La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2023 | FRANCE | N°19/16066

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 13 juin 2023, 19/16066


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2023



N° 2023/265









Rôle N° RG 19/16066

N° Portalis DBVB-V-B7D-

BFBB5







[F] [D] [G]



C/



PROCUREUR GENERAL

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alioune MBENGUE



MINISTERE PUBLIC


<

br>

Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 22 novembre 2018





APPELANT



Monsieur [F] [D] [G]

né le 20 novembre 1988 à SENEGAL (99)

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Alioune MBENGUE, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIME



PR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2023

N° 2023/265

Rôle N° RG 19/16066

N° Portalis DBVB-V-B7D-

BFBB5

[F] [D] [G]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alioune MBENGUE

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 22 novembre 2018

APPELANT

Monsieur [F] [D] [G]

né le 20 novembre 1988 à SENEGAL (99)

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alioune MBENGUE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 avril 2023 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [F] [D] [G], se disant né le 20 novembre 1998 à Thiaroye sur Mer (Sénégal) a déposé le 22 mai 2014 au greffe du tribunal d'instance de Marseille une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française en l'état de la nationalité française de son père né au Sénégal et français par déclaration souscrite le 3 novembre 1969.

Le directeur des services de greffe judiciaire a pris une décision de refus le 7 juillet 2017.

Par acte d'huissier signifié le 16 octobre 2017, M. [G] a fait assigner le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille afin de voir annuler la décision de refus du directeur des services de greffe judiciaire et constater qu'il est français.

Par jugement rendu le 22 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a notamment :

- constaté que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies,

- débouté M. [G] de sa demande,

- constaté l'extranéité de M. [G],

- dit n'y avoir lieu d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- laisse les dépens à la charge de M. [G].

M. [G] a interjeté appel de cette décision le 17 novembre 2019.

Par ordonnance rendue le 13 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a constaté le désistement du ministère public de l'incident introduit le 20 mai 2020.

Par ordonnance rendue le 21 juillet 2022, le magistrat chargé de la mise en état a constaté le désistement de M. [G] de l'incident introduit le 18 mars 2022.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 30 mai 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [G] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande, constaté son extranéité, dit n'y avoir lieu d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil et laissé les dépens à sa charge,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que M. [G] justifie d'un état civil fiable et probant, attesté par l'acte de naissance du 30 décembre 1988 dressé conformément à la législation sénégalaise par les services de l'état civil du Sénégal, en application de l'article 47 du code civil,

- dire et juger que M. [G] a la qualité de français comme né d'un père français en vertu de l'article 18 du code civil,

- condamner l'Etat à verser à M. [G] la somme de 2.500 euros au titre de frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de l'instance.

M. [G] fait en effet notamment valoir que :

- le code de la famille sénégalais prévoit une hiérarchisation des déclarants par rang ; qu'il prévoit aussi des délais successifs et cumulatifs pour chaque catégorie de déclarant ; qu'à la compétence exclusive des déclarants de premier rang (père, mère, etc) dans le délai d'un mois franc, succède celle des déclarants de deuxième rang (chefs de village ou de quartier) dans le délai de 15 jours se cumulant avec celle des déclarants de premier rang dans le délai de 45 jours après la naissance ; que c'est seulement au-delà d'un délai d'un mois et 15 jours (45 jours) que l'officier peut recevoir une déclaration qui sera mentionnée comme "déclaration tardive" ; que sa déclaration de naissance par son père a été réalisé plus d'un mois franc après la naissance mais moins de quarante-cinq jours après la naissance ; que son acte de naissance a été dressé conformément à la législation sénégalaise ; qu'il est dès lors régulier et probant au sens de l'article 47 du code civil ;

- son père [Z] [G] est français ; qu'est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 21 décembre 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le ministère public demande à la cour de :

- constater que les conditions de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

- constater l'extranéité de M. [G] se disant né le 20 novembre 1988,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le ministère public fait en effet notamment valoir que :

- le code de la famille sénégalais prévoit un délai d'un mois pour le parent pour déclarer la naissance d'un enfant ; que le père a déclaré la naissance 40 jours après ; que c'est au chef de village ou de quartier qu'il appartient de déclarer la naissance de l'enfant au delà du délai d'un mois et pendant 15 jours ; que l'acte de naissance de M. [G] a été dressé sur la seule déclaration de son père ; qu'il n'a pas été dressé conformément à la loi ; que seuls les termes de la loi doivent être pris en compte ; que M. [G] ne justifie pas d'un état civil certain et probant qui permette d'établir légalement une filiation ;

- M. [G] n'a pas produit les pièces qui auraient permis de justifier d'une filiation paternelle légalement établie durant sa minorité ; que la filiation paternelle peut être légalement établie en droit sénégalais par le mariage des parents antérieur à la naissance ; qu'il ne produit aucun acte de mariage ; qu'il ne verse aucun acte de reconnaissance de paternité ; que l'acte de naissance viole la loi sénégalaise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023. L'affaire a été appelée à l'audience du jeudi 13 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

Sur la recevabilité de l'appel

Il convient de constater que le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré dans le cadre de la procédure d'appel.

