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01/06/2023 | FRANCE | N°19/17256

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 juin 2023, 19/17256


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 236













N° RG 19/17256 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEN6







Société ABC PROMOTION





C/



[U] [J]

[P] [B] épouse [J]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES



SELARL CABINET DEMARCHI AVOCATS





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 29 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04242.



APPELANTE



SARLU ABC PROMOTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice dom...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 236

N° RG 19/17256 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEN6

Société ABC PROMOTION

C/

[U] [J]

[P] [B] épouse [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

SELARL CABINET DEMARCHI AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 29 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04242.

APPELANTE

SARLU ABC PROMOTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 1]

représentée par la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, , assistée de Me Valérie GINET de la SCP GINET - TRASTOUR, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [U] [J]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Pierre-Emmanuel DEMARCHI de la SELARL CABINET DEMARCHI AVOCATS, avocat au barreau de NICE substituée par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [P] [B] épouse [J]

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Pierre-Emmanuel DEMARCHI de la SELARL CABINET DEMARCHI AVOCATS, avocat au barreau de NICE substituée par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023. Le délibéré a été prorogé au 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J] sont propriétaires en vertu d'un acte de vente du 29 juin 1988 :

- d'un bâtiment élevé d'un étage sur rez-de-chaussée, situé à [Adresse 11] correspondant à la parcelle cadastrée section CV numéro [Cadastre 5] : local à usage de fournil et débarras au rez-de-chaussée et un étage à usage d'habitation,

- d'une partie de maison détachée d'un grand immeuble sis également à [Adresse 11] : magasin à usage de boulangerie sis au rez-de-chaussée et contigu à l'immeuble désigné ci-dessus, cadastré section CV n° [Cadastre 6].

Aux termes d'un jugement d'adjudication du 19 mai 2011, la SARL ABC Promotion a acquis aux enchères, les biens et droits immobiliers sis sur la commune d'[Localité 10], [Localité 12], quartier du Pont du Lys, [Adresse 9], [Adresse 2] et [Adresse 8] cadastré section CV numéro [Cadastre 3], s'agissant des lots n° 1 à 16, 25, 26, 28, 29, 30 et 31 représentant chacun des millièmes de parties communes, ainsi qu'une parcelle de terrain cadastrée section CV numéro [Cadastre 4].

La SARL ABC Promotion a entrepris la réhabilitation de cet immeuble.

Se plaignant de troubles anormaux de voisinage, M. et Mme [J] ont, par exploit du 29 juillet 2016, fait assigner la SARL ABC Promotion devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Par jugement du 29 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a statué ainsi :

« - condamne la SARL ABC PROMOTION à faire réaliser à ses frais les travaux permettant l'ouverture du vantail gauche de la persienne appartenant à [U] [J] et [P] [B], sous un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- déboute [U] [J] et [P] [B] de leur demande au titre des préjudices suivants, perte de vue, perte d'ensoleillement, déroulement du chantier, fenêtre rendue inutilisable et perte de valeur du bien immobilier,

- déboute la SARL ABC PROMOTION de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 678 du Code civil,

- condamne la SARL ABC PROMOTION à verser à [U] [J] et [P] [B] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SARL ABC PROMOTION aux entiers dépens,

- ordonne l'exécution provisoire. »

Par déclaration du 12 novembre 2019, la SARL ABC Promotion a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 29 décembre 2022, la SARL ABC Promotion demande à la cour :

Vu les dispositions de la loi du 10 juillet 1965,

Vu les dispositions de l'article 544 du code civil et la théorie du trouble anormal de voisinage,

Vu les anciens articles 1382 et suivants du code civil,

Sur la réformation partielle du jugement,

- de juger que les ouvrages incriminés, un montant situé en bordure de balcon, partie commune, sont la propriété du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Square du Lys, organisé et représenté par un syndic professionnel depuis 2013, qui n'est pas dans la cause et non d'elle-même,

- de juger qu'elle n'était plus le gardien occasionnel de cet ouvrage, à la date du 29 juillet 2016, date de la délivrance de l'exploit introductif d'instance,

