La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°18/18627

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 25 mai 2023, 18/18627


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT MIXTE

DU 25 MAI 2023

ph

N°2023/ 208





Rôle N° RG 18/18627 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMTH



[T] [O] épouse [E]

[C] [F] [A] [E]

Société [Adresse 15]

SNC STACCATO ETG HANDELSBOLAG



C/



SELARL [U] [I]

Commune COMMUNE DE [Localité 18]

SA LE LOGIS FAMILIAL VAROIS

S.A. AXA FRANCE IARD

SAS [Adresse 12] TERRASSEMENT







Copie exécutoire délivrée le :

à :>


SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE



SELAS ROBIN LAWYERS



SCP IMAVOCATS



SCP ROBERT & FAIN-ROBERT



SELARL BOULAN-CHERFILS

-IMPERATORE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT MIXTE

DU 25 MAI 2023

ph

N°2023/ 208

Rôle N° RG 18/18627 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDMTH

[T] [O] épouse [E]

[C] [F] [A] [E]

Société [Adresse 15]

SNC STACCATO ETG HANDELSBOLAG

C/

SELARL [U] [I]

Commune COMMUNE DE [Localité 18]

SA LE LOGIS FAMILIAL VAROIS

S.A. AXA FRANCE IARD

SAS [Adresse 12] TERRASSEMENT

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE

SELAS ROBIN LAWYERS

SCP IMAVOCATS

SCP ROBERT & FAIN-ROBERT

SELARL BOULAN-CHERFILS

-IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 15 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03237.

APPELANTS

Madame [T] [O] épouse [E]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Lionel ALVAREZ de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Monsieur [C] [F] [A] [E]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Lionel ALVAREZ de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 15], sis à [Localité 18]), pris en la personne de son syndic en exercice, la SARL GMJ, ayant son siège social sis [Adresse 1], représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Me Lionel ALVAREZ de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Société STACCATO ETG HANDELSBOLAG, dont le siège social est sis [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Lionel ALVAREZ de la SELARL ALVAREZ-ARLABOSSE, avocat au barreau de TOULON , plaidant

INTIMES

SELARL [U] [I], prise en la personne de Me [U] désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce du 14/06/2021, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [Adresse 12] TERRASSEMENT ENVIRONNEMENT, demeurant [Adresse 2]

Assignée en intervention forcé par assignation du 02/03/2022 remise à personne habilitée portant signification de la déclaration d'appel et des conclusions

défaillant

COMMUNE DE [Localité 18], prise en la personne de son Maire, demeurant [Adresse 13] / FRANCE

représentée par Me Anaïs GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SA LE LOGIS FAMILIAL VAROIS, prise en la personne de son représentant légal demeurant de droit audit siège social, [Adresse 11]

représentée par Me Sophie MARCHESE de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON

S.A. AXA FRANCE IARD Société anonyme, dont le siège social est [Adresse 16], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SAS [Adresse 12] TERRASSEMENT dont le siège social est [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean Baptiste TAILLAN de la SELARL LLC & ASSOCIES - BUREAU DE LA VALETTE DU VAR, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller et Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé , chargés du rapport.

Madame Patricia HOARAU, Conseiller, faisant fonction de président de chambre a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

La société Le logis familial varois a acquis de la commune de [Localité 18] la propriété des parcelles cadastrées section AT [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] sises à l'angle des [Adresse 17] et [Adresse 14] à [Localité 18], en vue de la construction de logements sociaux après démolition des ouvrages existants.

M. [J] [S] désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé construction à titre préventif du 14 mars 2012, a déposé deux rapports de constatation, le premier avant la démolition par la commune, le second avant le début des opérations de construction par la société Le logis familial varois.

Les travaux ont débuté le 17 novembre 2012 et le chantier a été arrêté le 20 mars 2013 en raison de l'apparition d'un phénomène de fissurations des immeubles avoisinants.

La société Le logis familial varois a obtenu par ordonnance de référé du 22 mai 2013 la désignation de M. [S] comme expert aux fins de constater et décrire les désordres apparus sur les bâtiments situés à proximité du chantier, d'en donner la cause, les moyens d'y remédier et de chiffrer le coût de la remise en état.

Les opérations d'expertise ont été étendues notamment :

- au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé L'[Adresse 15] sis [Adresse 10] et [Adresse 3], propriétaire de la parcelle cadastrée AT [Cadastre 8],

- à M. [C] [A] [E] et Mme [T] [O] épouse [E], propriétaires des lots n° 01 à 05 de la copropriété (cinq locaux au sous-sol), n°10 et 11 (deux appartements situés au premier étage),

- à la SNC Staccato etg Handelsbolag, propriétaire du lot n° 06 de la copropriété (studio au rez-de-chaussée) et n° 09 (débarras sous l'escalier),

- à la société [Adresse 12] terrassement environnement titulaire du lot travaux de démolition déconstruction des bâtiments îlot Ferry du marché public de travaux consenti par la commune de [Localité 18].

L'expert M. [S] a déposé son rapport le 19 novembre 2015.

