La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2023 | FRANCE | N°19/16909

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 juin 2023, 19/16909


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 231













N° RG 19/16909 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFDN2







[B] [M]

[O] [P] épouse [M]





C/



[X] [D] épouse [L]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES



SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH


<

br>



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/06632.



APPELANTS



Monsieur [B] [M]

demeurant [Adresse 6]



représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

ph

N° 2023/ 231

N° RG 19/16909 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFDN2

[B] [M]

[O] [P] épouse [M]

C/

[X] [D] épouse [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/06632.

APPELANTS

Monsieur [B] [M]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Frédéric BERENGER de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [O] [P] épouse [M]

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Frédéric BERENGER de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

Madame [X] [D] épouse [L]

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Joëlle ESTEVE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023. Le délibéré a été prorogé au 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 3 avril 2001, [B] [M] et Mme [O] [P] épouse [M] ont acquis de Mme [V] [L] épouse [S], une maison à usage d'habitation avec terrain attenant sise commune de [Localité 10] cadastrée section BV numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 1], l'immeuble vendu provenant de la division d'une propriété de plus grande importance cadastrée à l'origine section BV numéro [Cadastre 8], en quatre parcelles cadastrées section BV numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 4] restant la propriété de la venderesse.

Une servitude d'épandage a été instituée, ainsi stipulée au profit de Mme [X] [T] [D] épouse [L], propriétaire des parcelles cadastrées section BV numéros [Cadastre 9] et [Cadastre 5], intervenue à l'acte :

« Il est créée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] d'une contenance cadastrale de 8 ares 26 centiares une servitude d'épandage pour fosse septique au profit de la maison actuellement édifiée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 9] pour une contenance de 1 are 05 centiares, et BV numéro [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares 02 centiares.

Un système de drain et d'épandage est actuellement implanté sur la parcelle présentement acquise par Monsieur et Madame [M]. Cet épandage devra être parfaitement entretenu par Madame [L] ou ses ayants-droit, et devra être conforme aux normes en vigueur afin de ne nuire en aucune manière au fonds servant par des odeurs malodorantes, pollution ou encore débordements. Par ailleurs, cette servitude ne pourra en aucune manière être aggravée c'est-à-dire que seule la construction existant sur la parcelle appartenant actuellement à Madame [L] pourra être desservie et aucune autre pourra se raccorder et profiter de cet épandage, quand bien même elle serait édifiée sur le fonds dominant ;

Monsieur et Madame [M] devront laisser accéder Madame [L] ou ses ayants-droit, ainsi que tous ouvriers, pour permettre l'entretien et les réparations de cette fosse septique ; les lieux devront être ensuite remis dans l'état initial le tout aux seuls frais de Madame [L] ou de ses ayants-droit. Cette servitude est strictement limitée à l'épandage profitant au fonds dominant et en aucun cas, aucun objet ni matériel ne pourra être entreposé, ni aucune occupation ou stationnement ne sera autorisé en dehors de ceux nécessités par l'entretien et les réparations de ladite fosse ».

Désireux d'aménager leur parcelle avec des plantations dans le respect de la servitude, M. et Mme [M] se sont rapprochés de Mme [X] [L] afin d'obtenir le plan du système d'assainissement et en l'absence de réponse, ont saisi le juge des référés, qui a ordonné une expertise confiée à M. [R] [C], lequel a déposé son rapport le 9 janvier 2017.

M. et Mme [M] ont fait assigner Mme [L] devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 14 novembre 2017 aux fins principalement de voir dire que leur consentement pour la servitude d'épandage au bénéfice du fonds de Mme [L] a été vicié par une erreur substantielle sur la nature de l'ouvrage et pour dol, subsidiairement prononcer l'extinction de la servitude grevant la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] faute pour le fonds dominant de l'exercer conformément au titre.

Par jugement 5 septembre 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

- débouté M. et Mme [M] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné M. et Mme [M] à verser à Mme [T] [D] épouse [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté le surplus des demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. et Mme [M] aux entiers dépens de la procédure, qui comprendront les frais d'expertise,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 4 novembre 2019, M. et Mme [M] ont relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 30 janvier 2023, M. et Mme [M] demandent à la cour :

Vu les articles 703, 1110, 1116 et 1129 du code civil,

- de réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence rendu le 5 septembre 2019,

Statuant de nouveau

A titre principal,

- de prononcer la nullité pour indétermination de l'objet de la servitude d'épandage pour fosse septique constituée dans l'acte de vente du 3 avril 2001 et grevant la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] d'une contenance cadastrale de 8 ares 26 centiares au profit de la maison actuellement édifiée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 9] pour une contenance de 1 are 05 centiares, et BV numéro [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares 02 centiares,

