute d'intervention volontaire dans ledit délai, qui ne saurait être inférieure à une somme de 1 000 euros par jour de retard, la juridiction se réservant la possibilité de liquider l'astreinte provisoire ordonnée,

- de condamner solidairement les défendeurs à payer une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner sous la même solidarité aux dépens de l'ensemble des instances, première instance comme ceux en cause d'appel, outre les frais de toutes les mesures d'instruction, expertises judiciaires, et en ordonner la distraction au profit de Me Joseph Magnan, avocat aux offres de droit, au visa des dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

M. [P] [TS], Mme [XR] [TS], M. [Z] [TS], Mme [TA] [TS] épouse [L] font essentiellement valoir :

Sur le bornage :

- que la première solution s'impose au regard des documents cadastraux et des titres, au contraire des deux autres qui relèvent de la possession à la suite d'une conduite illégitime et abusive des intimés,

- que dans leurs correspondances et leurs dires à l'expert, les intimés ont bien affirmé ne pas être propriétaires de cette bande de terrain, depuis l'origine de leur demande, qu'ils n'ont jamais revendiqué la propriété de cette bande de terre, mais avançaient sans en justifier, l'existence d'une autorisation d'usage ou d'occupation,

- que si par extraordinaire, les intimés tentaient d'arguer d'une prescription acquisitive, la cour devra rejeter cet argumentaire au regard des règles régissant le jeu de la prescription acquisitive et exigeant une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire,

- qu'à titre infiniment subsidiaire, ils accepteraient la solution n° 3, qui comme le précise l'expert, correspond à un second empiètement par construction,

Sur l'indivision :

- que l'indivision [TS]/[TS] [G] existe pour la parcelle G [Cadastre 9], soit en cave en rez-de-chaussée et appartement du premier étage et non sur la parcelle G [Cadastre 10],

- que le droit de passage « par le haut » évoqué par le témoignage de M. [FS] [TS] produit par les intimés, ne fut jamais matérialisé dans un acte, mais physiquement par la création d'un muret à un mètre des pierres sèches, limite de propriété des parcelles G [Cadastre 8] et G [Cadastre 9],

- que la participation des autres indivisaires à l'instance en bornage est parfaitement inutile, puisque le potentiel fonds servant est responsable de la surface et de son éventuelle liberté d'usage à leur profit (sic).

Dans leurs conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 6 décembre 2022, M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [B], M. [DC] [B] et Mme [X] [B] demandent à la cour :

Vu le rapport d'expertise de M. [WZ],

Vu les pièces versées aux débats,

- de constater que l'ensemble des propriétaires des parcelles G [Cadastre 8] et [Cadastre 9] n'ont pas été mis en cause,

- de débouter les consorts [TS] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

Subsidiairement,

- de constater que la deuxième solution préconisée par l'expert correspond à la possession et aux marques de limites apparentes édifiées par les consorts [TS] eux-mêmes, et telle qu'elle résulte depuis plus de quarante ans,

- de constater qu'en tout état de cause, les consorts ont prescrit conformément aux articles 2258 et suivants du code civil,

- de fixer la limite séparative des fonds conformément à la deuxième solution préconisée par l'expert à savoir : une ligne brisée matérialisée par les points A ' B (à 0,05 m du mur de l'avancée), (B en pied de mur) ' D (angle du pilier) ' E1 (angle du pilier Sud Est, DE suivant mur existant),

Dans tous les cas,

- de débouter les consorts [TS] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- de condamner solidairement les consorts [TS] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ceux compris les entiers frais d'expertise.

M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [B], M. [DC] [B] et Mme [X] [B] soutiennent en substance :

Principalement, sur le caractère non opposable du rapport à l'ensemble des propriétaires,

- que les propriétaires de l'étage du dessous de la parcelle G [Cadastre 8] et [Cadastre 9] ne sont pas dans la cause,

- que le premier niveau (en rez-de-chaussée) du bâtiment de la parcelle G [Cadastre 8] du côté de la limite partie Nord, appartient aux héritiers de M. [V] [TS], tiers qui ne sont pas dans la cause et propriétaires originaires de l'ensemble de la G [Cadastre 8],

- qu'il y a un logement indépendant appartenant aux héritiers de [G] [TS], situé au premier niveau en rez-de-chaussée de la parcelle G [Cadastre 9],

Subsidiairement sur le bornage,

- que contrairement à ce que soutiennent les consorts [TS], la délimitation préconisée au titre de la première solution n'est pas claire et sans équivoque,

- que rien ne permet de conclure que les murs figurant sur les clichés ne sont pas des murs de clôture, qui auraient dû laisser place à un escalier dans leur contrebas, qu'il est donc acquis que ces murs existaient déjà lors de l'acquisition par M. et Mme [KX] et [K] [B],