Par exploits d'huissier des 7 et 11 mars 2016, M. et Mme [E], le syndicat des copropriétaires L'[Adresse 15], la société Staccato etg Handelsbolag ont fait assigner la société Le logis familial varois, la commune de [Localité 18] et la société [Adresse 12] terrassement environnement devant le tribunal de grande instance de Draguignan. La société Le logis familial varois a appelé en cause la société Axa France iard, son assureur.

Par jugement du 15 novembre 2018 après jugement avant dire droit du 12 avril 2018, le tribunal de grande instance de Draguignan a statué ainsi :

« - déboute Madame [T] [O] épouse [E], Monsieur [C] [E], le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 15] et la société STACCATO ETG HANDELSBOLAG de l'ensemble de leurs demandes,

- condamne Madame [T] [O] épouse [E], Monsieur [C] [E], le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 15] et la société STACCATO ETG HANDELSBOLAG à payer à la SA D'HABITATION A LOYER MODERE DU VAR LE LOGIS FAMILIAL VAROIS et à la société [Adresse 12] TERRASSEMENT la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Madame [T] [O] épouse [E], Monsieur [C] [E], le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 15] et la société STACCATO ETG HANDELSBOLAG aux entiers dépens. »

Le tribunal a considéré :

- qu'en dépit du jugement avant dire droit, ni les époux [E], ni la société Staccato n'ont listé les désordres affectant les lots dont ils sont propriétaires, et aucun des demandeurs n'a précisé les travaux affectant les parties privatives et ceux affectant les parties communes et fixé pour chacun leur coût,

- que l'expert a chiffré à un total de 96 264,06 euros le coût total des travaux pour « la parcelle [Cadastre 8]-[E] », mais il est impossible de ventiler cette somme entre les demandeurs qui n'ont pas indiqué quels travaux affectaient chacun des lots et les parties communes.

Par déclaration du 27 novembre 2018, M. et Mme [E], le syndicat des copropriétaires et la SNC Staccato ont interjeté appel de ce jugement en intimant la commune de [Localité 18], la SA Le logis familial varois, la SA Axa France iard et la SA [Adresse 12] terrassement.

Par arrêt avant dire droit du 28 octobre 2021, la cour a, au constat du placement en liquidation judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement, ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à la mise en état.

Par assignation en intervention forcée délivrée le 2 mars 2022, les appelants ont fait citer la SELARL [U] [I] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [Adresse 12] terrassement environnement, nommée par jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 14 juin 2021.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA les 30 mars 2020 et 26 août 2020, M. et Mme [E], le syndicat des copropriétaires et la SNC Staccato demandent à la cour :

Vu les articles 1382 et 1384 du code civil devenus 1240 du code civil et 1242 du code civil,

Vu la théorie des troubles anormaux de voisinage,

- dire et juger recevable et bien fondé leur appel,

- de débouter la commune de [Localité 18] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,

- de débouter la société Le logis familial varois de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement rendu par tribunal de grande instance de Draguignan du 15 novembre 2018 et voir statuer comme suit :

- de dire et juger leurs demandes recevables et bien fondées,

- de condamner in solidum la commune de [Localité 18], la société Le logis familial varois, la société [Adresse 12] terrassement environnement à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15] :

- la somme de 80 459,11 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2016 jour de la demande avec application de l'article 1154 du code civil correspondant au coût de reprise des travaux affectant les parties communes chiffrés par l'expert,

- la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner in solidum la commune de [Localité 18], la société Le logis familial varois, la société [Adresse 12] terrassement environnement à payer à M. et Mme [E] et à la société Staccato :

- la somme de 15 813, 95 euros (8 914,95 euros + 6 899 euros) avec intérêt au taux légal à compter de la demande soit le 11 mars 2016 et application de l'article 1154 du code civil au titre des travaux de reprise des parties privatives dégradées,

- la somme de 20 700 euros arrêtée au mois de septembre 2018 à titre de dommages et intérêts au profit de M. et Mme [E] et de la société Staccato outre une somme de 300 euros par mois à compter d'octobre 2018 jusqu'à la complète exécution des travaux,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- de condamner in solidum la commune de [Localité 18], la société Le logis familial varois, la société [Adresse 12] terrassement environnement à payer à M. et Mme [E] et à la société Staccato la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- de condamner in solidum la commune de [Localité 18], la société Le logis familial varois, la société [Adresse 12] terrassement environnement à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15] la somme 4 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.

En dernier lieu, par assignation en intervention forcée, à personne habilitée :

- d'ordonner la jonction de l'assignation avec la procédure pendante devant la chambre 1-5 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence sous le n° 18/18627,

- de déclarer la procédure opposable à la SELARL [U] [I] prise en la personne de Me [U] désigné ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement suivant jugement du 14 juin 2021 rendu par le tribunal de commerce de Fréjus,

- de fixer au passif de la société [Adresse 12] terrassement environnement :

- Au profit du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15] :

- la somme de 80 459,11 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2016 jour de la demande avec application de l'article 1154 du code civil correspondant au coût de reprise des travaux affectant les parties communes chiffré par l'expert,

- la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Au profit de M. et Mme [E] et de la société Staccato :

- la somme de 15 813, 95 euros (8 914,95 euros + 6 899 euros) avec intérêt au taux légal à compter de la demande soit le 11 mars 2016 et application de l'article 1154 du code civil au titre des travaux de reprise des parties privatives dégradées,

- la somme de 20 700 euros arrêtée au mois de septembre 2018 à titre de dommages et intérêts au profit de M. et Mme [E] et de la société Staccato outre une somme de 300 euros par mois à compter d'octobre 2018 jusqu'à la complète exécution des travaux,

- la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de juger que les dépens seront fixés en frais privilégiés au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement.

