COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
OA
N° 2023/ 204
N° RG 19/18300 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFHPH
Société [Adresse 5]
C/
[E] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Capucine VAN ROBAYS
SELARL RACINE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de Marseille en date du 06 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 11-18-4686.
APPELANT
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5], sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, la société DURAND IMMOBILIER, SARL, dont le siège social est [Adresse 1], représentée par son Gérant en exercice, domicilié ès qualités audit siège
représenté par Me Capucine VAN ROBAYS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIME
Monsieur [E] [D]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Armelle BOUTY de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023
Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] et M. [E] [D] sont propriétaires à [Localité 4] de parcelles contiguës ; un différend les oppose quant à la hauteur de la haie séparative. Selon assignation en date du 12 décembre 2018, le syndicat des copropriétaires l'a fait assigner devant le tribunal d'instance de Marseille en réduction sous astreinte des arbres et arbustes ainsi qu'en élagage des branches surplombant la copropriété.
M. [E] [D] s'est opposé à la demande en se prévalant d'un procès-verbal de constat du 14 décembre 2018 attestant de la taille des branches en surplomb, de l'absence de preuve d'un trouble anormal de voisinage et des usages locaux.
Retenant le caractère supplétif de l'article 671 du code civil et l'existence d'usages locaux, la juridiction d'instance a par jugement contradictoire du 12 septembre 2019 :
'débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;
'débouté M. [E] [D] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;
'condamné le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamné le même aux dépens.
Le syndicat des copropriétaires les Capucines a régulièrement relevé appel de cette décision le 2 décembre 2019 et demande à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2023 de:
vu les articles 544, 671 et suivants du code civil,
vu les articles 15, 16, 798, 802, 803 et 907 du code de procédure civile,
vu les règlements locaux dans le département des Bouches-du-Rhône,
vu les pièces versées aux débats,
'écarter des débats la pièce n° 12 transmise par M. [E] [D] le 14 mars 2023 ;
'infirmer le jugement déféré ;
'« juger » que M. [E] [D] devra maintenir de façon permanente la taille des arbres et arbustes tant en hauteur qu'en largeur afin que les prescriptions légales édictées par les articles 671 et suivants du code civil et les usages locaux soient respectés et à défaut sous astreinte qui commencera à courir dans le délai d'un mois à compter de la constatation de l'infraction faite aux présentes dispositions et au-delà sous astreinte de 100 € par jour de retard et par infraction constatée ;
'par voie de conséquence l'y condamner ;
'débouter M. [E] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
'le condamner au paiement d'une indemnité de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner le même aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son recours, le syndicat des copropriétaires fait valoir principalement que M. [E] [D] a communiqué tardivement en 2023 une facture qu'il détient depuis 2020, qu'à de nombreuses reprises il lui a rappelé que sa haie limitrophe privait des copropriétaires d'ensoleillement, que la réglementation locale n'interdit pas la taille des arbres nuisant au voisinage et qu'il est acquis que l'intimé ne procède pas à son élagage régulier.
Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 14 mars 2023, M. [E] [D] demande à la cour de :
vu les articles 671 à 673 du code civil,
vu l'article 784 du code de procédure civile,
vu le recueil des usages et règlements locaux dans les départements des Bouches-du-Rhône,
vu l'article 2270-1 ancien du code civil,
vu l'article 1240 du code civil,
'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture intervenue le 7 mars 2023 ;
'confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il rejette la demande en paiement de dommages-intérêts ;
'en conséquence, débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;
'le condamner à payer à M. [E] [D] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
'le condamner à payer la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamner le syndicat aux dépens.
M. [E] [D] soutient principalement qu'il entretient régulièrement la haie litigieuse, que le syndicat se prévaut à la fois des articles 671 et suivants du code civil et de la théorie des troubles anormaux de voisinage, que le règlement local ne prévoit aucune distance quant à la plantation des arbres, que l'action du syndicat est prescrite en ce qui concerne ces troubles, qu'au demeurant la perte d'ensoleillement n'est pas établie, que les arbres litigieux préexistaient à l'installation des copropriétaires et que les demandes incessantes et injustifiées du syndicat sont source d'un préjudice moral.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 7 mars 2023.
MOTIFS de la DECISION
Sur la procédure :
Les parties ont toutes deux grandement méconnu les exigences des articles 15 et 802 du code de procédure civile puisque le syndicat a notifié des conclusions récapitulatives n°3 le jour même de la clôture interdisant nécessairement à M. [E] [D] d'y répliquer en temps utile ; ses écritures en réplique du 14 mars 2023 doivent être admises en application de l'article 16 du même code ainsi que celles du syndicat en date du 16 mars 2023 pour des motifs identiques ; enfin il n'y a pas lieu d'écarter la facture de l'entrepreneur d'élagage [P] [F] en date du 24 janvier 2020 complétant son attestation du 25 mai 2020 (cf pièce n° 10 du dossier [E] [D]).
Au fond :
Au regard des différents constats d'huissiers produits par les parties, il est acquis que l'intimé fait procéder à des élagages de la haie litigieuse ; le syndicat n'en disconvient pas mais objecte d'un entretien irrégulier contredit cependant par l'attestation précitée de l'élagageur [P] [F] ; en effet, ce dernier indique baisser la hauteur de la haie d'année en année faute de pouvoir procéder à un rabat plus radical qui ne laisserait subsister que des troncs disgracieux sans vie et qui ne protégeraient plus la vue des uns vers les autres.
Il est tout aussi constant que l'article 671 du code civil ne régit le recul des plantations limitrophes qu'à défaut d'usages locaux ; or le premier juge a exactement considéré en lecture de ces usages ayant force de loi qu'aucune distance n'est prescrite quant aux arbres plantés dans les cours et jardins de la ville de [Localité 4], que des arbres peuvent être plantés contre le mur séparatif qu'il soit ou non mitoyen et que leur suppression ne peut être ordonnée que s'ils « deviennent nuisibles ».
La copropriété prétend que tel est le cas au regard des attestations de copropriétaires se plaignant d'une perte d'ensoleillement et du procès-verbal de constat de l'huissier [R] [G] en date du 28 décembre 2022 ; elles sont toutefois contredites par le procès-verbal postérieur effectué le 11 janvier 2023 par l'huissier [K] [Z] mentionnant que « les villas voisines reçoivent le soleil sans que la haie n'ait aucune incidence » et établissant par ailleurs d'une taille très régulière et rectiligne de la haie.
Le syndicat demeure aussi taisant sur son ancienneté et en tout cas ne conteste en rien sa préexistence à la construction de la résidence ni le décaissement du sol opéré par le promoteur ayant eu pour effet de créer un surplomb du fonds [D] dont la configuration n'a par contre pas été modifiée.
La preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est donc pas établie.
Le tribunal a rejeté, faute de pièces, la demande indemnitaire de M. [E] [D] au titre d'un préjudice moral qui serait issu des demandes incessantes du syndicat ; force est de constater qu'aucun élément n'est produit en appel ce qui conduit nécessairement à la confirmation de ce chef de jugement.
***
Aucune circonstance économique ou d'équité ne contrevient à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires qui succombe est condamné aux dépens d'appel en application de l'article 696 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Reçoit les conclusions et pièce notifiées postérieurement à la clôture ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5] à payer à M. [E] [D] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Condamne le même aux dépens d'appel.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