- que les appelants remettent en cause la limite où ils ont apposé eux-mêmes une clôture en 1971,

- que la deuxième solution de l'expert est conforme à la possession et à la marque apparente des limites,

- que leur possession a commencé à être troublée en 2009 puis 2010 soit près de quarante ans après leur acquisition, si bien qu'en tout état de cause, la prescription joue,

- qu'à aucun moment, ils n'ont reconnu un droit de passage ou quoi que ce soit, mais ont simplement décrit que les héritiers de [G] [TS] devaient faire le tour par le jardinet en litige, pour gagner l'entrée de leur appartement.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2023.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des intimés comporte des demandes de « constater » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie,

Il s'agit notamment du point tendant à voir constater que l'ensemble des propriétaires des parcelles G [Cadastre 8] et [Cadastre 9] n'ont pas été mis en cause, dont il n'est tiré aucune conséquence juridique en matière de demande sur laquelle la cour serait tenue de statuer.

Sur la demande de bornage

Selon les dispositions de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, le bornage se faisant à frais communs.

Il est constant que l'action en bornage dont est saisie la présente juridiction, ne se confond pas avec une revendication de propriété, que semblent former les intimés en évoquant une possession depuis plus de trente ans, laquelle est discutée par la partie adverse.

En l'espèce, une mesure d'expertise a été ordonnée confiée en dernier lieu à M. [E] [WZ], concernant les parcelles G numéros [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], ont acquis de M. [V] [TS], par acte notarié du 31 décembre 1070, notamment une maison composée de deux pièces avec grenier au-dessus sur la commune de [Localité 15], lieudit [Localité 13] avec ses dépendances, figurant au cadastre sous la section G numéro [Cadastre 8].

Cet acte notarié a fait l'objet d'un acte modificatif le 30 avril 2009, ainsi que d'un état descriptif de division le même jour, pour préciser que ce qui a été acquis après division de l'immeuble cadastré section G numéro [Cadastre 8] en quatre lots, sont les lots n° 3 (deux pièces formant le deuxième étage dudit immeuble, avec terrasse fermée comportant une kitchenette et une quote-part indéterminée des parties communes générales) et n° 4 (une chambre, une alcôve, une salle d'eau au troisième étage (ex greniers) et une quote-part indéterminée des parties communes générales), les lots n° 1 (les caves au rez-de-chaussée dudit immeuble et une quote-part indéterminée des parties communes générales) et n° 2 (deux pièces formant tout le premier étage dudit immeuble et une quote-part indéterminée des parties communes générales) après correction conforme au tableau récapitulatif figurant dans l'état descriptif de division, restant la propriété du vendeur.

Par un autre acte notarié du 30 avril 2009, M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B] ont donné à leurs trois enfants la nue-propriété des lots n° 3 et n° 4.

Quant à la parcelle cadastrée G numéro [Cadastre 9], elle appartient en indivision à [G] [TS], [I] [TS] et [Y] [TS], selon les documents cadastraux versés aux débats, et un acte de notoriété a été établi le 13 août 1980 suite au décès de [Y] [TS], ses héritiers étant son épouse Mme [S] et ses six enfants :

- Mme [F] [TS] épouse [H],

- M. [Z] [TS],

- Mme [N] [TS],

- M. [FS] [TS],

- Mme [TA] [TS] épouse [L],

- M. [P] [TS].

Il est justifié que par jugement du 20 juillet 2009, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a ordonné la liquidation partage de l'indivision à la demande de Mme [N] [TS] et M. [FS] [TS], qui souhaitaient sortir de l'indivision, par référence à l'acte de notoriété du 13 août 1980 en l'absence d'information donnée sur les biens propres de Mme [S] décédée en 2002, qu'une expertise a été ordonnée, mais aucune information n'est fournie sur la suite donnée.

L'expert [WZ] a précisé que les parties s'accordent sur le fait que le bornage ne concerne que la limite Est-Sud-Est entre les parcelles G numéros [Cadastre 8] et [Cadastre 9] et plus exactement la partie non bâtie.

Il propose trois solutions :

- la première prend le 1 mètre de largeur prévu pour le passage d'accès au futur escalier éventuel, le déport de 0,05 mètre pour respecter l'égout du toit de l'avancée de la propriété [B], qui a la faveur des appelants,

- la deuxième qui prend en compte la possession et 0,05 mètre pour respecter l'égout du toit de l'avancée de la propriété [B], qui a la faveur des intimés,

- la troisième qui est une variante de la première solution, prenant son démarrage à l'axe du mur intérieur supposé mitoyen.