M. et Mme [E], le syndicat des copropriétaires et la SNC Staccato font valoir en substance :

- que M. et Mme [E] justifient, par les pièces versées aux débats, être propriétaires des lots 1-2-3-4-5 de la copropriété L'[Adresse 15], ainsi que des lots 10 et 11 situés au premier étage, que le lot 6 (studio) et le lot 9 (débarras) appartiennent à la société Staccato dont M. [E] est le représentant légal et sont situés au rez-de-chaussée, que c'est à tort que le premier juge s'est arrêté à la dénomination donnée par l'expert,

- qu'en outre le premier juge a considéré à tort que ni M. et Mme [E], ni la société Staccato n'ont listé les désordres affectant les lots dont ils sont propriétaires, alors qu'ils ont ventilé la somme retenue par l'expert entre ce qui relève des parties communes et des parties privatives,

- que par ailleurs, M. et Mme [E] ont subi un préjudice de jouissance évalué par l'expert, à indemniser jusqu'à la complète réalisation des travaux requis,

- que le premier juge a manqué à son obligation de motivation en déboutant le syndicat des copropriétaires L'[Adresse 15] alors que les désordres affectent les parties communes de l'immeuble,

- que l'expert qui a relevé l'absence de butonnage mis en place durant la réalisation des travaux de démolition, a estimé que l'origine des désordres était liée aux travaux de déconstruction mais aussi de construction,

- qu'ils recherchent la responsabilité de la commune de [Localité 18] en qualité de maître d'ouvrage au moment des opérations de démolition confiées à la société [Adresse 12] terrassement environnement, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage,

- que la responsabilité de la commune de [Localité 18] est également recherchée en sa qualité de maître d''uvre sur le fondement de l'article 1382 du code civil, et sur le fondement de l'article 1384 du code civil,

- que l'expert [S] a précisé que la poursuite des travaux de construction sans s'occuper de stabiliser et de bloquer à nouveau la façade Nord avait aggravé considérablement la partie de l'immeuble L'[Adresse 15], que la responsabilité de la nouvelle construction dans la survenance des dommages est ainsi incontestable, que la société Le logis familial varois engage sa responsabilité en sa qualité de maître d'ouvrage, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage,

- qu'ils sont fondés à appeler en cause le liquidateur de la société [Adresse 12] terrassement environnement et à solliciter la jonction avec la procédure 18/18627.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 16 septembre 2020, la commune de [Localité 18] demande à la cour :

Vu l'article 1382 du code civil,

A titre principal,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan du 15 novembre 2018,

- de dire et juger qu'il n'y a pas de lien causal entre l'absence du respect de la préconisation technique du butonnage et les désordres apparus postérieurement aux travaux de démolition dans le logement de M. et Mme [E] et de la société Staccato,

- de débouter M. et Mme [E] et la société Staccato de l'ensemble de leurs demandes,

- de dire et juger que les demandes du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15] sont irrecevables et infondées,

- de débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que la base de calcul de l'indemnisation des préjudices de M. et Mme [E] et de la société Staccato sera sur la somme de 89 365,06 euros,

En conséquence,

- de déterminer par une faible proportion sa responsabilité en sa qualité de maître d''uvre ayant causé les préjudices subis par M. et Mme [E] et la société Staccato, du fait de la démolition des bâtiments situés sur les parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 5], AT n°[Cadastre 6] et AT n°[Cadastre 7],

- de condamner la société Le logis familial varois, la société [Adresse 12] terrassement environnement, et elle-même, eu égard à leur responsabilité, par une proportion, à la prise en charge des préjudices subis par M. et Mme [E] et la société Staccato, du fait de la démolition des bâtiments situés sur les parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 5], AT n°[Cadastre 6] et AT n°[Cadastre 7].