- de juger qu'à cette date, la copropriété était parfaitement organisée et représentée par un syndic professionnel depuis plus de trois ans et que les époux [J] ne pouvaient l'ignorer, ayant la qualité de copropriétaire de l'immeuble réhabilité,

- de juger leur demande de condamnation à exécuter des travaux sous astreinte dirigée à son encontre irrecevable,

- de juger que le vantail gauche du volet n'a jamais pu se rabattre totalement, même avant les travaux de rénovation de l'immeuble,

- de juger qu'il est établi que le volet de cette fenêtre restait en outre constamment fermé, depuis plusieurs années,

- de juger que même pendant le temps de reconstruction du balcon du premier étage, l'ouverture de la fenêtre et celle du volet n'a jamais été empêchée en totalité,

- de juger qu'il est démontré que le montant vertical en bois provisoire a été enlevé au plus tard, en juin 2015,

- de réformer ainsi le jugement rendu le 29 octobre 2019, sur ce chef,

- de juger que les agissements des époux [J] sont dilatoires et constitutifs de dommages évidents et importants,

- de condamner M. et Mme [J] au paiement de la somme de 18 000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour les préjudices occasionnés entre 2012 et 2016,

- de réformer ainsi le jugement de première instance, qui n'a pas statué sur ses demandes reconventionnelles,

- de le réformer également, s'agissant des condamnations prononcées, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- de débouter les époux [J] de toutes demandes, fins et conclusions, sur ces chefs, en cause d'appel,

Sur la confirmation du jugement sur le surplus,

- de juger qu'il est établi que les travaux n'ont provoqué aucun dommage aux façades, à la toiture de la construction édifiée sur la parcelle [Cadastre 5], ni à l'ancien auvent de la boulangerie, remplacé depuis lors,

En conséquence,

- de juger qu'il n'existe aucun trouble anormal de voisinage, dont elle serait responsable,

- de juger que les travaux de réhabilitation, réalisés et financés par cette société, apportent une importante plus-value aux deux immeubles mitoyens et donc aux lots acquis par les époux [J],

- de confirmer ainsi le jugement de première instance qui a rejeté leurs demandes indemnitaires, abusives et infondées,

- de débouter en conséquence les époux [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions, en appel,

- de condamner M. et Mme [J] au paiement de la somme de 5 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 23 janvier 2023, M. et Mme [J] demandent à la cour :

Vu les articles 544 et 651 du code civil,

- de confirmer le jugement rendu des quatre chefs de jugement suivants :

1) Recevabilité de leur action intentée sur le fondement du trouble anormal de voisinage

- de constater que sur le plan de la procédure, l'appelante n'a pas invoqué son prétendu moyen d'irrecevabilité devant le juge de l'évidence dans la procédure initiale de référé diligentée à leur requête,

- de constater que la société appelante, en qualité de maître de l'ouvrage, a réalisé une opération classique de promotion immobilière en réalisant des travaux de réhabilitation et de rénovation de l'immeuble, en qualité de maître de l'ouvrage,

- de constater qu'après l'achèvement des travaux, l'appelante prétend avoir vendu les différents appartements, constitutifs de lots,

- de constater que l'appelante procède par simples allégations et prétentions sans produire de pièces de nature à justifier sa position et ce, en violation des articles 5, 6, 9 et 15 du code de procédure civile,

- de constater que conformément aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 relative au statut de la copropriété, un syndicat des copropriétaires s'est constitué,

- de constater que si le syndic de l'immeuble voisin, le Cabinet Robaldo a tenté de faire établir un acte rectificatif à l'état descriptif de division afin d'étendre l'assiette cadastrale à leur propriété, il n'a jamais daigné répondre aux courriers recommandés avec accusé de réception de leur précédent conseil du 23/02/2016 et du 19/09/2016,

- en conséquence, de juger que l'action intentée par eux au visa de l'article 544 du code civil et de la notion prétorienne du trouble anormal de voisinage, est parfaitement recevable et fondée,

