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16/05/2023 | FRANCE | N°21/08433

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 16 mai 2023, 21/08433


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 16 MAI 2023



N° 2023/226









Rôle N° RG 21/08433

N° Portalis DBVB-V-B7F-

BHSWG







[R] [U] [T]



C/



PROCUREUR GENERAL

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Radost VELEVA-

REINAUD



MINISTERE PUBLIC







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 20 mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/11175





APPELANT



Monsieur [R] [U] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/009317 du 10/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 16 MAI 2023

N° 2023/226

Rôle N° RG 21/08433

N° Portalis DBVB-V-B7F-

BHSWG

[R] [U] [T]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Radost VELEVA-

REINAUD

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 20 mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/11175

APPELANT

Monsieur [R] [U] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/009317 du 10/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 13 novembre 1994 à [Localité 2]

de nationalité comorienne,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Baptiste NICOL, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIME

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 mars 2023 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 08 juillet 2016, le tribunal d'instance de Cannes a refusé à Monsieur [R] [U] [T], se disant né le 13 novembre 1994 à [Localité 2] (Comores) la délivrance d'un certificat de nationalité française aux motifs de l'absence de réponse de l'ambassade de France à [Localité 4] (Comores) analysée comme un refus d'authentification de l'acte de naissance dont il se prévaut.

Le recours formé par le requérant devant le Ministère de la Justice le 07 juin 2017 a été rejeté.

Par acte du 13 septembre 2019, Monsieur [R] [U] [T] a fait assigner le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille devant cette juridiction, aux fins d'obtenir la reconnaissance de sa nationalité française'.

Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a':

constaté que le récépissé prévu à l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré et déclaré en conséquence recevable la demande

débouté Monsieur [R] [U] [T] se disant né le 13 novembre 1994 à [Localité 2] ( Comores) de l'ensemble de ses demandes

constaté l'extranéité de Monsieur [R] [U] [T] se disant né le 13 novembre 1994 à [Localité 2] (Comores)

ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil

condamné Monsieur [R] [U] [T] aux dépens.

Le 07 juin 2021, Monsieur [R] [U] [T] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 janvier 2022 auxquelles il convient de faire expressément renvoi pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, il demande à la Cour de':

-REFORMER le jugement rendu en date du 20 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de Marseille en ce qu'il a :

* Débouté Monsieur [R] [U] [T] de l'ensemble de ses demandes, à savoir de reconnaître qu'il est Français en application des dispositions de l'article 18 du Code civil,

* Constaté l'extranéité de Monsieur [R] [U] [T] se disant né le 13 novembre 1994 à [Localité 2] (COMORES),

* Ordonné la mention prévue à l'article 28 du Code civil,

* Condamné Monsieur [R] [U] [T] à supporter les dépens.

Statuant de nouveau,

-CONSTATER que les formalités prescrites par l'article 1043 du Code de Procédure Civile ont été respectées

En conséquence,

-DECLARER que Monsieur [R] [U] [T] est de nationalité française ;

A ce titre,

-ORDONNER à l'Etat Français de délivrer à Monsieur [R] [U] [T] un certificat de nationalité française.

Il soutient qu'il démontre, par la production de l'acte de naissance et la carte d'identité française de son père, Monsieur [K] [U] [T] que ce dernier est français, tout comme l'était son grand-père, Monsieur [U] [T], lequel a souscrit une déclaration de nationalité.

Son père est français par l'effet collectif attaché à la déclaration de nationalité souscrite par son propre père Monsieur [U] [T] le 01 octobre 1977, lequel a opté pour conserver la nationalité française,en application de l'article 10 de la loi du 05 juillet 1975.

Le débat sur le principe même de sa nationalité française n'aurait donc même pas dû s'engager,d'autant plus qu'il avait produit le bordereau d'authentification de son propre acte de naissance'N ° 30/12/1996.

Cette authentification n'aurait pas pu intervenir s'il existait le moindre doute quant au caractère probant de l'acte.

En tout état de cause, il a pris l'initiative de procéder à la régularisation de sa situation administrative auprès des juridictions comoriennes.