A titre subsidiaire,

- de prononcer la nullité pour cause d'erreur de la servitude d'épandage pour fosse septique constituée dans l'acte de vente du 3 avril 2001 et grevant la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] d'une contenance cadastrale de 8 ares 26 centiares au profit de la maison actuellement édifiée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 9] pour une contenance de 1 are 05 centiares, et BV numéro [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares 02 centiares,

A titre infiniment subsidiaire,

- de prononcer la nullité pour dol de la servitude d'épandage pour fosse septique constituée dans l'acte de vente du 3 avril 2001 et grevant la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] d'une contenance cadastrale de 8 ares 26 centiares au profit de la maison actuellement édifiée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 9] pour une contenance de 1 are 05 centiares, et BV numéro [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares 02 centiares,

A titre très infiniment subsidiaire,

- de prononcer l'extinction de la servitude d'épandage pour fosse septique constituée dans l'acte de vente du 3 avril 2001et grevant la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] d'une contenance cadastrale de 8 ares 26 centiares au profit de la maison actuellement édifiée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 9] pour une contenance de 1 are 05 centiares, et BV numéro [Cadastre 5] pour une contenance de 33 ares 02 centiares,

En tout état de cause,

- de les autoriser en tant que de besoin à procéder à l'enlèvement sur leur fonds de l'ensemble des objets hétéroclites constatés par l'expert judiciaire,

- de condamner Mme [L] à leur verser la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts,

- de rejeter la demande indemnitaire formée par Mme [L],

- de condamner Mme [L] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire résultant de l'ordonnance de référé du 24 février 2015.

M. et Mme [M] font essentiellement valoir :

- qu'ils ne sont pas prescrits à agir, car ce n'est qu'à l'issue des opérations d'expertise qu'ils ont pu être informés qu'un puits perdu grevait en réalité leurs fonds, qu'il était impossible de le localiser et qu'au lieu d'un épandage se trouvait en réalité une zone de remblai,

Sur l'indétermination de l'objet,

- que si l'acte constitutif visait un système de drain et d'épandage, il s'est avéré d'une part qu'un puits perdu grevait en réalité le fonds, d'autre part qu'il était impossible de le localiser,

- que la servitude a été constituée uniquement parce qu'un drain et un épandage étaient déclarés comme installés sur le fonds acquis, qu'à défaut, il n'y aurait jamais eu de servitude,

- que personne n'a pu déterminer les aménagements censés conduire les eaux usées dans la zone d'épandage, que l'expert a bien précisé que la continuité hydraulique depuis le fonds de Mme [L] n'a pu être vérifiée celle-ci s'étant opposée aux opérations sur son fonds,

- que l'expertise a démontré que la pente du terrain empêchait les effluents d'atteindre le tas de gravats qu'il a constaté,

- que la servitude constituée dans l'acte de vente du 3 avril 2001 était illicite, que c'est tout le réseau découvert par l'expert qui ne correspondait pas à la règlementation applicable, soit l'article 3 de l'arrêté du 6 mai 1996,

Sur l'erreur sur la substance,

- qu'il existe une discordance manifeste entre le contenu de la clause constituant la servitude et la réalité,

Sur le dol,

- que Mme [L] connaissait parfaitement l'existence du puits perdu sur la parcelle vendue ainsi que l'illégalité du dispositif,

- que les différents plans annotés par cette dernière, ses propos tenus et consignés lors de l'expertise mais aussi son refus de laisser pénétrer l'expert sur sa propriété, révèlent de manière évidente que celle-ci, depuis la conclusion du contrat de vente, a sciemment entretenu la confusion afin de cacher l'illégalité de son réseau d'assainissement,

- que Mme [L] a tenté par ailleurs d'abuser l'expert en lui faisant croire que l'emprise de la servitude était de 105 m²,

Sur l'extinction de la servitude,

- que la remise en service, obligatoire en raison de l'illicéité du dispositif découvert par l'expert judiciaire, est désormais impossible au regard des contraintes légales et règlementaires applicables en la matière,

- que ce dispositif ne présente plus d'utilité pour Mme [L] qui, en 2006, a réalisé un nouveau puits perdu sur sa propriété,

- que l'expert judiciaire, dans son compte-rendu du 7 juillet 2015 a clairement reproduit les propres propos de Mme [L] qui a précisé que « son dispositif ne fonctionne plus en raison d'un dysfonctionnement survenu en 2006 » et que de ce fait « son mari avait procédé à la modification de son installation de façon à ne plus causer de désagréments dans le fonds servant »,