La commune de [Localité 18] soutient pour l'essentiel :

- qu'il n'y a pas de lien causal entre le non-respect des préconisations techniques de butonnage et les fissures apparues postérieurement aux travaux de démolition,

- que l'expert judiciaire a conclu que les désordres apparus étaient la conséquence essentiellement des terrassements, mais également pour partie plus modeste des démolitions du bâtiment existant, lesquels ont été réalisés par la société [Adresse 12] terrassement environnement,

- que dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, il ne pourra être mis à sa charge les travaux de remise en état du jardin et les frais relatifs au changement de mobilier de jardin des requérants,

- qu'il appartiendra à la cour de répartir par un pourcentage sa responsabilité, celle de la société Le logis familial varois, celle de la société [Adresse 12] terrassement environnement,

- que le syndicat des copropriétaires ne rapporte pas la preuve de son préjudice.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 11 décembre 2019, la société Le logis familial varois demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 novembre 2018, par le tribunal de grande instance de Draguignan,

A titre subsidiaire, si le jugement était réformé,

Vu les articles 1382 et 1384 du code civil,

- de déclarer irrecevables les demandes formulées solidairement par les demandeurs à l'encontre des défendeurs et notamment à l'encontre d'elle-même, propriétaires successifs, sur la base de la notion de trouble de voisinage,

En tout état de cause,

- de débouter les demandeurs de leurs demandes dirigées contre elle,

- de condamner les demandeurs au paiement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En tout état de cause,

- de débouter les parties de toutes demandes dirigées contre elle,

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible une condamnation "in solidum" était prononcée à son encontre,

- de condamner la commune de [Localité 18] à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, et au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Le logis familial varois soutient :

- qu'elle n'a pas été voisine des demandeurs concomitamment mais successivement après la commune de [Localité 18] et ne peut donc pas être condamnée in solidum avec la commune de [Localité 18] à la réparation des dommages sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage,

- qu'il est [I] que l'acquéreur d'un bien immobilier ne peut être condamné in solidum avec le cédant pour des troubles de voisinages, dont l'origine est antérieure à la vente,

- qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'origine des dommages constituant le trouble de voisinage est antérieure à l'acquisition des parcelles par elle,

- que les appelants n'apportent aucun élément nouveau en appel,

- que le rapport d'expertise judiciaire ne permet en aucun cas de retenir une quelconque responsabilité de sa part du fait de la démolition des bâtiments, alors qu'elle n'était pas propriétaire lors de ces travaux commandés par la commune.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 3 août 2021, la société [Adresse 12] terrassement environnement demande à la cour :

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu les articles 1382,1384 du code civil rédigés dans leur version antérieure,

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile,

A titre principal,

- de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 15 novembre 2018 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement ;

- de dire et juger qu'elle a exécuté sa mission de démolition conformément aux préconisations du maître d''uvre et du maître de l'ouvrage,

- de dire et juger qu'elle n'est pas responsable des désordres invoqués,

- de dire et juger que le maître d''uvre et le maître de l'ouvrage auraient dû prendre de plus amples précautions,

- de débouter les appelants et toutes autres parties de leurs demandes dirigées à son encontre,

Très subsidiairement,

- de dire et juger que si sa responsabilité était retenue, elle ne devrait l'être au maximum qu'à hauteur de 20 %,

- de dire et juger en conséquence qu'elle sera relevée et garantie par la commune de Saint Raphael à hauteur d'au moins 80 % du montant des condamnations,

En tout état de cause

- de condamner tout succombant au paiement de la somme de 4 000 euros selon les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner tout succombant aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats associés, aux offres de droit.

La société [Adresse 12] terrassement environnement fait valoir :

Sur la confirmation du jugement,

- que les premiers juges ont clairement exposé que la description des lots appartenant aux époux [E] était « confirmée » par les pièces communiquées par les demandeurs eux-mêmes, de sorte que les juges n'ont pu que constater, à bon droit, que « les biens dont les époux [E] sont propriétaires sont uniquement des entrepôts et un hangar. Quant à la société Staccato, outre un débarras, elle n'est propriétaire que d'un studio. », qu'ainsi ils ne justifient pas de leur qualité de propriétaires des lots affectés par les désordres relevés par l'expert,

- que s'il est possible de venir rechercher la responsabilité d'un locateur d'ouvrage sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage en qualité de voisin occasionnel, il n'en demeure pas moins que pour que la demande soit fondée, il appartient aux demandeurs d'établir que les troubles invoqués sont en relation de cause directe avec la réalisation des missions et/ou des travaux confiés aux constructeurs,

- qu'il en est de même sur le fondement de la responsabilité du droit commun,

Subsidiairement,

- qu'elle est intervenue pour la démolition des bâtiments dans le cadre d'un marché de travaux publics avec la commune de [Localité 18] et sous la direction des services techniques de la ville assurant la maîtrise d''uvre de ces travaux, que la réception est intervenue le 21 décembre 2012 sans aucune observation particulière aussi bien sur les travaux que sur d'éventuels dommages,

- que selon l'expert les désordres trouvent leur origine à la fois dans la perte de butée du mur pignon de l'immeuble suite aux travaux de démolition, dans l'absence de blocage dudit pignon lors des travaux de construction de l'immeuble neuf, que ces désordres ne sauraient être imputables au constructeur mais à la maîtrise d''uvre, que l'expert ne relève pas de faute de sa part,

Très subsidiairement,

- qu'elle a correctement exécuté les travaux commandés sous la maîtrise d''uvre de la commune, qui doit la relever et garantir à hauteur de 80 % en cas de condamnation.

