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08/06/2023 | FRANCE | N°22/09235

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 08 juin 2023, 22/09235


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

ph



N° 2023/ 248













Rôle N° RG 22/09235 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJUMV







[J] [B] épouse [Y]





C/



[F] [B] épouse [V]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me HUGUES



Me GALISSARD









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Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 194 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 17 février 2022, enregistré sous le numéro de pourvoi T 21-11.945, qui a cassé et annulé l'arrêt n°270 rendu le 26 novembre 2020 par la Chambre civile 1-5 de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, enregistré au répertoire général sous le n...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 248

Rôle N° RG 22/09235 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJUMV

[J] [B] épouse [Y]

C/

[F] [B] épouse [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me HUGUES

Me GALISSARD

Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 194 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 17 février 2022, enregistré sous le numéro de pourvoi T 21-11.945, qui a cassé et annulé l'arrêt n°270 rendu le 26 novembre 2020 par la Chambre civile 1-5 de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, enregistré au répertoire général sous le n° 16/02802 , sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 01 février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 13/11256.

DEMANDERESSE SUR SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Madame [J] [B] épouse [Y]

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Michel HUGUES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

DEFENDERESSE SUR SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Madame [F] [B] épouse [V]

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Alain GALISSARD de l'ASSOCIATION GALISSARD A / CHABROL B, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller faisant fonction de président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Patricia HOARAU, Conseiller faisant fonction de président de chambre

Monsieur Olivier ABRAM, Vice-Président placé

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Priscilla BOSIO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,

Signé par Madame Patricia HOARAU, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [J] [B] épouse [Y] et Mme [F] [B] épouse [V] sont les bénéficiaires d'une donation-partage consentie par leur mère le 15 février 1979, avec l'intervention de leur grand-mère usufruitière, portant sur un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] dénommé « [Adresse 7] », avec établissement d'un règlement de copropriété divisant l'immeuble en trois lots :

- lot n° 1 : la totalité du rez-de-chaussée comprenant un appartement de trois pièces principales, cuisine, hall, salle de bains, véranda par laquelle on accède à l'appartement, buanderie, local à usage de chaufferie, cour avec passage d'accès situé à l'Est du bâtiment, divers débarras au Sud et escalier d'accès au débarras situé à l'entresol formant le lot n° 2, auquel est attachée la jouissance privative d'un jardin situé au Nord du bâtiment d'une superficie d'environ 1416 m², avec les 474/1000èmes indivis du sol,

- lot n° 2 : le débarras situé à l'entresol avec balcon au Nord, auquel on accède par un escalier partant de la cour située au rez-de-chaussée, avec les 8/1000èmes indivis du sol,

- lot n° 3 : la totalité du premier étage comprenant un appartement de deux pièces principales, cuisine, salle de bains, hall avec escalier d'accès au deuxième étage, une terrasse dans l'angle Nord-Ouest, une terrasse dans l'angle Sud-Ouest avec escalier d'accès au jardin et la totalité du deuxième étage comprenant un appartement de trois pièces principales, cuisine, salle de bains, wc, hall, escalier d'accès par le premier étage, et terrasse au Sud, auquel est attachée la jouissance privative du jardin situé au Sud et à l'Ouest du bâtiment d'une superficie d'environ 1110 m² avec les 518/1000èmes indivis du sol.

Le règlement de copropriété précise que les parties communes générales, qui sont celles affectées à l'usage et l'utilité de tous les copropriétaires, comprennent notamment :

- la partie située dans l'angle Sud-Est de la propriété en bordure du chemin du Roucas-Blanc,

- la partie située dans l'angle Sud-Ouest de la propriété destinée à être aménagée en parkings, ou en garages communs.

Mme [J] [B] épouse [Y] s'est vu attribuer la nue-propriété des lots 1 et 2 et Mme [F] [B] épouse [V] celle du lot 3.

Par acte du 14 décembre 1995, chacune des donataires s'est vu attribuer l'usufruit des biens dont elle était nue-propriétaire.

Mme [B] épouse [Y] a par exploit d'huissier du 28 août 2013, assigné Mme [B] épouse [V] en rétablissement, sous astreinte, de la voie d'accès à son fonds, le passage étant, selon elle, entravé par le changement de dispositif de fermeture du portail en 2012 et divers obstacles placés sur le chemin, ainsi qu'une indemnisation provisionnelle sur son préjudice.