2) Condamnation sous astreinte concernant l'ouverture du vantail gauche de la persienne

- de constater que la société appelante a obtenu une déclaration préalable de travaux datée du 9 juillet 2012 entre (Pièce adverse n° 6) et, un arrêté de la commune d'[Localité 10] accordant un permis de construire du 5 février 2015 (Pièce adverse n° 10),

- de constater qu'il résulte des différents procès-verbaux de constats dressés que sous sa maîtrise d'ouvrage, la société appelante a réalisé la construction de balcons qui empêchent l'ouverture de leur persienne,

- de constater que les attestations adverses produites sont rédigées par des auteurs, locateurs d'ouvrage sur le chantier de réhabilitation et de rénovation litigieux, qui ont un lien de subordination avec le maître de l'ouvrage,

- de juger que ces attestations n'ont aucune valeur probante,

- de juger que l'appelante est propriétaire des lots incriminés de l'immeuble voisin et qui empêchent l'usage normal de la persienne gauche des concluants,

- de condamner la SARL ABC Promotion sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement du 21 mars 2020 à faire cesser le trouble,

3) Débouté de la demande adverse de dommages et intérêts

- de juger que la demande adverse de condamnation à la somme forfaitaire de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts ne vise aucun fondement juridique et n'est étayée par aucune pièce, notamment, comptable, de nature à justifier la prétention émise,

- de juger que l'appelante est défaillante dans l'administration de la preuve de sa prétention,

4) Condamnations aux frais répétibles et irrépétibles de première instance

- de condamner la SARL ABC Promotion à payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers frais et dépens de première instance avec distraction.

Et statuant de nouveau,

- d'infirmer le jugement pour le surplus,

- de juger leur appel incident recevable et bien fondé,

A titre principal,

Vu les articles 544 et 651 du code civil,

- de constater que la société ABC Promotion est toujours propriétaire des lots litigieux, faute pour elle de prouver de la vente de ceux-ci,

- de constater que le trouble anormal du voisinage existe et persiste à la date des présentes,

- non seulement en cours de chantier eu égard aux conditions anormales dans lesquelles celui-ci s'est déroulé et aux inconvénients qu'il a entrainés,

- mais encore de manière permanente après l'achèvement des travaux,

- de juger que le trouble anormal de voisinage subi par eux est clairement établi par les différents procès-verbaux de constat qui retracent l'évolution du chantier et les troubles persistants,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire,

Vu l'article 1240 du code civil,

- de constater que la société ABC Promotion était, à tout le moins, propriétaire à compter de la déclaration d'ouverture de chantier jusqu'à la prétendue vente des lots litigieux,

- de constater que le préjudice de jouissance est certain, direct, personnel et persiste à la date des présentes, compte tenu des divers manquements délictuels de la société appelante durant les travaux de réhabilitation et de rénovation qu'elle a entrepris,

- de juger que le préjudice de jouissance subi par eux est clairement établi par les différents procès-verbaux de constat qui retracent l'évolution du chantier et les troubles persistants,

- en conséquence, de confirmer la condamnation de la SARL ABC Promotion sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement du 21 mars 2020 à faire cesser le trouble,

En tout état de cause, sur les deux fondements,

- de juger que le préjudice subi est direct, certain et protéiforme :

- Perte de vue du fait du rehaussement constaté de l'immeuble,

- Perte d'ensoleillement de ce même fait mais encore du fait de l'impossibilité d'utiliser les persiennes,

- Déroulement du chantier qui est venu perturber de manière anormale la tranquillité des demandeurs tels qu'en témoignent les procès-verbaux de constat,

- Une fenêtre rendue inutilisable et perte de valeur du bien immobilier de ce fait,

- en conséquence, de condamner la SARL ABC Promotion à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, tous postes de préjudices confondus,

- de débouter la SARL ABC Promotion de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre eux après les avoir jugées irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

- de condamner la SARL ABC Promotion à payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel outre les entiers dépens d'appel, distraits au profit de Me Demarchi, avocat aux offres de droit par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour les moyens développés au soutien des prétentions, il est expressément référé aux conclusions respectives des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 31 janvier 2023.