Dans son jugement du 09 novembre 2020, le tribunal de première instance des Comores a annulé l'acte de naissance N° 30/12/1996, ce qui a permis l'intervention le 03 septembre 2021 d'un jugement supplétif de naissance, légalisé.

Sa situation est donc désormais parfaitement régularisée et il ne peut plus être opposé que son acte de naissance ne comporte pas certaines mentions, telles que son heure de naissance et la mention de la profession de son père, ce qui reviendrait à conférer aux autorités françaises le pouvoir de contester des actes établis au registre d'état civil des Comores.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 avril 2022 auxquelles il convient de faire expressément renvoi pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, le Ministère Public demande à la Cour de':

-Constater que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées

-Confirmer le jugement attaqué

-Ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Il soutient d'abord que la nationalité française de Monsieur [K] [U] [T] n'est pas démontrée.

L'appelant établit bien la nationalité française de son grand-père, mais il ne communique aucun acte de naissance, ni acte de mariage de ce dernier de nature à établir la filiation de Monsieur [K] [U] [T] avec un père français.

Or l'effet collectif suppose que la filiation de l'enfant ait été établie avant l'acquisition par son auteur de la nationalité française.

Le certificat de nationalité française qui aurait été délivré à Monsieur [K] [T], ne peut être invoqué par le requérant, mais seulement par son titulaire.

Par ailleurs, l'acte de naissance de l'appelant N° 30/12/1996 ne comporte pas les mentions de son heure de naissance, ni de la profession de son père.

Il a été dressé très tardivement, le 30 décembre 1996 , pour la naissance survenue le 13 novembre 1994.

Cet acte n'a pas été dressé suivant jugement supplétif, par conséquent de manière non conforme à l'article 12 de la loi du 15 mai 1984.

Par conséquent, même si l'acte de naissance figurait bien dans les registres, et même s'il avait été valablement légalisé, le fait qu'il n'a pas été dressé régulièrement lui ôte tout caractère probant au sens de l'article 47 du code de procédure civile.

L'appelant avait dans le cadre de la première instance communiqué un jugement supplétif N°053 du 25 novembre 2019 du tribunal de cadi de Pimba, qui ne comporte aucune légalisation et n'est pas opposable en France.

Il a été en toute hypothèse obtenu par fraude puisque l'intéressé était déjà en possession d'un acte de naissance N°190 dressé le 30 décembre 1996.

Le jugement d'annulation prononcé par le tribunal de Moroni le 02 septembre 2021 se borne à annuler son acte de naissance N°190, mais non le jugement supplétif N° 053 du 25 novembre 2019.

Un nouveau jugement supplétif N°28 du 13 novembre 2021 a été rendu par le cadi de Pimba.

L'appelante se trouve donc en possession de deux jugements supplétifs, et d'un nouvel acte de naissance N°170 dressé le 20 octobre 2021 en exécution du deuxième jugement supplétif.

Aucun de ces jugements et acte de naissance ne sont valablement légalisés' et présentent par ailleurs des incohérences dans leur rédaction de nature à mettre en doute leur authenticité.

A minima, ils ne peuvent produire aucun effet en France.

L'acte N°170 du 20 octobre 2021 comporte des mentions qui ne figuraient pas dans le jugement supplétif du 13 septembre 2021 comme l'heure de la naissance, ce qui est impossible et au contraire ne comporte pas certaines mentions obligatoires au regard de la loi comorienne ( profession et domicile du père).

En toute hypothèse, ces jugements et l'acte de naissance, ni même le jugement supplétif N°53 du 25 novembre 2019 ne peuvent avoir d'effet sur la nationalité puisqu'ils ont été rendus alors que Monsieur [R] [U] [T] est devenu majeur le 13 novembre 2012 puisqu'ils ne peuvent pas avoir d'effet rétroactif.

La procédure a été clôturée le 16 mars 2023.

DISCUSSION'

Monsieur [R] [U] [T] revendique la nationalité française au visa de l'article 18 du code civil qui dispose qu'est français l'enfant légitime ou naturel dont l'un de ses parents au moins est français.