Par jugement du 1er février 2016, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté Mme [B] épouse [Y] de ses demandes, débouté Mme [B]-[V] de sa demande de dommages et intérêts et condamné Mme [B]-[Y] aux dépens et à payer à Mme [B]-[V] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt mixte du 5 octobre 2017, statuant sur appel contre ce jugement, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a jugé que les lots n° 1 et 2 étaient enclavés et avant dire droit sur les prétentions des parties, ordonné une expertise pour déterminer si deux emplacements de stationnement peuvent être réalisés à l'angle Sud-Ouest de la copropriété et rechercher les solutions permettant d'assurer le désenclavement.

Le pourvoi interjeté contre cet arrêt, a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2018.

Le rapport d'expertise de M. [S] [U] a été déposé le 8 octobre 2019.

Par arrêt du 26 novembre 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- dit que Mme [J] [B] épouse [Y], propriétaire des lots n°1 et 2 dans la copropriété cadastrée section C n°[Cadastre 1] pour 29 ares 90 centiares, lieudit [Adresse 2] à [Localité 5], bénéficie, par prescription acquisitive de son assiette, d'une servitude de passage grevant le lot n°3 de la même copropriété appartenant à Mme [F] [B] épouse [V], suivant le tracé figuré en hachures bleues sur le plan annexe 4 du rapport d'expertise de M. [S] [U], daté du 3 octobre 2019,

- condamné Mme [F] [B] épouse [V] à supprimer tous les obstacles installés sur ledit passage et à remettre la clé et/ou les télécommandes du portail ouvrant sur le [Adresse 2] et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant trois mois, passé le délai de deux mois à compter de la signification de cette décision,

- dit qu'aucun droit à indemnisation ne découle de la reconnaissance de cette servitude de passage pour Mme [F] [B] épouse [V],

- rejeté les demandes de cette dernière tendant à voir retenir la solution 2 de l'expert, à désigner à nouveau un expert pour estimer l'indemnité lui revenant ou à enjoindre à Mme [Y] de déposer une demande d'autorisation auprès des services instructeurs de la mairie de [Localité 4] reprenant la solution n°2 du rapport d'expertise,

- rejeté la demande de Mme [J] [B] épouse [Y] tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle est en droit d'obtenir, sous réserve de l'obtention des autorisations administratives requises, la création à son profit de deux emplacements de parking, dans la zone jouxtant le [Adresse 3], prévue lors de la mise en copropriété, située à l'angle Sud-Ouest du terrain servant d'assise à cette copropriété,

- condamné Mme [F] [B] épouse [V] aux dépens, de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise et à payer à Mme [J] [B] épouse [Y] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 4 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [F] [B] épouse [V].

Par arrêt du 17 février 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 en ces termes :

« Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour fixer l'assiette de la servitude de passage pour cause d'enclave grevant le lot n° 3 suivant le tracé n° 4 du plan annexé au rapport d'expertise déposé le 8 octobre 2019, l'arrêt retient que Mme [B] épouse [Y] en a fait l'acquisition par un usage continu entre 1979 et 2012, soit pendant plus de trente ans.

7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [B] épouse [V], qui soutenait que Mme [B] épouse [Y] avait bénéficié pendant ces années d'une simple tolérance de passage, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition rejetant la demande indemnitaire de Mme [B] épouse [V] pour procédure abusive. »

Mme [B]-[Y] a saisi la présente cour, par déclaration de saisine du 27 juin 2022.

Dans ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 22 juillet 2022, Mme [B]-[Y] demande à la cour

- de réformer le jugement entrepris, prononcé le 1er février 2016 par le tribunal de grande Instance de Marseille,

Ajoutant à l'arrêt prononcé par la cour de céans le 5 octobre 2017,

- de condamner Mme [F] [B] épouse [V], sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant au-delà du délai de dix jours postérieur à la date de signification de l'arrêt à intervenir et sans limitation de durée, à :

-remettre à Mme [J] [B] épouse [Y] une clé de la nouvelle serrure du portail

-faire reprogrammer le système d'ouverture automatique dudit portail de façon à ce que les télécommandes dont Mme [J] [B] épouse [Y] dispose puissent assurer à nouveau cette ouverture

- de dire et juger que l'accès en voiture aux parties privatives des lots numéros 1 et 2 de la propriété de Mme [J] [B] épouse [Y] devra se faire selon le tracé hachuré en bleu figurant sur le plan constituant l'annexe 4 du rapport de M. [S] [U] et que Mme [F] [B] épouse [V] devra laisser un tel passage sur l'assiette ainsi définie,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir au deuxième bureau des hypothèques de [Localité 4], en ce que :

