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25/05/2023 | FRANCE | N°19/19547

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 25 mai 2023, 19/19547


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2023

oa

N° 2023/ 216













Rôle N° RG 19/19547 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKYI







SA SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT R URAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR (SAFER)



C/



[N] [R]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES



SELARL D'AV

OCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 02 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05976.





APPELANTE



SA SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER ET D'ETABL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2023

oa

N° 2023/ 216

Rôle N° RG 19/19547 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKYI

SA SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT R URAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR (SAFER)

C/

[N] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 02 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05976.

APPELANTE

SA SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL PROVENCE ALPES CÔTE D'AZUR (SAFER), dont le siège social est [Adresse 11], prise en la personne de son Directeur Général Délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Justine DUVIEUBOURG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIME

Monsieur [N] [R]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023. Le délibéré à été prorogé au 25 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

[N] [R] est propriétaire d'un fonds situé à [Localité 7], cadastré [Adresse 9], section AI n°[Cadastre 2], n°[Cadastre 6] et n°[Cadastre 5] et section AV n°[Cadastre 1], contigu pour une partie aux parcelles cadastrées section AI n°[Cadastre 3] et n°[Cadastre 4] que la commune de [Localité 7] désirait lui vendre;

Par courrier en date du 26 avril 2016, la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur informait [N] [R] qu'elle exerçait son droit de préemption sur ces dernières parcelles;

Par exploit d'huissier en date du 19 octobre 2016, [N] [R] a fait assigner la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur devant le Tribunal de Grande Instance de NICE afin d'obtenir notamment, au visa des dispositions de l'article R 143-6 du Code rural, le prononcé de la nullité de la préemption, et la condamnation de la SAFER à lui payer une somme de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens;

Par jugement en date du 2 décembre 2019, le Tribunal de Grande Instance de NICE a, notamment, déclaré nulle la décision de préemption de la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur notifiée les 21 et 26 avril 2016 du fait de l'irrégularité de la notification de la décision et de l'insuffisance de motivation;

Par déclaration en date du 20 décembre 2019, la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur a relevé appel de cette décision;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur sollicite de :

Au visa de l'article 30-5 du décret du 4 janvier 1955,

Au visa des articles 123 et 126 du Code de Procédure Civile,

Au visa des articles L.143-1, L.143-2, L.143-3 et R.143-6 du Code Rural et de la Pêche Maritime,

Au visa de l'article 954 du Code de Procédure Civile,

Au visa du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de NICE le 2 décembre 2019,

Sur les fins de non-recevoir :

DEBOUTER Monsieur [R] de l'ensemble de ses écritures, fins et conclusions, dans la mesure où son action est irrecevable :

Faute de publication de l'assignation au service de la publicité foncière;

Faute de mise en cause en première instance du vendeur et de l'attributaire;

DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande concernant la prétendue tardiveté des demandes de la SAFER, ou de leur prétendu caractère dilatoire;

Sur le fond :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de NICE le 2 décembre 2019 en ce qu'il a :

Déclaré nulle la décision de préemption de la SAFER notifiée les 21 avril 2016 et 26 avril 2016, tirée de l'irrégularité de la notification de la décision notifiée le 26 avril 2016;

Déclaré nulle la décision de préemption de la SAFER notifiée les 21 avril 2016 et 26 avril 2016 pour défaut de motivation;

Condamné la SAFER à verser la somme de 1 500 € à Monsieur [R] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens;

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de NICE le 2 décembre 2019 en ce qu'il a :

Rejeté le moyen de nullité de la décision de préemption de la SAFER notifiée les 21 et 26 avril 2016 tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision;

Statuant à nouveau :

DECLARER que la notification de la décision de préemption est régulière;

DECLARER que la SAFER a satisfait aux exigences et conditions posées par l'article L.143-3 du Code Rural;

DECLARER que Monsieur [R] n'a pas respecté les dispositions de l'article 954 du Code de Procédure Civile;

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur [R] de sa demande de nullité de la décision de préemption;

CONDAMNER Monsieur [R] au paiement de la somme de 1 000 € à la SAFER pour avoir méconnu les dispositions de l'article 954 du Code de Procédure Civile;

CONDAMNER Monsieur [R] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens;

Elle indique que la demande de [N] [R] est irrecevable dès lors que son assignation n'a pas été publiée à la publicité foncière, indispensable dans la mesure où, si la procédure de préemption est annulée, cela entraînera la nullité de tous les actes subséquents, en ce compris les actes découlant de la rétrocession, alors que la publication de l'assignation en nullité de la vente ne régularise pas la présente procédure, distincte, et que la publication en cours d'instance de ses conclusions ne peut avoir pour effet de régulariser la procédure de première instance;

