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12/05/2023 | FRANCE | N°21/17446

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 12 mai 2023, 21/17446


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2023



N°2023/.













Rôle N° RG 21/17446 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQYU







Organisme CPCAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



[D] [L]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



- Me Arnaud ATTAL
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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 09 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/6014.





APPELANTE



CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]



non comparante





dispensée en application des dispositions de l'...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2023

N°2023/.

Rôle N° RG 21/17446 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQYU

Organisme CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

[D] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

- Me Arnaud ATTAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 09 Novembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/6014.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

non comparante

dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience.

INTIMEE

Madame [D] [L], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Arnaud ATTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Mme Isabelle PERRIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023

Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Printemps a déclaré, le 12 septembre 2016, un accident du travail survenu au préjudice de Mme [D] [L], son employée en qualité de vendeuse, le 10 septembre 2016, sans émettre de réserves.

Le certificat médical initial établi le 11 septembre 2016 par le chef de service des urgences du centre hospitalier [4] fait état de 'syncope, douleur thoracique, syndrome dépressif contextuel, surmenage'.

Mme [L] a bénéficié d'arrêts de travail jusqu'au 4 novembre 2019.

Après avoir procédé à une enquête, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a informé Mme [L], par décision du 30 novembre 2016, de son refus de prise en charge de l'accident précité au titre de la législation sur les risques professionnels, au motif que son médecin conseil a conclu à l'absence d'un lien de causalité entre les lésions constatées et les faits invoqués.

Suite à l'expertise technique réalisée le 29 mars 2017 par le docteur [S], la caisse primaire d'assurance maladie a confirmé auprès de l'assurée son refus de reconnaître le caractère professionnel de l'accident par décision du 26 avril 2017.

La commission de recours amiable ayant, en sa séance du 1er août 2017, rejeté le recours de Mme [L] contre la décision susvisée, cette dernière a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône.

Par jugement du 9 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille ayant repris l'instance a:

- infirmé la décision de la commission de recours amiable ;

- renvoyé Mme [L] devant la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône pour y faire valoir ses droits relatifs à l'accident du travail du 10 septembre 2016 ;

- débouté la caisse primaire d'assurance maladie de sa demande d'expertise ;

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie aux dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a interjeté appel dudit jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Par voie de conclusions déposées au greffe le 15 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'appelante, dispensée de comparution, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a totalement infirmé la décision de la commission de recours amiable et demande à la cour de:

- constater qu'elle ne s'oppose pas à la prise en charge du malaise consigné par le certificat médical initial sous les termes 'syncope-douleur thoracique',

- rejeter la prise en charge de la lésion 'syndrome dépressif-surmenage' comme étant en lien avec l'accident du 10 septembre 2016.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffe à l'audience du 22 février 2023, oralement soutenues et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'intimée sollicite la confirmation de l'entier jugement et demande à la cour de:

- prononcer la prise en charge de l'accident du 10 septembre 2016 au titre de la législation relative aux risques professionnels,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de ses demandes.

MOTIFS

La cour relève que ne sont plus contestés en cause d'appel, par la caisse, la matérialité de l'accident ni l'imputabilité au travail des lésions 'syncope-douleur cage thoracique', mais l'imputabilité au travail des seules lésions 'syndrome dépressif-surmenage'.

L'appelante soutient en substance qu'il résulte de l'instruction menée, d'un certificat médical produit par l'assurée elle-même et de ses propres déclarations que:

- Mme [L] a indiqué subir depuis un an un important stress au travail du fait d'une mise au placard et de conflits avec sa responsable hiérarchique et ses collègues de travail ;

- elle était suivie par un psychiatre depuis le 3 février 2015 pour syndrome anxio-dépressif avec perte de l'élan vital, humeur triste et anxiété en lien avec un contexte allégué au travail ;

- qu'en conséquence, le diagnostic de syndrome anxio-dépressif et surmenage établi à son arrivée aux urgences le 10 septembre 2016 n'a pu être déclenché par le fait accidentel mais son seul état antérieur ;

- qu'aucun facteur n'a pu déclencher le jour de l'accident de syndrome anxio-dépressif, ayant été informée dès la veille d'un changement de planning ;

- que des collègues attestent qu'à son arrivée au travail le jour de l'accident, survenu en outre alors qu'elle finissait sa pause et dans la salle de pointage, elle n'était déjà 'pas bien';

- qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le syndrome dépressif est en lien avec un élément soudain survenu aux temps et aux lieux du travail.

L'intimée répond que:

- selon la jurisprudence, il importe peu que les lésions résultent d'un état pathologique préexistant si un fait accidentel en a précipité l'évolution ou la manifestation ;

- il appartient à la caisse de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail des lésions qu'elle conteste et en l'espèce, le syndrome dépressif est imputable à un fait précis, à savoir un changement arbitraire d'horaires de travail par une responsable hiérarchique qui n'avait aucune compétence pour le faire, et qui a également engendré le malaise médicalement constaté ;

- le syndrome dépressif causé par le fait accidentel a été médicalement constaté par le service des urgences dans les suites immédiates de son évacuation par les pompiers ;

- il n'est pas démontré que le contexte antérieur soit exclusif du fait accidentel ;

- les conclusions du docteur [S] sur lesquelles se fonde la caisse primaire d'assurance maladie ne sont aucunement motivées et ce dernier ne dit pas que le malaise trouve son origine dans un événement totalement étranger au travail.

Sur ce:

En application de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, l'accident du travail est l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, ce qui suppose la survenance d'un événement soudain aux temps et au lieu du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

L'accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail est présumé être un accident du travail. Ainsi, le salarié bénéficie d'une présomption d' imputabilité lorsque l'accident ayant causé la lésion survient dans ces circonstances.