- que Mme [L] tente de faire croire qu'il lui suffit de réhabiliter son système d'assainissement pour faire revivre la servitude et cite à cette fin un passage tronqué du rapport d'expertise, ce qui fut repris malheureusement par le tribunal,

- que l'expert qui n'a rien découvert, puisqu'il n'y avait rien à découvrir, a proposé cette surface à partir d'un calcul erroné, que c'est une appréciation « à la louche » en quelque sorte, alors qu'en droit des servitudes, cette manière de raisonner est proscrite,

Sur leur demande indemnitaire,

- que le préjudice de jouissance est lié à l'impossibilité, depuis l'acquisition et au moins depuis 2006, de jouir du bien acquis, puisqu'ils sont encore aujourd'hui incapables de savoir où et comment ils peuvent aménager leur jardin,

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 30 janvier 2023, Mme [X] [L] demande à la cour :

Vu l'article 686 du code civil,

Vu l'article 1137 ancien du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 1116 ancien du code civil,

Vu l'article 1129 ancien du code civil,

Vu l'article 1156 ancien du code civil,

Vu l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,

Vu la loi du 17 juin 2008 sur les prescriptions,

Vu l'article 1807 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 5 septembre 2009 en ce qu'il a débouté les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes et infirmer ce jugement en ce qu'il a l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Ce faisant,

- de déclarer prescrite l'action des époux [M] et les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- de débouter les époux [M] de toutes leurs demandes fins et conclusions à son encontre,

Subsidiairement,

- de débouter M. et Mme [M] de leur demande de nullité de l'acte de servitude,

- de débouter M. et Mme [M] de leur demande d'extinction de la servitude,

- de débouter M. et Mme [M] de leur demande de 15 000 euros de dommages et intérêts,

- de débouter M. et Mme [M] de leur demande d'autorisation d'enlever la prétendue ensemble des objets hétéroclites sur leur fonds,

En tout état de cause,

- de débouter M. et Mme [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- de débouter M. et Mme [M] de leur demande au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- de condamner M. et Mme [M] au paiement de la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,

- de condamner M. et Mme [M] au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. et Mme [M] au paiement des dépens de référé, du fond et d'appel comprenant également les frais d'expertise.

Mme [X] [L] soutient en substance :

Sur la prescription,

- que le point de départ de la prescription est la date de la vente, soit le 3 avril 2001,

- qu'il ressort d'un courrier du 19 avril 2014, que depuis 2006, la position des époux [M] est toujours la même : ils ont été trompés, c'est un puits perdu et non un épandage et ils ne savent pas l'étendue du système d'épandage ou du puits perdu.

Sur le rapport de l'expert,

- que l'expert n'a pas répondu à sa mission, mais s'est permis d'aller au-delà de celle-ci en retenant au terme de son rapport que l'ouvrage qui a été mis à jour n'était en rien un système d'épandage,

- que l'expert n'est pas allé dans le sens de ses constatations,

- que le fait pour l'expert de prendre un café avec une partie sans attendre l'autre partie est plus que déplacé et rend son rapport nul.

Sur l'objet de la servitude,

- qu'en précisant à l'acte qu'il est créé sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4] une servitude d'épandage d'une contenance de 1 are 05 centiares les parties ont suffisamment déterminé la chose,

- qu'il appartient à celui qui invoque la nullité de l'acte de démontrer que l'obligation serait dépourvue de cause et donc ici qu'elle ne serait pas déterminable,

- qu'en ce qui concerne l'épandage, si cette épandage n'est pas réalisé conformément aux règles actuelles en vigueur (année 2016-2020), il existe et a été réalisé aux normes en vigueur au moment de sa constitution et cela ne peut être nié, puisque constaté lors des opérations expertales,

- que sa localisation était parfaitement connue des époux [M] qui lors des opérations expertales ont indiqué à l'expert où cela se situait,

- que de plus et surtout préalablement aux opérations expertales, les époux [M] avaient touché au drain puisqu'ils avaient coulé du béton autour du drain, ce qu'ils n'ont pas contesté,

- que l'arrêté du 6 mai 1996 ne peut trouver application pour les maisons construites avant 1996 comme c'est le cas ici, d'autant plus qu'il a été abrogé au 10 octobre 2009,

Sur l'erreur sur la substance,

- qu'il ne peut être nié que le fait qu'aujourd'hui il faille mettre aux normes actuelles l'épandage, aurait des conséquences financières, elles sont seulement pour elle et non pour les époux [M],

- que par contre ces derniers, qui n'ont pas respecté la servitude en faisant des plantations sur la servitude ainsi qu'un mur, ne peuvent maintenant soutenir que le fait de respecter cette servitude et notamment d'enlever leur plantation et leur mur entrainerait une altération significative du droit de propriété,