L'arrêt sera contradictoire, puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des parties comporte des demandes de « dire » et « constater » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande de condamnation à exécuter des travaux sous astreinte

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, constitue une fin de non-recevoir.

La SARL ABC Promotion conclut à l'irrecevabilité de la demande de condamnation à exécuter des travaux sous astreinte dirigée à son encontre, en arguant :

- qu'elle n'est pas propriétaire des ouvrages incriminés, s'agissant d'une partie commune de la copropriété Square du Lys, organisée et représentée par un syndic professionnel depuis 2013, qui n'est pas dans la cause,

- qu'elle n'était plus le gardien occasionnel de cet ouvrage, à la date du 29 juillet 2016, date de la délivrance de l'exploit introductif d'instance.

Il est constaté que M. et Mme [J] forment leur demande à ce titre contre la SARL ABC Promotion, sur le fondement de l'article 544 du code civil soit la théorie des troubles anormaux de voisinage.

Il ressort des pièces débattues que c'est la SARL ABC Promotion qui a exécuté les travaux sur l'immeuble mitoyen de celui appartenant à M. et Mme [J], en vertu d'une déclaration préalable de travaux approuvée le 6 novembre 2012 et d'un permis de construire accordé le 5 février 2015.

Il est allégué que les travaux réalisés, sont préjudiciables à M. et Mme [J].

M. et Mme [J] sont donc recevables à agir contre la SARL ABC Promotion pour remettre en cause lesdits travaux. La SARL ABC Promotion sera déboutée de son exception d'irrecevabilité de cette demande, la théorie des troubles anormaux du voisinage n'étant pas limitée aux propriétaires et aucune pièce ne permettant de dater la fin des travaux litigieux.

Il sera ajouté au jugement appelé qui n'a pas statué sur ce point.

Sur la demande de condamnation à exécuter des travaux sous astreinte

Selon les dispositions de l'article 544 du code civil, « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, M. et Mme [J] reprochent à la SARL ABC Promotion d'avoir construit des balcons qui empêchent l'ouverture totale de leur persienne gauche, tandis que la SARL ABC Promotion oppose l'antériorité de cette situation.

Aux termes des pièces débattues, il peut être constaté que la fenêtre du premier étage de l'immeuble appartenant à M. et Mme [J] est très proche de l'immeuble litigieux, ainsi qu'il ressort d'une part, de leur acte de vente qui stipule précisément en page 15 « la fenêtre située au premier étage du bâtiment ici vendu, ayant vue directe sur la propriété des vendeurs (côté Est) subsistera, même placée à une distance non légale », d'autre part du règlement de copropriété de l'immeuble litigieux qui date du 1er juillet 1954 et dispose en son article 7 que l'ensemble immobilier supportera « une servitude d'un fenestron au rez-de-chaussée et d'une fenêtre au premier étage au profit de la propriété Camilla contigüe à l'Ouest ».

Cependant, il n'est pas établi comme allégué par la SARL ABC Promotion, que la persienne gauche de la fenêtre du premier étage, ne s'ouvrait pas totalement avant les travaux litigieux sur l'immeuble mitoyen de la propriété [J], la charge de cette preuve pesant sur la SARL ABC Promotion.

A cet égard et par comparaison entre les photographies accompagnant les procès-verbaux de constat établis à la demande de M. et Mme [J], on constate une modification de la forme et de l'envergure de la terrasse avec balustrade du premier étage de l'immeuble mitoyen, entre le procès-verbal du 7 novembre 2013 et les suivants des 20 janvier 2014 (destruction des terrasses des premier et deuxième étage de l'immeuble mitoyen), 19 mars 2015 (mise en place d'échafaudages et notamment d'un poteau en bois faisant obstacle à l'ouverture de la persienne droite de la fenêtre des époux [J]), 11 juin 2015 (enlèvement du poteau en bois et travaux en cours du plancher de la terrasse en bois sur lequel bute la persienne gauche de la fenêtre des époux [J], empêchant une ouverture totale) et 27 janvier 2016 (terrasse définitive sur laquelle bute la persienne gauche).

