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11/05/2023 | FRANCE | N°22/05879

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 11 mai 2023, 22/05879


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT DE JONCTION ET AU FOND

DU 11 MAI 2023



N° 2023/64









Rôle N° RG 22/05879 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIRJ



Jonction avec le RG 22/06132





[E] [B]





C/



S.A.R.L. TIME SUD

S.A. DELISLE

S.A. [P] [H] WATCHLAND









Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Eric MEDIONI





Me Romain CHERFILS







Décision déférée à la Cour :



Ordonnances de référé du Tribunal de Commerce de Cannes en date des 2 décembre 2021, 24 Février 2022 et 07 Avril 2022





APPELANTE



Madame [E] [B]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6], de nationalité française,

demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT DE JONCTION ET AU FOND

DU 11 MAI 2023

N° 2023/64

Rôle N° RG 22/05879 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIRJ

Jonction avec le RG 22/06132

[E] [B]

C/

S.A.R.L. TIME SUD

S.A. DELISLE

S.A. [P] [H] WATCHLAND

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Eric MEDIONI

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnances de référé du Tribunal de Commerce de Cannes en date des 2 décembre 2021, 24 Février 2022 et 07 Avril 2022

APPELANTE

Madame [E] [B]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEES

S.A.R.L. TIME SUD,

dont le siège est sis [Adresse 5]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , plaidant

S.A. DELISLE,

dont le siège est sis [Adresse 7] SUISSE

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , plaidant

S.A. [P] [H] WATCHLAND,

dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , plaidant et assistée de Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement en date du 23 avril 2021 le conseil de prud'hommes de Cannes a jugé que le licenciement de Mme [E] [B], embauchée par la société Time Sud comme collaboratrice des ventes, était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société Time Sud à lui payer diverses indemnités pour un montant de près de 100.000 euros, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par ce même jugement le conseil de prud'hommes a, en revanche, débouté Mme [B] de ses demandes formées à l'égard de la société Delisle, associée unique de la société Time Sud.

La société Time Sud a interjeté appel de ce jugement. La procédure est actuellement pendante.

Par actes des 9 juin 2021 Mme [E] [B] a assigné la société [P] [H], la société Delisle et la société Time Sud devant le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes, sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile, pour voir à titre principal:

-ordonner l'exécution provisoire du jugement du conseil de prud'hommes de Cannes à l'encontre de la société Delisle, unique associée de la société Time Sud,

-ordonner l'exécution provisoire dudit jugement in solidum à l'encontre du Groupe [P] [H] du fait de la confusion de patrimoine dûment démontrée avec ses sociétés filles

A l'audience devant le juge des référés les sociétés Time Sud et Delisle ont invoqué la nullité des assignations délivrées à leur encontre et par ordonnance du 2 décembre 2021 le juge des référés a rendu une première décision par laquelle il a statué sur l'exception de nullité, en ces termes:

-ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2021R00021, 2021R00025 et 2021R00036,

-dit irrecevable la demande de voir déclarée nulle l'assignation à l'encontre de Monsieur [P] [H], formulée par un conseil qui n'est pas constitué en sa faveur,

-débouté DELISLE SA et l'EURL TIME SUD de leur demande à voir déclarer nulle l'assignation délivrée par Madame [E] [B] le 9 juin 2021,

-convoqué les parties afin de les entendre sur leurs demandes à l'audience du 10 mars 2022 à 9h00,

-réservé les dépens et le sort des frais non compris dans les dépens

Par la suite, Mme [B] a saisi le juge des référés d'une requête en rectification d'erreur matérielle afin de «'rectifier l'ordonnance du 2 décembre en précisant dans le dispositif comme dans la motivation que VEBER Avocats devra se constituer pour l'audience du 10 mars 2022 à 9 h au nom de [P] [H] WATCHLAND SA'». Le juge des référés a rejeté cette requête par ordonnance du 24 février 2022.

Par déclaration en date du 26 avril 2022 Mme [E] [B] a formé un appel-nullité des deux ordonnances rendues par le juge des référés (procédure enrôlée sous le numéro 22/06132).

