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01/06/2023 | FRANCE | N°21/12050

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 juin 2023, 21/12050


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

oa

N° 2023/ 243













Rôle N° RG 21/12050 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH6FG







Société LES SALADINES





C/



G.F.A. [Adresse 5]



[K] [M]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELAS PVB AVOCATS



SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES



SELARL D

ELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 30 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 51-18-5.





APPELANTE



Société LES SALADINES, Société Civil d'Exploitation Agricole, dont ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

oa

N° 2023/ 243

Rôle N° RG 21/12050 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH6FG

Société LES SALADINES

C/

G.F.A. [Adresse 5]

[K] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELAS PVB AVOCATS

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 30 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 51-18-5.

APPELANTE

Société LES SALADINES, Société Civil d'Exploitation Agricole, dont le siège social est [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

représentée par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

INTIMEE

Groupement Foncier Agricole (G.F.A.) Dénommé [Adresse 5], dont le siège social est [Adresse 5], [Adresse 7] - [Adresse 7] - [Localité 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [K] [M]

Intervenant volontaire par constitution du 13 juillet 2022

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES substituée par Me Camille DELRAN, avocat au barreau de NIMES, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023. Le délibéré a été prorogé au 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

Par acte authentique en date du 24 mai 1974, [V] [M] veuve [G] et [J] [M], aux droits desquels vient le GFA [Adresse 5], ont consenti à [E] [M], aux droits duquel vient la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Les Saladines, l'exploitation de diverses parcelles connues sous les noms de La Trésorière et Trompe Gueux comprenant des bâtiments d'habitation et d'exploitation à [Localité 2];

Par exploit d'huissier en date du 30 novembre 2017, le GFA [Adresse 5] a fait délivrer à la SCEA Les Saladines un congé pour reprise à effet au 31 décembre 2019;

Par requête en date du 21 mars 2018, la SCEA Les Saladines a sollicité la convocation du GFA [Adresse 5] devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de TARASCON afin d'obtenir notamment l'annulation du congé ou, à titre subsidiaire, qu'il soit dit infondé;

Par jugement en date du 30 juin 2021, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de TARASCON a, notamment, validé le congé délivré le 30 novembre 2017 et a ordonné à la SCEA Les Saladines de quitter l'ensemble des parcelles et bâtiments mentionnés au bail en date du 24 mai 1974;

Par déclaration en date du 22 juillet 2021, la SCEA Les Saladines a relevé appel de cette décision;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2022, [K] [M], associé du GFA La Trésorière, est intervenu volontairement à l'instance;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2023, la SCEA Les Saladines sollicite de :

Vu les articles L.411-31, L.411-46, L.411-47, L.411-50, L.411-53, L.411-54 et L.411-59 du Code rural et de la pêche maritime,

Vu l'article 1353 du Code civil,

Vu l'article 554 du code de procédure civile,

Vu les articles 641 alinéa 2 et 700 du Code de procédure civile,

JUGER recevable en la forme l'appel régularisé par la SCEA Les Saladines ;

RECEVOIR l'intervention volontaire de Monsieur [K] [M] ;

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Paritaire des baux ruraux près du Tribunal Judiciaire de TARASCON en ce qu'il a :

DIT valide le congé délivré le 30 novembre 2017 pour le 31 décembre 2019 par le GFA [Adresse 5] à la SCEA Les Saladines ;

ORDONNE à la SCEA Les Saladines de quitter l'ensemble des parcelles et bâtiments mentionnés au bail du 24 mai 1974 exception faite des parcelles cadastrées MC n°[Cadastre 4] et [Cadastre 1] ;

DEBOUTE la SCEA Les Saladines de l'ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la SCEA Les Saladines de sa demande visant à voir DIRE ET JUGER nul le congé rural en date du 30 novembre 2017 donné par le GFA [Adresse 5] à la SCEA Les Saladines ;