Elle soutient que la présente instance suppose la mise en cause de la venderesse initiale, la commune de [Localité 7], ainsi que l'attributaire des parcelles désirées, à qui elles ont été rétrocédées le 5 novembre 2018;

Elle souligne que les dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile quant à la présentation des moyens nouveaux n'ont pas été respectées, et que cela a engendré un préjudice pour elle, et ajoute que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause;

Elle précise que la décision de préemption a bien été prise par le représentant de la SAFER, et a bien été notifiée au notaire, comme l'exigent les dispositions légales, qui ne contraignent pas la SAFER à envoyer au candidat à l'achat une copie de la décision de préemption qui n'est notifiée qu'au seul notaire, ou de l'informer le même jour de cette décision, 15 jours lui étant donnés pour le faire;

Elle ajoute que sa décision était suffisamment motivée en faisant référence à une exploitation voisine pour justifier de son objectif de consolidation de cette exploitation, qu'elle ne pouvait pour autant nommer expressément sauf à entrainer la nullité de cet acte pour avoir anticiper la rétrocession, et précise que ces parcelles sont bien situées en zones agricole et forestière;

Elle termine en indiquant que son intervention a permis de promouvoir l'agriculture et de consolider une exploitation agricole existante, et entre ainsi parfaitement dans la mission de service public qui lui a été dévolue par le législateur.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, [N] [R] sollicite de :

Vu les dispositions du Code Rural et de la pêche maritime,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées au débat,

CONFIRMER le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le Tribunal de grande instance de NICE, en ce qu'il a :

DECLARE nulle la décision de préemption de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur (SAFER-PACA) notifiée les 21 avril 2016 et 26 avril 2016 tiré de l'irrégularité de la notification de la décision notifiée le 26 avril 2016;

DECLARE nulle la décision de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur (SAFER-PACA) notifiées les 21 avril 2016 et 26 avril 2016 pour défaut de motivation;

CONDAMNE la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur (SAFER-PACA) à verser la somme de 1.500,00 euros (mille cinq cents euros) à Monsieur [R] [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur (SAFER PACA) aux dépens distraits au profit de la SCP ROUILLOT GAMBINI;

REFORMER le jugement rendu le 2 décembre 2019 par le Tribunal de grande instance de NICE en ce qu'il a :

REJETTE le moyen de nullité de la décision de préemption de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur (SAFER PACA) notifiées les 21 avril 2016 et 26 avril 2016 tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte;

ET PRONONCER également l'annulation de ce chef;

En tout état de cause

REJETER toutes les contestations et demandes formulées par la SAFER;

CONDAMNER la SAFER à verser à Monsieur [R] un montant de 10.000,00 à titre de dommages-intérêts;

CONDAMNER la SAFER à payer à Monsieur [R] une somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC;

La CONDAMNER aux dépens distraits au profit de la SELARL ROUILLOT GAMBINI aux offres de droit;

Il indique que son assignation n'avait pas à être publiée puisque sa contestation ne porte pas sur la décision de rétrocession, objet d'une instance différente, mais sur la décision de préemption, qui, en elle-même, n'est pas une demande en nullité d'un acte de cession, et ajoute avoir publié ses conclusions dans le cadre de la présente instance pour régulariser cette éventuelle difficulté;

Il souligne que son action ne suppose pas la mise en cause du vendeur initial, qui n'a pas d'avis à donner, ou de l'attributaire, qui était inconnu à la préemption, et que les décisions venant au soutien de ce moyen sont critiquables en ce qu'elles rajoutent à la loi;

Il précise que la SAFER s'est sciemment abstenue de soulever les prétendues fins de non-recevoir en première instance, à des fins dilatoires;

Il ajoute que la personne ayant signé la décision de préemption n'en avait pas la compétence, que le courrier qui lui a été adressé le 26 avril 2016 ne contenait pas la décision de préemption elle-même, mais se contentait de l'informer de ce que cette décision avait été prise, que la décision de préemption était insuffisamment motivée en ce qu'elle ne faisait pas référence aux circonstances précises sur lesquelles elle était fondée, et quelles exploitations étaient susceptibles de bénéficier de la rétrocession, alors que l'exploitation concernée n'est pas limitrophe, et distante de 250 mètres des parcelles en cause, qui n'ont pas de vocation ou même d'intérêt agricole;

Il précise que la demande relative au formalisme de ses conclusions est déplacée et inutile, en tout cas moins répréhensible que le fait d'avoir attendu l'appel pour soulever des fins de non-recevoir ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023;

SUR CE:

Sur l'irrecevabilité de la demande pour défaut de publication à la publicité foncière:

Il résulte de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955 que sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles, notamment, les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ;

L'article 30 précise que les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4°, c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité;

La présente cause tend nécessairement à l'annulation d'une convention soumise à publicité puisque la confirmation de la décision entreprise aurait pour conséquence de remettre en cause la validité de l'acquisition par la SAFER du bien en cause le 19 décembre 2017 et la rétrocession par cette dernière de ce bien le 5 novembre 2018;

Cependant, il apparaît que les avant-dernières conclusions de [N] [R] datée du 21 janvier 2021 ont été publiées au service de la publicité foncière de [Localité 10] le 1er février 2021, ce dont il se déduit que cette irrecevabilité a été valablement régularisée;

En conséquence, par application de l'alinéa premier de l'article 126 du Code de procédure civile, suivant lequel lorsque la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité doit être écartée si sa cause a disparu au moment où il est statué, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de la demande de l'appelant;

Il importe peu sur ce point que cette régularisation ne soit intervenue qu'en appel, cette fin de non-recevoir n'ayant elle-même été soulevée que devant la Cour;

Sur l'irrecevabilité de la demande pour défaut de mise en cause des parties obligées:

L'article L.143-14 du Code rural et de la pêche maritime dispose que sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ainsi que les décisions de préemption s'il s'agit de la mise en cause du respect des objectifs définis à l'article L. 143-2 intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques;

Par application, la recevabilité de l'action en annulation de la décision de préemption n'est pas subordonnée à la mise en cause d'autres parties que celles obligées par l'acte faisant l'objet de la contestation, à l'exception par exemple du vendeur initial, du preneur à bail rural sur le fonds objet de la rétrocession, ou du préteur;

Ainsi, il ne peut être exigé de l'acquéreur évincé de mettre en cause le vendeur initial ou le rétrocessionnaire, sauf à ajouter à la loi, son action étant valablement engagée à l'égard de la seule SAFER dont il conteste la préemption, quelles que soient les conséquences du succès éventuel de son action quant à la validité de l'acte de vente initial et de l'acte de rétrocession;

La demande à ce titre sera donc également rejetée;

Compte tenu de cet ensemble, il apparaît que la demande d'annulation de la décision de préemption de [N] [R] se trouve recevable;

Sur la validité de la décision de préemption :

L'alinéa premier de l'article R 143-6 du Code rural et de la pêche maritime dispose que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d'instrumenter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil sa décision signée par le président de son conseil d'administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet; la décision de préemption indique l'identification cadastrale des biens concernés et leur prix d'acquisition; elle précise en outre en quoi la préemption répond à l'un ou à plusieurs des objectifs prévus par les dispositions de l'article L. 143-2;

L'alinéa suivant ajoute que cette décision ainsi motivée est notifiée également à l'acquéreur évincé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire;

Il se déduit de ceci que ce texte exige de la décision de préemption le respect d'un certain formalisme, dont celui relatif à la qualité de son signataire, à sa motivation, et à sa notification ;

Sur la qualité du signataire de la décision de préemption, la lettre informant le notaire de la décision de préemption le 21 avril 2016 et la lettre en informant l'acquéreur évincé le 26 suivant mentionnent sous la signature apposée sur celles-ci le nom de [H] [I] indiqué comme directeur général délégué, et le tampon de [U] [C], indiqué comme directeur général délégué adjoint;

Il y a lieu d'en déduire à l'instar de l'appelante et du premier juge que ces courriers ont bien été signés par [U] [C], qui y a apposé son tampon;

Il ressort du procès-verbal du conseil d'administration de la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur en date du 18 juin 2013 qu'a été élu président du conseil d'administration et directeur général [F] [Z], qu'a alors été confirmée la délégation précédemment donnée à [H] [I], et qu'il lui a été délégué, avec faculté de subdélégation, « les pouvoirs nécessaires pour instruire, décider et mettre en 'uvre, avec accord des commissaires du gouvernement, l'exercice du droit de préemption »;

Il résulte par ailleurs de la délégation de pouvoirs en date du 4 janvier 2010, que [H] [I], en qualité de directeur général délégué, a délégué à [U] [C], son adjoint, les pouvoirs de décider et mettre en 'uvre l'exercice du droit de préemption;

Il apparaît par ailleurs que cette dernière délégation a été confirmée par le conseil d'administration en date du 4 février 2010;

Aucun document ne permet de déduire que ces délégations en ce qu'elles ont confié les pouvoirs nécessaires afin d'exercer le droit de préemption de la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur à [H] [I] et à [U] [C] ne seraient pas ou plus valables, et rien n'établit qu'il serait impossible de déléguer le droit en cause à plusieurs personnes;

Par conséquent, il apparaît tant [H] [I] que [U] [C] se trouvaient compétents pour exercer le droit de préemption en cause, de sorte que ce dernier pouvait parfaitement signer les courriers dont s'agit;

Le jugement sera donc confirmé sur ce point;

Sur la motivation de la décision de préemption, les deux courriers suscités sont motivés de la même manière, par référence:

Aux dispositions de l'article L143-2 du Code suscité, lorsqu'elles indiquent que l'exercice du droit de préemption a notamment pour objectif la consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l'article L. 331-2,

Au zonage des terres en cause,

A l'intérêt de garantir le maintien de la vocation agricole de ces parcelles,

A la consolidation d'une exploitation agricole voisine;

Si la référence au texte même de la loi pourrait apparaître insuffisante afin de justifier l'exercice du droit en cause, il apparaît que le fait pour la SAFER de se référer au zonage des terres en cause, au maintien de leur vocation agricole, et à la consolidation d'une exploitation voisine suffit à caractériser l'existence d'une motivation claire, précise et concrète justifiant l'exercice de son droit de préemption;

Au demeurant, c'est effectivement cette exploitation voisine qui s'est vue attribuer ces terres, signe de la pertinence et de la continuité de cette motivation;

Il est ici sans incidence que cette exploitation ne soit pas contiguë aux parcelles en cause, rien n'interdisant d'exploiter des parcelles qui ne sont pas d'un seul tenant, ni qu'elles n'aient pas été affectées précédemment à un usage agricole, cela n'empêchant pas que celui-ci puisse s'y exercer en conformité avec le zonage, l'intimé indiquant lui-même vouloir que sa fille y exploite des animaux;

Cela justifie le réformation du jugement en ce qu'il a annulé la décision de préemption pour ce motif;

Sur la notification de la décision de préemption, le texte indique que la décision de préemption, dument motivée et signée, est notifiée au notaire instrumentaire, et, dans un délai de 15 jours à l'acquéreur évincé;

En prescrivant cette formalité, le texte suppose soit l'existence d'une décision de préemption unique et individualisée, qui ne peut se confondre avec ses notifications, soit une décision de préemption prenant la forme d'une notification de préemption adressée au notaire, ensuite adressée à l'acquéreur;

Dans les deux cas et quelle que soit l'interprétation retenue, la décision de préemption apparaît bien comme une seule et même décision, sauf à créer une confusion et à entretenir une ambiguïté quant à la détermination nécessairement précise de la décision manifestant l'exercice du droit de préemption sur le bien en cause, son contenu, et sa date;

En l'espèce, la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur soutient que les deux courriers suscités sont autant de notifications de la décision de préemption;

Or, tel n'est pas le cas car ces deux courriers ne font référence à aucune autre décision que celle qu'ils contiennent, et apparaissent ainsi non comme une notification de la décision de préemption ' jamais jointe ' mais comme deux décisions de préemption, ce qui apparaît contraire au texte applicable, et constitutif d'une violation des conditions de notification de la décision de préemption, puisque cette pratique entraine une indétermination de la décision génératrice de la préemption dont il est impossible de connaître s'il s'agit de la décision du 21 avril 2016 ou de celle du 26 suivant;

S'agissant de dispositions prescrites à peine de nullité par l'article L143-5 du Code rural sans qu'il soit besoin de justifier d'un grief, la décision de préemption doit en conséquence être annulée de ce chef, et le jugement entrepris confirmé sur ce point;

Sur les demandes accessoires:

Il n'apparait pas que le fait que l'intimé n'ait pas respecté les dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile dans ses précédentes écritures ait été à l'origine d'un préjudice, ni que le fait pour la SAFER Provence Alpes Côte d'Azur de soulever en appel les fins de non-recevoir évoquées ci-dessus soit la manifestation d'une intention dilatoire, celle-ci se trouvant légitime à défendre sa position en utilisant les voies de droit que la loi lui offre, au rang desquelles figurent lesdits moyens, qui peuvent être soulevés en tout état de cause;

La SAFER Provence Alpes Côte d'Azur, qui succombe, supportera les dépens d'appel;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'elle soit condamnée à payer à [N] [R] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré nulle la décision de préemption de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur notifiées les 21 et 26 avril 2016 pour défaut de motivation;

Y AJOUTANT:

DIT les demandes de [N] [R] recevables;

REJETTE la demande de la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur tendant à obtenir l'allocation de dommages et intérêts;

REJETTE la demande reconventionnelle de [N] [R] tendant à obtenir l'allocation de dommages et intérêts;

CONDAMNE la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur à payer à [N] [R] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Provence Alpes Côte d'Azur aux dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL ROUILLOT GAMBINI ;

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/19547
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;19.19547 ?
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