L'instance s'est poursuivie et par ordonnance en date du 7 avril 2022 le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes a :

-dit irrecevables les demandes de Madame [E] [B] à l'encontre de la SARL TIME SUD, la SA DELISLE et [P] [H] WATCHLAND SA,

-débouté la SARL TIME SUD, la SA DELISLE et [P] [H] WATCHLAND SA de leurs demandes de condamnation de Madame [E] [B] à leur payer la somme de 2.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-condamné Madame [E] [B] à payer à la SARL TIME SUD, la SA DELISLE et [P] [H] WATCHLAND SA la somme de 1.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

---------

Par acte du 21 avril 2022 Mme [E] [B] a interjeté de l'ordonnance rendue le 7 avril 2022 (procédure enrôlée sous le numéro 22/05879).

---------

Le 24 juin 2022 la société Delisle, la société Watchland [P] [H] et la société Time Sud ont saisi le président de la Chambre d'un incident tendant à faire déclarer nulle la déclaration d'appel de Mme [E] [B] dans la procédure enrôlée sous le numéro 22/06132 et subsidiairement la faire déclarer irrecevable.

Par ordonnance d'incident du 4 octobre 2022 le président de la Chambre a jugé que seule la cour saisie du fond était compétente à l'effet de statuer sur ces demandes.

----------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 5 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [E] [B] fait valoir que':

-les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile imposant que la déclaration d'appel comporte les chefs du jugement contestés n'est en vigueur qu'à compter du 27 février 2022'; ces dispositions ne s'appliquent pas à l'appel-nullité'; l'incident n'a été soulevé par les parties intimées que pour éviter à la cour de remarquer les graves dysfonctionnements de la juridiction commerciale de [Localité 4],

-sur le fond, le comportement du juge des référés lors des audiences de plaidoiries trahit une absence d'indépendance, de neutralité et d'impartialité justifiant l'annulation des procédures'; les articles 1343-1 et 1343-6 du code civil emportent condamnation in solidum des trois personnes morales'; si la société Time Sud avait confié à la société Delisle le soin de régler sa dette à Mme [E] [B] rien ne venait contrarier le droit légitime de celle-ci à poursuivre l'exécution du solde auprès de la société Delisle ni de le réclamer auprès de la maison mère le groupe Watchalnd [H] en cas de défaillance de ses deux sociétés filles dès lors qu'il avait été rapporté et démontré au magistrat saisi en référé, sans contestation sérieuse, qu'il fallait faire cesser un trouble manifestement illicite

Ainsi, Mme [E] [B] demande «'au conseiller de la mise en état'», au visa de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 901 du code de procédure civile, 700 du code de procédure civile, de':

-débouter les trois personnes morales de leur demande d'incident,

-condamner chacun d'entre elles à 1.000 euros d'art 700 du code de procédure civile outre aux dépens

Et sur le fond, à la cour, au visa des articles 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 1240 du code civil, 1343-1 et 1343-6 du code civil, 872 et 873 du code de procédure civile et 700 du code de procédure civile, de':

-annuler l'ordonnance du 7 avril 2022 et toute la procédure et ordonner la jonction de l'appel interjeté sur les autres ordonnances du même magistrat dans la cadre du même référé,

-réformer l'ordonnance de référé refusant de rectifier l'erreur matérielle en date du 24 février 2022 sous le numéro 2022 R 00007,

-dire l'ordonnance de référé en date du 2 décembre 2021 nulle et non avenue,

-ordonner la jonction des deux appels concernant le référé du tribunal de commerce de Cannes RG n°22:06132 et RG n°22/05879 pendant devant la même chambre 3-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

-juger que Mme [E] [B] est bien fondée et légitime à poursuivre l'exécution pour les sommes restantes à devoir et déterminées par l'huissier et en cas d'impossibilité de poursuivre cette exécution sur la société Time Sud ou sur la société Delisle de commettre un huissier suisse aux fins de recouvrer le solde auprès de la société Watchland [P] [H],

-condamner les 3 défendeurs à 5.000 euros chacun de dommages et intérêts,

-condamner chacun d'entre eux à 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

---------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 24 juin 2022 pour l'instance enrôlée sous le numéro 22/06132, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Delisle, la société Watchland [P] [H] et la société Time Sud répliquent que':

-la déclaration d'appel-nullité formée par Mme [E] [B] à l'encontre des ordonnances des 2 décembre 2021 et 24 février 2022 est nulle au visa de l'article 562 du code de procédure civile dès lors que cette déclaration ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués'; la déclaration d'appel n'a donc pas d'effet dévolutif de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie,

-l'appel est irrecevable': la décision de jonction d'instance n'est susceptible d'aucun recours; l'ordonnance sur requête est soumise à un délai d'appel de 15 jours, délai qui n'a pas été respecté, rendant Mme [E] [B] forclose en sa demande'; l'appel-nullité n'est recevable qu'à titre subsidiaire et la nature de la décision, portant sur des mesures d'administration judiciaire, exclut le recours à l'appel-nullité,

-les pièces de Mme [E] [B] doivent être rejetées dès lors qu'elles ne leur ont pas été communiquées (article 906 du code de procédure civile),

-sur le fond, Mme [E] [B] sollicite la réformation de l'ordonnance après en avoir sollicité la nullité,

-la procédure initiée par Mme [E] [B] relève de l'abus et de l'intention de nuire et justifie sa condamnation à des dommages et intérêts

Ainsi, les sociétés intimées, au visa des articles 368, 496, 537, 562, 906 et 950 du code de procédure civile et du décret n°2017-891du 6 mai 2017, demandent à la cour de':

A titre liminaire,

-prononcer la nullité de la déclaration d'appel n°22/05370 déposée par Mme [E] [B] le 26 avril 2022 à l'encontre des ordonnances du 2 décembre 2021 et du 24 février 2022

Subsidiairement,

-déclarer irrecevable l'appel interjeté par Mme [E] [B] le 26 avril 2022 à l'encontre des ordonnances du 2 décembre 2021 et du 24 février 2022,

-rejeter les pièces de Mme [E] [B] qui ne leur ont pas été communiquées en temps utile

Sur le fond,

-juger que la cour n'est saisie d'aucune demande faute d'effet dévolutif,

-confirmer les dispositions des ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce de Cannes le 2 décembre 2021 et le 24 février 2022

En tout état de cause,

-débouter Mme [E] [B] de l'intégralité de ses demandes,

-condamner Mme [E] [B] au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-condamner Mme [E] [B] au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction

---------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 5 juillet 2022 pour l'instance enrôlée sous le numéro 22/05879, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Delisle, la société Watchland [P] [H] et la société Time Sud répliquent que':

-l'appel-nullité interjeté par Mme [E] [B] est irrecevable': cet appel revêt un caractère subsidiaire et n'est pas recevable lorsque l'appelant dispose de la possibilité de former un appel-réformation ou toute autre voie de recours ou de rétractation'; or, Mme [E] [B] avait la possibilité de former un appel-réformation, ce qu'elle n'a pas fait,

-l'appel n'a pas d'effet dévolutif puisque Mme [E] [B] n'a pas précisé expressément les chefs du jugement critiqués conformément à l'article 562 du code de procédure civile'; la déclaration d'appel est donc irrégulière et la cour d'appel n'est pas saisie,

-le jugement du conseil de prud'hommes a autorité de la chose jugée et un appel en a été interjeté de sorte que seule la chambre sociale est compétente,

-sur le fond, Mme [E] [B] n'a aucune créance sur la société Time Sud ni sur aucune société du groupe, qui ne sont pas concernées; la demande d'extension de l'exécution provisoire sur la base d'une prétendue confusion de patrimoine est grotesque'; cette notion, prévue par l'article L.621-2 du code de commerce n'est prévue que pour les procédures collectives'; en l'espèce, aucune des sociétés n'est placée sous le régime des procédures collectives,

-elles subissent une procédure d'appel qui n'a pas lieu d'être'; cette procédure relève de l'abus et de l'intention de nuire

Ainsi, au visa des articles 32-1 et 562 du code de procédure civile, du décret du 6 mai 2017, les sociétés intimées demandent à la cour de':

A titre principal,

-déclarer irrecevable l'appel-nullité interjeté par Mme [E] [B] le 21 avril à l'encontre de l'ordonnance du 7 avril 2022 rendue par Monsieur le président du tribunal de commerce de Cannes

A titre subsidiaire,

-juger que la cour n'est saisie d'aucune demande, faute d'effet «'évolutif'»

A titre infiniment subsidiaire,

-déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [E] [B] lesquelles se heurtent à l'autorité de la chose jugée,

-confirmer les dispositions de l'ordonnance du 7 avril 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de cannes

En tout état de cause,

-débouter Mme [E] [B] de l'intégralité de ses demandes,

-condamner Mme [E] [B] au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-condamner Mme [E] [B] au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, dont distraction

MOTIFS

Sur la jonction des procédures':

En application des articles 367 et 368 du code de procédure civile il y a lieu d'ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les n° 22/05879 et 22/06132 dès lors qu'elles présentent un lien de connexité tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble, les appels étant relatifs à la même instance.

Sur la demande tendant à voir écarter les pièces de Mme [E] [B]':

Aux termes de l'article 906 du code de procédure civile les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie.

En l'espèce, le conseil de Mme [E] [B] n'établit pas que ses pièces ont été communiquées par la voie du réseau privé virtuel des avocats aux autres parties à l'exception de la pièce numérotée 19, de sorte que les pièces n°1 à 18 incluses sont écartées des débats.

Sur la nullité de la déclaration d'appel et la recevabilité de l'appel formés par Mme [E] [B]'à l'encontre des ordonnances rendues le 2 décembre 2021 et le 25 février 2022:

Par déclaration en date du 26 avril 2022 Mme [E] [B] a formé un appel-nullité à l'encontre de deux des trois ordonnances rendues par le juge des référés, à savoir une première en date du 2 décembre 2021 ayant joint les trois procédures enrôlées, rejeté l'exception de nullité de l'assignation introductive soulevée par les intimées et renvoyé les parties à conclure au fond, et une seconde en date du 24 février 2022 ayant rejeté la requête en rectification de la première ordonnance présentée par Mme [E] [B].

A cet égard, l'appel ne défère à la cour que les chefs de la décision qu'il critique expressément, conformément à l'article 562 du code de procédure civile. Néanmoins, cette exigence ne s'applique pas lorsque «'l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'» en application de l'article 901 4° du même code.

Ce moyen n'est dès lors pas de nature à entraîner la nullité de la déclaration d'appel.

Par ailleurs, au visa de l'article 543 du code de procédure civile l'appel-nullité n'est recevable qu'en cas d'excès de pouvoir, consistant pour le juge à méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger, et ne peut être utilisé que lorsqu'aucune autre voie de recours n'est ouverte.

Il résulte de la combinaison des articles 490, 544 et 462 du code de procédure civile que l'appel immédiat d'une décision statuant sur «'une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident'» n'est possible que si par cette même décision il est mis fin à l'instance.

Les décisions rejetant une requête en rectification d'erreur ou d'omission matérielle obéissent, en ce qui concerne les voies de recours, aux règles ordinaires et sont donc susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation selon qu'elles sont rendues en premier ou dernier ressort. (Civ.2°, 21 décembre 2000, Civ. 2°, 22 septembre 2011). S'agissant d'une ordonnance de référé ce délai est de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance au visa de l'article 490 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'ordonnance rendue le 2 décembre 2021 n'était pas susceptible d'appel immédiat en ce qu'elle n'a pas mis fin à l'instance, le juge ayant expressément renvoyé les parties à l'audience du 10 mars 2022.

Pour autant, Mme [E] [B] ne justifie pas de l'excès de pouvoir commis par le juge des référés, seul de nature à autoriser le recours à un appel-nullité.

Ainsi, Mme [E] [B], demande à la cour de dire «'l'ordonnance de référé en date du 2 décembre 2021 nulle et non avenue dans le sens où elle viole le principe de l'interdiction de tout dilatoire et celle de l'égalité des armes comme de la neutralité et l'indépendance du Magistrat puisqu'elle octroyait devant la mauvaise foi des plaidantes en défense qu'elles n'avaient point été averties de se constituer pour le compte de [P] [H] WATCHLAND SA et malgré la production d'un mail la veille émanant de leur Conseil et affirmant l'avoir été...'» (Sic).

Elle soutient encore que «'cette ordonnance de jonction du 2 décembre 2021 n'avait aucune utilité dès lors que le Magistrat saisi du Référé avait pris connaissance du courriel de l'Avocat des 3 personnes morales déclarant la veille du 7 octobre date d'audience de plaidoirie qu'il se constituait pour ses clients nonobstant le fait qu'il avait été remis au Magistrat du tribunal de commerce de Cannes, quelques semaines auparavant, la preuve que l'assignation avait été de nouveau signifiée, pour couvrir l'irrégularité de pure forme, rectifiant et désignant WATCHLAND [P] [H] SA. et non [P] [H] ou Monsieur [P] [H] et ceci, alors même qu'une injonction d'y procéder n'avait été ordonnée mais que seuls Madame [B] et son Conseil, se rendant compte de l'erreur matérielle de leur Huissier avaient décidé d'anticiper et de faire délivrer une nouvelle fois la même assignation'» (Sic).

Ces éléments ne permettent pas de qualifier un excès de pouvoir de la part du juge des référés et pas davantage une absence d'indépendance, de neutralité et d'impartialité.

Mme [E] [B] fait essentiellement grief à l'ordonnance d'avoir prononcé la jonction des procédures, alors même qu'en application de l'article 537 du code de procédure civile, les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours, étant observé que pour le surplus, le juge des référés a rejeté les demandes tendant à voir annuler les assignations délivrées par Mme [E] [B], de sorte que celle-ci ne justifie d'aucun grief à l'encontre de la décision de ce chef.

Pour le surplus, aucun autre élément ne vient corroborer l'existence d'un excès de pouvoir commis par le juge des référés ou tout autre acte permettant de retenir une méconnaissance par celui-ci de l'étendue de son pouvoir de juger.

S'agissant de l'ordonnance ayant refusé la rectification le 24 février 2022, Mme [E] [B] ne justifie pas qu'elle ne disposait d'aucun autre voie de recours de sorte que l'appel-nullité est de facto irrecevable.

En conséquence, il y a lieu de juger irrecevable l'appel-nullité interjeté par Mme [E] [B] à l'encontre des ordonnances rendues les 2 décembre 2021 et 25 février 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes.

Sur la recevabilité de l'appel formé par Mme [E] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 7 avril 2022':

Par déclaration d'appel en date du 21 avril 2022 Mme [E] [B] a formé un appel-nullité à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 7 avril 2022, laquelle a rejeté sa demande d'extension de l'exécution provisoire prononcée par le conseil de prud'hommes à l'encontre des sociétés Watchland [P] [H] et Delisle.

Néanmoins, au visa des règles rappelées ci-dessus, Mme [E] [B] n'établit pas qu'elle ne disposait d'aucune autre voie de recours à l'encontre de cette ordonnance, l'appel-nullité n'ayant qu'un caractère subsidiaire, et ne pouvant être utilisé que lorsqu'aucune autre voie de recours n'est ouverte (Com 7 juillet 1998).

En conséquence, est également irrecevable l'appel-nullité interjeté par Mme [E] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 7 avril 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes.

Sur les dommages et intérêts':

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

De même, en application de l'article 559 du code de procédure civile en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.

Il convient de rappeler que l''«'amende civile'» prononcée sur le fondement des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile ne peut l'être qu'à l'initiative du juge et non des parties, cette amende revenant à l'Etat.

Ainsi, au visa de ces textes il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par les sociétés Time Sud, Delisle et [P] [H] Watchland.

Sur les frais et dépens':

Mme [E] [B], partie perdante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, elle sera tenue de payer aux sociétés Time Sud, Delisle et Watchland [P] [H], la somme totale de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des procédures numéro 22/05879 et numéro 22/06132 qui seront suivies sous le seul et unique numéro 22/05879,

Écarte des débats les pièces n°1 à 18 incluses déposées par le Conseil de Mme [E] [B] en cause d'appel, en l'absence de communication de ces pièces au Conseil des intimées par la voie du réseau privé virtuel des avocats,

Rejette la demande de nullité de la déclaration d'appel formée le 26 avril 2022 (RG n°22/06132),

Dit irrecevables les appels-nullité interjetés par Mme [E] [B] à l'encontre des ordonnances rendues les 2 décembre 2021, 24 février 2022 et 7 avril 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Cannes,

Déboute les sociétés Time Sud, Delisle et [P] [H] Watchland de leur demande de dommages et intérêts fondée sur les articles 32-1 et 559 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [B] aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [B] à payer aux sociétés Time Sud, Delisle et Watchland [P] [H] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 22/05879
Date de la décision : 11/05/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.05879 ?
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