COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 01 JUIN 2023
N° 2023/159
Rôle N° RG 20/01522 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQ6W
Société PALI FRANCE
C/
SCI MERC. REN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Erika DE RUVO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 17 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01464.
APPELANTE
Société PALI FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice Monsieur PALI domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.C.I MERC. REN prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Erika DE RUVO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente (rapporteure)
Madame Béatrice MARS, Conseillère
Madame Florence TANGUY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Angéline PLACERES.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Madame Angéline PLACERES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 2 novembre 2015, la SCI Merc.Ren a confié à la EURL Pali France des travaux de rénovation d'un appartement situé [Adresse 2] à [Localité 3], pour la somme de 130 000 euros.
Les parties ont signé deux devis complémentaire pour la somme de 11.060 euros le 29 janvier 2016 et pour la somme de 1.560 euros le 31 mai 2016.
Un litige a surgi concernant des devis non signés en date du 5 mai 2016 et les travaux y afférents, des retards et des non-finitions.
Par acte d'huissier en date du 10 février 2017, I'EURL Pali France a assigné la SCI Merc.Ren en paiement, à titre principal, de la somme de 144.113,30 euros, sous astreinte de 250 euros par jour de retard.
*
Vu le jugement en date du 17 janvier 2020 par lequel le tribunal judiciaire Grasse a :
- annulé la clause compromissoire insérée à l'article 5.3 du contrat conclu le 2 novembre 2015,
- condamné la société Merc. Ren à payer à la société Pali France la somme de 62.144 euros au titre du solde des travaux réalisés dans l'appartement situé [Adresse 2],
- débouté la société Pali France de sa demande d'astreinte,
- débouté la société Pali France de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société Merc. Ren à payer à la société Pali France la somme de 55.800 euros d'indemnités de retard de chantier en application de la clause pénale contractuelle, soit 93 jours à 600 euros,
- ordonné la compensation de la somme de 62.144 euros et de 55.800 euros,
- débouté la société Merc. Ren de sa demande de paiement de la somme de 6.500 euros au titre de frais de finalisation du chantier,
- débouté la société Merc. Ren de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Merc. Ren à payer à la société Pali France la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Merc. Ren aux entiers dépens de l'instance,
- débouté la société Pali France de sa demande au titre du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 10 juin 2016,
- ordonné l'exécution provisoire ;
Vu l'appel relevé le 30 janvier 2020 par la société Pali France ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 13 août 2020, par lesquelles l'EURL société Pali France demande à la cour de :
Vu les articles 16 et 48 du code de procédure civile.
Vu les articles 1101 nouveaux et suivants ainsi que l'article 2061 du code civil
Vu l'article L 131-2 du code des procédures civiles d'exécution
Vu l'article L 211-3 du COJ
Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a annulé la clause mentionnée sous l'article 5.3 du contrat en date du 2 novembre 2015 et s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige.
A défaut, surseoir à statuer le temps que les parties saisissent le tribunal arbitral de Cannes condamné la SCI Merc. Ren à régler des sommes à titre de paiement de travaux.
Infirmer le jugement pour le reste :
Puis, par décision nouvelle :
- débouter la SCI Merc. Ren de l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions et plus généralement et, de plus fort, de son appel incident,
- condamner la SCI Merc. Ren à lui payer la somme de 144.113,30 euros, correspondant aux travaux effectués et non réglés, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de non faire à compter de la décision à intervenir,
- condamner la SCI Merc. Ren à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de justes dommages et intérêts,
- condamner la SCI Merc. Ren à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Merc. Ren aux entiers dépens, en ce compris le coût du constat d'huissier en date du 10 juin 2016, dont distraction ;
Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er octobre 2020, par lesquelles la SCI Merc.Ren demande à la cour de :
Vu l'article 1101 du code civil
In limine litis :
- constater que le contrat conclu entre les parties le 2 novembre 2015 contient une clause d'attribution exclusive de compétence en faveur du tribunal arbitral de Cannes et que la SCI Merc.Ren est bien fondée à soulever son application,
- débouter l'EURL Pali France de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- infirmer le jugement du 17 janvier 2020 en ce qu'il a annulé la clause compromissoire insérée à l'article 5.3 du contrat conclu le 02 novembre 2015 ;
Statuant à nouveau :
- se déclarer incompétent en faveur du tribunal arbitral de Cannes, qui sera choisi par Ies parties,
- condamner l'EURL Pali France à rembourser à la SCI Merc.Ren la somme de 8.000 euros payée au titre du montant de la condamnation due à la suite de la compensation ordonnée par le tribunal de première instance (6.344 euros + 1.500 euros + 156 euros),
- condamner l'EURL Pali France à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'art.700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
A titre principal :
- constater que les deux devis du 5 mai 2016 proposés par l'EURL Pali France n'ont pas été acceptés par la SC Merc. Ren,
- constater en tout état de cause que l'EURL Pali France n'a pas exécuté les travaux dont elle réclame le règlement,
- constater que sur les factures dont l'EURL Pali France réclame le règlement, la SCI Merc.Ren reconnaît devoir à l'EURL Pali France la somme de 55.957,12 euros, à titre des travaux exécutés,
- constater que les parties ont exclu, du contrat du 02 novembre 2015, le poste de peinture d'un montant de 12.134,36 euros,