Dans ses conclusions d'intimée déposées et notifiées par le RPVA le 2 septembre 2020, la société AXA France iard demande à la cour :

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 114-1 du code de procédure civile,

- de juger irrecevables toutes demandes qui seraient formées à son encontre comme nouvelles en cause d'appel, par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15], M. et Mme [E], la Société Staccato, la société [Adresse 12] terrassement environnement, et la commune de [Localité 18],

Subsidiairement et à toutes fins,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan,

En tout état de cause,

- de condamner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier L'[Adresse 15], M. et Mme [E] et la société Staccato à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- de les condamner aux entiers dépens.

La société AXA France iard argue :

- qu'aucune demande n'a été formée contre elle en première instance, ni par les appelants, ni par la société [Adresse 12] terrassement, ni par la commune de [Localité 18],

- que subsidiairement, la société Le logis familial varois n'est intervenue sur le chantier qu'après la démolition et le terrassement des ouvrages préexistants, que selon les conclusions de l'expert les dommages sont apparus avant que ne débute la construction des logements neufs.

La SELARL [U] [I] prise en la personne de Me [U] désigné ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement, a été citée en intervention forcée par acte d'huissier du 2 mars 2022 signifié à personne morale.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 mars 2023.

La décision non susceptible d'appel sera réputée contradictoire, en application de l'article 474 du code de procédure civile en l'état de l'absence de constitution d'avocat par La SELARL [U] [I] prise en la personne de Me [U] désigné ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement, citée à sa personne.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions parties contient des demandes de « dire et juger » qui ne constituent pas toutes des prétentions, si bien que la cour n'en étant pas saisie.

La demande de jonction n'a pas d'objet en l'état de l'absence d'instance distincte.

Du fait de l'effet dévolutif de l'appel, la cour est saisie des demandes d'indemnisation des préjudices matériels et de jouissance imputés à des fautes et au trouble anormal de voisinage liés au chantier de déconstruction-reconstruction, voisin à leur propriété, dont le lien de causalité est discuté.

La cour ne peut être saisie d'aucune demande de la société [Adresse 12] terrassement environnement, dès lors que cette société a été placée en liquidation judiciaire et que son liquidateur appelé en la cause, n'a pas constitué avocat.

Sur la nature et la cause des désordres

M. [S] a procédé à une comparaison de la situation de l'immeuble en copropriété sis sur la parcelle AT [Cadastre 8], à savoir l'ensemble immobilier dénommé L'[Adresse 15] à trois époques différentes : avant travaux, après travaux de déconstruction et avant travaux de terrassement, après travaux de construction des logements, en examinant les points suivants :

- façade Est ' [Adresse 3],

- façade Nord ' sur mitoyenneté,

- façade Nord ' sur jardin,

- appartement du premier étage, entrée par [Adresse 3] : cuisine, salon/chambre de musique, chambre, couloir, bureau, salle de bains, sas de la chambre, wc, dressing, salle de bains principale,

- cage d'escalier commune,

- appartement rez-de-chaussée/mi-étage, entrée par [Adresse 3] : chambre, wc, cuisine, couloir,

- locaux rez-de-jardin entrée par [Adresse 3] : cave, réserve, chambre d'amis donnant sur salle de gym, vestiaire, salle d'eau et sauna, salle de gym, salon de relaxation,

- chambre extérieure indépendante.

L'expert judiciaire est d'avis s'agissant du lot n° 326, que les désordres apparus sont les conséquences des démolitions du bâtiment existant, qui a supprimé le contreventement de fait que représentaient les anciennes constructions appuyées sur le « pignon [E] » en réalité le pignon de l'immeuble en copropriété, et de façon anecdotique les terrassements.

L'expert précise que s'agissant de « l'immeuble [E] » en réalité l'immeuble en copropriété, les travaux de démolition et de déconstruction ont fait l'objet d'un marché différent passé par la commune de [Localité 18], qui est à la fois le maître d'ouvrage des démolitions et le maître d''uvre de ces travaux, en la personne des services techniques de la commune de [Localité 18], en notant qu'il semble que le concepteur a pris la précaution de parler des zones à risques qui sont à butonner et pas seulement les voiries, puisque les travaux énoncés prévoient « butonnage des zones à risque et notamment sous les voiries ».

Il indique que l'absence de blocage de la façade à la suite des démolitions a créé une première destructuration de l'immeuble et que la poursuite des travaux sans s'occuper de stabiliser et bloquer à nouveau la façade Nord de l'immeuble, a aggravé considérablement la partie haute de cet immeuble.

S'agissant des travaux de déconstruction, c'est la commune de [Localité 18] qui n'a pas fait respecter les propres préconisations de son étude à l'entreprise et en particulier le butonnage des zones à risque et que c'est la société [Adresse 12] terrassement qui n'a pas respecté les termes de son contrat et qui par professionnalisme devait s'assurer de la stabilité des environnants.

S'agissant des travaux de construction, que les études puis l'exécution n'ont pas pris en compte la nature des lieux existants avant travaux et en particulier le mur à trois degrés de la façade de l'immeuble en copropriété, la nature, la qualité et vétusté de ce mur et l'effet de buton que représentait la construction initiale qui bloquait le haut de ladite façade. Ainsi l'exécution du mur nouveau à l'alignement du mur de façade bas qui se trouve en retrait plusieurs fois en montant dans la hauteur, amène le mur de l'immeuble en copropriété, qui n'est ni lié, ni chaîné, à basculer sur sa base en perturbant de plus en plus la partie haute, créant des désordres d'importance.