Sur le fond

L'article 30 du code civil prévoit : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.

Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants."

En l'espèce, M. [G] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité de sorte que la charge de la preuve lui incombe.

Il est constant que M. [Z] [G], dont M. [F] [D] [G] se revendique le fils, est français selon déclaration souscrite le 3 novembre 1969 devant le tribunal d'instance du Havre, en vertu des dispositions de l'article 153 du code de la nationalité française.

L'appelant soutient qu'il doit être déclaré de nationalité française sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité française.

Il produit aux débats la copie établie le 26 septembre 2017 et certifié conforme de l'acte de naissance N° 1197 dressé le 30 décembre 1988 par [W] [U], officier d'état civil du centre d'état civil de Thiaroye sur Mer (Sénégal), sur déclaration du père, selon lequel l'appelant est né à [Localité 3] (Sénégal) le 20 novembre 1988, de [Z] [G] né le 12 mai 1947 à Ouaounde et de [K] [G] née le 18 août 1970 à [Localité 2] (Sénégal).

La régularité de cet acte n'est pas contestée par le ministère public.

En revanche, ce dernier relève que l'acte de naissance n'a été dressé que quarante jours après la naissance, en contravention, selon lui, des dispositions de l'article 51, alinéa trois, du code de la famille sénégalais, lequel prévoit qu'à défaut de déclaration faite dans le délai de un mois franc par le père ou la mère, par un ascendant ou un proche parent, par le médecin, la sage-femme, la matrone toute personne ayant assisté à la naissance, ou encore lorsque la mère est accouchée hors de son domicile, de la personne chez qui elle est accouchée, ce sont les chefs de village les délégués de quartiers qui sont tenus de procéder à cette déclaration dans les conditions et sous les sanctions prévues à l'article 33 du même code.

Cependant, la lecture attentive de l'article en question fait apparaître que, si les chefs de village ou les délégués de quartier sont tenus de procéder à la déclaration de naissance à défaut de déclaration faite dans le mois par les parents ou les autres personnes énumérées par ce texte, rien ne permet de penser qu'il soit pour autant interdit au père de procéder à cette déclaration lui-même dans la même période.

Plus précisément, l'article 51 précité prévoit des dispositions spécifiques aux déclarations tardives lorsque un mois et 15 jours se sont écoulés depuis la naissance, ou encore passé le délai d'un an après la naissance.

Dès lors, c'est de façon régulière que M. [Z] [G] a déclaré la naissance avant l'expiration de ce délai d'un mois et 15 jours.

Cette interprétation est confortée par les dispositions d'un jugement rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal d'instance de [Localité 3], régulièrement communiqué aux débats, qui énonce n'y avoir lieu à porter mention "inscription de déclaration tardive" sur l'acte de naissance de l'intéressé, d'une part, mais aussi d'un courrier émanant le 29 septembre 2017 de l'officier d'état civil de la commune de Thiaroye sur Mer.

M. [G] justifie donc d'un état civil certain, l'acte de naissance dont il se prévaut étant probant au sens de l'article 47 du Code civil.

Le ministère public faite valoir au subsidiaire que l'appelant ne produirait pas les pièces qui lui auraient permis de justifier d'une filiation paternelle légalement établie durant sa minorité.

Or, l'article 193 du code de la famille sénégalais prévoit explicitement que la déclaration de naissance faite à l'officier d'État civil par le père déclarant sa paternité suffit à établir la filiation et vaut reconnaissance de sa part. La déclaration de naissance faite le 30 décembre 1988 par M. [Z] [G] vaut donc reconnaissance et a bien été réalisé durant la minorité de l'appelant.

Par conséquent, l'argumentation du ministère public sera écartée, le jugement frappé d'appel sera infirmé, et la nationalité française de l'appelant sera reconnue.

En conséquence, il convient d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil après en avoir délibéré,

Constate que le récépissé justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Dit que Monsieur [F] [D] [G], né à [Localité 3] (Sénégal) le 20 novembre 1988, de [Z] [G] né le 12 mai 1947 à Ouaounde et de [K] [G] née le 18 août 1970 à [Localité 2] (Sénégal), est de nationalité française,

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Laisse au Trésor Public la charge des dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 19/16066
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;19.16066 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award