A l'appui de son argumentation, la SARL ABC Promotion produit un procès-verbal du 2 avril 2021, dans lequel l'huissier constate, « la présence d'un arrêtoir de volet scellé dans le mur, visiblement ancien, qui a la caractéristique d'être assez long pour permettre le blocage du vantail de droit du volet à plus de 45° », de son point de vue extérieur, s'agissant manifestement de la persienne gauche depuis l'intérieur de l'immeuble [J].

Cependant cette pièce est insuffisante à démontrer l'état antérieur de l'ouverture incomplète de la persienne gauche, alors que la charge de la preuve pèse sur la SARL ABC Promotion.

Il est incontestable que l'impossibilité d'ouvrir totalement ses volets du fait d'une construction voisine, même autorisée par un permis de construire, constitue un trouble anormal de voisinage.

Il convient donc de confirmer le jugement appelé qui a condamné la SARL ABC Promotion à faire réaliser à ses frais les travaux permettant l'ouverture du vantail gauche de la persienne appartenant à M. et Mme [J], sauf à reporter le point de départ de l'astreinte à un délai de six mois à compter de la signification de la décision, maintenue à 100 euros par jour de retard, pendant la durée de six mois.

Sur les autres demandes de M. et Mme [J]

Il s'agit des demandes d'indemnisation des préjudices de perte de vue du fait du rehaussement de l'immeuble, de la perte d'ensoleillement du fait du rehaussement et du fait de l'impossibilité d'utiliser les persiennes, des troubles pendant le déroulement du chantier, du caractère inutilisable de la fenêtre entraînant une perte de valeur du bien immobilier, fondées principalement sur la théorie des troubles anormaux de voisinage et subsidiairement sur l'article 1382 devenu 1240 du code civil, aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme qui cause préjudice à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, ce qui impose la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Il est constaté que la question de l'impossibilité d'ouvrir totalement les persiennes, a déjà été traitée. Dès lors, M. et Mme [J] ne peuvent prétendre obtenir une indemnisation de la perte de valeur de leur bien immobilier de ce fait, alors en outre qu'ils ne produisent aucune pièce permettant de quantifier leur réclamation à ce titre.

En effet, la production d'un rapport d'expertise privé établi par leur assureur protection juridique, sur la base de leurs seules déclarations et purement affirmatif, est insuffisante à établir la réalité et le quantum du préjudice allégué de perte de valeur du bien immobilier.

Le rehaussement allégué de l'immeuble, n'est pas démontré. A cet égard, le procès-verbal de constat visé du 7 novembre 2013, aux termes duquel l'huissier énonce tout en s'interrogeant : « Je constate également un rehaussement de façade sur plusieurs dizaines de centimètres ' » est insuffisant pour rapporter cette preuve.

La perte de vue et la perte d'ensoleillement, si elle peut être déduite de la modification de la forme et de l'envergure de la terrasse antérieure, ne caractérise pas nécessairement un trouble anormal du voisinage, qui doit être apprécié selon la situation du bien.

Il ressort des pièces débattues que les modifications de l'immeuble litigieux ont fait l'objet d'une déclaration préalable de travaux, puis d'un permis de construire dont il n'est pas démontré qu'il n'a pas été respecté, malgré plusieurs démarches de M. et Mme [J] en ce sens.

Compte tenu de la situation du bien en zone urbaine, il n'est pas démontré que la construction litigieuse constitue un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, en zone urbaine.

S'agissant enfin des troubles causés pendant le chantier, il ressort du procès-verbal de constat du 7 novembre 2013, que la toiture de la propriété [J] n'est protégée par aucune bâche, l'huissier ayant noté la présence de gravats sur les tuiles ainsi que dans les gouttières. Dans un procès-verbal du 20 janvier 2014, l'huissier qui note la présence d'un échafaudage installé sur la toiture de la propriété [J], et une légère protection disposée sur les tuiles, a constaté la présence de nombreux gravats dans la gouttière, qui s'est d'ailleurs affaissée.