Il n'est pas discuté que c'est la société Le logis familial varois propriétaire des parcelles acquises de la commune de [Localité 18], qui est maître d'ouvrage de la construction.

L'expert conclut s'agissant de l'arrivée des désordres sur la parcelle AT [Cadastre 8], que si le butonnage prévu aux pièces avait été réalisé, si la maîtrise d''uvre (service technique de la commune) avait fait appliquer ses préconisations, il y avait une forte probabilité qu'il n'y ait pas eu de sinistre, en tout cas de cette importance.

Ainsi le lien de causalité est établi entre l'absence du respect de la préconisation de butonnage et les désordres apparus sur l'immeuble en copropriété.

Il est également mis en évidence un lien de causalité entre l'absence de prise en compte de la nature des lieux existants avant travaux de reconstruction et l'aggravation des fissures notamment en partie haute de l'immeuble.

L'expert judiciaire ne précise pas la part imputable à chacun des intervenants, mais la juridiction dispose des éléments d'information suffisants pour retenir un partage de responsabilité à hauteur de 75 % correspondant aux travaux de démolition-déconstruction à répartir à hauteur de moitié chacun entre la commune de [Localité 18] et la société [Adresse 12] terrassement environnement, et 25 % correspondant aux travaux de reconstruction par la société Le logis familial varois.

Sur les demandes d'indemnisation

Une condamnation in solidum est recherchée à la fois sur le fondement de la responsabilité délictuelle et du trouble anormal de voisinage.

Aux termes de l'article 544 du code civil « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

La limite de ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

En outre l'article 1382 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date des travaux de déconstruction-reconstruction énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause préjudice à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer, ce qui impose la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.

La jurisprudence admet la solidarité entre les coresponsables d'un même dommage, en qualifiant la condamnation d'in solidum.

La société Le logis familial varois soutient que la demande de condamnation solidaire à l'encontre de propriétaires successifs est irrecevable en matière de trouble anormal de voisinage.

Cependant et outre que la demande de condamnation solidaire n'est pas formée uniquement sur le fondement du trouble anormal de voisinage, mais aussi de la faute délictuelle, aucune cause d'irrecevabilité n'est caractérisée. Cette exception d'irrecevabilité sera donc rejetée.

Il ressort des développements ci-dessus que l'immeuble situé sur la parcelle AT numéro [Cadastre 8] appartenant à la copropriété L'[Adresse 15] dont M. et Mme [E] et la société Staccato sont propriétaires de lots, a subi des désordres importants, qui excèdent les inconvénients normaux de voisinage d'un chantier de travaux.

Sont ainsi caractérisés des troubles anormaux du voisinage du fait des travaux de démolition entrepris par la commune de Raphaël alors propriétaire et des travaux de reconstruction entrepris par la société Le logis familial varois devenue ensuite propriétaire.

Sont également mises en évidence, des fautes d'exécution dans le cadre du marché de démolition-déconstruction par la commune de [Localité 18] maître d''uvre et la société [Adresse 12] terrassement environnement à laquelle ont été confiés lesdits travaux.

Plusieurs faits ayant contribué aux mêmes dommages, une condamnation in solidum est justifiée, sous réserve que la société [Adresse 12] terrassement environnement a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 14 juin 2021 rendu par le tribunal de commerce de Fréjus.

Selon les dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date de la liquidation judiciaire, par renvoi de l'article L. 641-3 du même code applicable à la liquidation judiciaire, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-22 précise que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

En l'espèce, les appelants justifient avoir appelé en la cause le mandataire liquidateur de la société [Adresse 12] terrassement environnement, mais pas avoir déclaré une quelconque créance au passif de cette société.

Or, aux termes de l'article L. 622-24 du code de commerce, « A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. (')

La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. (') »

Et l'article L. 622-26 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la liquidation judiciaire énonce : « A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.

Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. (') »

Se pose ainsi la question de l'intérêt à agir des appelants pour demander la fixation de leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement, alors qu'en l'absence de justification d'une déclaration de créance, ils ne pourraient pas prospérer au fond.

Il en est de même s'agissant de la demande de la commune de [Localité 18] dirigée contre la société [Adresse 12] terrassement environnement tendant à obtenir la condamnation de celle-ci par une proportion à établir par un pourcentage.

S'agissant d'un moyen de droit qui n'est pas dans le débat, il convient d'ordonner la réouverture des débats sur ce point, aux fins de susciter les observations des parties.

Pour autant, il est constaté que ce point ne fait pas obstacle à ce qu'il soit statué au fond sur les demandes dirigées contre les autres intimés.

Sur les préjudices du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires réclame en réparation de son préjudice matériel la somme de 80 459,11 euros. Il réclame en outre la somme de 5 000 euros sans préciser à quel titre.