- qu'ils ne rapportent pas la preuve de leur dire en soutenant que la mise à la norme actuelle entrainera une modification de leur droit de propriété,

- que comme le tribunal l'a rappelé : l'entretien et la conformité de l'installation aux normes en vigueur, qui sont évolutives en la matière, sont expressément prévus par l'acte de création de la servitude qui en réglemente également les conditions d'exercice,

Sur la réticence dolosive,

- qu'il est faux de soutenir qu'elle s'est opposée à la venue de l'expert sur sa parcelle, qu'elle s'est simplement opposée à la réalisation d'une tranchée sur toute la longueur de son terrain,

- qu'en l'espèce, il n'y a eu ni man'uvre, ni mensonge, ni dissimulation intentionnelle,

- qu'il n'y a eu aucun mensonge de sa part, mais simplement un rappel de la servitude auprès de l'expert, qui en a tiré ses conclusions,

Sur l'extinction de la servitude,

- qu'il est parfaitement possible de réaliser les travaux et comme l'a justement retenu le tribunal, il suffit pour cela de déposer un dossier de demande de réhabilitation soumis à l'approbation du SPANC qui en précisera le cadre réglementaire,

- que l'inutilité de la servitude n'est pas une cause d'extinction,

Sur les demandes de dommages et intérêts :

- que les époux [M] jouissent normalement de leur terrain, sur lequel ils n'ont pas hésité à faire des plantations et à construire des abris, sans respect du permis,

- qu'au contraire, avec son époux ils sont des personnes âgées avec des gros problèmes de santé, que non seulement ils ont subi des dégradations de leur propriété de la part de leur voisin M. [M] et qu'ils ont dû se clôturer pour éviter que ce dernier ne rentre à toute heure du jour et de la nuit chez eux, mais depuis bientôt plus de dix ans ils subissent de leur part des procédures judiciaires.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions respectives des parties comporte des demandes de « juger » « constater », « dire » qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, ce qui explique qu'elles n'aient pas été reprises dans l'exposé des prétentions des parties.

La cour n'est saisie par le dispositif des conclusions de l'intimée, d'aucune demande tendant à la nullité du rapport d'expertise.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

M. et Mme [M] poursuivent la nullité de la convention de servitude instituée dans leur acte de vente du 3 avril 2001, tandis que Mme [L] oppose la prescription de leur action, dont le point de départ doit être situé au jour de l'acte ou encore, à la date de connaissance des faits leur permettant d'exercer leur action soit en 2006.

Selon les dispositions de l'article 1304 du code civil en vigueur à la date de la convention, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé, dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

En l'espèce, M. et Mme [M] prétendent que leur consentement a été vicié et qu'ils n'en ont eu la pleine connaissance qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise soit le 9 janvier 2017.

Cependant, il ressort d'un courrier adressé à leur avocat le 19 avril 2014, que M. et Mme [M] déclarent avoir découvert en septembre 2006, moment où ils ont subi une pollution sur leur terrain, que le système d'assainissement objet de la servitude, était en réalité un puits perdu dont l'existence leur a été jusqu'alors masquée. A cette occasion, ils ont sollicité de Mme [L] par l'intermédiaire du notaire rédacteur de l'acte, par courrier du 5 septembre 2006, « l'autorisation de procéder à la remise en état du sous-sol, notamment par l'enlèvement des tuyaux colmatés de votre ancien épandage », au regard de la création d'un nouvel épandage totalement distinct, rendant sans objet la servitude d'épandage conventionnelle. Mme [L] y a répondu par la négative le 11 septembre 2006, en indiquant que l'épandage est toujours en service.

Ainsi, il est établi que l'erreur sur la substance, le dol, l'indétermination de l'objet comme vices du consentement étaient connus depuis septembre 2006, alors que M. et Mme [M] n'ont assigné Mme [L] en référé que le 29 septembre 2014, soit plus de cinq ans après.

M. et Mme [M] doivent donc être déclarés irrecevables en leur action en nullité de la convention de servitude.

Cette irrecevabilité, ne concerne cependant pas l'action aux fins de voir constater l'extinction de la servitude, dès lors qu'en septembre 2006 Mme [L] affirmait que l'épandage était toujours en service et que seule l'expertise a permis d'obtenir des informations contradictoires sur le fonctionnement de celui-ci.

Compte tenu de la fin de non-recevoir soulevée en cause d'appel à laquelle il est fait droit en partie, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [M] de l'intégralité de leur demande.

Sur la demande tendant à l'extinction de la servitude conventionnelle.

