COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/15573 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIKZZ
CARSAT DU SUD-EST
C/
[D] [P] épouse [C]
URSSAF DRRTI PACA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Jean-Marc SOCRATE
- Me Florence PIERONI
- URSSAF DRRTI PACA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Toulon en date du 08 Octobre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 21/1494.
APPELANTE
CARSAT DU SUD-EST, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-Marc SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Christian MULLER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame [D] [P] épouse [C], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Florence PIERONI, avocat au barreau de TOULON
URSSAF DRRTI PACA, demeurant [Adresse 1]
représenté par Mme [N] [O] en vertu d'un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 6 janvier 2016, Mme [D] [P] a sollicité l'attribution d'une pension de retraite auprès du régime général et du régime des artisans, ayant été affiliée à la caisse du régime social des indépendants, en qualité d'artisan du 1er octobre 2005 au 5 février 2008. Elle a sollicité une date d'effet au 1er juin 2008 pour la liquidation de ses droits au régime des artisans.
Le 3 août 2016, une notification de pension de retraite lui a été adressée avec une date d'effet au 1er juin 2016.
Le 16 novembre 2016, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable du régime social des indépendants, contestant le montant de ses droits à la retraite de base et complémentaire, ainsi que le nombre de trimestres pris en compte.
Par décision en date du 13 décembre 2016, la commission de recours amiable a rejeté son recours.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 février 2017, Mme [P] a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var.
Par jugement avant dire droit du 9 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulon a ordonné la réouverture des débats afin de mettre en cause l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et a ordonné à cette dernière de produire les relevés de compte détaillés des cotisations et les paiements pour les années 2005 à 2008.
Par jugement en date du 23 avril 2021, le tribunal judiciaire a ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent conclure sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de remboursement de l'indu présentée par Mme [P] et a ordonné à la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) de recalculer le montant de la pension de retraite de base et complémentaire de Mme [P] en prenant en compte les revenus fournis par l'URSSAF.
Par jugement en date 8 octobre 2021,le tribunal judiciaire de Toulon, a :
- déclaré irrecevable l'action en remboursement de Mme [P] à l'encontre de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur,
- dit que Mme [P] a validé un total de 9 trimestres au titre de son activité d'artisan sur la période allant de 2005 à 2008,
- dit que la retraite annuelle de base de Mme [P] s'élève à la somme de 1.380,46 euros annuels, soit 115 euros mensuels,
- a renvoyé Mme [P] devant la caisse d'assurance retraite et de santé au travail du Sud-Est pour la liquidation de ses droits,
- ordonné à la caisse d'assurance retraite et de santé au travail de procéder à un nouveau calcul de la pension de la retraite complémentaire en tenant compte des salaires soumis à cotisations tels que fournis par l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur,
- dit que la caisse d'assurance retraite et de santé au travail devra notifier à Mme [P] une nouvelle décision au titre de sa pension de retraite complémentaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement,
- condamné la caisse d'assurance retraite et de santé au travail à payer à l'assurée la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- et condamné la caisse d'assurance retraite et de santé au travail au paiement des dépens.
Par déclaration au greffe de la cour expédiée le 11 octobre 2021, la caisse d'assurance retraite et de santé au travail a interjeté appel.
A l'audience du 30 mars 2023, la caisse appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour même. Elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon du 8 octobre 2021,
- dire que Mme [P] n'a pas validé de trimestres pour 1'année 2005 au regard des cotisations encaissées sur le risque vieillesse,
- dire qu'elle a validé 5 trimestres de l'année 2005 à 2008,
- confirmer le montant de la pension de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme
[P],
- rejeter toutes autres demandes de Mme [P],
- condamner Mme [P] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la caisse rappelle les dispositions des articles R.351-1 1°, R.351-9 al.6, D.634-2 et R.634-1 du code de la sécurité sociale et calcule le revenu annuel moyen de base comme suit : 25 (nombre d'années prises en compte en fonction de l'année de naissance de 1'assurée née en 1954) x 5 (trimestres cotisés et validés) / 182 (nombre total de trimestres tous régimes) = 0.69, soit une année, et en retenant la meilleure année, soit 2006 pour Mme [P] avec un montant de revenu annuel moyen actualisé de10.647,75 euros. Elle détaille ensuite le calcul du montant de la retraite de base selon la formule suivante : RAM x Taux x ( nombre de trimestres activité artisan/ durée de référence), soit 10.647,75 x 0.5 x (5/ 165) = 161,33 euros annuel ou 13,45 euros par mois.