Si l'expert judiciaire a envisagé ensemble et globalement, les préjudices du syndicat des copropriétaires, de M. et Mme [E] et de la société Staccato sous la dénomination « Parcelle [Cadastre 8] ' Epoux [E] ' SCI [Adresse 15] », on trouve dans le rapport d'expertise et le plan d'état des lieux produit par les appelants, distinguant le sous-sol, le rez-de-chaussée et le premier étage, les éléments permettant de localiser les désordres subis, par comparaison avec les trois niveaux envisagés par l'expert, sous une dénomination différente.

Au vu des devis soumis à l'expert et compte tenu des travaux mentionnés, la réparation des désordres matériels subis par le syndicat des copropriétaires, propriétaire des parties communes de l'immeuble, est évaluée aux montants suivants :

- la somme de 40 258,90 euros au titre du coût de reprise des superstructures,

- la somme de 20 364,58 euros au titre du coût de reprise des embellissements des parties communes de l'immeuble, à savoir les prestations préalables, les travaux extérieurs, les travaux intérieurs sur les deux cages d'escalier à l'exclusion des travaux intérieurs de l'appartement de M. [V] et de l'appartement de M. [E],

- la somme de 6 700 euros au titre de l'intervention d'un bureau de structure,

- la somme de 2 939 euros au titre de la reprise des terrassement et fondation.

Son indemnisation au titre du préjudice matériel sera ainsi fixée à 70 262,48 euros.

Pour le surplus, le syndicat des copropriétaires ne précise pas quel est le préjudice dont il réclame réparation, privant la juridiction de s'assurer du lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes d'exécution mises en évidence.

La commune de [Localité 18] et la société Le logis familial varois seront donc condamnés in solidum à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 70 262,48 euros en indemnisation de son préjudice matériel, le syndicat des copropriétaires étant débouté du surplus de sa demande.

Sur les préjudices de M. et Mme [E]

Il est constaté que M. et Mme [E] et la société Staccato réclament les sommes suivantes :

- 8 104,50 euros HT soit 8 914,95 euros (après application de la TVA à 10 %) au titre de la reprise des embellissements de leur appartement,

- 2 939 euros pour la reprise des terrassement et fondation,

- 1 992 pour la reprise des plantations,

- 1 968 euros pour la réfection du gazon.

Ils réclament aussi la somme de 20 700 euros arrêtée au mois de septembre 2018 outre une somme de 300 euros par mois à compter d'octobre 2018 jusqu'à complète exécution des travaux.

M. et Mme [E] sont propriétaires des lots n° 10 et 11, ainsi que des lots n° 1 à 5 initialement désignés comme des locaux à usage d'entrepôt et de hangar et en dernier lieu selon les constatations de l'expert, en cave, réserve, chambre d'amis donnant sur salle de gym, vestiaire, salle d'eau et sauna, salle de gym, salon de relaxation et chambre extérieure indépendante.

Au vu des devis soumis à l'expert et compte tenu des travaux mentionnés, la réparation des désordres matériels subis par M. et Mme [E], s'élève à la somme de 8 914,95 euros, correspondant à la réfection des embellissements de l'appartement situé au premier étage de l'immeuble.

S'agissant des demandes concernant le sous-sol, il est constaté qu'elles se limitent à des travaux de réfection du jardin situé en rez-de-jardin au même niveau que le sous-sol, aucun mobilier de jardin n'y figurant, s'agissant d'un chef de demande discuté.

Au vu des devis produits et des constatations de l'expert sur le fait que le jardin a été dégradé de façon importante, la réparation s'élève à hauteur de 3 960 euros, montant des deux devis.

Le surplus de facture concerne la structure de l'immeuble relevant manifestement des parties communes. M. et Mme [E] seront donc déboutés de leur demande d'indemnisation concernant la reprise des terrassement et fondation de l'immeuble.

S'agissant du préjudice de jouissance, l'expert judiciaire note que si l'immeuble n'est pas rendu inhabitable, M. et Mme [E] vivent dans un logement et un immeuble totalement lézardé dans quasiment toutes les pièces, de façon importante depuis le 1er avril 2013. Il précise que si ce logement était mis à la location il ne serait pas louable ou avec un loyer diminué de moitié, et que dans cette mesure il estime que la demande à hauteur de 200 euros pour les trois logements que comporte cet immeuble, n'est pas déraisonnable, de même que celle à hauteur de 100 euros pour le jardin. L'expert a en effet indiqué que le revenu locatif mensuel au regard du prix de marché à [Localité 18] s'élève à 700 euros pour le premier étage, 500 euros pour le rez-de-chaussée et 500 euros pour le rez-de-jardin avec jardin.

M. et Mme [E] n'étant propriétaires que des lots n° 10 et 11 ainsi que des lots n° 1 à 5 comprenant le jardin, il convient de retenir un préjudice de jouissance à hauteur de 250 euros par mois pour eux.