DEBOUTE la SCEA Les Saladines de sa demande visant à voir DIRE ET JUGER mal fondé le congé rural en date du 30 novembre 2017 donné par le GFA [Adresse 5] à la SCEA Les Saladines ;

DEBOUTE la SCEA Les Saladines de sa demande visant à voir DIRE ET JUGER que le bail rural en date du 24 mai 1974 a été renouvelé pour une période de neuf ans, à compter du 31 décembre 2018;

DEBOUTE la SCEA Les Saladines de sa demande de condamnation du GFA [Adresse 5] au titre de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNE la SCEA Les Saladines à payer au GFA [Adresse 5] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNE la SCEA Les Saladines aux entiers dépens;

Et, statuant à nouveau :

PRONONCER la nullité du congé rural en date du 30 novembre 2017 pour avoir été donné à l'initiative du seul gérant, organe incompétent du GFA pour ce faire ;

PRONONCER la nullité du congé rural en date du 30 novembre 2017 comme ne respectant pas le délai de prévenance de l'article L. 411-47 du Code rural et de la pêche maritime;

JUGER, en tout état de cause, mal fondé le congé rural en date du 30 novembre 2017 donné par le GFA [Adresse 5] à la SCEA Les Saladines et en PRONONCER la nullité ;

En conséquence :

DEBOUTER le GFA [Adresse 5] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

JUGER que le bail rural en date du 24 mai 1974 a été renouvelé pour une période de neuf ans, à compter du 31 décembre 2018;

CONDAMNER le GFA [Adresse 5] à payer à la SCEA Les Saladines la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNER le GFA [Adresse 5] aux entiers dépens;

Elle indique que par application des stipulations régissant le GFA, le gérant ne peut se dispenser de l'accord de l'assemblée générale extraordinaire pour résilier un contrat de bail, ce dont il n'est pas justifié, de sorte que le congé querellé est nul de ce simple chef, alors que [K] [M] a un intérêt personnel et légitime à intervenir à l'instance, et, en toute hypothèse, qu'elle se trouve recevable, en sa qualité de tiers preneur à bail, à invoquer ce moyen;

Elle ajoute que la régularisation prétendument intervenue le 9 septembre 2022 est dépourvue d'effet, la régularité d'un congé s'appréciant à la date de sa délivrance, alors que de toute façon cette assemblée est irrégulière;

Elle précise que la période en cours du bail rural à la date du congé en date du 24 mai 1974 devait prendre fin le 31 décembre 2018, de sorte que la SCEA aurait dû notifier congé à la SCEA Les Saladines dix-huit mois au moins avant l'expiration de la période en cours, soit avant la date du 30 juin 2017, et que le congé est de ce fait tardif, et ne peut valoir pour la prochaine échéance, l'issue mentionnée ne résultant pas d'une erreur;

Elle conteste être à l'origine de faits justifiant le congé, non établis, alors que l'état des terres et bâtiments résulte de l'inaction du bailleur, que la prétendue modification substantielle des terres et des écoulages n'est pas prouvée, que le non-respect de l'obligation d'habiter les lieux loués ne peut entraîner la résiliation que s'il compromet la bonne exploitation du fonds ' ce qui n'est indubitablement pas le cas en l'espèce ' et qu'elle est à jour de ses obligations administratives;

Elle conteste les défauts de paiement, objet d'une seule mise en demeure, dans un contexte où la cession du fonds objet du bail était en contentieux;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2023, le GFA [Adresse 5] sollicite de :

Au visa des articles L 411-31, L 411-46, L 411-47 et L 411-54 du Code rural,

RECEVOIR le GFA [Adresse 5] en ses écritures d'intimé;

DECLARER irrecevable l'intervention de M. [K] [M];

DECLARER irrecevable la demande de M. [K] [M] tendant à voir prononcer la nullité de l'assemblée générale du 9 septembre 2022;

CONFIRMER le jugement du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Tarascon du 30 juin 2021;

VALIDER le congé du 30 novembre 2017 à effet au 31 décembre 2019;