Elle explicite, en outre, le calcul de la pension de retraite complémentaire, sur le fondement de l'article L.351-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 9 février 2012 portant approbation du règlement du régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse des professions, artisanales industrielles et commerciales, en précisant que l'assurée a acquis 12 points cotisés en 2005, 73 points en 2006, 8 points en 2007 et 0 en 2008, et que la valeur mensuelle brute du point depuis le 1er juin 2016 est de 0,0938 euros, de sorte 9,13 euros bruts sont servis au titre de la pension de retraite complémentaire.
Elle ajoute que la retraite complémentaire ne saurait être recalculée sur la base de l'affectation de trimestres supplémentaires, dans la mesure où elle doit être calculée en fonction des cotisations versées et que selon elle, en 2005, 62,50 euros ont été encaissés pour le régime vieillesse de base ne permettant pas la validation d'une seul trimestre, qu'en 2006, les cotisations versées pour le régime vieillesse ont permis de valider 4 trimestres, qu'en 2007, il a été encaissé 275 euros pour le régime vieillesse de sorte qu'un trimestre a pu être validé et qu'en 2008, la somme de 28 euros encaissée pour le régime vieillesse n'a permis de valider aucun trimestre. Elle précise que d'autres réglements opérés par l'assurée ont été affectés à l'URSSAF pour le risque maladie, CSG/CRDS.
Elle fait valoir que le tribunal a confondu revenus déclarés par l'assuré et revenu moyen annuel permettant de calculer la pension de retraite et qui se calcule sur l'ensemble de la carrière de l'assurée. Elle indique encore que l'assurée n'étant pas à jour de ses cotisations vieillesse ne peut se voir octroyer des trimestres supplémentaires pour le calcul de sa retraite.
Mme [P] reprend les conclusions notifiées aux parties adverses par RPVA le 20 mars 2023. Elle demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les conclusions n°2 de l'URSSAF communiquées le 27 mars 2023, et ne retenir que ses conclusions déposées au greffe de la cour le 2 février 2023,
- débouter la CARSAT de l'ensemble de ses demandes,
- ordonner le calcul de ses droits à la retraite de base à l'appui des revenus déclarés, comme suit: 58.545x 0.5x 9 /165 = 1.596,68 euros annuels soit 133.05 euros /mois
- condamner la CARSAT à lui verser ses droits à la retraite de base annuels de 1.596,68 euros avec effet rétroactif à l'ouverture de ses droits,
- déclarer la demande en remboursement de l'indu recevable,
- condamner l'URSSAF au remboursement des sommes de 2.857,25 euros et 611,75 euros,
- subsidiairement, condamner l'URSSAF à lui restituer, les sommes indûment perçues de 5.267,25 euros et 611,75 euros avec intérêts de droit à compter du mois de janvier 2009 sous astreinte de 50 euros/par jour de retard à compter de la notification à intervenir,
- condamner la CARSAT à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- débouter l'URSSAF de sa demande comme ayant communiqué les éléments demandés par le tribunal et de sa demande en frais irrépétibles,
- condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner la CARSAT à lui verser la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi,
- condamner la CARSAT à lui verser la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- confirmer pour le surplus, le jugement entrepris.
- subsidiairement, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner les caisses à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner au paiement des entiers dépens d'appe1.
Au soutien de ses prétentions, à titre liminaire, elle considère que les conclusions de l'URSSAF communiquées deux jours avant l'audience de plaidoiries sont tardives et contraires au principe du contradictoire, de sorte qu'elles doivent être écartées des débats.