- constater que la surface réelle de l'appartement est de 443 m2 et non de 633,14 m2 et que la surface réelle de la terrasse est de 43 m2 et non de 77 m2,
- constater que la SCI Merc. Ren a donc payé à l'EURL Pali France un montant de16.574 euros en trop, en raison de ladite différence de surface, aucun travaux ne pouvant être exécutés sur une surface inexistante,
- constater que la SCI Merc. Ren a réglé un montant à l'EURL Pali France de 189.031,19 euros à titre d'acomptes,
- constater que |'EURL Pali France doit rembourser un montant de 77.610,38 euros,
- constater que le chantier a été livré le 30 juin 2016 avec 111 jours de retard à cause de l'appelante et que la pénale applicable à la charge de l'EURL Pali France est d'un montant de 66.600 euros,
- constater que la SCI Merc. Ren a dû soutenir des frais à la hauteur de 6.500 euros pour la finition du chantier, compte tenu que ces travaux n'ont pas été accomplis par l'EURL Pali France,
- constater que l'EURL Pali France n'apporte pas la preuve ni de l'exécution des travaux supplémentaires desquels elle demande le règlement, ni des préjudices prétendument subis,
- débouter l'EURL Pali France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement sur les condamnations prononcées à son encontre et le rejet de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a en ce qu'il a fixé le dédommagement au titre des indemnités de retard à la somme de 55.800 euros et réformer ce quantum à 66 600 euros ;
- ordonner la compensation entre les créances de la SCI Merc.Ren, les sommes qui lui sont dues à titre de remboursement, y compris celles déjà payées à la suite de la compensation ordonnée en première instance (6.344 euros + 1.500 euros + 156 euros = 8.000 euros), les sommes qui lui sont dues à titre de dédommagement et les sommes qu'elle reconnaît devoir a I'EURL Pali France,
- condamner l'EURL Pali France à lui payer la somme de 94.753,26 euros, outre intérêts
- condamner I'EURL Pali France à lui payer la somme de 10.000 euros à titre des dommages et intérêts,
- condamner I'EURL Pali France à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Pali France de sa demande d'astreinte, de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 10 juin 2016 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 février 2023 ;
SUR CE, LA COUR
L'appelante conclut à la confirmation du jugement sur l'annulation de la clause compromissoire contenue dans le contrat qui lie les parties. Elle invoque l'absence de saisine du tribunal arbitral, la renonciation à la clause par la mise en demeure adressée, l'absence de toute désignation de conciliateurs par les parties, le caractère civil de la société Merc.Ren. Elle fait valoir que la réclamation concerne des travaux supplémentaires qui n'ont rien à voir avec les travaux d'origine.
L'intimée soulève l'incompétence du tribunal judiciaire de Cannes, compte tenu de la clause d'arbitrage insérée au contrat. Elle fait valoir que ce n'est pas parce qu'une mise en demeure a été adressée qu'elle a renoncé à la clause, d'autant plus que la société Pali France est à l'origine de la procédure. Elle soutient qu'elle est en droit de solliciter l'application de la clause, quand bien même le contrat n'a pas été conclu dans le cadre de son activité professionnelle. Elle ajoute qu'il importe peu, d'une part, que les parties aient ou non désigné les futurs conciliateurs, d'autre part, que la demande concerne des travaux supplémentaires ou d'origine.
En vertu de l'article 2061 du code de procédure civile, dans sa version applicable du 16 mai 2000 au 20 novembre 2016, sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle.
L'article 5.3 du contrat en date du 2 novembre 2015 énonce, selon la traduction libre versée au débat et non contredite :
Toutes les controverses dérivant de l'exécution du contrat seront résolues à travers des négociations. Si les parties n'arrivent à aucun accord la controverse sera de la compétence exclusive du tribunal arbitral de Cannes.
Cette clause a été librement rédigée, consentie et expressément acceptée par les parties dans le cadre de leurs relations contractuelles, et le juge étatique ne peut se livrer à un examen approfondi de ces relations.
Elle s'insère dans un contrat conclu à raison de l'activité professionnelle de l'une des parties, la société Pali France et aucune bilatéralité n'est imposée par les dispositions précitées. Or, la société Merc.Ren revendique la validité et l'application de la clause d'arbitrage.
La renonciation au droit de se prévaloir d'une clause compromissoire ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer. La mise en demeure du 12 décembre 2016 de payer la somme de 12 704,78 euros fait ressortir le désaccord de la société Merc.Ren sur le règlement des factures n°45, 67 et 68, ainsi que ses propres réclamations en ce qui concerne notamment le retard du chantier, les travaux non exécutés et divers frais engagés, mais il ne peut en être déduit la renonciation à saisir le tribunal arbitral.
La société Merc.Ren a été assignée par l'EURL Pali France le 10 février 2017 et a soulevé in limine litis l'incompétence du tribunal de grande instance en faveur du tribunal arbitral de Cannes.
En outre, il est rappelé que la clause compromissoire présente par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère une autonomie juridique.
En toute hypothèse, les travaux supplémentaires allégués par l'appelante s'inscrivent dans le prolongement des travaux initiaux engagés concernant la rénovation du bien immobilier dont l'intimée est propriétaire.
En l'espèce, la clause d'arbitrage n'est pas manifestement nulle, ce dont il résulte que le jugement sera infirmé de ce chef.
Lorsque le juge estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction arbitrale, il renvoie les parties à mieux se pourvoir.
Aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme le jugement en date du 17 janvier 2020 ;
Statuant à nouveau,
Dit que le tribunal judiciaire de Grasse est incompétent pour connaître du litige ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne l'EURL Pali France aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE