COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 11 MAI 2023
N° 2023/69
Rôle N° RG 22/10879 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2PQ
[O] [M]
[T] [Y]
C/
[W] [S]
S.A.R.L. BUREAU DE CONTROLE IMMOBILIER B.C.I
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Virginie ROSENFELD
Me Agnès ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 13 Juillet 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2022R00091.
APPELANTS
Monsieur [O] [M]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté de Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Madame [T] [Y]
demeurant [Adresse 4]
représentée et assiste de Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMES
Monsieur [W] [S]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Pascal CERMOLACCE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
S.A.R.L. BUREAU DE CONTROLE IMMOBILIER B.C.I
assigné PVR art 659 du CPC le 8/09/2022, demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 17 février 2007 M. [W] [S] et M. [O] [M] ont créé la société BCI, société spécialisée notamment dans la réalisation de contrôles et de diagnostics immobiliers, dans laquelle ils étaient tous deux associés à parts égales et co-gérants. Mme [T] [Y], également compagne de M. [O] [M], assurait le secrétariat.
En 2013 les relations entre les deux associés se sont dégradées et M. [O] [M] a créé le 15 mars 2013 l'Eurl [O] [M] sous l'enseigne BCI, ayant la même activité. Mme [T] [Y] a été licenciée à la fin de l'année 2013 pour motif économique.
Plusieurs procédures ont alors opposé M. [O] [M] et Mme [T] [Y] à M. [W] [S] ainsi que leurs sociétés, tant devant le juge du fond que devant le juge des référés.
Par acte du 17 mars 2022 M. [W] [S] a fait assigner Mme [T] [Y] et M. [O] [M] devant le tribunal de commerce de Marseille, au visa de l'article L.223-37 du code de commerce, afin d'obtenir la désignation d'un expert avec pour mission de présenter un rapport sur des «'créances irrécouvrables'» apparaissant aux exercices de la société pour les années 2010 à 2020 inclus et inscrites en comptabilité jusqu'en 2016.
Par ordonnance en date du 13 juillet 2022 le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a'statué en ces termes':
-Nous déclarons matériellement compétent ;
-Donnons acte à Monsieur [W] [S] de ce qu'il s'en rapporte à justice sur une mise hors de cause éventuelle de Madame [Y] ;
-Mettons Madame [T] [Y] hors de cause sans dépens ;
-Déclarons Monsieur [W] [S] recevable en ses demandes ;
-Déboutons Monsieur [O] [M] do sa demande de production de 1'ensemb1e des procès-verbaux d'assemblée générale de la Société BCI de l'année 2010 jusqu'à l'année 2020 ;
-Désignons Monsieur [P] [U] demeurant [Adresse 6], en qualité d'expert, avec pour mission':
~ d'entendre1es parties en leurs explications et de répondre à leurs dires et observations ;
- de se faire communiquer tous documents utiles a ses investigations ;
- d'entendre tous sachants ;
- de s'adjoindre, si besoin est, tout sapiteur de son choix ;
- de présenter un rapport sur les opérations de gestion suivantes :
\/ Exercice 2010 : créances irrécouvrables pour 70 534 € sur les années 2010 et antérieures ;
\/ Exercice 2011 : créances irrécouvrables pour 30 686 € sur les années 2011 et antérieures;
v' Exercice 2015 : créances irrécouvrables pour 3 967 € inscrites en comptabilité en 2015 ;
\/ Exercice 2018 : créances irrécouvrables pour 20 107 € inscrites en comptabilité en 2013 à hauteur de 19 432 € et en 2014 à hauteur de 675 € ;
1/ Exercice 2019 : créances irrécouvrables pour 3 617 € inscrites en comptabilité en 2015 ;
~/ Exercice 2020 : créances irrécouvrables pour 4 092 € inscrites en comptabilité en 2016;
-Disons que du tout, 1'expert, dans les 3 (trois) mois a compter de la date du versement de la consignation, devra dresser un rapport qui sera déposé au Greffe, en un seul exemplaire ;
-Disons que 1e suivi de l'expertise sera confié au Juge charge du contrôle des expertises, au cabinet duquel, les parties et l'expert sont convoqués, le 17 novembre 2022, à 9heures, au 3éme niveau du Tribunal de Commerce de Marseille au bureau du juge charge du contrôle des expertises, conformément aux dispositions de l'article 153 alinéa 2 du Code de Procédure Civile;
-Disons que la présente convocation serait caduque pour 1e cas où l'expert aurait déposé son rapport avant la date 'xée pour le faire ;
-Disons que faute par 1'expert d'avoir informe le Juge charge du contrôle, de l'acceptation de sa désignation dans les quinze jours de la notification qui lui en est faite par le Greffe, il sera pourvu d'office à son remplacement par simple ordonnance présidentielle ou du Juge charge du contrôle
-Disons que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible, le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;
-Disons qu'a l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Juge charge du contrôle, 1a somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;
-Disons qu'en cas de difficultés dans l'accomplissement de sa mission, l'expert devra en faire rapport au Juge charge du contrôle, notamment pour le respect des délais et en vue d'une prorogation;
-Disons que la Société BCI S.A.R.L. devra consigner au Greffe du Tribunal de Commerce de MARSEILLE, la somme de 2 000 € (deux mille euros) destinée à garantir 1e paiement des frais et honoraires de1'expert, dans 1e délai d'un mois a compter de l'invitation a ce faire qui lui sera adressée par le Greffe ;
-Disons que le Greffe informera1'expert de la consignation intervenue ;
Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de Procédure Civile,
-Condamnons la Société BCI S.A.R.L. aux dépens toutes taxes comprises de la présente ordonnance tels qu'énoncés par l'article 695 du Code de Procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par 1e secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés a la somme de 60,72 € (soixante euros et soixante-douze centimes T.T.C.) ;
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Par acte du 27 juillet 2022 Mme [T] [Y] et M. [O] [M] ont interjeté appel de la décision.
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Par conclusions enregistrées le 1er février 2023 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens Mme [T] [Y] et M. [O] [M] font valoir que':
-M. [O] [M] n'a plus de fonctions de gérant dans la société BCI depuis 2013'; sa démission est intervenue lors de l'assemblée générale du 26 février 2019 avec effet rétroactif,
-le président du tribunal de commerce de Marseille est incompétent dès lors qu'ils n'ont pas la qualité de commerçants au sens de l'article L.721-3 1° du code de commerce'; dans un litige opposant déjà les mêmes parties, la cour d'appel a rappelé que seul le tribunal judiciaire était compétent,
-Mme [T] [Y] était salariée de la société BCI mais elle n'a jamais eu la qualité d'associée et n'a aucun lien avec cette société,
-pour la troisième fois depuis 2014, M. [W] [S] sollicite une expertise de gestion'; cette demande est contraire au principe de l'autorité de la chose jugée et du principe de concentration des moyens'; au visa de l'article 488 du code de procédure civile les ordonnances de référé n'ont pas autorité de la chose jugée mais ne peuvent être modifiées qu'en cas de circonstances nouvelles'; or, M. [W] [S] ne démontre pas l'existence d'éléments nouveaux puisque dès le 8 juin 2016, M. [N], expert-comptable, l'avait d'ores et déjà alerté sur les créances irrécouvrables'; il a renouvelé sa demande sur le fondement des articles 145 et 146 du code de procédure civile en 2016 et a été débouté par le tribunal de commerce et la cour d'appel; la Cour de Cassation a rappelé le principe de la concentration de moyens qui interdit toute nouvelle demande poursuivant la même finalité juridique, fût-ce sur un autre fondement'; ainsi, au visa de l'article 1355 du code civil il existe une identité d'objet et de parties rendant les demandes de M. [W] [S] irrecevables,
-la demande est inutile et mal-fondée': M. [O] [M] n'est plus gérant de la société depuis 2013 de sorte que M. [W] [S] demande une expertise de gestion alors même qu'il est le seul gérant depuis cette date, qu'il avait en mains tous les éléments comptables et que les comptes ont été approuvés'; M. [W] [S] n'a pas a minima exposé que les opérations visées seraient irrégulières
Les appelants demandent ainsi à la cour de':
-réformer l'ordonnance en ce que le juge des référés s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formées à leur encontre,
-renvoyer M. [S] à se pourvoir devant le président du tribunal judiciaire de Marseille seul compétent à leur encontre
En tout état de cause,
-réformer l'ordonnance en ce qu'elle a':
«-Nous déclarons matériellement compétent ;
-Mettons Madame [T] [Y] hors de cause sans dépens ;
-Déclarons Monsieur [W] [S] recevable en ses demandes ;
-Déboutons Monsieur [O] [M] de sa demande de production de 1'ensemble des procès-verbaux d'assemblée générale de la Société BCI de l'année 2010 jusqu'à l'année 2020 ;
-Désignons Monsieur [P] [U] demeurant [Adresse 6], en qualité d'expert, avec pour mission':
~ d'entendre1es parties en leurs explications et de répondre à leurs dires et observations ;
- de se faire communiquer tous documents utiles a ses investigations ;
- d'entendre tous sachants ;
- de s'adjoindre, si besoin est, tout sapiteur de son choix ;
- de présenter un rapport sur les opérations de gestion suivantes :
\/ Exercice 2010 : créances irrécouvrables pour 70 534 € sur les années 2010 et antérieures ;
\/ Exercice 2011 : créances irrécouvrables pour 30 686 € sur les années 2011 et antérieures;
v' Exercice 2015 : créances irrécouvrables pour 3 967 € inscrites en comptabilité en 2015 ;
\/ Exercice 2018 : créances irrécouvrables pour 20 107 € inscrites en comptabilité en 2013 à hauteur de 19 432 € et en 2014 à hauteur de 675 € ;
1/ Exercice 2019 : créances irrécouvrables pour 3 617 € inscrites en comptabilité en 2015 ;
~/ Exercice 2020 : créances irrécouvrables pour 4 092 € inscrites en comptabilité en 2016;
-Disons que du tout, 1'expert, dans les 3 (trois) mois a compter de la date du versement de la consignation, devra dresser un rapport qui sera déposé au Greffe, en un seul exemplaire ;
-Disons que 1e suivi de l'expertise sera confié au Juge charge du contrôle des expertises, au cabinet duquel, les parties et l'expert sont convoqués, le 17 novembre 2022, à 9heures, au 3éme niveau du Tribunal de Commerce de Marseille au bureau du juge charge du contrôle des expertises, conformément aux dispositions de l'article 153 alinéa 2 du Code de Procédure Civile;
-Disons que la présente convocation serait caduque pour 1e cas où l'expert aurait déposé son rapport avant la date 'xée pour le faire ;
-Disons que faute par 1'expert d'avoir informe le Juge charge du contrôle, de l'acceptation de sa désignation dans les quinze jours de la notification qui lui en est faite par le Greffe, il sera pourvu d'of'ce a son remplacement par simple ordonnance présidentielle ou du Juge charge du contrôle
-Disons que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible, le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;
-Disons qu'a l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Juge charge du contrôle, 1a somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;
-Disons qu'en cas de difficultés dans l'accomplissement de sa mission, l'expert devra en faire rapport au Juge charge du contrôle, notamment pour le respect des délais et en vue d'une prorogation;
-Disons que la Société BCI S.A.R.L. devra consigner au Greffe du Tribunal de Commerce de MARSEILLE, la somme de 2 000 € (deux mille euros) destinée à garantir 1e paiement des frais et honoraires de1'expert, dans 1e délai d'un mois a compter de l'invitation a ce faire qui lui sera adressée par le Greffe ;
-Disons que le Greffe informera1'expert de la consignation intervenue ;
Statuant à nouveau,
-mettre hors de cause Mme [T] [Y] de la procédure,
-enjoindre à M. [W] [S] de produire les procès-verbaux d'assemblée générale de la SARL BCI de l'année 2013 jusqu'à l'année 2020,
-débouter M. [W] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre
En tout état de cause,
-condamner M. [W] [S] à leur régler la somme de 4.000 euros pour procédure abusive,
-condamner M. [W] [S] à leur régler chacun la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens au titre de la présente instance et la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens au titre de la procédure d'appel
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Par conclusions enregistrées le 6 octobre 2022 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [W] [S] réplique que':
-la compétence du tribunal de commerce doit être confirmée au visa des articles L.223-37, L.721-3 2° et R.223-30 du code de commerce comme l'a retenu le premier juge'; la jurisprudence produite par la partie adverse concerne une action en concurrence déloyale et non une expertise de gestion'; il n'est pas contesté que Mme [T] [Y] n'a jamais eu la qualité d'associée, raison pour laquelle il s'en est rapporté sur sa mise hors de cause,
-sa demande ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance rendue le 19 mars 2015 dès lors que sa demande d'expertise était formulée de façon générale et portait sur des entrées d'argent et la création par M. [O] [M] d'une société concurrente'; entre-temps, avec l'aide de son expert-comptable, et depuis la démission de M. [O] [M] au cours de l'assemblée générale du 26 février 2019, il a pu recueillir d'autres éléments, notamment sur le montant anormalement élevé des créances irrécouvrables'; M. [O] [M] a continué jusqu'à l'assemblée générale de 26 février 2019 à gérer la société même si sa démission a été actée de façon rétroactive au 31 décembre 2013'et il était seul à s'occuper de la partie comptable
Ainsi, M. [W] [S] demande à la cour de':
-rejeter toutes prétentions contraires,
-confirmer purement et simplement en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé,
-condamner solidairement M. [O] [M] et Mme [T] [Y] à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
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La société Bureau de Contrôle Immobilier B.C.I, citée le 8 septembre 2022 (article 659 du code de procédure civile) n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de relever qu'il n'est pas contesté que Mme [T] [Y] n'a jamais eu la qualité d'associée et n'a jamais eu de fonction statutaire au sein de la société BCI.
Pour autant, en l'état des demandes reconventionnelles formées par celle-ci devant le premier juge et en cause d'appel, au-delà de ses demandes relatives aux frais et dépens, aucun motif ne justifie sa mise hors de cause ab initio.
Sur la compétence du tribunal de commerce de Marseille':
Aux termes de l'article L.721-3 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales.
En application de l'article L.223-37 du code de commerce, «'un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social, peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Le ministère public et le comité d'entreprise sont habilités à agir aux mêmes fins.
S'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs de l'expert. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.
Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise, au commissaire aux comptes ainsi qu'au gérant. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité'».
L'article R.223-30 du code de commerce'prévoit une compétence spécifique du président du tribunal de commerce en matière d'expertise de gestion dès lors qu'il dispose que «'l'expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L.223-37 est désigné par le président du tribunal de commerce statuant en référé après que le greffier a convoqué le gérant à l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception'».
En conséquence, si la cour a pu juger précédemment, par arrêt du 14 janvier 2021, que le litige opposant d'une part M. [W] [S] et la SARL BCI à M. [O] [M], Mme [T] [Y] et l'EURL [O] [M], d'autre part, relevait de la compétence du tribunal judiciaire dès lors qu'il avait trait à des faits de concurrence déloyale, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, seul le président du tribunal de commerce a compétence pour ordonner une expertise de gestion relative à une société à responsabilité limitée.
L'ordonnance est dès lors confirmée de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée et de la concentration des moyens':
Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.
En outre, en application de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même'; que la demande soit fondée sur la même cause'; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.
Il résulte de l'article 488 du code de procédure civile que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles. L'article 488, qui vise de façon générique l'ordonnance de référé, s'applique tant à l'ordonnance rendue par le juge de première instance qu'à l'arrêt rendu en pareille matière sur l'appel qui en est interjeté.
En l'espèce, la demande, objet de la présente procédure, tend à solliciter une expertise de gestion sur des actes déterminés, à savoir la présence de créances irrécouvrables apparaissant aux exercices des années 2010 à 2020 et inscrites en comptabilité jusqu'en 2016.
Elle est dès lors différente en son objet de celle diligentée en 2014 par M. [W] [S] sur la base de dysfonctionnements relatifs à des entrées d'argent et sur la création par M. [O] [M] d'une société ayant le même objet social et la même enseigne que celle créée en 2007 par les deux associés (ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Marseille en date du 19 mars 2015).
Cette demande est également différente de celle formée «'avant-dire droit'» devant le juge du fond par M. [W] [S] afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire avec pour mission «'de déterminer les conséquences et le préjudice pour la société BCI de la captation de clientèle par l'EURL [M]'», demande qui a été rejetée par le tribunal de commerce de Marseille (jugement du 5 septembre 2017). La cour d'appel, saisie de ce litige, a, par arrêt du 9 septembre 2021, dit irrecevable la demande d'expertise financière sollicitée au fond par M. [W] [S] et la société BCI sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
Enfin, une autre procédure a opposé M. [O] [M], cette fois en qualité de demandeur, à M. [W] [S] et la société BCI, M. [O] [M] ayant sollicité lui-même une expertise de gestion portant sur certaines opérations et M. [W] [S] ayant répliqué par une autre demande d'expertise de gestion quant à la rémunération de M. [O] [M] et de Mme [T] [Y], demandes auxquelles il n'a pas été fait droit (ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille le 4 juin 2019).