Elle se prévaut de l'autorité de la chose jugée des jugements rendus avant-dire droit de façon définitive les 9 décembre 2020 et 23 avril 2021, pour démontrer que la CARSAT lui oppose une résistance abusive, en refusant de re-calculer le montant de sa retraite, comme il lui a été demandé de le faire dans les jugements.
Elle considère en outre que le calcul de sa retraite est erroné dans la mesure où la CARSAT n'a pas pris pour base de calcul ses revenus déclarés.
Elle répond aux conclusions de l'URSSAF communiquées le 2 février 2023 en faisant valoir que l'organisme ne justifie pas de l'erreur qu'aurait commise les premiers juges en confondant revenu moyen annuel et revenu professionnel, qu'il ne justifie pas non plus qu'elle n'est pas à jour de ses cotisations et qu'il commet des erreurs de calcul, de sorte qu'elle entend ainsi démontrer qu'elle a réglé un montant de cotisations bien supérieur à celui retenu par l'organisme.
Elle précise que les premiers juges auraient dû prendre pour base de calcul, sa meilleure année en termes de revenus, l'année 2007, pour laquelle elle a déclaré avoir perçu 58.545 euros de revenus, plutôt que l'année 2006, pour laquelle elle a déclaré avoir perçu 50.617 euros.
Elle fait valoir que le calcul de sa retraite complémentaire reposant sur des versements de cotisations erronés, est faux. Elle se prévaut de son compte de résultat pour établir qu'elle a versé 9.950 euros de cotisations sociales du 1er avril 2005 au 30 septembre 2006 et 12.500 euros de cotisations sociales au 30 septembre 2007. Elle se prévaut des appels de cotisations du RSI et de l'URSSAF pour établir le règlement des cotisations de 2005 et faire valoir que les calculs de la commission de recours amiable ne sont pas cohérents. Enfin, elle se fonde sur un jugement du 5 avril 2018 par lequel la demande de l'URSSAF venant aux droits du RSI tendant au paiement de la régularisation 2008, était infondée, pour démontrer qu'elle est à jour de l'ensemble de ses cotisations.
Elle se fonde sur le courrier de saisine de la commission de recours amiable en date du 4 novembre 2016 pour faire valoir qu'elle faisait déjà valoir un trop perçu de cotisations par d'autres organismes que le RSI, et se prévaut de l'échange de conclusions pendant l'instance pour démontrer que l'affectation des versements opérés par elle est discutée, de sorte qu'il existe un lien suffisant en application de l'article 70 du code de procédure civile, pour demander la répétition de l'indu dans le cadre de son action en contestation du montant de sa retraite.
Enfin, elle considère que l'appel de la CARSAT est purement dilatoire dans le seul but de retarder l'application de ses droits, caractérisant la mauvaise foi et l'abus du droit d'agir de l'organisme de sécurité sociale, et justifiant l'allocation de dommages-intérêts pour son préjudice moral et matériel.
L'URSSAF reprend oralement les conclusions n°2 communiquées aux parties adverses le 27 mars 2023. Elle demande à la cour de :
- les déclarer recevables,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande en restitution de l'indu irrecevable, sur les fondements de l'inapplicabilité de l'article 70 du code de procédure civile et sur le fait qu'à compter du 1er janvier 2018, les disponibilités, capitaux propres, créances et dettes représentatives des droits et obligations directement afférents à la mise en oeuvre de l'assurance maladie, maternité, et assurance vieillesse de base des travailleurs indépendants, ont été transférés à la CARSAT,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande en restitution de l'indu irrecevable sur le fondement de la prescription de la demande,
- débouter l'intimée de sa demande en dommages et intérêts dirigée à son encontre,
- déclarer qu'elle a communiqué les éléments demandés par le tribunal, notamment les état des revenus pris en compte pour le calcul des cotisations recouvrées par les URSSAF pour la période d'affiliation de l'assurée,
- débouter Mme [P] de sa demande d'astreinte et de ses demandes de réparations pécuniaires,
- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,
- condamner Mme [P] au paiement des dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait d'abord valoir qu'elle a été mise en cause pour évoquer les paiements effectués par l'assurée et qu'en produisant le détail des paiements effectués par Mme [P] et affectés par elle-même, elle a déféré à toutes les demandes du tribunal.
Elle fait ensuite valoir que la demande en répétition de l'indu formée par Mme [P] ne figurait pas dans l'acte introductif d'instance qui a lié le tribunal et qui, par effet dévolutif, lie la cour. Elle précise, en se fondant sur la saisine du 4 novembre 2016, que le tribunal a été saisi de la contestation de la décision de la commission de recours amiable elle-même saisie d'une contestation portant sur le calcul de la pension de retraite. Elle ajoute que le lien entre le droit à pension de retraite et la demande de remboursement de l'indu n'est pas justifié. Subsidiairement, elle fait valoir que la demande en restitution de l'indu est de toute façon prescrite en vertu des dispositions de l'article L.243-6 du code de la sécurité sociale.
Subsidiairement, elle reprend en détail le calcul des cotisations de l'assurée intimée à partir de ses revenus d'activité qui sont :
- pour 2005 = 11.591 euros et 1.250 euros de charges sociales,
- pour 2006 = 50.617 euros et 1.250 euros de charges sociales,
- pour 2007 = 58.545 euros et 3.709 euros de charges sosicales,
- pour 2008 = néant.
Elle reprend en détail le montant des cotisations payées par l'assurée pour un montant global de 8.356,98 euros en indiquant qu'il ne couvre pas l'intégralité des cotisations dues en 2005 (213 euros), 2006 (2.620 euros) et 2007 ( 7.156 euros) et en faisant remarquer qu'il n'est pas justifié d'un versement permettant de revendiquer un droit qui ne peut découler que des cotisations versées.
Elle ajoute, pour répondre à la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [P] dans ses dernières conclusions, qu'elle ne justifie pas d'une faute de sa part, ni d'un préjudice qu'elle aurait subi en lien avec cette prétendue faute.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des conclusions communiquées le 27 mars 2023 par l'URSSAF
En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, ' Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.'
En l'espèce, l'URSSAF a communiqué ses conclusions n°2 le 27 mars 2023, soit deux jours avant l'audience de plaidoirie.
Si la mise en forme des conclusions n°2 est complètement revue par rapport aux conclusions précédemment communiquées le 2 février 2023, en revanche, les prétentions et moyens développés ne sont pas nouveaux à l'exception de la réponse faite à la demande de dommages et intérêts nouvellement formulée par Mme [P] dans ses dernières conclusions communiquées le 20 mars 2023, soit une semaine plus tôt.
Il convient de rappeler que la procédure en matière de sécurité sociale est orale et que les parties peuvent présenter leurs prétentions et moyens jusqu'à la clôture des débats à l'audience et que la partie qui a besoin de temps pour répliquer à des prétentions ou moyens nouveaux est end roit de demander le renvoi de l'affaire, ce que l'assurée intimée n'a pas fait.
Il s'en suit que les conclusions n°2 de l'URSSAF oralement reprises à l'audience ont été contradictoirement débattues et doivent donc être déclarées recevables.
Sur la recevabilité de la demande en répétition de l'indu formée par Mme [P]
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles R.142-1 et R.142-18, dans leur version applicable aux faits de l'espèce, que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être valablement saisi qu'après saisine préalable de la commission de recours amiable de la contestation d'une décision d'un organisme de sécurité sociale.
En l'espèce, comme l'ont pertinemment retenu les premiers juges, le tribunal a été saisi de la contestation de la décision de la commission de recours amiable de la caisse du régime social des indépendant, rendue le 13 décembre 2016 pour répondre à sa saisine par courrier de Mme [P] en date du 4 novembre 2016.
Or, la lecture de ce courrier permet de vérifier que celle-ci contestait deux notifications de retraites de base et complémentaire en date du 3 août 2016, estimant que le calcul était erroné eu égard au nombre de trimestres validés, au nombre de points de retraite et au revenu annuel moyen retenus par la caisse.
Il n'est aucunement fait mention d'une demande en répétition de l'indu, de sorte que cette demande, non fondée sur la contestation d'une décision d'un organisme de sécurité sociale, et non préalablement soumise à la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale, doit être déclarée irrecevable.
Le jugement sur ce point sera confirmé.
Sur la contestation du montant de la retraite de base
En vertu de l'ancien article L.634-4 du code de la sécurité sociale, la pension de retraite de base des travailleurs indépendants est calculée sur la base d'un revenu annuel moyen défini par décret en Conseil d'Etat.
L'article R.634-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale précise que : 'Le revenu annuel moyen mentionné à l'article L. 634-4 correspond à l'ensemble des cotisations permettant la validation d'au moins un trimestre d'assurance selon les règles définies par le sixième alinéa de l'article R. 351-9 et versées pendant la durée de la carrière au titre des régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales.'
En outre l'article R.351-9 susvisé prévoit que : 'Pour la période comprise entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 2013, il y a lieu de retenir autant de trimestres que le salaire annuel correspondant aux retenues subies par l'assuré sur sa rémunération représente de fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année considérée calculé sur la base de 200 heures, avec un maximum de quatre trimestres par année civile.'
Il résulte de ces dispositions que contrairement à ce qui est allégué par Mme [P] et qui a été, à tort, repris par les premiers juges, la pension de retraite des travailleurs indépendants est calculée sur la base d'un revenu annuel moyen, qui ne se confond pas avec les revenus professionnels déclarés par l'assuré, et qui se calcule en fonction des trimestres d'assurance vieillesse validés eux-même en fonction des cotisations versées au régime d'assurance vieillesse.
Il s'en suit que le calcul du montant de la retraite de base, proposée par les premiers juges, sur la base des revenus déclarés chaque année par l'assurée, plutôt que sur le revenu annuel moyen défini par les articles susvisés, est erroné.
Il ressort du calcul de la CARSAT que celle-ci a bien pris en compte les seules cotisations versées et affectées au régime d'assurance vieillesse pour les années 2005 à 2008, pour déterminer le nombre de trimestres d'assurance vieillesse, étant précisé qu'un trimestre n'est validé que si un minimum de 250 euros de cotisations est versé au régime d'assurance vieillesse.
Ainsi, elle a retenu que :
- en 2005, 62,50 euros ont été encaissés pour le régime vieillesse de base ne permettant pas la validation d'un seul trimestre,
- en 2006, les cotisations versées pour le régime vieillesse ont permis de valider 4 trimestres,
- en 2007, il a été encaissé 275 euros pour le régime vieillesse de sorte qu'un trimestre a pu être validé,
- et en 2008, la somme de 28 euros encaissée pour le régime vieillesse n'a permis de valider aucun trimestre.
Mme [P] ne justifie, ni n'invoque, avoir versé d'autres sommes au régime d'assurance vieillesse.
En effet, les documents dont elle se prévaut permettant de vérifier qu'elle a effectué d'autres paiement que ceux ci-dessus retenus, ne permettent pas pour autant d'établir que ces autres versements ont été affectés au régime d'assurance vieillesse.
Il s'en suit que le nombre de 5 trimestres d'assurance vieillesse validés retenus par la CARSAT n'est pas sérieusement contesté.
En outre, l'article R.634-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, prévoit que 'sous réserve des dispositions des articles R. 173-4-3 et R. 634-1-1, lorsque l'assuré aura accompli postérieurement au 31 décembre 1972 plus de vingt-cinq années d'assurance au titre des régimes dont il s'agit, il sera tenu compte des cotisations versées au cours des vingt-cinq années civiles dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'intéressé.'
L'article R.634-1-1 alinéa 1er suivant, précise que : 'Les durées de vingt-cinq années fixées au deuxième alinéa de l'article R. 634-1 sont applicables aux assurés nés après 1952, quelle que soit la date d'effet de leur pension.'
Il en résulte que pour Mme [P], née en 1954, le revenu annuel moyen est calculé en fonction des 25 années d'assurance au titre du régime d'assurance vieillesse et il est tenu compte des cotisations versées au cours de ces 25 années dont la prise en considération est la plus avantageuse.