Des troubles psychiques peuvent caractériser un accident du travail si leur apparition est brutale et liée au travail, la lésion psychologique devant être imputable à un événement ou à une série d'événements survenus à des dates précises.

En l'espèce, la déclaration d'accident du travail mentionne, comme circonstances de l'accident survenu le 10 septembre 2016 à 16h55, que la salariée 'se trouvait au pointeau où elle déposait ses achats personnels. Elle a eu un malaise suivi d'une perte de connaissance. Le standard a alors appelé les pompiers qui se sont déplacés et ont pris en charge [D] [L]'.

L'élément déclencheur retenu par les premiers juges et non contesté par l'appelante consiste dans l'annonce brutale, faite à la salariée, de changement d'horaires de travail pouvant intervenir de manière inopinée, est compatible avec les lésions physiques constatées au certificat médical initial, de sorte que la présomption relative au caractère professionnel de l'accident trouve à s'appliquer, ce que ne conteste plus la caisse en cause d'appel'

S'agissant des lésions psychiques constatées au certificat médical initial' syndrome dépressif contextuel,'elles sont compatibles avec le fait accidentel décrit, étant précisé que le 'surmenage' mentionné sur le certificat médical initial, n'est pas une lésion médicale et ne peut résulter des constatations du médecin urgentiste auteur de ce certifcat.

Il est établi en l'espèce, tant au regard des déclarations de l'intimée dans le cadre de l'enquête menée par la caisse primaire d'assurance maladie, corroborées par certaines collègues de travail, que par le certificat médical du docteur [H], son psychiatre traitant, établi le 4 août 2016, que Mme [L] était suivie par ce praticien depuis le 3 décembre 2015 pour un syndrome anxio-dépressif en lien allégué avec un contexte de travail conflictuel.

Un syndrome anxio-dépressif en lien avec une situation de souffrance au travail peut être amplifié par des manifestations physiques telles que la syncope survenue au temps et lieu du travail et les douleurs thoraciques médicalement constatées dans le cadre de la prise en charge médicale qui a suivi, en lien avec un événement survenu au temps et lieu du travail, tel que l'annonce apportée aux changements d'horaires de travail, et la caisse doit rapporter la preuve de la cause étrangère au travail à la survenance du syndrome anxiodépressif constatées au certificat médical initial dont elle conteste l'imputabilité aux conditions de travail cette lésion qu'elle impute à un état antérieur tout en se contredisant pour le relier aux conditions de travail.

La caisse ne produit aux débats que les conclusions du rapport d'expertise technique et non son intégralité, conclusions aux termes desquelles 'les lésions mentionnées sur le certificat médical initial du 11 septembre 2016 du centre hospitalier d'[Localité 3] : syncope, douleur thoracique, syndrome dépressif, surmenage ne sont pas en relation certaine, directe, unique et irréfutable avec le fait accidentel et/ou des conditions inhabituelles de travail' .

Elle ne peut donc utilement se prévaloir d'une expertise dont elle ne justifie que de conclusions non motivées et non argumentées, de surcroît avec la définition légale d'un accident du travail, puisque les lésions physiques sont survenues au temps et lieu du travail comme le reconnait désormais la caisse, et que la syncope et les douleurs thoraciques constituent des manifestations physiques d'un syndrome anxio-dépressif majoré, qualifié de 'contextuel' sur le certificat médical initial.

Ces conclusions expertales ne démontrent aucunement que ce syndrome anxio-dépressif a une cause étrangère au travail, pour procéder par affirmations péremptoires, alors que d'une part le certificat médical initial le qualifiant de 'contextuel', fait ainsi le lien avec l'annonce des changements d'horaires de travail portés à la connaissance de la salariée le jour même, et que le certificat médical précité du docteur [H], psychiatre, relie son suivi antérieur à l'accident du travail pour syndrome anxio-dépressif à une situation de souffrance au travail.

Il s'ensuit que la caisse qui ne renverse pas la présomption d'accident du travail, et ne conteste plus en cause d'appel le caractère de lésions à la syncope et aux douleurs thoraciques, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le syndrome anxio-déressif, qui constitue un trouble psychique présentant également le caractère d'une lésion, est totalement étanger au travail alors qu'il est médicalement constaté dans ses manifestations par le certificat médical initial.

Eu égard au dispositif du jugement entrepris, la cour juge par réformation de celui-ci que Mme [L] a été victime le 10 septembre 2016 d'un accident du travail ayant occasionné comme lésions une syncope, des douleurs throraciqes et un syndrome anxio-dépressif, le jugement étant confirmé en ce qu'il a renvoyé Mme [L] devant la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône pour y faire valoir ses droits relatifs à l'accident du travail du 10 septembre 2016 .

Il n'appartient en outre ni au tribunal ni à la cour d'infirmer ou de confirmer la décision d'une commission de recours amiable, les juges étant saisis de l'entier litige portant sur la contestation de la décision de refus par la caisse de prise en charge de l' accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels.

En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de ses demandes.

Succombant, la caisse primaire d'assurance maladie est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à Mme [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Réforme le jugement entrepris hormis en ce qu'il a renvoyé Mme [L] devant la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône pour y faire valoir ses droits relatifs à l'accident du travail du 10 septembre 2016,

Statuant de nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

Dit que Mme [D] [L] a été victime d'un accident du travail le 10 septembre 2016, ayant occasionné comme lésions une syncope, des douleurs throraciqes et un syndrome anxio-dépressif

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône aux dépens d'appel,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône à payer à Mme [D] [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-8
Numéro d'arrêt : 21/17446
Date de la décision : 12/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-12;21.17446 ?
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