-il consacre, au sein de l'immeuble en copropriété situé à [Adresse 2] y cadastré section C n° [Cadastre 1], pour une contenance de 29 ares 90 centiares, une servitude de passage en véhicules, selon les modalités précitées, au profit des lots numéros 1 et 2, sur le jardin à jouissance privative affecté au lot numéro 3,

-tels que ces lots sont définis par le règlement de copropriété de cet immeuble, établi par acte de Me [Z] [I], notaire à [Localité 6], le 15 février 1979, publié au deuxième bureau des hypothèques de [Localité 4] les 31 mai et 2 juillet 1979, volume 2657 n°4,

-et tels que ces lots sont devenus la propriété de Mme [J] [B] épouse [Y], pour les lots numéros 1 et 2, et de Mme [F] [B] épouse [V], pour le lot numéro 3,

- de condamner Mme [F] [B] épouse [V], sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant au-delà du délai de dix jours postérieur à la date de signification de l'arrêt à intervenir et sans limitation de durée,

-à remettre l'assiette du passage en état de servir de voie d'accès, selon les dimensions figurant sur ce plan, sous réserve de toute demande ultérieure d'élargissement,

-supprimer tous les obstacles qu'elle a créés pour empêcher un tel passage,

-supprimer le barrage, constitué de pierres, de madriers et de terre amassée, réinstallé en limite des jardins des parties, à hauteur de la branche de l'ancien chemin située dans le jardin de la concluante,

-supprimer la couche de terre en surépaisseur de 50 centimètres en moyenne, voire plus, que Mme [F] [B] épouse [V] avait laissée sur le chemin de servitude et son aire de retournement bénéficiant à Mme [J] [B] épouse [Y], ainsi que la couche supplémentaire de terre qu'elle a fait installer en avril 2022,

-rétablir la planéité de l'aire de retournement et la mettre au niveau du point de départ de la branche du chemin rectiligne située dans le jardin de la concluante,

-abaisser le niveau de la première branche du chemin de servitude, partant du portail de l'immeuble et aboutissant à la partie du chemin, resté dans son état d'origine et situé dans le jardin de la concluante,

-à cet effet,

-supprimer tous les apports de terre ou autres matériaux que Mme [F] [B] épouse [V] a fait réaliser notamment sur l'assiette de l'ancien chemin de servitude pour niveler la partie de son jardin qui supportait cette assiette,

-reconstituer depuis le portail précité une pente régulière et constante jusqu'à l'aire de retournement et au chemin demeurant dans son état d'origine dans le jardin de la concluante,

-enlever le talus de pierre et de terre, manifestement créé, sur le côté droit du chemin en venant du portail ouvrant sur la voie publique, pour dissimuler la réalité de la topographie antérieure,

-compacter et stabiliser l'assiette du chemin et de l'aire de retournement par, notamment, la mise en place d'une couche suffisante de gravillons, sans que cette mise en place ne crée de surélévation,

-reconstituer une horizontalité latérale de l'assiette du chemin en excluant toute inclinaison sur les côtés de cette assiette,

-supprimer, enfin, tous madriers en bordure ou en travers de l'assiette de cette servitude,

- de condamner Mme [F] [B] épouse [V] à payer à Mme [J] [B] épouse [Y]

-la somme de 35 000 euros, en indemnisation du préjudice matériel et moral subi,

-la somme de 13 377,81 euros, au titre du préjudice financier qu'elle lui a causé,

-la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [F] [B] épouse [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de l'expertise de M. [S] [U].

Mme [B]-[Y] fait essentiellement valoir :

- que des termes de l'arrêt de la Cour de cassation il résulte que la juridiction suprême :

-d'une part, a bien considéré qu'elle disposait d'un droit irrévocable à accéder en véhicules aux parties privatives des lots 1 et 2, dont elle est propriétaire dans l'immeuble en copropriété situé à [Adresse 2] et bénéficiait à cet égard d'une servitude de passage pour cause d'enclave sur la partie de terrain dont Mme [V] avait la jouissance privative,

-d'autre part, a estimé non point, qu'elle n'avait pas acquis par prescription l'assiette de la servitude légale de passage à laquelle elle pouvait prétendre, mais que la cour, dans son arrêt du 26 novembre 2020, n'avait pas répondu à l'un des arguments soutenus par Mme [V] et tiré de ce que le passage sur l'assiette en cause aurait pu résulter d'une simple tolérance,

- que la question du désenclavement des lots 1 et 2 a déjà été jugée de façon définitive, qu'ainsi l'argutie que l'intimée réitère sur ce point n'est en rien pertinente en fait comme en droit,