A titre subsidiaire,

VALIDER le congé du 30 novembre 2017 pour le 31 décembre 2027;

CONDAMNER à la SCEA Les Saladines de quitter l'ensemble des lieux, bâtiments d'habitation, d'exploitation et terres comprises;

DEBOUTER la SCEA Les Saladines de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la SCEA Les Saladines, ainsi que son gérant Monsieur [Y] [H] à communiquer aux débats tout élément concernant les surfaces réellement exploitées, tant par la SCEA Les Saladines que par Monsieur [Y] [H], soit à titre personnel, soit en tant qu'associé d'autres structures;

CONDAMNER également la SCEA Les Saladines à produire aux débats la nature exacte des transformations entreprises sur les bâtiments d'habitation et d'exploitation du [Adresse 5];

CONDAMNER la SCEA Les Saladines aux entiers dépens, ainsi qu'à une somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Il indique que la durée de 18 ans mentionnée au bail résulte d'une erreur du Notaire, la durée effective du bail étant de 19 ans, compte tenu de l'échéance mentionnée au 31 décembre 1992, de sorte que son congé n'est pas tardif, et ajoute qu'à supposer que cela soit le cas, il n'est pas nul, et viendra à échéance le 31 décembre 2027;

Il souligne que le preneur n'a pas entretenu les bâtiments d'exploitation et d'habitation en bon état, en contravention avec ses obligations, ni n'a émondé les arbres, causant des dégradations à un transformateur, a modifié le système de pompage et d'irrigation inondant les terres alentours, a transformé sans autorisation des bâtiments d'exploitation en bâtiments d'habitation, a transféré à des tiers des droits réels sans autorisation, n'habite pas les lieux, n'est pas en conformité au regard du contrôle des structures, et s'est rendu responsable de défauts de paiement;

Il conteste l'intervention de [K] [M], qui n'a aucun intérêt légitime à intervenir, n'ayant aucun droit d'agir dans le conflit opposant le GFA de La Trésorière à son preneur, et ajoute que la délivrance d'un congé ne nécessitait pas l'autorisation de l'assemblée générale extraordinaire du GFA, alors qu'en toutes hypothèses les associés du GFA, largement au fait des circonstances commandant la délivrance du congé, ont autorisé le gérant à à engager des poursuites contre la SCEA Les Saladines dès le 13 mars 2013, autorisation réitérée le 9 septembre 2022, par l'approbation du congé en cause;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, [K] [M] sollicite de:

Vu les articles 554 et 555 du code de procédure civile, et 330 de ce même code,

Tenant l'intervention volontaire de Monsieur [K] [M],

La DECLARER recevable et bien fondée;

Tenant le jugement déféré,

REFORMER la décision du 30 juin 2021, en toutes ses dispositions;

Tenant les dispositions statutaires et plus particulièrement les articles 16 et 21 et subsidiairement l'article 20;

JUGER que le congé délivré le 30 novembre 2017 à l'initiative du seul gérant, l'a été par un organe incompétent du GFA;

JUGER que ce congé est nul et de nul effet;

DEBOUTER le GFA de sa demande de régularisation du congé par la tenue de l'assemblée du 9 septembre 2022;

JUGER nulle l'assemblée Générale qui s'est tenue le 9 septembre 2022 pour violation de l'article 1844 al. 1 du code civil;

DEBOUTER le GFA de l'intégralité de ses demandes;

CONDAMNER le GFA aux entiers dépens tant de 1ère instance que d'appel et au paiement d'une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC;

Il soutient que son intervention volontaire, accessoire, est recevable, en ce qu'elle se rattache à son intérêt personnel, pour la conservation de ses droits, étant associé du GFA dont les fermages de la SCEA Les Saladines sont le revenu;

Il indique qu'aux termes des statuts dans l'interprétation qu'il y a lieu d'en faire, la délivrance du congé ne pouvait être faite par le seul gérant, mais devait être autorisée par une assemblée générale extraordinaire;