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'acte constitutif de la servitude, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, elles doivent être exécutées de bonne foi.

Les articles 703, 704 et 706 du code civil énoncent que les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu'on ne peut plus en user. Elles revivent si les choses sont rétablies de manière qu'on puisse en user, à moins qu'il ne se soit déjà écoulé un espace de temps suffisant pour faire présumer l'extinction de la servitude, ainsi qu'il est dit à l'article 707. La servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.

L'acte constitutif instaure une servitude d'épandage pour fosse septique sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 4], au profit de la maison actuellement édifiée sur la parcelle cadastrée section BV numéro [Cadastre 9] et BV numéro [Cadastre 5], sans préciser l'emprise de cette servitude d'épandage, en visant simplement un système de drain et d'épandage implanté sur la parcelle acquise par M. et Mme [M].

L'expert [C], après avoir corrigé une erreur de lecture de l'acte constitutif de la servitude quant à la superficie de zone d'épandage, qui n'est pas précisée, énonce que ses investigations par sondages destructifs, le conduisent à évaluer la surface impactée par le dispositif d'épandage mentionné comme étant un puits perdu, à 15,35 m².

L'expert judiciaire précise, que par les éléments qui le composent (détritus inertes de chantier de type agglomérés, plastique, géotextile, blocs béton, gaines électriques ') et d'un point de vue hydraulique (compte tenu de la pente du terrain d'Ouest en Est et de la présence du drain en bordure de l'ouvrage, il n'est pas possible que les effluents puissent l'atteindre), l'ouvrage ne peut assurer la fonctionnalité qui devrait être la sienne. A cet égard, il a observé qu'au jour de la visite, le tuyau de drain n'est pas alimenté et qu'aucune trace d'humidité n'a été observée dans son environnement immédiat.

L'expert judiciaire ajoute que si cette surface est retenue pour la mise en 'uvre d'un dispositif de traitement des effluents issus de l'habitation [L], il y aura lieu de réaliser un dossier de demande de réhabilitation soumis à l'approbation du SPANC, soit le service public d'assainissement non collectif, qui en précisera le cadre réglementaire, compte tenu de l'évolution de la réglementation en matière d'assainissement non collectif. L'expert indique en effet, qu'à la date de la mise en 'uvre du puits perdu il y a plus de quarante ans, il n'y avait pas de prescriptions réglementaires mais simplement des recommandations.

En considération de ces conclusions, il n'est pas démontré que l'épandage litigieux, qui prend la forme d'un puits perdu, est frappé d'une impossibilité d'usage par les fonds dominants cadastrés BV numéros [Cadastre 9] et [Cadastre 5].

A cet égard, le fait que d'autres puits perdus aient été créés sur le terrain de Mme [L] est indifférent, le seul critère à examiner étant la possibilité d'usage et pas l'utilité.

Au contraire, l'expert conclut que la possibilité de remise en service existe, sous le contrôle du service public d'assainissement non collectif. Dès lors, il importe peu qu'il soit indiqué qu'il n'a pas pu vérifier la continuité hydraulique depuis le fonds de Mme [L], celle-ci ayant refusé le creusement de tranchées sur son terrain.

Enfin, il n'est pas prétendu un non usage de cette servitude depuis plus de trente ans.

En conséquence, M. et Mme [M] seront déboutés de leur demande tendant à l'extinction de la servitude d'épandage pour fosse septique et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes de M. et Mme [M]

M. et Mme [M] qui succombent dans leur demande principale, ne peuvent prospérer dans leurs demandes tendant d'une part à l'enlèvement sur leur fonds de l'ensemble des objets hétéroclites constatés par l'expert judiciaire, d'autre part à l'obtention de dommages et intérêts fondée sur les troubles de jouissance du fait de la servitude.

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ces points.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer en abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.

En l'espèce, il n'est pas démontré que M. et Mme [M] ont abusé de leur droit d'agir en justice, dans une intention de nuire à Mme [L].

Celle-ci sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement sur les dépens qui comprennent les frais d'expertise, ainsi que les frais irrépétibles.

M. et Mme [M] qui succombent dans leur appel, seront condamnés aux dépens d'appel et aux frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [B] [M] et Mme [O] [P] épouse [M] de l'intégralité de leurs demandes ;

Le confirme en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare M.[B] [M] et Mme [O] [P] épouse [M] irrecevables en leur action en nullité de la convention de servitude ;

Condamne M.[B] [M] et Mme [O] [P] épouse [M] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [B] [M] et Mme [O] [P] épouse [M] à verser à Mme [X] [T] [D] épouse [L] la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/16909
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;19.16909 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award