Sur la question de la tolérance invoquée par Mme [V],

- que l'invocation de cet argument est juridiquement incongrue, dès lors qu'en raison de la situation d'enclave, Mme [V] avait l'obligation légale de laisser passer les véhicules devant accéder à sa propriété,

- que cette obligation légale exclut que Mme [V] puisse se prévaloir d'une quelconque tolérance qui n'est établie par aucun document ou élément de preuve quelconque, et se trouve contredite par le maintien pendant plus de trente-trois ans du passage et des ouvrages délimitant son assiette, savoir, des murets et plantations, ainsi qu'un sol gravillonné,

- qu'ainsi il conviendra de dire qu'elle a bien acquis par prescription l'assiette de la servitude de passage dont bénéficie sa propriété,

- que s'il est constant qu'une servitude de passage, en application de l'article 691 du code civil, ne peut pas s'acquérir par prescription, il n'en demeure pas moins que le mode et l'assiette d'une servitude de passage pour cause d'enclave peut s'acquérir par prescription,

Sur ses demandes indemnitaires et de remise en état,

- que plus de deux années se sont depuis écoulées, durée pendant laquelle la concluante a

-non seulement, été entravée dans l'accès à son habitation,

-mais encore, été obligée d'assumer le coût de la location d'emplacements de stationnement extérieurs à la copropriété,

- qu'à ces frais, doit être ajoutée l'indemnisation des désagréments et pertes de jouissance subis, puisqu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité depuis la fin de l'année 2012 d'accéder à sa propriété en voiture,

- que si pour éviter le cours de l'astreinte, Mme [V] a délivré à sa s'ur les moyens d'ouverture du portail, détruit le boulodrome aménagé pour bloquer tout accès en véhicule à sa propriété, enlevé les madriers posés pour obstruer la partie de l'ancien chemin d'accès, sans remettre les lieux dans leurs configurations et commodités antérieures, elle a, après l'intervention de l'arrêt de cassation, à nouveau rendu impossible l'accès en voiture en faisant désactiver les télécommandes notamment, qu'ainsi ses préjudices se sont prolongés et ont été actualisés,

Sur les demandes de Mme [V],

- qu'il ne saurait, à l'inverse, être fait droit à quelque demande indemnitaire que ce soit pour le rétablissement de l'assiette de ce passage, alors même que :

-il existait lors de la mise en copropriété des lieux

-il en a nécessairement été tenu compte lors de la réalisation du partage, dans la mesure où si Mme [V] s'est vue attribuer la jouissance d'un terrain de moindre surface que celui attribué à sa s'ur, elle a reçu dans son lot des surfaces bâties supérieures en surface et en valeur, bénéficiant d'une vue sur la mer ce qui n'est pas le cas des lots attribués à elle,

- que Mme [V] ne saurait être indemnisée deux fois alors qu'au surplus l'assiette du passage a été acquise par prescription trentenaire et que son droit à indemnité est lui-même éteint par prescription,

- que la demande de dommages intérêts formée par l'intimée au motif que sa s'ur aurait empoisonné certains des arbres du jardin attaché au lot numéro 3, est articulée bien évidemment sans la moindre preuve, est affligeante et, encore, révélatrice de son état d'esprit,

- qu'il est établi et retenu par l'expert commis par la cour que Mme [V] n'a pas hésité, pour empêcher sa s'ur d'accéder en voiture à ses parties privatives relevant des lots 1 et 2, à notamment défoncer son jardin et à arracher des arbres qui s'y trouvaient, en infraction avec les règles d'urbanisme en vigueur, que celle-ci n'hésite pas à l'accuser d'un tel empoisonnement, qu'une telle mauvaise foi ne pourra que conduire la cour à :

-non seulement, rejeter cette demande de dommages intérêts

-mais encore, qualifier d'abusive la résistance de l'intimée à s'opposer à ses justes et légitimes demandes,

- que l'affirmation selon laquelle la seule solution susceptible d'être retenue serait de créer une plate-forme à l'angle Sud Est de la copropriété pour y aménager des emplacements de parking à son profit,

-ne règle pas la question du désenclavement des lots 1 et 2, mais constitue seulement une éventuelle substitution à la création de deux emplacements de parking sur l'espace prévu à cet effet lors de la mise en copropriété

-mais encore, ne peut pas être imposé par quelque partie que ce soit à l'autre, ni par la cour, qui n'en a pas la compétence,

- que l'intimée soutient que ce portail lui serait privatif, voire, désormais qu'il pourrait s'agir d'une partie commune dont l'usage privatif lui serait réservé, mais qu'elle a toujours usé de ce portail jusqu'en novembre 2012 et participé à son entretien,