Il ajoute que le congé n'est pas un acte judiciaire, mais extrajudiciaire, et que l'assemblée du 9 septembre 2022, postérieure au congé, n'a pu le régulariser, et qu'il n'y a pas été convoqué, ce qui emporte sa nullité;

SUR CE:

Il résulte des deux premiers alinéas de l'article 330 du Code de procédure civile que l'intervention volontaire est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie; elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie;

Il résulte de l'arrêt de la présente Cour en date du 28 octobre 2021 que [K] [M] s'est vu reconnaître la qualité d'associé au sein du GFA [Adresse 5], peu importe que cette décision ait fait l'objet d'un pourvoi, dont nul n'indique l'issue;

Par voie de conséquence, [K] [M] a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir les prétentions de la SCEA, puisque les fermages de cette dernière constituent la source de revenus du GFA;

D'autre part, le fait qu'il sollicite l'annulation de l'assemblée générale extraordinaire en date du 9 septembre 2022 n'est pas de nature à rendre son intervention principale, s'agissant d'une demande ayant pour finalité de s'opposer à la prétendue régularisation du congé par l'effet de cette assemblée, et, ainsi, à soutenir, là-encore, les demandes de la SCEA;

L'intervention volontaire accessoire de [K] [M] sera donc dite recevable;

Il est quoiqu'il en soit constant que les tiers à un groupement foncier agricole peuvent se prévaloir des statuts du groupement pour invoquer le dépassement de pouvoir commis par le gérant de celui-ci, comme il est acquis que la régularité d'un congé s'apprécie à la date de sa délivrance;

Il résulte de l'article 16 des statuts du GFA que:

« Les gérants jouissent des pouvoirs d'usage pour agir au nom de la société et faire ou autoriser les actes et opérations relatives à son objet.

Ils ont spécialement les pouvoirs suivants:

Ils administrent les biens de la société et la représentent vis-à-vis des tiers et de toutes administrations.

Ils effectueront tous travaux de réparation et d'entretien, arrêtent à cet effet tous devis et marchés.

Mais tous travaux de construction ou de reconstruction, ou d'amélioration, ou d'aménagement des bâtiments et des terres, toutes opérations d'acquisition, d'aliénation ou d'échange, quelles qu'elles soient et sous quelque forme qu'elles soient réalisées et tout emprunt par la société, même consenti par un associé et quel qu'en soit son montant nécessiteront le concours et l'approbation de l'assemblée générale extraordinaire des associés. Il en sera de même pour tous baux ou locations à conclure ou à réaliser. (') »;

L'article 20 précise que:

« Les décisions ordinaires sont essentiellement des décisions de gestion. Elles concernent notamment l'examen et l'approbation des comptes annuels ainsi que l'affectation des bénéfices et des pertes, le quitus à la gérance, la nomination ou le remplacement des gérants, l'autorisation qui lui est dévolue par les présents statuts (article 16 ci-dessus) pour passer tous traités, transactions, compromis, donner tous acquiescement et désistement, conférer toutes subrogations et donner mainlevées d'inscriptions, saisies, oppositions, et autres droits, avant ou après paiement, la nomination du commissaire vérificateur et d'une manière générale, prononcer sur toutes les questions qui n'emportent pas modifications aux statuts ou approbations des cessions de parts (') »; 

L'article 21 stipule pour sa part que:

« Les associés peuvent, au moyen de décisions extraordinaires, modifier les statuts dans toutes leurs dispositions, et notamment, décider sans que l'énumération ci-après ait un caractère limitatif:

(')

L'approbation de tous baux ou locations à conclure ou à réaliser (') »;

Il est clair que le verbe réaliser ainsi utilisé comme synonyme de conclure ne produit aucun effet, et contrevient même à la commune intention des parties, qui était de conférer au gérant la gestion courante, à l'assemblée générale ordinaire le contrôle de cette gestion, et à l'assemblée générale extraordinaire les pouvoirs les plus importants ;