Ainsi, c'est à bon droit que la CARSAT a calculé le revenu annuel moyen de l'assurée comme suit :
- d'abord en déterminant que la prise en considération des cotisations la plus avantageuse pour l'assurée sur les 25 années d'assurance au régime d'assurance vieillesse est d'une année comme suit : 25 (nombre d'années prises en compte en fonction de l'année de naissance de 1'assurée née en 1954) x 5 (trimestres cotisés et validés) / 182 (nombre total de trimestres tous régimes) = 0.69,
- puis en déterminant que l' année d'assurance au régime vieillesse 2006 est la plus avantageuse pour l'assurée avec un montant de revenu annuel moyen actualisé de10.647,75 euros compte tenu des calculs suivants :
année
revenus cotisés
coefficient
revenus actualisés
2005
379,94 €
1,134
0 €
2006
9.549,55 €
1,115
10.647,75 €
2007
1.654 €
1,096
1.812,78€
2008
0 €
1,084
0€
Il s'en suit que le calcul du montant de la retraite de base suivant la formule non discutée suivante :
revenu annuel moyen x taux x (nombre de trimestre activité artisan/ durée de référence), appliquée par la CARSAT comme suit, devra être retenu :
10.647,75 € x 0,5 x (5/ 165) = 161,33 euros annuel ou 13,45 euros par mois.
En conséquence Mme [P] sera déboutée de sa contestation du montant de sa retraite de base notifiée le 3 août 2016.
Sur la contestation du calcul de la retraite complémentaire
Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 9 février 2012 portant approbation du règlement du régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse des professions artisanales industrielles et commerciales : 'Il est ouvert à chaque assuré, conformément au premier alinéa de l'article D. 635-7 du code de la sécurité sociale, un compte de points au crédit duquel sont portés les droits acquis, année par année, par les cotisations versées par l'assuré.'
En l'espèce, compte tenu du montant des cotisations versées au régime d'assurance vieillesse retenues par la CARSAT et dont Mme [P] échoue, comme il a été vu plus haut dans l'arrêt, à démontrer qu'il est erroné, les points acquis pour la retraite complémentaire sont les suivants :
-12 points cotisés en 2005,
- 73 points en 2006,
- 8 points en 2007,
- 0 point en 2008,
- soit un total de 93 points.
Il n'est pas discuté par les parties que la valeur mensuelle brute du point depuis le 1er juin 2016 est de 0,0938 euros.
La multiplication du nombre de points acquis par la valeur mensuelle brute étant égale à (93 x 0.0938) 8,7234, le montant supérieur servi par la CARSAT à Mme [P], au titre de la retraite complémentaire, à hauteur de 9,13 euros, n'est pas sérieusement contesté.
En conséquence, Mme [P] sera également déboutée de sa contestation du montant de sa retraite complémentaire notifiée le 3 août 2016.
Sur les demandes en dommages et intérêts formées par l'assurée à l'encontre de la CARSAT et de l'URSSAF
Aux termes de l'article 1240 du Code civil : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
A défaut pour Mme [P] de justifier d'une quelconque faute de la part de la CARSAT dont le calcul du montant de la retraite est confirmé, elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts formée à son encontre.
De même, Mme [P] échoue à démontrer une faute de l'URSSAF qui a répondu à l'injonction des premiers juges en détaillant les cotisations versées par elle et en en précisant leur affectation aux différents régimes d'assurance, à partir desquelles les premiers juges ont souhaité que la CARSAT renouvelle le calcul des pensions de retraite, sera également déboutée de sa demande en dommages et intérêts formée à son encontre.
Sur les frais et dépens
Mme [P] succombant à l'instance sera condamnée à payer les dépens de l'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à l'URSSAF la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Déclare recevables les conclusions n°2 communiquées par l'URSSAF le 27 mars 2023,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en répétition de l'indu de Mme [P] et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre des deux caisses,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [P] de sa contestation du calcul des pensions de retraite de base et complémentaires notifiées par la CARSAT le 3 août 2016,
Condamne Mme [P] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,
Déboute Mme [P] de sa demande en frais irrépétibles,
Condamne Mme [P] au paiement des dépens de l'appel.
Le Greffier La Présidente