- que si tant est que la cour venait à considérer que ce portail aurait pu avoir, à l'origine de la mise en copropriété, un caractère privatif, l'acquisition par elle d'un droit de passage, quel qu'en soit le fondement juridique, ne pourra qu'être considéré comme ayant eu pour effet de le rendre commun,

- que l'arrêt prononcé le 26 novembre 2020 l'a déboutée de ses demandes de ce chef au motif très succinct tiré de ce que le portail en litige ne pourrait être considéré comme une partie commune dans la mesure où il dessert la partie privative de Mme [V], que le fait que cet arrêt ait été cassé en totalité l'autorise à reprendre ses demandes et arguments sur ces points et y ajouter les considérations suivantes : qu'il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi n° 67-557 du 10 juillet 1965 que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectés à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de certains d'entre eux.

Dans ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 16 septembre 2022, Mme [B]-[V] demande à la cour :

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,

Vu les articles 544, 682, 692 à 695, 1103, 1104 et 1193 du code civil,

A titre principal,

- de juger irrecevables les demandes formulées par Mme [Y] en l'absence de mise en cause du syndicat des copropriétaires,

A titre subsidiaire,

- de débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses fins, conclusions et demandes,

Sur le fondement de la servitude de passage,

- principalement, de juger que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 octobre 2017 assorti de l'autorité de la chose jugée a exclu l'existence d'une servitude conventionnelle ou d'une servitude par destination du père de famille,

- subsidiairement, de débouter Mme [Y] de sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'une servitude conventionnelle, d'une servitude par destination du père de famille ou d'une servitude légale de désenclavement,

- de juger que le désenclavement doit être ordonné conformément aux dispositions du règlement de copropriété ayant prévu cette hypothèse en retenant que la détermination de l'assiette de la servitude de passage la moins dommageable est laissée au choix de Mme [V], à savoir la solution n° 2 du rapport d'expertise de M. [S] [U],

- subsidiairement sur le fondement des articles 682 et 683 du code civil, de juger que la solution la plus courte et la moins dommageable permettant le désenclavement des lots 1 et 2 appartenant à Mme [Y] est constituée par la solution n° 2 du rapport d'expertise de M. [U],

Sur l'indemnisation au titre de la servitude de passage,

- de condamner Mme [Y] à lui payer à titre provisionnel une somme de 150 000 euros à valoir sur l'indemnité due au fonds servant,

- de désigner un expert afin d'estimer l'indemnité devant lui être versée,

Sur l'utilisation par Mme [Y] du portail d'accès à son lot,

- de débouter Mme [Y] de sa demande tendant à obtenir les clés et/ou une télécommande d'ouverture de son portail, afin de pouvoir passer par ledit portail, à pied ou en véhicule,

- de juger que le portail ne peut constituer une partie commune, puisqu'il ne dessert que le jardin, partie privative attribuée à elle,

Sur sa demande de dommages et intérêts,

- de condamner Mme [Y] à lui verser la somme de 10 000 euros en compensation du préjudice causé par le caractère abusif de la procédure engagée,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté sa demande de dommages et intérêts et statuant à nouveau de condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [Y],

- de confirmer le jugement entrepris,

- de débouter Mme [Y] de son appel et de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner Mme [Y] au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Mme [B]-[V] soutient en substance :

- que malgré les termes clairs du règlement de copropriété et des servitudes créées, excluant une possibilité de passage en voiture par voie de servitude sur le lot 3 au bénéfice du lot 1, Mme [Y] a utilisé la servitude initialement destinée qu'à des opérations exceptionnelles (déménagement par exemple), empruntant à compter du portail une allée en terre traversant son jardin, pour accéder en voiture à son propre jardin, qu'au regard des relations familiales, ce comportement a fait l'objet d'une simple tolérance, que cependant Mme [Y] et sa famille ont pris l'habitude de stationner aussi leur véhicule chez elle,

- qu'aucune solution amiable n'ayant été trouvée, elle a décidé de fermer l'accès de son portail à compter du 30 octobre 2012, reporté au 30 novembre 2012,

Sur l'irrecevabilité de la demande à titre principal :

- que les demandes présentées par l'appelante tendent à la création de droits réels sur les parties communes et les parties privatives de la copropriété, entraînent nécessairement un modificatif à l'état descriptif de division, ainsi que la question de l'indemnisation de ce syndicat dont le droit de propriété se trouve grevé d'une servitude,

A titre subsidiaire, sur la demande concernant le portail :

- que la question de la nature du portail a été correctement appréciée par le jugement de première instance et l'arrêt du 26 novembre 2020,