De ce fait, il doit être retenu que l'utilisation de ce terme résulte d'une erreur de rédaction, et qu'il doit être entendu comme « résilier », afin de restituer aux stipulations résultant des articles repris ci-dessus toute leur valeur et toute leur cohérence par rapport à l'ensemble du dispositif mis en place par les statuts du GFA, qui était de donner à l'assemblée générale extraordinaire, seule habilitée à autoriser la conclusion des baux, le pouvoir d'en approuver parallèlement la résiliation, compte tenu de l'importance des droits compromis et créer par ces deux actes;

Il y a lieu ici de préciser que l'assemblée générale extraordinaire peut fort bien approuver un bail à conclure ou à résilier, aucun contre-sens ne ressortant du fait qu'il lui revient par application d'approuver la conclusion d'un bail, ou sa résiliation;

Il ne peut par ailleurs être allégué que le pouvoir dévolu au gérant par l'article 16 suscité d'exercer toutes actions judiciaires tant en demande qu'en défense soit de nature à remettre en cause cette interprétation, un congé n'étant pas un acte judiciaire, mais l'expression d'une volonté matérialisée par un acte extra judiciaire de résilier un bail, alors en outre que la compétence d'approuver ou non un tel acte a été expressément dévolue à l'assemblée générale extraordinaire;

Il apparaît d'autre part que la décision de l'assemblée générale extraordinaire en date du 19 janvier 2013 ne contient pas une telle autorisation, étant relative à la demande tendant à obtenir l'expulsion du fermier de parcelles occupées sans droit du fait d'une précédente résiliation, pas plus que l'assemblée générale extraordinaire en date du 13 mars 2013, relative à l'introduction d'une procédure à l'encontre du fermier en cas de non paiement consécutif à la délivrance d'un commandement de payer, dont il n'est pas contesté qu'il n'est pas demeuré infructueux;

Quant à l'assemblée générale extraordinaire en date du 9 septembre 2022 effectivement relative à l'approbation du congé en cause, elle est intervenue postérieurement à sa délivrance et même postérieurement à sa date prétendue d'effet, et ne peut avoir pour conséquence de régulariser le défaut de pouvoir du gérant lors de la délivrance du congé en cause, seul important ;

C'est au demeurant pour cette raison qui n'y a pas lieu de statuer sur la demande de [K] [M] tendant à annuler cette assemblée, sa validité ou sa nullité n'étant d'aucune incidence sur l'irrégularité du congé querellé;

Il ressort de cet ensemble que le gérant du GFA ne pouvait sans autorisation préalable de l'assemblée générale extraordinaire faire délivrer un congé à l'appelante;

Par voie de conséquence et de ce simple chef, ce congé est nul, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les raisons sur lesquelles il prétendait se fonder;

De cette sorte, le jugement entrepris doit être réformé en toutes ses dispositions, et les demandes du GFA seront rejetées, y compris celles tendant à obtenir la communication de tous éléments relatifs aux surfaces exploitées par la SCEA et à justifier de la nature des travaux faits par elle dans les lieux loués, qui sont sans incidence sur l'issue du présent litige;

Le GFA [Adresse 5], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'il soit condamné à payer à la SCEA Les Saladines la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et à [K] [M] la somme de 1 000 € sur ce même fondement;

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

RECOIT l'intervention volontaire accessoire de [K] [M];

REFORME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

ANNULE le congé délivré par le GFA [Adresse 5] à la SCEA Les Saladines le 30 novembre 2017;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'annulation de [K] [M] de l'assemblée générale extraordinaire en date du 9 septembre 2022;

CONDAMNE le GFA [Adresse 5] à payer à la SCEA Les Saladines la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE le GFA [Adresse 5] à payer à [K] [M] la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ainsi que celles plus amples et contraires;

CONDAMNE le GFA [Adresse 5] aux dépens de première instance et d'appel;

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/12050
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.12050 ?
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