En l'état de ces pièces, il est démontré un défaut de protection suffisante du chantier, qui est fautif, ayant causé des troubles à M. et Mme [J], victimes de chutes de gravats sur leur toiture et qu'il y a lieu d'évaluer à hauteur de 300 euros.

La SARL ABC Promotion, qui a réalisé lesdits travaux sans prendre les protections suffisantes, sera donc condamnée à leur verser la somme de 300 euros en réparation des troubles causés au cours du chantier.

Le jugement appelé sera ainsi confirmé sur les demandes au titre des préjudices de perte de vue, perte d'ensoleillement, fenêtre rendue inutilisable et perte de valeur du bien immobilier, mais infirmé sur le préjudice au titre du déroulement du chantier.

Sur la demande reconventionnelle de la SARL ABC Promotion

La SARL ABC Promotion soutient que M. et Mme [J] par leurs agissements dilatoires, lui ont causé préjudice.

Selon l'article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause préjudice à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, ce qui impose la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Les comportements fautifs allégués, sont d'une part des plaintes abusives auprès de la mairie, des introductions sur le chantier sans autorisation, des menaces physiques contre le syndic de la copropriété, des menaces contre M. [K] gérant de la SARL ABC Promotion, des violences contre M. [K] dont M. [J] a provoqué la chute d'une hauteur de trois mètres en retirant l'échelle sur laquelle il était.

Les préjudices dont il est demandé réparation sont financier et moral entre 2012 et 2016, date de l'achèvement du chantier.

Il est rappelé que la juridiction ne peut indemniser que les préjudices subis par la seule SARL ABC Promotion consécutifs à des fautes imputables à M. et/ou Mme [J] et pas par des tiers fut-il gérant de la SARL ABC Promotion. Dès lors les plaintes du syndic et de M. [K] sont inopérantes à l'appui du préjudice allégué par la SARL ABC Promotion.

Quant au caractère abusif des plaintes de M. et Mme [J], auprès de la mairie, il ne peut résulter du seul fait qu'elles n'ont pas abouti, toute personne pouvant contester un permis de construire.

La SARL ABC Promotion échouant à rapporter la preuve de la faute de M. et Mme [J] dans les plaintes adressées à la mairie relativement à la rénovation et réhabilitation litigieuse, sera donc déboutée de sa demande d'indemnisation d'un préjudice financier, d'ailleurs étayée par aucune pièce.

Il sera ajouté au jugement appelé qui n'a pas statué sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles.

La SARL ABC Promotion qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel distraits au profit du conseil de M. et Mme [J], qui le demande, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Rejette l'exception d'irrecevabilité de la demande de condamnation à exécuter des travaux sous astreinte ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la SARL ABC Promotion à faire réaliser à ses frais les travaux permettant l'ouverture du vantail gauche de la persienne appartenant à M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J],

- débouté M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J] de leur demande au titre des préjudices de perte de vue, perte d'ensoleillement, fenêtre rendue inutilisable et perte de valeur du bien immobilier,

- condamné la SARL ABC Promotion à verser à M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL ABC Promotion aux entiers dépens ;

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Assortit la condamnation à la SARL ABC Promotion à faire réaliser à ses frais les travaux permettant l'ouverture du vantail gauche de la persienne appartenant à M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J], d'une astreinte de 100 euros (cent euros) par jour de retard, à l'expiration du délai de six mois à compter de la signification de la présente décision et pendant une durée de six mois ;

Condamne la SARL ABC Promotion à verser à M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J], la somme de 300 euros (trois cents euros) en réparation des troubles causés au cours du chantier ;

Déboute la SARL ABC Promotion de ses demandes de dommages et intérêts au titre de préjudices financier et moral ;

Condamne la SARL ABC Promotion aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Demarchi ;

Condamne la SARL ABC Promotion à payer à M. [U] [J] et Mme [P] [B] épouse [J], la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/17256
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;19.17256 ?
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