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20/06/2023 | FRANCE | N°22/05620

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 20 juin 2023, 22/05620


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2023



N° 2023/292









Rôle N° RG 22/05620

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJHTP







[M] [B]



C/



PROCUREUR GENERAL



[J] [B]































Copie exécutoire délivrée

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Me Cécile ALBISSER



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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 février 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 18/08865





APPELANTE



Madame [M] [B] agissant en qualité de représentant légal de Mademoiselle [J] [B]

née le 30 octobre 1965 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]



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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2023

N° 2023/292

Rôle N° RG 22/05620

N° Portalis DBVB-V-B7G-

BJHTP

[M] [B]

C/

PROCUREUR GENERAL

[J] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Cécile ALBISSER

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 10 février 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 18/08865

APPELANTE

Madame [M] [B] agissant en qualité de représentant légal de Mademoiselle [J] [B]

née le 30 octobre 1965 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cécile ALBISSER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général

PARTIE INTERVENANTE

Madame [J] [B]

née le 18 octobre 2004 à [Localité 2] (ALGERIE)

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cécile ALBISSER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 mai 2023 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Hélène PERRET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [J] [B], née le 18 octobre 2004 à [Localité 2] (ALGERIE), a été recueillie par Madame [M] [B] suite à un acte de kafala établi le 21 février 2005.

Le 12 juin 2018, sa déclaration d'acquisition de la nationalité française souscrite le 19 décembre 2017 sur le fondement de l'article 21-12 du code civil a fait l'objet d'un refus d'enregistrement par le directeur des services de greffe du tribunal d'instance d'Aix-en-Provence, au motif que son état civil n'était pas probant au sens de l'article 47 du code civil.

Par acte d'huissier du 21 août 2018, Madame [M] [B], en sa qualité de représentante légale de [J] [B], a fait assigner le procureur de la République près le tribunal judiciaire de MARSEILLE devant ledit tribunal afin de voir enregistrer sa déclaration d'acquisition de la nationalité française.

Par un jugement contradictoire du 10 février 2022, le tribunal judiciaire de MARSEILLE a :

- Constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- Débouté Madame [M] [B], en sa qualité de représentante légale de [J] [B], de ses demandes,

- Constaté l'extranéité de [J] [B], née le 18 octobre 2004 à [Localité 2] (ALGERIE),

- Ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil.

- Condamné Madame [M] [B] en sa qualité de représentante légale de [J] [B], aux dépens.

Le 14 avril 2022, Madame [M] [B] a interjeté appel de la décision, en qualité de représentante légale de [J] [B].

Par une ordonnance du 28 février 2023, le magistrat de la mise en état a rejeté la demande du ministère public fondée sur l'article 1040 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 18 octobre 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Madame [M] [B] demande à la cour de :

- Déclarer Madame [B] recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Marseille le 10 février 2022,

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Débouté les demandes de Madame [B] en sa qualité de représente légal de [J],

- Constaté l'extranéité de [J],

- Ordonné la mention prévue par l'article 28 du Code civil,

- Condamné Madame [B] au paiement des dépens.

- En conséquence, de statuer à nouveau et de :

-A titre principal :

- Déclarer probant l'état civil de Madame [J] [B],

- Déclarer recevable la déclaration de nationalité française souscrite le 19 décembre 2017 sur le fondement de l'article 21-12 du Code civil,

- Ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 19 décembre 2017 par le directeur des services des greffes judiciaires du Tribunal judiciaire de Marseille,

- Déclarer que [J] [B], née le 18 octobre 2004 à [Localité 2] (Algérie) est de nationalité française dès l'enregistrement de ladite déclaration,

- Ordonner l'inscription de la nationalité française de [J] [B] au répertoire civil annexe tenu par le service central de l'état civil conformément aux dispositions de l'article 28 du Code civil,

- Condamner le Ministère Public aux dépens de la procédure en première instance.

- A titre subsidiaire :

- Déclarer contraire à l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentaux le refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 19 décembre 2017,

- Ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 19 décembre 2017 par le directeur des services des greffes judiciaires du Tribunal judiciaire de Marseille,

- Déclarer que [J] [B], née le 18 octobre 2004 à [Localité 2] (Algérie) est de nationalité française,

- Ordonner l'inscription de la nationalité française de [J] [B] au répertoire civil annexe tenu par le service central de l'état civil conformément aux dispositions de l'article 28 du Code civil,

- Condamner le Ministère Public aux dépens de la procédure en première instance.

- En tout état de cause :

- Condamner le Ministère public au paiement des entiers dépens de la présente instance.

A l'appui de ses prétentions, elle expose que Madame [J] [B] entend intervenir volontairement et de façon accessoire à l'instance, en raison de sa majorité conformément aux dispositions des articles 554 et 330 du code de procédure civile.

Elle affirme que l'ensemble des conditions de l'article 21-12 du code civil sont réunies pour que [J] puisse bénéficier de la déclaration d'acquisition de nationalité aux motifs que :

- Elle a été recueillie par une personne de nationalité française depuis au moins trois ans ; elle est notamment arrivée en France le 3 novembre 2005 et y réside de façon habituelle depuis comme le démontrent les attestations de scolarité de la jeune fille qui suit actuellement une formation afin de devenir infirmière, après l'obtention de son B.A.C. ; contrairement à ce qu'allègue le Ministère Public, le jugement du 10 avril 2019 rectifiant le jugement de kafala du 10 avril 2005 est bien produit en " copie certifiée conforme " et aucune stipulation conventionnelle n'exige la mention du nom du greffier qui a délivré ladite copie ni la date de délivrance de cette copie ; en conséquence ledit jugement dispose d'une force probante en France ; qu'en tout état de cause l'article 21-12 du code civil n'impose pas que le jugement étranger soit opposable en France pour démontrer le recueil.

Elle précise que le débat porte sur la fiabilité de l'état civil de [J], le premier juge ayant considéré à tort qu'elle ne dispose pas d'un état civil fiable au sens de l'article 47 du code civil. Cependant l'acte de naissance de [J] a été établi conformément aux règles en vigueur en ALGERIE et aucun élément ne permet de douter que son identité ne correspond pas à celle mentionnée dans cet acte.

Elle affirme produire plusieurs extraits d'acte de naissance et copies intégrales d'acte de naissance probants. Elle souligne qu'aucune mention contradictoire n'existe dans l'acte de naissance de [J], le premier juge ayant procédé à des confusions malheureuses dont il a déduit des contradictions :

- la décision du 10 avril 2019 n'est pas visée dans l'acte de naissance car il s'agit d'un jugement rectificatif qui porte uniquement modification du jugement du 26 avril 2005 en ce qu'il a commis une erreur matérielle en ne désignant pas le bon acte de naissance (n°15 972) . Mais cette décision ne vient pas modifier l'acte de naissance qui comporte le n°15 972 ;

- le fait que le prénom " [Y] " a été rayé de l'acte de naissance de [J] n'a aucune incidence sur la valeur probante de cet acte, dès lors qu'il est établi que de façon constante qu'elle n'a jamais eu de filiation ;

- le premier juge s'est trompé en indiquant qu'il existe des mentions contradictoires entre le nom de la personne qui a déclaré la naissance de [J] et qui a signé l'acte et la personne qui a signé pour lui et par procuration ; il ressort des copies certifiées conformes à l'original que c'est bien Monsieur [Z], Directeur de l'hôpital de [Localité 2] qui a déclaré la naissance mais que c'est Monsieur [A] qui a signé par procuration pour lui ; la rubrique " il a signé en notre présence " ne comporte aucune signature et la rubrique " a signé pour lui et procuration " comporte la signature de Monsieur [A] ;

- le fait que les copies intégrales en version française ne comportent aucune mention de l'identité de l'officier d'état civil n'est pas signifiant, dès lors que les deux copies certifiées conformes et accompagnées d'une traduction assermentée mentionnent bien l'identité de [D] [F] ;

- Aucun élément extérieur de l'acte de naissance de [J] ne permet de mettre en doute les mentions contenues dans cet acte et l'identité de [J] est corroborée par la production de son passeport algérien, de son certificat de nationalité algérienne et la copie intégrale de son certificat de naissance. Le fait que [J] est issue de parents inconnus est également démontré par plusieurs pièces et jugements algériens ;

Subsidiairement, elle soutient que la décision querellée est contraire à l'intérêt supérieur de [J] et au droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle indique que cette demande subsidiaire est recevable puisqu'elle vise à la même fin que celle soumise au premier juge conformément à l'article 565 du code de procédure civile. Elle affirme en outre que le refus d'enregistrer la déclaration de nationalité française de [J] porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : elle est arrivée en France à quelque mois et y a toujours été scolarisée ; le fait de ne pas être de nationalité française entraîne des difficultés quotidiennes ; elle se trouve désormais en situation irrégulière et, en cas de confirmation de la décision querellée, se verrait dans l'obligation de quitter le territoire français où elle a toutes ses attaches familiales, amicales, sociales, scolaires et serait dans l'obligation d'interrompre ses études supérieures. Si elle obtenait un titre de séjour, elle se verrait priver de nombreux droits auxquels elle peut prétendre, Madame [B] ne pouvant dans ce cas solliciter son adoption. L'intérêt de [J] est de se voir reconnaître un lien juridique avec Madame [B] puisqu'elle n'a aucune filiation établie.

Il a été démontré selon elle que les contradictions énoncées par le premier juge résultent de confusion ou d'erreurs matérielles qui ne sauraient suffire à remettre en cause la force probante de l'acte de naissance. Il est inconcevable de faire peser la charge de ces erreurs réalisées en Algérie et des erreurs de traduction sur [J] alors que ces erreurs ont été justifiées. Par ailleurs, celle-ci a assimilé les valeurs de la République Française en ayant été une brillante élève qui sera insérée dans la société française. Le fait qu'elle dispose la nationalité algérienne est inopérant puisqu'elle n'a jamais vécu en Algérie où elle n'a aucune attache.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 6 octobre 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Madame la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence demande à la cour de :

- Confirmer le jugement attaqué,

- Dire irrecevable la demande subsidiaire de l'appelante, ou à tout le moins rejeter cette demande comme mal fondée ;

- Dire qu'elle n'est pas française,

- Ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Au soutien de ses allégations, il expose que :

- L'appelante ne fait pas la preuve de son recueil par décision de justice au sens de l'article 21-12 du code civil : le jugement de kafala du 21 février 2005 n'est pas produit en " expédition conforme " avec mention du nom du greffier qui l'a délivrée et de la date à laquelle la copie a été délivrée ; ce jugement n'est donc pas opposable en France ;

- L'acte de naissance de la demanderesse n'est pas probant puisque ses différentes versions comportent des mentions substantielles divergentes ou incohérentes et notamment :

* la traduction par un expert français d'une copie intégrale délivrée le 25 septembre 2019 de son acte de naissance mentionne les parents de l'intéressé mais pas le jugement de kafala du 21 février 2005, et ce sans mention de l'officier d'état civil ; (pièce 32) ;

* la copie conforme délivrée le 20 octobre 2020 de l'acte de naissance de [J] (pièce 33) comporte une contradiction en ce qu'il indique que [O] [Z] (déclarant) a signé en présence de l'officier d'état civil puis que [A] [X] a signé pour lui et par procuration ;

- le prénom [Y] a été rayé alors que seul le nom de famille [K] de [J] a été changé à l'occasion du recueil par [T] ; le prénom [Y] a été remplacé par le prénom [J] alors qu'aucune décision n'a décidé de cette modification ; En outre, le nom de l'intéressée est [G] [C] et non pas [K] comme l'indiquent plusieurs pièces ;

- les pièces supplémentaires produites aux débats (passeport algérien, certificat de nationalité') ne sont pas de nature à justifier son état civil ;

- les différents jugement rectificatifs rendus par les juridictions algériennes ne sont pas opposables en France puisqu'elles ne sont pas produites en expédition conforme avec précision du nom du greffier ayant délivré la copie et qui en certifie ainsi la conformité ; elles sont donc non opposables en France en vertu de la convention franco-algérienne relative à l'exéquatur du 27 août 1964 ;

*le jugement du 26 avril 2005 du tribunal de Constantine rectifiant l'acte de naissance N°738 du 18 octobre 2004 en ce que la personne est [B] [J] au lien de [K] [J] n'est pas une expédition conforme précisant la date de délivrance et le nom du greffier ;

* la copie du jugement du 28 avril 2005 du même tribunal rectifiant ce même acte de naissance indique que la personne concernée est [B] [J] au lieu de [K] [J] ;

* le jugement rectificatif du 10 avril 2019 du tribunal de Constantine produit est la traduction d'une copie du jugement sans date de délivrance de cette copie ni certification conforme par un greffier ; il est donc non opposable en France en vertu de la Convention franco algérienne relative à l'exéquatur du 27 août 1964 cette décision rectifie le nom de l'intéressée et non le numéro de l'acte de naissance ;

*une copie certifiée conforme par le greffe du tribunal de Constantine en traduction par un expert agrée du jugement du tribunal de Constantine du 10 avril 2019 qui démontre que ce dernier a rectifié l'erreur relatif au numéro de l'acte de naissance ;

Concernant la demande subsidiaire de l'appelante, le ministère public fait valoir les éléments suivants :

- Il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel qui est irrecevable ;

- L'impératif selon lequel un intérêt d'ordre public s'attache à ce que toute personne vivant habituellement en France soit pourvue d'un état civil ne peut être invoqué pour contourner les exigences posées à l'article 47 du code civil et pour contraindre l'ordre juridique français à recevoir des pièces d'état civil dépourvues de force probante ; en outre il a été démontré que la décision judiciaire étrangère de recueil n'est pas opposable en France ;

- [J] [B] a une identité reconnue en ALGERIE et n'est donc pas privée des droits que l'Etat algérien lui reconnait ; le refus de juger qu'elle est de nationalité française n'est pas un obstacle à la reconnaissance d'une autre nationalité et au maintien de ses liens familiaux, n'étant pas privée de la possibilité de vivre en France avec la recueillante avec un titre de séjour ou naturalisée ;

- La CEDH et la convention internationale des droits de l'enfant ne font pas obstacle au droit de chaque Etat de déterminer souverainement ses nationaux, la nationalité étant une matière régalienne ;

- Le refus de la nationalité française de [J] [B] a bien un fondement juridique en droit interne et ne viole par l'article 8 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2023, l'affaire ayant été appelée à l'audience du 11 mai 2023.

MOTIVATION

Sur l'intervention volontaire accessoire de Madame [J] [B]

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

L'article 330 du même code précise que l'intervention est accessoire lorsqu'elle s'appuie sur les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

Madame [J] [B] est majeure depuis le 18 octobre 2022.

Il convient donc de déclarer recevable sa demande d'intervention volontaire accessoire.

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé. En l'espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé. La condition de l'article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. La procédure est donc régulière.

Sur le fond

Il ressort de l'article 21-12 du code civil que peut réclamer la nationalité française, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou qui a été recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en conseil d'Etat.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom.

Afin de pouvoir bénéficier de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-12 du code civil, l'appelante doit en premier lieu justifier d'un état civil probant et fiable au sens de l'article 47 du code civil.

Aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

En l'espèce, et afin de justifier de l'état civil de Madame [J] [B], l'appelante produit notamment aux débats :

- Un extrait des registres des actes de naissance, en date du 1er juin 2005, valable uniquement à l'étranger, aux termes duquel elle est née le 18 octobre 2004 à [Localité 2] à 1h15 (acte de naissance n°15 972) ;

- Une copie intégrale de l'acte de naissance délivrée le 4 mars 2019 en français sur un formulaire EC7 par la commune de [Localité 2] de son acte de naissance N°15972 dressé le 24 octobre 2014 à 12 heures par [O], officier d'état civil sur déclaration de Mme/M [Z] aux termes duquel [J] [B] est née le 18 octobre 2004 à 1h15 ; cette copie ne comporte pas le nom complet de l'officier d'état civil qui est une mention substantielle de l'acte, ni la qualité et l'identité complète et le sexe du déclarant ;

- Les traductions par un expert judiciaire près la cour d'appel d'Aix-en-Provence de deux copies en date des 25 septembre 2019 et 20 octobre 2020 de l'acte de naissance N°15972 de l'intéressée dressé le 24 octobre 2004 à 12 heures par Monsieur [F] [D] officier d'état civil, sur déclaration faite par [Z] [O], âgé de 42 ans, directeur de l'hôpital demeurant à [Localité 2] aux termes duquel l'intéressée est née le 18 octobre 2004 à 1h15. Il est indiqué que Monsieur [Z] a signé et que Monsieur [A] [X] a signé pour lui et par procuration.

Les mots [K] et [V] sont rayés dans l'expression " est née [J], fille de [K] et [V]. Il est précisé que l'acte de naissance a été rectifié le 4 mai 2005 conformément au jugement du 26 avril 2005 disant que l'intéressée s'appellera [B] [J] et non [K] est recueillie par [T] Madame [M] [B].

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que selon la version de l'acte de naissance, le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte n'est pas le même. En outre, aucun jugement n'a autorisé que le prénom de [Y] soit rayé sur l'acte de naissance de [J] [B] que ce soit le jugement du 26 avril 2005 ou celui du 19 avril 2019 du tribunal de Constantine.

Contrairement à ce qu'allègue l'appelante, le fait qu'elle n'ait pas de filiation établie n'est pas un argument de nature à justifier le fait que le prénom " [Y] " ait été rayé de son acte de naissance sans autorisation judiciaire.

En outre, les copies des actes de naissance de l'intéressée des 25 septembre 2019 et 20 octobre 2020 ne visent pas le jugement du 10 avril 2019 du Tribunal de Constantine qui a bien ordonné la transcription dudit jugement sur les registres de l'état civil de [Localité 2], et qui ordonnait la rectification du numéro d'acte de naissance correct de l'intéressé.

En conséquence et comme l'a estimé le premier juge, l'état civil de Madame [J] [B] n'est pas fiable puisque ses différentes versions comportent des mentions substantielles divergentes ou incohérentes. Dans ces conditions, elle ne peut se voir reconnaître la nationalité française.

Concernant la demande subsidiaire de l'appelante visant à déclarer contraire à l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme le refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite le 19 décembre 2017, force est de constater qu'elle est recevable puisque, conformément aux dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, elle vise à la même fin que celle soumise au premier juge.

D'une part, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et la convention internationale des droits de l'enfant n'empêchent pas chaque Etat de déterminer souverainement ses nationaux, la nationalité étant une matière régalienne ; ces deux textes ne peuvent contraindre l'ordre juridique français à recevoir des pièces d'état civil dépourvues de force probante et à contourner les exigences de l'article 47 du code civil.

D'autre part, Madame [J] [B] a une identité reconnue en ALGERIE et dispose de la nationalité algérienne ; comme l'indique justement le ministère public, le fait de juger qu'elle n'est pas de nationalité française n'est pas un obstacle à la reconnaissance d'une autre nationalité et au maintien de ses liens familiaux, dans la mesure où elle n'est pas privée de la possibilité de vivre en France avec la recueillante avec un titre de séjour ou en étant naturalisée.

En conséquence, le refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française de Madame [J] [B] n'est pas contraire au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la CEDH.

Il convient donc de confirmer la première décision en toutes ses dispositions.

Sur les mesures accessoires

Il convient de condamner in solidum Madame [M] [B] et Madame [J] [B] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, après débats non publics,

Déclare recevable l'intervention volontaire accessoire de Madame [J] [B] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 10 février 2022 du tribunal judiciaire de MARSEILLE ;

Condamne in solidum Madame [M] [B] et Madame [J] [B] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 22/05620
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;22.05620 ?
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