A cet égard, il convient de rappeler qu'il appartient aux parties de présenter, dès la première instance, l'ensemble des moyens qu'elles estiment de nature à justifier leurs demandes ou le rejet des demandes de la partie adverse. Ainsi, la demande qui ne tend qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, est irrecevable (Civ. 2°, 27 février 2020).
Pour autant, ce principe ne fait pas obstacle à une nouvelle procédure lorsque un élément nouveau est porté à la connaissance des parties, notamment au visa de l'article 488 du code de procédure civile rappelé ci-dessus en matière de référé.
En l'espèce, il ressort du courrier adressé le 8 juin 2016 par M. [R] [N], qu'à cette date, l'expert-comptable mentionnait d'ores et déjà l'existence de «'créances irrécouvrables'»'au titre de la période du 1° janvier 2007 au 31 décembre 2014.
Dès lors, M. [W] [S] était déjà en possession, dès l'année 2016, d'éléments concernant ces créances «'irrécouvrables'», inscrites chaque année en comptabilité, et pouvait en conséquence solliciter une expertise sur cette question à l'occasion de l'instance initiée par ses soins le 18 janvier 2016 (jugement du 5 septembre 2017) ou encore à l'occasion de ses demandes reconventionnelles dans le cadre de l'instance initiée le 18 décembre 2018 par M. [O] [M], à l'occasion de laquelle il avait d'ores et déjà sollicité une expertise de gestion au visa du même article L.223-37 du code de commerce (ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Marseille du 4 juin 2019).
En conséquence, étant rappelé qu'en application de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise de gestion sollicitée par M. [W] [S] et statuant à nouveau, de juger cette demande irrecevable.
Ce faisant, il n'y a pas lieu d'examiner les conditions de mise en 'uvre de l'expertise, dès lors que l'irrecevabilité tirée de la fin de non-recevoir fait obstacle à tout examen au fond.
Sur la demande de production des procès-verbaux d'assemblée générale de la SARL BCI de l'année 2013 jusqu'à l'année 2020':
Il y a lieu de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté M. [O] [M] à ce titre considérant que cette demande est sans lien direct avec la demande d'expertise de gestion sollicitée et que M. [W] [S] conteste l'existence même d'assemblées générales avant 2019.
Mme [T] [Y] sera également déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive:
Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.
En l'espèce, il y a lieu de considérer qu'est abusive l'attitude de M. [W] [S] tendant à multiplier, par voie judiciaire, les demandes de vérifications portant sur des actes de gestion de la société BCI depuis 2010, et ce, alors qu'il en est lui-même co-gérant depuis 2007, et seul gérant depuis le 31 décembre 2013 au vu du procès-verbal d'assemblée générale du 26 février 2019, et a de ce fait, accès à tous les documents de la société.
Pour autant, étant observé que M. [O] [M] a lui-même initié certaines procédures relatives à la société BCI créée en 2007, il apparaît que ces démarches s'inscrivent dans un processus réciproque de règlement des différends opposant les deux associés, excluant l'existence d'un préjudice au bénéfice de M. [O] [M] et de Mme [T] [Y].
Sur les frais et dépens':
M. [W] [S], partie perdante, conservera la charge des dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
En outre, il sera tenu de payer à Mme [T] [Y] et M. [O] [M], chacun, la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance rendue le 13 juillet 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille sauf en ce qu'elle a':
-retenu la compétence matérielle du juge des référés du tribunal de commerce de Marseille,
-débouté M. [O] [M] de sa demande de production de 1'ensemb1e des procès-verbaux d'assemblée générale de la Société BCI de l'année 2010 jusqu'à l'année 2020
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit irrecevable la demande de M. [W] [S] tendant à voir ordonner une expertise de gestion,
Déboute Mme [T] [Y] de sa demande de production de 1'ensemb1e des procès-verbaux d'assemblée générale de la Société BCI de l'année 2010 jusqu'à l'année 2020,
Déboute M. [O] [M] et Mme [T] [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M. [W] [S] aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne M. [W] [S] à payer à M. [O] [M] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [W] [S] à payer à Mme [T] [Y] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,