- qu'il faut se référer aux articles 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1965,

- qu'il ne peut être que considéré que comme privatif puisqu'il ne dessert que sa partie privative,

Sur la servitude de passage :

- que dès l'origine les époux [B] avait prévu que Mme [Y] ne pourrait pas accéder à son lot de copropriété en voiture, que par arrêt mixte la cour d'appel a choisi de méconnaitre l'intention des auteurs des parties et créateurs de la copropriété et retenir l'existence d'un état d'enclave, que le pourvoi contre cet arrêt mixte a été rejeté,

- que du fait de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt mixte, le constat de l'état d'enclave exclut nécessairement l'existence de servitudes conventionnelles ou par destination de père de famille,

- qu'ainsi la cour de renvoi n'est saisie que de la recherche du fondement juridique de la solution de désenclavement, de la fixation de l'assiette de la servitude, de l'indemnisation du fonds servant, des demandes de dommages et intérêts,

- que l'article 685 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer en ce que :

-le délai de trente ans n'est pas écoulé, car

-l'état d'enclave n'a été constaté que par l'arrêt du 5 octobre 2017,

-un fonds n'est pas enclavé au sens de l'article 682 lorsque son propriétaire est usufruitier d'un fonds qui le sépare de la voie publique et qu'il dispose d'une issue sur celui-ci, que l'auteur commun des parties est demeuré usufruitier sur le lot 3 jusqu'à l'acte de donation-partage du 14 décembre 1995,

-le délai ne peut être décompté qu'à compter de l'expiration de la servitude de passage provisoire pour les besoins des déménagements pendant cinq ans, soit jusqu'au 15 février 1984,

-il n'y a pas eu d'usage continu car les pièces communiquées sont insuffisantes à établir une possession stable, continue et non équivoque, alors que Mme [Y] prétend qu'elle n'a pas bénéficié d'un usage continu du jardin privatif que les quelques passages sporadiques dans son jardin privatif, l'ont été à titre de simple tolérance,

- que le règlement de copropriété énonce que le choix de la solution de désenclavement à l'expiration de la servitude conventionnelle de passage temporaire, est laissé à Mme [V] en sa qualité de propriétaire du lot 3,

- subsidiairement seulement, qu'en application des articles 682 et 683 c'est la voie la plus courte et la moins dommageable qui doit être retenue,

- que le plan local d'urbanisme applicable à la ville de [Localité 4] approuvé le 19 décembre 2019 a fait l'objet de deux modifications, a maintenu le classement en EBC (espace boisé classé) de cette parcelle constituant le jardin privatif du lot 3, rendant impossible les solutions développées par l'expert prenant en considération des hypothèses d'évolution de ce classement,

- que les observations de l'expert relatives aux possibilités d'évolution du zonage, sont désormais totalement dépassées,

Sur l'indemnité relative au désenclavement,

- que l'octroi d'une servitude de passage quelle qu'en soit l'assiette, doit donner lieu à une indemnisation,

- que la question de l'indemnisation n'est pas évoquée dans le rapport d'expertise,

Sur les demandes de dommages et intérêts respectives,

- qu'il y a un acharnement de Mme [Y] à son égard, qui a multiplié les procédures en référé, en annulation de résolution d'assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 16 juin 2014,

- qu'elle a subi le dépérissement d'arbres et de végétaux composant son jardin, lequel n'est pas accessible par des tiers, que c'est Mme [Y] qui a commis des actes de malveillance par l'emploi de produits phytocides pulvérisés directement sur les végétaux, à petite dose et de façon répétitive, cause du dépérissement des végétaux, tel qu'analysé par un expert du réseau arbre conseil de l'office national des forêts,

- que de son côté, Mme [Y] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 31 janvier 2023.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des deux parties comporte des demandes de « dire et juger » qui ne constituent pas toutes des prétentions, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Il est relevé que par arrêt du 5 octobre 2017 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, il a été statué définitivement sur l'état d'enclave des lots n° 1 et 2.

La présente cour n'est donc saisie, suite à l'arrêt de cassation du 17 février 2022, que de la solution de désenclavement, des demandes consécutives et d'indemnisation de l'appelante, des demandes de l'intimée concernant l'indemnisation de la servitude et en raison du caractère abusif de la procédure.

Mme [B]-[V] soulève titre principal l'irrecevabilité de la demande de Mme [B]-[Y] en l'absence de mise en cause du syndicat des copropriétaires, en arguant que les demandes présentées par l'appelante tendent à la création de droits réels sur les parties communes et les parties privatives de la copropriété, entraînant nécessairement un modificatif à l'état descriptif de division, ainsi que la question de l'indemnisation de ce syndicat dont le droit de propriété se trouve grevé d'une servitude.

Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, constitue une fin de non-recevoir, étant admis que cette liste n'est pas limitative.

L'article 123 du même code énonce que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

L'article 126 du même code précise que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, ou lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance.

En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que Mme [B]-[Y] agit aux fins d'obtenir le désenclavement de ses lots n° 1 et 2, le caractère enclavé desdits lots ayant été retenu par arrêt définitif du 5 octobre 2017. Elle sollicite également le retour à l'état antérieur, avec la remise des clés du portail et la remise en état du passage utilisé précédemment en voiture, outre l'indemnisation des préjudices résultant des obstacles apportés à son passage en voiture.

Les lots n° 1 et 2 dépendent de la copropriété instituée par l'acte notarié de donation-partage du 15 février 1979, comportant deux copropriétaires : elle-même et sa s'ur Mme [B]-[V], avec un démembrement de la propriété en raison de l'existence d'une usufruitière de la totalité des lots, initialement en la personne de leur grand-mère, puis de leur mère jusqu'au 14 décembre 1995.

Les relations de Mmes [B]-[Y] et [B]-[V] sont régies par ce règlement de copropriété qui constitue la loi des parties et qui énonce en son article 3 :

« Les copropriétaires devront respecter pour les parties communes, les servitudes et charges établies par la loi, les usages locaux et le présent règlement, ainsi que l'état d'indivision dans lequel elles se trouvent. (')

Il est interdit d'apporter aucune modification aux parties communes, si ce n'est suivant décision prise à l'unanimité des copropriétaires, comme il sera dit ci-après.

Toutes les parties communes de l'immeuble devront être tenues en parfait état et aucun propriétaire ne pourra les encombrer, ni déposer quoi que ce soit, ou les détériorer (') ».

L'article 4 du règlement de copropriété concernant les parties privatives, vise expressément les ouvrages et parties d'ouvrages compris dans les limites intérieures de chaque lot en précisant :

« (') Chaque copropriétaire pourra modifier, comme bon lui semblera, la disposition intérieure des locaux lui appartenant mais à la condition expresse de ne pas nuire à la solidité du bâtiment, de ne pas porter atteinte à la propriété des autres copropriétaires et de ne pas empiéter sur les parties communes (') »

Cet article 4 du règlement de copropriété comporte un paragraphe « servitudes » évoquant notamment les servitudes suivantes :

- une servitude de passage pour piétons pour accéder de l'emplacement réservé à l'aménagement de parkings ou de garages communs, au rez-de-chaussée du bâtiment formant le lot n° 1 (fonds dominant) et grevant le jardin attribué au lot n° 3 portant le n° 19 du plan selon le tracé le plus direct (fonds servant),

- une servitude de passage pour tout véhicule de déménagement ou de transport de matériaux de construction, pour accéder du chemin du Roucas-Blanc, par le portail donnant sur le jardin attribué au lot n° 3, portant le n° 19 du plan et grevant ledit jardin (fonds servant), aux lots n°1 et 2 (fonds dominants) par l'escalier formant le lot n° 9, avec la précision que cette servitude a une durée limitée de cinq ans à compter de l'acte constitutif du règlement de copropriété, avec possibilité de renouvellement pour la même période.

Il est acquis qu'il n'y a pas eu d'aménagement de parkings ou de garages communs tel que prévu par le règlement de copropriété, ces parkings et garages ne pouvant être accessibles que par le portail donnant accès à la cour commune affectée à l'usage privatif du lot n° 3, étant rappelé qu'à la date de l'établissement du règlement de copropriété, la jouissance de tous les lots appartenait à l'usufruitière compte tenu du démembrement de propriété ci-dessus évoqué.

Ce n'est donc qu'à partir du 14 décembre 1995, lorsque chacune des copropriétaires a eu la jouissance privative de la partie de cour commune jouxtant les lots n° 1 d'une part, n° 3 d'autre part, que les lots n° 1 et 2 de Mme [B]-[Y] se sont trouvés en état d'enclave, compte tenu de l'absence de création des emplacements de parkings avec droit de passage à pied pourtant prévu dans le règlement de copropriété d'une part, du droit de jouissance privatif attaché à la cour commune permettant d'accéder aux lots n° 1 et 2 en voiture, en passant par le portail d'accès et le chemin en terre jusqu'à la cour commune affectée à la jouissance privative du lot n° 1 d'autre part, de l'obstacle mis à partir de novembre 2012 au passage par le portail permettant d'accéder à la cour commune à jouissance privative de Mme [B]-[V] enfin, outre les modifications apportées à la cour commune à jouissance privative par Mme [B]-[V].