La commune de [Localité 18] et la société Le logis familial varois seront donc condamnés in solidum à verser à M. et Mme [E] la somme de 12 874,95 euros en indemnisation de leur préjudice matériel et la somme de 16 500 euros (250 X 66 mois) au titre du préjudice de jouissance du 1er avril 2013 au mois de septembre 2018 inclus, ainsi que la somme mensuelle de 250 euros à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à exécution des travaux.

Sur les préjudices de la société Staccato

Aucune pièce ne permet d'attribuer à la cette société une indemnisation au titre du préjudice matériel, compte tenu de la demande globale présentée pour M. et Mme [E] et ladite société et du devis déjà examiné.

S'agissant du préjudice de jouissance, il convient au regard de l'avis de l'expert et des développements ci-dessus de le fixer à hauteur de 50 euros pour les lots n° 6 et 9 situés au rez-de-chaussée.

La commune de [Localité 18] et la société Le logis familial varois seront donc condamnés in solidum à verser à la société Staccato la somme de 3 300 euros (50 X 66 mois) au titre du préjudice de jouissance du 1er avril 2013 au mois de septembre 2018 inclus, ainsi que la somme mensuelle de 50 euros à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à exécution des travaux.

Selon les dispositions de l'article 1231-7 du code civil, « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa. »

L'article 1343-2 du même code énonce que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Au regard de l'infirmation du jugement sur les indemnisations, il convient de faire courir les intérêts à compter de la présente décision, qui est constitutive de droit.

Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.

Sur l'appel en garantie

Le société Le logis familial varois demande à être relevée et garantie par la commune de [Localité 18], de toutes condamnations prononcées contre elle.

Au regard des développements ci-dessus d'où il résulte que 75 % des dommages sont imputables aux opérations de démolition et déconstruction opérées sous la maîtrise d'ouvrage et maîtrise d''uvre de la commune de [Localité 18], qui a confié ces travaux à la société [Adresse 12] terrassement environnement, il convient de faire droit à la demande de la société Le logis familial varois tendant à être relevée et garantie des condamnations prononcées contre elle, par la commune de [Localité 18], à hauteur de 75 % des condamnations.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur les dépens et les frais irrépétibles.

Au regard de la solution du litige, la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, avec relevé et garantie de la société Le Logis Familial Varois par la commune de [Localité 18] à hauteur de 75 %.

Il est inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles, qui suivront le même sort que les dépens.

Il est constaté qu'aucune demande n'est dirigée contre la société Axa, laquelle a été appelée en la cause en tant qu'assureur de la société Le logis familial varois. Il n'est pas inéquitable de laisser à sa charge, les frais exposés pour les besoins de la procédure et non inclus dans les dépens.

S'agissant enfin de la demande tendant à l'exécution provisoire de l'arrêt, il est rappelé que l'exécution provisoire n'a lieu que contre les jugements de première instance, à l'exclusion des arrêts d'appel susceptibles de pourvoi en cassation, voie extraordinaire de recours non suspensive d'exécution, si bien que la demande tendant à l'exécution provisoire de la décision, ne peut prospérer.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé L'[Adresse 15] sis [Adresse 10] et [Adresse 3], représenté par son syndic, la somme de 70 262,48 euros (soixante-dix mille deux soixante-deux euros et quarante-huit centimes) en réparation de son préjudice matériel ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé L'[Adresse 15] sis [Adresse 10] et [Adresse 3], représenté par son syndic du surplus de sa demande ;

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] à payer à M. [C] [A] [E] et Mme [T] [O] épouse [E], la somme de 12 874,95 euros (douze mille huit cent soixante-quatorze euros et quatre-vingt-quinze centimes) en réparation de leur préjudice matériel ;

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] à payer à M. [C] [A] [E] et Mme [T] [O] épouse [E], la somme 16 500 euros (seize mille cinq cents euros) en réparation de leur préjudice de jouissance du 1er avril 2013 au mois de septembre 2018 inclus, ainsi que 250 euros (deux cent cinquante euros) par mois à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à exécution des travaux ;

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] à payer à la SNC Staccato etg Handelsbolag, la somme 3 300 euros (trois mille trois cents euros) en réparation de son préjudice de jouissance du 1er avril 2013 au mois de septembre 2018 inclus, ainsi que 50 euros (cinquante euros) par mois à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à exécution des travaux ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] aux entiers dépens ;

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé L'[Adresse 15] sis [Adresse 10] et [Adresse 3], représenté par son syndic, la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Le logis familial varois et la commune de [Localité 18] à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé L'[Adresse 15] sis [Adresse 10] et [Adresse 3], représenté par son syndic, la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la commune de [Localité 18] à relever et garantir la société Le logis familial varois à hauteur de 75 % de toutes ces condamnations ;

Avant dire droit sur la demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement ;

Ordonne la réouverture des débats aux fins de susciter les observations des parties sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité de toute demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [Adresse 12] terrassement environnement, à défaut de justification d'une déclaration de créance à la procédure de liquidation judiciaire de cette société ;

Ordonne le renvoi à l'audience du mardi 14 novembre 2023 à 14h15 salle 5 PALAIS MONCLAR ;

Fixe la nouvelle clôture au 31 octobre 2023 ;

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 18/18627
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;18.18627 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award