En application de l'article 30 du code civil ,la charge de la preuve de la nationalité française qu'il revendique incombe à Monsieur [R] [U] [T] , qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française.

Il sera rappelé qu'il n'est pas possible de faire la preuve de sa nationalité française au moyen du certificat de nationalité française délivré à un tiers, même s'il s'agit de son parent.

L'appelant se dit être le fils de Monsieur [K] [U] [T], né vers 1963 à [Localité 3] (Comores) et de Madame [M] [L].

Monsieur [K] [U] [T] est le fils de Monsieur [U] [T] né vers l919 à [Localité 3] (Comores) et de Madame [F] [U].

Il n'est pas contesté qu'en vertu de la déclaration souscrite le 01 octobre 1977 devant le tribunal d'instance de Saint Denis de la Réunion par Monsieur [U] [T], ce dernier est français.

L'appelant soutient par conséquent que son père, Monsieur [K] [U] [T] est français par l'effet collectif attaché à la déclaration de nationalité souscrite par son propre père Monsieur [U] [T].

Il communique en cause d'appel':

- la copie de son passeport

-la copie de son livret de famille

-la copie de la carte nationale d'identité de Monsieur [K] [U] [T]

- la copie de l'acte de naissance de Monsieur [K] [U] [T]

-la copie de son acte de naissance N° 190 dressé le 30 décembre 1996

- le jugement d'annulation de son acte de naissance par le tribunal de première instance de Moroni intervenu le 02 septembre 2021

-un second jugement supplétif N°23 du 13 septembre 2021 rendu par le cadi de Pimba le 13 septembre 2021

-son acte de naissance modifié portant N°170 en exécution du jugement supplétif du 13 septembre 2021.

L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l 'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays , fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent , le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Sauf convention internationale, les copies ou extraits d'actes d'état civil établis par les autorités étrangères, doivent pour recevoir effet en France , être légalisés.

Tel est le cas s'agissant d'actes émanant de l'Union des Comores, avec laquelle aucune convention n'a été conclue.

Cependant, avant même de se livrer à l'analyse des actes civil communiqués par l'appelant - dont la pertinence est déniée par le ministère public qui excipe d'une part de l'existence d'incohérences entre les mentions des différents actes, et d'autre part de l'absence de toute légalisation - il convient d'examiner en premier lieu si Monsieur [R] [U][T] établit l'existence d'un lien de filiation probant entre lui-même ,son père Monsieur [K] [U] [T] et son grand-père Monsieur [U] [T], et plus précisément s'il établit la filiation de Monsieur [K] [U] [T] avec un père français.

Il sera d'abord rappelé que ni un passeport, ni une carte nationale d'identité ni un livret de famille ne constituent cette preuve.

Monsieur [R] [U] [T] ne communique pas l'acte essentiel que constitue l'acte de mariage de ses grands parents paternels, Monsieur [U] [T] et Madame [F] [U] ni d'ailleurs celui de ses parents, Monsieur [K] [U] [T] et Madame [M] [L].

Il ne fait donc pas la preuve de l'acquisition de la nationalité française de son propre père, dans la mesure où l'effet collectif de la déclaration souscrite par Monsieur [U] [T] en 1977 suppose que la filiation de l'enfant (en l'espèce Monsieur [K] [U] [T]), né pendant le mariage de Monsieur[U] [T] et Madame [F] [U]'ait été établie avant l'acquisition par son auteur de la nationalité française

Par conséquent, rien ne permet d'établir l'existence d'une chaîne de filiation continue entre Monsieur [U] [T], Monsieur [K] [U] [T] et Monsieur [U] [T], en termes d'acquisition de la nationalité française.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [U] [T] de ses demandes et qu'il a ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil.

Sur les dépens ':

Monsieur [R] [U] [T], qui succombe supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil, contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

CONDAMNE Monsieur [R] [U] [T] aux dépens d'appel'qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 21/08433
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.08433 ?
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