Il ressort des investigations de l'expert et des pièces produites, qu'un document d'arpentage a été établi par M. [LO] géomètre-expert courant 1971, comportant division de la parcelle G numéro [Cadastre 9] en deux parcelles G numéros [Cadastre 1] et [Cadastre 2], la première devant revenir à [Y] [TS] et la seconde à [G] [TS]. Ce document qui n'a jamais été publié, ce qui est confirmé par la production d'un échange avec le centre des impôts fonciers en septembre 2022 (pièce n° 95 des appelants), fait état d'une limite entre les parcelles G numéros [Cadastre 8] et [Cadastre 9], parfaitement droite.

Il en est de même des documents cadastraux, même si l'expert rappelle qu'ils ne représentent que la propriété apparente et que leur base originelle est uniquement fiscale.

Enfin, la confrontation des dires des consorts [B] au cours des opérations d'expertise dans lesquels ils évoquent un usage laissé par [G] [TS] et le témoignage des fils de feu [G] [TS], produit par les intimés, qui affirment être propriétaires de la parcelles G numéro [Cadastre 2], celle-là même d'une largeur de 1 mètre et d'une longueur de 14 mètres partant de la maison, permet de confirmer que la limite des propriétés est droite.

Dès lors, il importe peu de s'interroger sur la nature du mur construit en 1971 par les consorts [TS].

Il s'en déduit que c'est la solution n° 1 proposée par l'expert, qui doit être retenue, passant par les points A ' B (à 0,05 mètre du mur de l'avancée), (B en pied de mur) ' C (à 1 mètre du pilier) tel que représenté en annexe n° 6 du rapport daté du 19 juin 2020, avec la réserve notée par l'expert, que le point C n'est pas opposable au propriétaire du chemin, qui n'est pas dans la cause.

Le jugement appelé sera donc infirmé quant à la solution de bornage.

Sur la demande de défaire la palissade mal implantée, de dégager et remettre en état d'origine toute surface illégitimement occupée au regard des limites définies

Il ressort des photographies du rapport d'expertise qu'une palissade est située au-delà des limites fixées dans la présente décision.

Il convient donc de condamner M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [B], M. [DC] [B] et Mme [X] [B] à déplacer la palissade afin qu'elle respecte la limite fixée par la présente décision.

En application de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

Afin d'y contraindre M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [B], M. [DC] [B] et Mme [X] [B], il y a lieu de fixer une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois.

Le surplus de la demande non étayé, sera rejeté, étant observé qu'aucun moyen n'est développé à l'appui de la demande tendant à ce que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement appelé en ce qu'il a condamné les consorts [TS] aux dépens, mais de le confirmer en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le bornage se faisant à frais commun, il convient de faire masse des dépens, qui comprendront les frais d'expertise et de les partager par moitié, avec éventuelle distraction au profit du conseil des appelants qui le réclame.

De ce fait, les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Vu le jugement du tribunal d'instance d'Ajaccio du 15 avril 2014,

Vu l'arrêt avant dire droit de la cour d'appel de Bastia du 15 juin 2015 ayant prononcé la nullité des opérations d'expertise après le relevé des mesures à l'aide d'un technicien et désigné à nouveau le même expert,

Vu l'arrêt avant dire droit de la cour d'appel de Bastia du 15 mai 2019 ayant désigné un nouvel expert,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 26 mai 2021,

Vu l'arrêt de cassation totale du 21 septembre 2022, de ce dernier arrêt,

Infirme le jugement appelé sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe la limite séparative des parcelles de la commune de [Localité 15] lieudit [Localité 13] cadastrées G numéro [Cadastre 8] ([B]) et [Cadastre 9] ([TS]), conformément à la solution n° 1 du rapport d'expertise de M. [E] [WZ], passant par les points A ' B (à 0,05 mètre du mur de l'avancée), (B en pied de mur) ' C (à 1 mètre du pilier) tel que représenté en annexe n° 6 du rapport daté du 19 juin 2020 ;

Invite l'expert M. [E] [WZ] à implanter les bornes telles que définies et à procéder à toutes publications utiles au fichier de la publicité foncière ;

Condamne M. [KX] [B], Mme [K] [D] épouse [B], M. [W] [B], M. [DC] [B] et Mme [X] [B] à déplacer la palissade afin qu'elle respecte la limite fixée par la présente décision, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois ;

Déboute M. [P] [TS], Mme [XR] [TS] veuve [H], M. [Z] [TS], Mme [TA] [TS] épouse [L] du surplus de leurs demandes ;

Fait masse des dépens qui comprendront le coût des expertises et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les appelants et les intimés, avec distraction au profit de Me Joseph Magnan ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 22/14197
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.14197 ?
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