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01/06/2023 | FRANCE | N°19/15124

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 juin 2023, 19/15124


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

PH

N° 2023/ 230













N° RG 19/15124 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6ET







[W] [V]

[P] [V]





C/



[O] [Y]



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES



SELAS CABINET DREVET







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de FREJUS en date du 14 Août 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 11-18-954.



APPELANTS



Monsieur [W] [V]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASS...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

PH

N° 2023/ 230

N° RG 19/15124 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6ET

[W] [V]

[P] [V]

C/

[O] [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES

SELAS CABINET DREVET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de FREJUS en date du 14 Août 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 11-18-954.

APPELANTS

Monsieur [W] [V]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Eric VINCENT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [P] [V] née [U]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Eric VINCENT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Madame [O] [Y]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023. Le délibéré a été prorogé au 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Les époux [V]/[U] sont propriétaires du lot n° 51 dénommé Villa Le Dauphin du lotissement Domaine des Sirènes situé [Adresse 2] à [Localité 4] (Var) ; ce lot confronte le lot n° 52 appartenant à Mme [O] [Y]. Un litige ancien oppose ces colotis quant à la hauteur de la haie plantée par cette dernière en limite de propriété ayant donné lieu à des échanges épistolaires et divers constats d'huissier.

Le 18 septembre 2018, les époux [V]/[U] ont finalement fait assigner Mme [O] [Y] devant le tribunal d'instance de Fréjus en élagage de la haie litigieuse et paiement de dommages-intérêts.

Mme [O] [Y] s'est opposée à la demande en se prévalant du cahier des charges du lotissement et d'un constat d'huissier postérieur du 20 novembre 2018 établissant que la haie avait été « entièrement rabattue ».

Considérant que les travaux d'élagage demandés avaient été réalisés, la juridiction d'instance selon jugement contradictoire du 14 août 2019 a :

'débouté les époux [V]/[U] de l'ensemble de leurs demandes ;

'condamné les mêmes à payer à Mme [O] [Y] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

'condamné les époux [V]/[U] aux dépens.

Ils ont régulièrement relevé appel de cette décision le 30 septembre 2019 et demandent à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 avril 2022 de:

vu les articles 671 et suivants du code civil,

vu les procès-verbaux de constat d'huissiers,

vu la jurisprudence,

'« constater » que l'élagage de la haie litigieuse est intervenu après la date de saisine du tribunal d'instance de Fréjus le 17 septembre 2018 ;

'« dire et juger » en tout état de cause que Mme [O] [Y] a violé les dispositions de l'article 671 précité sur une période a minima du 7 septembre 2011 au 27 avril 2018, date des procès-verbaux de constat, légitimant alors l'action des requérants et leur demande en paiement de dommages-intérêts ;

'infirmer par voie de conséquence le jugement déféré et statuant à nouveau ;

'condamner Mme [O] [Y] à payer aux époux [V]/[U] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts ;

' condamner Mme [O] [Y] au paiement d'une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la même aux dépens intégrant le coût des trois procès-verbaux de constat d' huissier.

Au soutien de leur appel, les époux [V]/[U] font valoir principalement qu'ils ont demandé par courrier du 20 juillet 1988 à leur voisine de tailler régulièrement les arbres plantés en limite de propriété, qu'ils ont réitéré en vain cette demande par courrier recommandé du 28 août 2017 et ont finalement été contraints d'agir en justice, qu'en laissant croître sans entretien régulier la haie de cyprès Mme [O] [Y] a méconnu à la fois les règles du lotissement et les dispositions de l'article 671 du code civil, que les constats successifs établissent une perte de vue mer, que l'intimée n'a réagi que postérieurement à l'assignation introductive d'instance et que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande en paiement de dommages-intérêts.

Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 2 mars 2020, Mme [O] [Y] demande à la cour de :

vu les articles 2, 5, 696 et 700 du code de procédure civile,

vu l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers,

'débouter purement et simplement les époux [V]/[U] de l'ensemble de leurs demandes;

'confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

'condamner les époux [V]/[U] à payer la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner solidairement les mêmes aux dépens.

Mme [O] [Y] soutient principalement qu'un litige ancien a opposé les parties sur la limite séparative de leurs propriétés respectives et sur la suppression d'empiétements ayant donné lieu à deux arrêts de cette cour en date des 2 octobre 2007 et 30 mai 2013, que c'est dans « un esprit de revanche et de vengeance » que les époux [V]/[U] ont saisi la juridiction d'instance, que la cour n'a pas à procéder à des constatations, qu'en lecture des règles du lotissement elle n'avait pas à respecter les dispositions de l'article 671 du code civil, que les constatations sur l'état de la haie par l'huissier instrumentaire sont purement subjectives et que le préjudice allégué n'est pas établi.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 31 janvier 2023.