Il est justifié que Mme [B]-[Y] a obtenu par ordonnance sur requête du 7 décembre 2012, la désignation d'un administrateur provisoire pour le syndicat des copropriétaires, alors que dans un courrier à l'UNPI (association nationale des propriétaires immobiliers) en décembre 2011, qu'elle sollicitait pour une consultation, elle déclarait qu'elle était syndic bénévole de la copropriété depuis trente ans et évoquait des problèmes dans cette copropriété depuis trois ans.

En dernier lieu, la lecture du jugement du 15 décembre 2015 déboutant Mme [B]-[Y] de sa demande d'annulation d'une résolution de l'assemblée générale des copropriétaires du 16 juin 2014, permet de comprendre que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], était représenté par son syndic en exercice, le Cabinet Devictor.

Il est constaté qu'au cours des opérations d'expertise, M. [U] a interpelé les parties sur l'absence de mise en cause du syndicat des copropriétaires.

Mme [B]-[Y] n'a pas estimé utile de répondre sur le moyen d'irrecevabilité, soulevé par Mme [B]-[V], ni n'a régularisé la procédure en appelant en la cause le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2], représenté par son syndic.

Or, les solutions de désenclavement étudiées et proposées par l'expert, passent sur des parties communes à jouissance privative et il est constant que le droit de jouissance privative ne constitue pas un droit de propriété, dont le seul titulaire est le syndicat des copropriétaires.

En conséquence, il ne peut qu'être conclu que Mme [B]-[Y] qui n'a pas dirigé sa demande contre le syndicat des copropriétaires, seul propriétaire des parties communes y compris à jouissance privative, est irrecevable en sa demande de désenclavement de ses lots n° 1 et 2.

Quant aux demandes tendant au retour à l'état antérieur, avant les modifications apportées par Mme [B]-[V] sur ces parties communes à jouissance privative, elles portent également sur les parties communes, sont la résultante du désenclavement sollicité et doivent suivre le même sort.

Enfin, ce qui est reproché à Mme [B]-[V] étant d'avoir modifié des parties communes à usage privatif en portant atteinte aux droits de Mme [B]-[Y], en vertu du règlement de copropriété dont les copropriétaires se sont affranchis ensemble en ne créant pas l'emplacement de parkings prévu, la demande d'indemnisation doit suivre également le même sort.

Par suite, la demande indemnitaire de Mme [B]-[V], fondée sur la servitude de passage réclamée, n'a pas d'objet et ne subsiste plus que la demande reconventionnelle de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

En l'espèce, il n'est pas démontré que Mme [B]-[Y] a abusé de son droit d'agir en justice, dans une intention de nuire à Mme [B]-[V], alors que ses lots ont été reconnus comme enclavés, en raison du droit de jouissance privative attaché à la cour commune jouxtant le lot n° 3 de Mme [B]-[V].

Il n'est pas non plus établi que le dépérissement des arbres et végétaux reproché à Mme [B]-[Y], lui est effectivement imputable.

Mme [B]-[V] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts, comme retenu en première instance, le jugement du 1er février 2016 étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, après reconnaissance de l'état d'enclave des lots de copropriété n° 1 et 2, résultant du droit de jouissance privative attaché à la cour commune, il convient d'infirmer le jugement appelé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Le litige étant né en raison de l'absence d'application du règlement de copropriété par les copropriétaires elles-mêmes, et ne pouvant prospérer au fond en raison de l'absence de mise en cause du syndicat des copropriétaires, qui aurait pu légitimement être appelé par chacune des copropriétaires, il est justifié de faire masse des dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée, comprenant le coût de l'expertise judiciaire, et de les partager par moitié entre les parties.

Mme [B]-[Y] et Mme [B]-[V] seront déboutées de leur demande respective au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 1er février 2016,

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 octobre 2017, ayant retenu l'état d'enclave des lots n° 1 et 2 faisant partie de la copropriété cadastrée section C n° [Cadastre 1] pour 29 ares et 90 centiares lieudit [Adresse 2] à [Localité 4],

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 novembre 2020,

Vu l'arrêt de cassation totale du 17 février 2022, de ce dernier arrêt,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 1er février 2016 sauf en ce qu'il a débouté Mme [F] [B] épouse [V] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables les demandes de Mme [J] [B] épouse [Y] ;

Fait masse des dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée, comprenant le coût de l'expertise judiciaire et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 22/09235
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.09235 ?
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