MOTIFS de la DECISION

Sur la procédure :

En lecture de l'article 954 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur celles qui y sont énoncées.

Les demandes de « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas de telles prétentions mais des rappels de moyens qui ne saisissent pas la cour.

Au fond :

Il est certain qu'au jour de l'audience du tribunal d'instance, la demande d'élagage sous astreinte formée par les appelants était devenue sans objet dès lors que l'intimée y avait procédé ainsi qu'en atteste le dernier procès-verbal en date produit par les parties . Demeure la demande en paiement de dommages-intérêts, les époux [V]/[U] excipant d'un trouble de voisinage par l'occultation de la vue mer. Il n'a jamais été contesté par Mme [O] [Y] que la haie de cyprès implantée sur son fonds en limite divisoire est située à moins de 2 mètres de celle-ci, le débat étant circonscrit à sa hauteur. Or les trois constats réalisés successivement par les appelants en 2011, 2016 et 2018 attestent d'une hauteur excédant largement les 2 mètres prévus à l'article 671 du code civil puisqu'une hauteur de 4 mètres est constatée lors des procès-verbaux des 13 septembre 2016 et 27 avril 2018 ; la cour ajoute que les courriers des 20 juillet 1988 et 28 août 2017 demandant à Mme [O] [Y] de réduire la hauteur de la haie à 2 mètres ne sont pas critiqués.

C'est au moyen d'une très mauvaise lecture des règles du lotissement qu'elle prétend que le cahier des charges dérogerait à cette limite puisque son article 3 prévoit que les clôtures entre colotis sont réalisées par un treillis métallique d'une hauteur d'un mètre 50 « posé sur potelets fer scellés dans le sol » et qu'« une plantation de cyprès, pittosporum, troènes devra être effectuée en bordure des clôtures à seule fin de noyer celle-ci dans un rideau de verdure et ce dans un but bénéficiant à l'esthétique générale ». Or le constat précité de 2016 montre une haie excédant largement les 2 mètres comme il a été dit ci-dessus mais aussi particulièrement dégradée ainsi qu'en attestent les photographies très explicites figurant en annexe du constat ; elles corroborent les constatations prétendument « subjectives » de l'huissier instrumentaire car Mme [O] [Y] n'explique pas comment des arbres décharnés et desséchés dont seule subsiste la houppe participeraient à l'esthétique générale du lotissement.

C'est donc à bon droit que les appelants soutiennent que l'intimée a méconnu les règles du lotissement et les dispositions de l'article 671 précité. D'ailleurs convaincue de cette évidence, l'intimée a fait procéder à un élagage conforme à ces dispositions.

L'article 544 du code civil confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire mais leur usage ne peut s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l'anormalité qui s'apprécie en fonction des circonstances locales, de la destination normale et habituelle du fonds troublé, de la perception ou de la tolérance des personnes qui s'en plaignent, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut. Le dommage s'entend pour les personnes de toutes dégradations des conditions de vie et pour les biens de tous désordres affectant le fonds voisin. S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions des articles 1382 à 1384 anciens du code civil, aujourd'hui 1240 à 1242 lui sont inapplicables.

Les constats de 2011 et 2016 ne mentionnent aucune occultation ou réduction de vue mer au préjudice des appelants ; seul le dernier constat de 2018 relate une occultation partielle de celle-ci ; toutefois les photographies figurant en annexe du procès-verbal sous les numéros 8 et 9 n'établissent qu'une occultation très partielle puisque celles-ci ont été prises en coin de terrasse et qu'aucune constatation n'a été effectuée sur la vue offerte depuis l'ensemble de la terrasse. L'anormalité du trouble n'est donc pas établie, ce qui conduit au rejet de la demande en paiement de dommages-intérêts dès lors que les époux [V]/[U] n'invoque aucun autre chef de préjudice.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il est certain que les époux [V]/[U] ont multiplié les démarches amiables depuis 1988, soit depuis 30 ans au jour de l'assignation introductive d'instance, pour obtenir de Mme [O] [Y] l'entretien de végétaux lui incombant et auquel elle ne s'est résolue manifestement qu'après cette assignation au regard de la chronologie des constats produits. Ce faisant, elle a contraint les appelants aux peines et frais d'un procès inutile autorisant une application de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes sollicités.

Pour les mêmes motifs, Mme [O] [Y] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel étant précisé que les constats d'huissier établis à l'initiative d'une partie au titre de la preuve des faits qui lui incombe ne figurent pas au rang des frais taxables prévus à l'article 695 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

Déclare sans objet la demande des époux [V]/[U] en élagage sous astreinte ;

Déboute les mêmes de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour trouble de voisinage ;

Condamne Mme [O] [Y] à payer aux époux [V]/[U] la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la même aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/15124
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;19.15124 ?
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